RAIDS TURCS AU KURDISTAN D’IRAK


Le président de la république de Turquie a rencontré le 8 janvier George W. Bush à la Maison Blanche. Les relations turco-américaines s’étaient refroidies en 2007 en raison des menaces d’interventions turques au Kurdistan d’Irak et d’une résolution sur le génocide arménien adoptée par le Congrès. Un diplomate turc, parlant sous couvert d’anonymat, a qualifié de « plus convenable » la ligne des relations diplomatiques entre les deux pays, se félicitant des « efforts américains au sujet du PKK ». De même, le conseiller en chef du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan pour la politique étrangère, a exprimé sur CNN sa satisfaction au sujet de la « coopération turco-américaine » contre le PKK.
Pour la première fois, George Bush a utilisé le terme « d’ennemi commun » à propos du Parti des travailleurs du Kurdistan et promis de fournir des renseignements en temps réel sur les mouvements du PKK dans les montagnes kurdes : « Nous avons affaire à des problèmes communs. L'un de ces problèmes est la poursuite de notre lutte contre un ennemi commun, les terroristes », a déclaré le président des Etats-Unis. « Et cet ennemi commun, c'est le PKK. C'est l'ennemi de la Turquie, c'est l'ennemi de l'Irak et c'est l'ennemi des gens qui aspirent à vivre en paix ».
Les Etats-Unis ont aussi invité la Turquie à coopérer avec l’Irak pour une « solution politique à long terme » afin de mettre fin aux actions du PKK. Mais Abdullah Gül a exclu toute discussion directe avec ce parti, en comparant le mouvement kurde à Al-Qaeda et écartant toute solution politique négociée avec la guérilla kurde.
Depuis le 16 décembre, plusieurs raids aériens ont été lancés de Turquie contre le Kurdistan d’Irak. Le 11 janvier, un nouveau bombardement a touché la région d’Amadiyah, au nord de Dohouk, tirs d’artillerie confirmés par le général Jabbar Yawar, porte-parole des Peshmergas, et les garde-frontières kurdes. Le 22 janvier, c’est l’espace aérien irakien qui a été violé par l’aviation turque, laquelle a bombardé plusieurs villages dans les districts d’Amadiyya, Duhok, Erbil. Le jour même, l’armée turque a été mise en état d’alerte maximale et les raids se sont poursuivis jusqu’au 30 janvier. Depuis le début de l’hiver, l’armée turque a massé 150 000 soldats le long de la frontière irakienne. Un système de surveillance a été également mis en place sur 280 kilomètres en bordure du Kurdistan d’Irak, avec des centaines de caméras à infrarouge. Le 19 janvier, une cinquantaine de chars turcs ont aussi manoeuvré dans la ville de Cizre, avec des troupes d’infanterie.
En octobre dernier, le parlement turc avait autorisé l’armée à franchir la frontière pour d’éventuelles « incursions » contre les bases du PKK installées à Qandil, au Kurdistan d’Irak. Mais les Kurdes d’Irak y voient plutôt une volonté de la Turquie d’empêcher l’émergence d’un Etat kurde autonome en utilisant le prétexte du PKK pour occuper la Région.
Par ailleurs, les huit soldats turcs qui avaient été faits prisonniers par le PKK le 21 octobre 2007, puis avaient été relâchés par le mouvement kurde sans condition le 4 novembre, ont été emprisonnés et jugés par le tribunal militaire de Van. Le procureur a requis des peines allant de trois ans d'emprisonnement à la prison à vie. La plus lourde peine est requise contre le soldat d’origine kurde Ramazan Yüce, qui aurait crié en kurde aux combattants du PKK qu’il se rendait, et répondu par la suite aux questions des journalistes de la chaîne Roj TV, proche des combattants kurdes. Ramazan Yüce est poursuivi pour « apologie du crime », « insubordination persistante ayant conduit à de graves pertes », « soutien à des activités visant à briser l'unité de l'Etat et l'intégrité du pays », « fuite à l'étranger », « propagande pro-PKK et contre le service militaire », selon le journal turc Radikal. Ce procès est par ailleurs interdit de diffusion dans les médiats turcs par le tribunal militaire de Van depuis le 13 novembre, « dans l'intérêt de la sécurité nationale ».
L'attaque du 21 octobre, qui avait fait 12 morts parmi les soldats turcs, en plus des 8 prisonniers, avait indigné l'opinion publique turque et agité les partisans d’une intervention militaire au Kurdistan d’Irak. Libérés, les soldats avaient, pour leur part, fait état d’un armement défectueux ou inexistant, et avaient accusé leurs officiers de les avoir « lâchés » en pleine montagne.

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