jeudi, mars 31, 2011

KIRKOUK : TENSIONS AUTOUR DU RETRAIT DES PESHMERGAS


La « journée de la colère » organisée dans tout l’Irak le 25 février, et diversement suivie selon les provinces, a eu pour conséquences inattendues d’envenimer le débat sur Kirkouk et son statut, disputé entre Kurdes et Irakiens. Le gouverneur de Kirkouk a, en effet, interdit une manifestation d’Arabes dans la ville et imposé un couvre-feu, alors que les troupes des Peshmergas entourent Kirkouk. Les partis pro-Arabes ont violemment critiqué cette décision, arguant que ses raisons ne tenaient qu’à une des revendications prévues par les manifestants, à savoir le départ des forces kurdes de la province.

Mais le ministre kurde des Peshmergas, Jaafar Sheikh Mustafa, a rétorqué que la présence de ses troupes était nécessitée par le danger que des Arabes extrémistes irakiens faisaient peser sur les Kurdes de Kirkouk. Ainsi, alors que ces derniers refusaient de prendre part aux manifestations du 25, les Kurdes semblaient craindre une attaque des quartiers et des partis politiques kurdes de la part des manifestants. Cette crainte a été confirmée par Jaafar Mustafa, qui a notamment cité une déclaration hostile aux Kurdes de la part des mouvements arabes : « Les Baathistes avaient l’intention de s’attaquer aux institutions dirigées par les Kurdes et les Turkmènes (…) quand les forces de sécurité seront à même d’assurer la sécurité de Kirkouk, alors les Peshmergas se retireront. » Jaafar Mustafa a ajouté que les meneurs arabes incriminés ne représentaient pas le point de vue des « véritables » Arabes de Kirkouk. Le général Aziz Waisi, commandant des Zerevani (forces spéciales kurdes) a confirmé lui aussi que le but des militaires kurdes étaient de protéger leurs compatriotes des attaques extrémistes arabes : « Nous sommes venus à Kirkouk à la demande du gouverneur, nous ne retirerons pas nos forces tant qu’il ne nous le réclamera pas. » Rizgar Ali, Kurde membre du Conseil provincial de Kirkouk, a, pour sa part, rappelé que les Kurdes ne s’étaient pas déployés autour de la ville sans l’accord des USA : « Cela est survenu après un accord passé entre le ministre des Peshmergas et les forces américaines. »

Par ailleurs, les Peshmergas stationnent dans d’autres zones à population kurde non encore rattachées au Kurdistan, dans des districts de la province de Diyala. Ainsi celui de Jalawla, qui avait perdu près de 600 familles kurdes, obligées de fuir dans la Région du Kurdistan après avoir été menacées par des milices arabes. Plus de 400 civils kurdes avaient été assassinés par des groupes insurgés, ces trois dernières années. Depuis, des Peshmergas issus de Suleïmanieh y stationnent en permanence, comme l’explique Mahmoud Samgawi, leur commandant : « Sous couvert de manifestations, des terroristes voulaient attaquer les Kurdes et les massacrer. Maintenant la situation est stable et les Peshermgas restent à Jalawla. »

Dans une conférence de presse commune, des députés kurdes et turkmènes de la province ont décrit la situation comme « très sensible » et ont insisté sur l’urgence d’organiser des élections provinciales. Confirmant les craintes sécuritaires des Kurdes, des bâtiments gouvernementaux et des stations de police ont été attaqués et incendiés le 25 février, dans deux villes de la province, Hawija et Riyadh, alors que trois policiers étaient tués.

La polémique a très vite dépassé les frontières de l’Irak quand le journal turc Milliyet, commentant la visite dans la Région du Kurdistan d’une délégation du ministère des Affaires étrangères turc, menée par Fereydun Sinirlioglu, adjoint du ministre, a rapporté que l’objet de cette délégation venue pour rencontrer Massoud Barzani, était la question de Kirkouk et le stationnement des forces kurdes. Les Turcs auraient ainsi exprimé leur ‘inquiétude’ pour la communauté turkmène de la ville et demandé au président de la Région kurde de retirer ses troupes.

Mais Jabbar Yawar, porte-parole du ministre des Peshmergas a répliqué qu’il s’agissait d’une affaire interne à l’Irak, et que cette requête du gouvernement turc n’avait jamais eu lieu, à sa connaissance. Loin de s’apaiser, le débat s’est enflammé quand le président de l’Irak, Jalal Talabani, a déclaré, le 7 mars, que Kirkouk était ‘la Jérusalem du Kurdistan’, une profession de foi que l’on avait plus l’habitude d’entendre, jusqu’ici, dans la bouche de Massoud Barzani, même si Jalal Talabani s’exprimait moins en président de l’Irak qu’en leader de son parti l’UPK, dans son fief de Suleïmanieh, pour commémorer le soulèvement kurde de 1991.

Si des députés arabes et turkmènes de Kirkouk se sont indignés, d’autres ont vu une possible tentative d’apaiser ou de détourner la contestation à laquelle le gouvernement kurde fait face dans cette même ville. Mais les politiciens hostiles au rattachement ont tous protesté du fait de la fonction politique exercée par Jalal Talabani, qui « ne représente pas un groupe ou un parti quelconque, mais est président de la république d’Irak » comme l’a dénoncé la députée du bloc sunnite Al-Iraqiyya, Wihda Al-Djemeili, ajoutant que « l’inclination » des Kurdes à l’annexion de Kirkouk était « énorme » et qu’ils avaient, à cet égard, une « vision stratégique ». Un membre arabe du Conseil provincial de Kirkouk, Mohammed Khalil al-Jubouri, a lui aussi critiqué cette prise de position, disant qu’en tant que président d’Irak il devait rester impartial. Les Kurdes, par contre, ont répliqué qu’à ce meeting de l’UPK, Jalal Talabani ne parlait qu’en tant que leader de son propre parti. Cela n’a pas empêché des députés irakiens du groupe sunnite Al-Iraqiyya de lancer une pétition réclamant la ‘convocation’ de Jalal Talabani au Parlement, demande rejetée par la Coalition nationale, groupe mené par le Premier Ministre Nouri Al-Maliki, qui a estimé que cela nuirait à la stabilité politique en cours, que Kirkouk était une province irakienne et que les propos de Jalal Talabani n’y changeaient rien.

Pendant ce temps, les pressions ont continué, à la fois de la part des Américains et des Irakiens, pour le retrait des Peshmergas kurdes de Kirkouk, pressions qui se heurtaient au refus persistant des Kurdes. Le site de presse kurde Aknews a même, le 15 mars, parlé d’un ultimatum de deux semaines laissé aux Kurdes par les Américains pour ce retrait. Cette nouvelle a été rapidement démentie, dès le lendemain, par un porte-parole de la coalition parlementaire kurde à Bagdad, Muayyid al-Tayyib. Dans le même temps, le gouvernorat provincial de Kirkouk, ayant démissionné ce mois-ci, un nouveau gouverneur et un nouveau chef du conseil provincial ont été élus, au grand dam de certaines figures politiques arabes de la province qui avaient appelé au boycott de ces élections. C’est en effet un député kurde, le Dr. Najmaldin Karim, qui a été élu au poste de gouverneur, tandis qu’un Turkmène, Hassan Toran, a pris la tête du conseil provincial de Kirkouk. Cette alliance kurdo-turkmène n’a pas été du goût des partis arabes qui ont dénoncé cette « marginalisation ».

Finalement, et malgré les dénégations antérieures de « pressions américaines », les forces des Peshmergas se sont retirées de certaines positions au sud-est de Kirkouk et ont cédé la place aux troupes des USA, le 28 mars. Des troupes kurdes sont maintenues au nord et au nord-est. Le ministre des Peshmergas a annoncé officiellement qu’un accord avait été trouvé avec les forces irakiennes et américaines pour appliquer un nouveau dispositif de sécurité.

radio : diyarbakir, jean kellens, femmes d'iran, qalandars

Dimanche 3 avril 2011 à 8h00 sur France Culture : Diyarbakir, le portrait d'une ville orientale de Turquie. Avec François Skvor, traducteur de Diyarbakir, la ville qui murmure en ses murs, de Şeyhmus Diken, éd. Turquoise. Foi et tradition, Sébastien de Courtois.

Présentation de l'éditeur
Diyarbakir, le Tigre, la Mésopotamie : cinq mille ans pour une histoire d’amour qui s’est perpétuée jusqu’à nos jours. Aujourd’hui, au XXIe siècle, Diyarbakir – « Amed » de son nom kurde – est la métropole du sud-est de la Turquie, une agglomération en extension permanente que les Kurdes de cette région tiennent pour leur capitale. Dans cet ouvrage, publié en français pour la première fois, Seyhmus Diken se fait la voix de sa ville natale – une voix douce et amicale, une voix apaisée. Voix de son passé, de ses murs antiques et monumentaux, de cet anneau de pierre noire qui lui offre les plus longues fortifications urbaines de la planète. Au fil des pages s’impose le caractère basaltique d’une cité que dévorent le présent, les souffrances et les vagues de l’exil des hommes. L’auteur donne la parole aux lieux enfouis, détruits et oubliés, aux sensations, aux amitiés envolées, à cette nostalgie que distillent chants et poèmes où se rêve Diyarbakir. À mille lieues de tout discours urbanistique, il se livre à un essai de géographie intime, conviant en ses lignes un assemblage unique de souvenirs personnels, d’anecdotes et d’airs populaires qui donnent une chair si singulière à cette ville fugitive. Suivre le sillage du guide Seyhmus Diken, c’est plonger – par le texte et ici par l’image – dans la mémoire d’une Turquie « turque » mais aussi kurde, juive, arménienne, syriaque et chrétienne, d’une Turquie bien plus complexe et bigarrée que ne le dit, que ne le veut le présent. C’est en redécouvrir les promesses.
Biographie de l'auteur
Ecrivain et chroniqueur, il est l’un des plus grands spécialistes de Diyarbakîr, sa ville natale. Né en 1954 dans une famille kurde, il a fait ses études à la faculté des sciences politiques d’Ankara. Vivant actuellement à Diyarbakir, il est conseiller auprès du cabinet du maire. Militant actif au sein de la société civile turque depuis de nombreuses années, il est également passionné par l’histoire locale et orale de la Turquie, et notamment par l’identité et la culture de ses villes. Chroniqueur prolifique, Seyhmus Diken est aussi l’auteur de sept ouvrages, tous consacrés à sa ville et à sa région natales. Il est le représentant du Pen Club pour Diyarbakir.

Broché: 256 pages
Editeur : Turquoise (6 janvier 2010)
Collection : Ecriturques
Langue : Français
ISBN-10: 2951444842
ISBN-13: 978-2951444843




Du dimanche 3 au vendredi 8 avril à 0h00, Langues et religions indo-iraniennes. Le panthéon mazdéen ; dieux qui survivent et dieux qui naissent. Collège de France, cours de Jean Kellens. L'Éloge du Savoir.

Lundi 4 avril à 12h 05 sur Fréquence Protestante : L'Iran, les femmes et l'islam. Avec Chahla Chafiq et Jacqueline Costa-Lacoux, sociologues. Midi-Magazine, C. Boulanger.

Mardi 5 avril à 21h 00 : Alexandre Papas pour Mystiques et vagabonds en terre d'islam. Portrait de trois soufis qalandar (Cerf). Les Racines du Ciel, F. Lenoir.

Présentation de l'éditeur
Ne t'avait-Il pas trouvé orphelin et t'a assuré le logis ? Ne t'avait-II pas trouvé errant et t'a guidé ? Ne t'avait-Il pas trouvé pauvre et t'a enrichi ? Ce que le Coran formule, des mystiques musulmans l'ont incarné : si la condition humaine est orpheline, errante et misérable, alors le mystique sera sans logis, ni guide, ni biens. Sa quête de transcendance ne connaîtra aucune des entraves du monde. C'en est fini de la famille, du carcan social, des ambitions des uns, des opinions des autres ; fini des tâches utiles, des rituels ou des livres abscons ; fini du confort et du cours de la vie. Il faut sans arrêt partir. Tel est l'esprit de ce courant radical de la mystique musulmane appelé Qalandariyya. Privilégiant la biographie sur la description théorique, ce livre raconte en détail les voyages initiatiques de trois soufis qalandar sur les routes de la grande Asie centrale. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, la région, creuset de multiples traditions religieuses, voit renaître la pratique de l'errance et du vagabondage spirituels. Une partie de l'élite lettrée quitte les sentiers battus de la foi pour redécouvrir la spiritualité des déserts et des steppes. Parmi elle, trois jeunes hommes, nommés Mashrab, Zalîlî et Nidâ'î, se font poètes mendiants pour narrer leurs aventures. A partir de ces récits de voyage, traduits ici pour la première fois dans une langue occidentale, nous suivrons leurs itinéraires, des portes de la Chine jusqu'à Samarcande, La Mecque à l'horizon, en tâchant d'écouter ce qu'ils ont à nous dire sur le monde et sur les sociétés. A travers leur regard parfois halluciné, c'est une époque qui se révèle. L'ordre médiéval s'éteint définitivement, laissant place à une modernité pleine de promesse et d'inquiétude.
Biographie de l'auteur
Alexandre Papas est historien du soufisme et de l'Asie centrale. il est chargé de recherche au CNRS.


Broché: 338 pages
Editeur : Cerf (25 novembre 2010)
Collection : Patrimoines. islam
Langue : Français
ISBN-10: 2204092940
ISBN-13: 978-2204092944



mercredi, mars 30, 2011

KURDISTAN D’IRAK : VISITE HISTORIQUE DU PREMIER MINISTRE TURC


Les 28 et 29 mars le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan s’est rendu en visite en Irak, accompagné de plusieurs ministres et d’une délégation d’hommes d’affaires « pour évoquer les relations politiques et économiques importantes avec ce pays voisin et renforcer la coopération économique et des sujets régionaux » a indiqué une source diplomatique turque, ajoutant que la question de la lutte contre le PKK serait également abordée avec le président de l’Irak, Jalal Talabani et le Premier ministre Nouri Al-Maliki.

Mais le point fort de cette visite a été l’étape d’Erbil, puisque c’était la première fois qu’un chef de gouvernement turc se rendait dans la capitale kurde. Le PKK n’était pas le seul sujet de désaccord entre la Turquie et la Région kurde. La question de Kirkouk et des relations entre Kurdes et Turkmènes a été aussi abordée, comme l’avait annoncé, un jour avant, Saadeddine Arkij, leader du Front turcoman, parti soutenu par Ankara. Mais, signe du réchauffement politique entre Kurdes et Turcs, le chef du Front turkmène a indiqué que le gouvernement turc insistait pour qu’ils règlent « leurs différends avec les Kurdes » : « Un des objectifs de cette visite est d'essayer de réduire les divergences entre Turcomans et Kurdes, mais on ignore ce qui va se décider. »
Recep Tayyip Erdogan a profité de cette visite pour inaugurer avec Massoud Barzani l’aéroport d’Erbil nouvellement agrandi, et qui peut désormais accueillir 150 vols par jour. Dans son discours d’inauguration, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a qualifié le nouvel aéroport international de « premier pas dans la construction d’une infrastructure solide dans tout l’Irak, et particulièrement au Kurdistan, et c’est une clef pour beaucoup de projets à plus grande échelle dans le développement du Kurdistan et de l’Irak. » Massoud Barzani a ensuite salué la présence du Premier ministre et du ministre des Affaires étrangères turcs : « Nous considérons cela comme un moment très historique. Nous croyons que cette visite bâtira un pont très solide dans les relations bilatérales entre l’Irak et la Turquie et tout particulièrement entre la Turquie et la Région du Kurdistan. »

Recep Tayyip Erdogan a souligné les « liens historiques et culturels avec l’Irak » et avec « cette belle région » (sans nommer explicitement le Kurdistan). Il a annoncé que les prochains vols Turkish Airlines pour Erbil démarreraient le 14 avril prochain. Jusqu’ici, c’était une compagnie privée, Atlas Jet, qui assurait, d’Istanbul, 4 vols hebdomadaires pour Erbil et Suleïmanieh. Turkish Airlines mettra en place 3 vols par semaines pour Erbil.

En plus du Premier Ministre, la présence de Mehmet Simsek, ministre des Finances, a permis de mettre à la fois cette délégation turque sous le signe de la coopération économique, mais aussi linguistique, puisque Mehmet Simsek, originaire de Batman, a pu prononcer un discours en kurde, en parlant d’une ‘fraternité millénaire’ entre Kurdes et Turcs. Mais alors qu’en Turquie même, les élus kurdes peuvent encore être poursuivis pour avoir prononcé des discours en kurde devant leur électorat, d’aucuns y voient surtout une tentative d’apaiser ou de se concilier les faveurs de l’électorat kurde de Turquie pour les prochaines élections.

Le cortège des officiels s’est ensuite dirigé vers le consulat turc qui, bien que déjà ouvert depuis un certain temps, était ‘inauguré’ ce même jour, pour l’occasion. Cette fois, dans son discours, le Premier ministre turc a insisté sur les liens économiques entre les deux capitales et l’ampleur des investissements turcs au Kurdistan : « L’an dernier, la Turquie a réalisé plus de 7 milliards de dollars de chiffre d’affaire en Irak, dont plus de la moitié dans les provinces du Nord. Il y a actuellement plus de 20 000 Turcs qui ont obtenu des permis de travail dans le gouvernorat d’Erbil et plus de 35 000 si nous y ajoutons Duhok et Suleïmanieh. »

Un entretien privé a ensuite eu lieu entre le président Barzani et le Premier ministre Tayyip Erdogan, portant sur les relations bilatérales, les liens économiques et la coopération énergétique.

Parution : La Turquie : Occident ou Orient ?




"Osman Ier, fondateur de l’Empire ottoman en 1299, l’alliance du Lys et du Croissant sous François Ier, la prise de Constantinople (1453), le siège de Vienne, l’apogée de l’Empire turc à la mort de Soliman le Magnifique (1566), les fastes de la Sublime Porte, l’homme malade de l’Europe, le kémalisme, le traité de Sèvres sont autant de mots, de concepts, de formules, de clichés qui hantent encore l’imaginaire des Français. Mais nous sommes bien loin, hélas, du xixe siècle, lorsque l’université de Galatasaray attirait les élites balkaniques et que la presse turque (écrite en français) faisait la différence entre ce qui était traditionnel, à la Turquie, et ce qui était moderne, à la franca.
De fait, l’ancienne deuxième Rome, Byzance, devenue Constantinople puis Istanbul, n’est pas simplement une destination touristique avec la Corne d’or, Topkapi, Sainte-Sophie. C’est aujourd’hui une ville de plus de 13 millions d’habitants, située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, qui domine de loin par ses activités multiples la capitale officielle de la Turquie postkémaliste : Ankara. Cette dernière, bâtie sur les sables du désert, trop récente pour être attrayante, compte moins de 4 millions d’habitants. Symbole d’un réancrage asiatique qu’avait voulu Atatürk, elle est aujourd’hui le centre de gestion politique d’un pays euro-asiatique de quelque 783 562 km2, dont on sait qu’il a posé en 2005 sa candidature à l’entrée dans l’Union européenne…"

KIRKOUK : TENSIONS AUTOUR DU RETRAIT DES PESHMERGAS


La « journée de la colère » organisée dans tout l’Irak le 25 février, et diversement suivie selon les provinces, a eu pour conséquences inattendues d’envenimer le débat sur Kirkouk et son statut, disputé entre Kurdes et Irakiens. Le gouverneur de Kirkouk a, en effet, interdit une manifestation d’Arabes dans la ville et imposé un couvre-feu, alors que les troupes des Peshmergas entourent Kirkouk. Les partis pro-Arabes ont violemment critiqué cette décision, arguant que ses raisons ne tenaient qu’à une des revendications prévues par les manifestants, à savoir le départ des forces kurdes de la province.

Mais le ministre kurde des Peshmergas, Jaafar Sheikh Mustafa, a rétorqué que la présence de ses troupes était nécessitée par le danger que des Arabes extrémistes irakiens faisaient peser sur les Kurdes de Kirkouk. Ainsi, alors que ces derniers refusaient de prendre part aux manifestations du 25, les Kurdes semblaient craindre une attaque des quartiers et des partis politiques kurdes de la part des manifestants. Cette crainte a été confirmée par Jaafar Mustafa, qui a notamment cité une déclaration hostile aux Kurdes de la part des mouvements arabes : « Les Baathistes avaient l’intention de s’attaquer aux institutions dirigées par les Kurdes et les Turkmènes (…) quand les forces de sécurité seront à même d’assurer la sécurité de Kirkouk, alors les Peshmergas se retireront. » Jaafar Mustafa a ajouté que les meneurs arabes incriminés ne représentaient pas le point de vue des « véritables » Arabes de Kirkouk. Le général Aziz Waisi, commandant des Zerevani (forces spéciales kurdes) a confirmé lui aussi que le but des militaires kurdes étaient de protéger leurs compatriotes des attaques extrémistes arabes : « Nous sommes venus à Kirkouk à la demande du gouverneur, nous ne retirerons pas nos forces tant qu’il ne nous le réclamera pas. » Rizgar Ali, Kurde membre du Conseil provincial de Kirkouk, a, pour sa part, rappelé que les Kurdes ne s’étaient pas déployés autour de la ville sans l’accord des USA : « Cela est survenu après un accord passé entre le ministre des Peshmergas et les forces américaines. »

Par ailleurs, les Peshmergas stationnent dans d’autres zones à population kurde non encore rattachées au Kurdistan, dans des districts de la province de Diyala. Ainsi celui de Jalawla, qui avait perdu près de 600 familles kurdes, obligées de fuir dans la Région du Kurdistan après avoir été menacées par des milices arabes. Plus de 400 civils kurdes avaient été assassinés par des groupes insurgés, ces trois dernières années. Depuis, des Peshmergas issus de Suleïmanieh y stationnent en permanence, comme l’explique Mahmoud Samgawi, leur commandant : « Sous couvert de manifestations, des terroristes voulaient attaquer les Kurdes et les massacrer. Maintenant la situation est stable et les Peshermgas restent à Jalawla. »

Dans une conférence de presse commune, des députés kurdes et turkmènes de la province ont décrit la situation comme « très sensible » et ont insisté sur l’urgence d’organiser des élections provinciales. Confirmant les craintes sécuritaires des Kurdes, des bâtiments gouvernementaux et des stations de police ont été attaqués et incendiés le 25 février, dans deux villes de la province, Hawija et Riyadh, alors que trois policiers étaient tués.

La polémique a très vite dépassé les frontières de l’Irak quand le journal turc Milliyet, commentant la visite dans la Région du Kurdistan d’une délégation du ministère des Affaires étrangères turc, menée par Fereydun Sinirlioglu, adjoint du ministre, a rapporté que l’objet de cette délégation venue pour rencontrer Massoud Barzani, était la question de Kirkouk et le stationnement des forces kurdes. Les Turcs auraient ainsi exprimé leur ‘inquiétude’ pour la communauté turkmène de la ville et demandé au président de la Région kurde de retirer ses troupes.

Mais Jabbar Yawar, porte-parole du ministre des Peshmergas a répliqué qu’il s’agissait d’une affaire interne à l’Irak, et que cette requête du gouvernement turc n’avait jamais eu lieu, à sa connaissance. Loin de s’apaiser, le débat s’est enflammé quand le président de l’Irak, Jalal Talabani, a déclaré, le 7 mars, que Kirkouk était ‘la Jérusalem du Kurdistan’, une profession de foi que l’on avait plus l’habitude d’entendre, jusqu’ici, dans la bouche de Massoud Barzani, même si Jalal Talabani s’exprimait moins en président de l’Irak qu’en leader de son parti l’UPK, dans son fief de Suleïmanieh, pour commémorer le soulèvement kurde de 1991.

Si des députés arabes et turkmènes de Kirkouk se sont indignés, d’autres ont vu une possible tentative d’apaiser ou de détourner la contestation à laquelle le gouvernement kurde fait face dans cette même ville. Mais les politiciens hostiles au rattachement ont tous protesté du fait de la fonction politique exercée par Jalal Talabani, qui « ne représente pas un groupe ou un parti quelconque, mais est président de la république d’Irak » comme l’a dénoncé la députée du bloc sunnite Al-Iraqiyya, Wihda Al-Djemeili, ajoutant que « l’inclination » des Kurdes à l’annexion de Kirkouk était « énorme » et qu’ils avaient, à cet égard, une « vision stratégique ». Un membre arabe du Conseil provincial de Kirkouk, Mohammed Khalil al-Jubouri, a lui aussi critiqué cette prise de position, disant qu’en tant que président d’Irak il devait rester impartial. Les Kurdes, par contre, ont répliqué qu’à ce meeting de l’UPK, Jalal Talabani ne parlait qu’en tant que leader de son propre parti. Cela n’a pas empêché des députés irakiens du groupe sunnite Al-Iraqiyya de lancer une pétition réclamant la ‘convocation’ de Jalal Talabani au Parlement, demande rejetée par la Coalition nationale, groupe mené par le Premier Ministre Nouri Al-Maliki, qui a estimé que cela nuirait à la stabilité politique en cours, que Kirkouk était une province irakienne et que les propos de Jalal Talabani n’y changeaient rien.

Pendant ce temps, les pressions ont continué, à la fois de la part des Américains et des Irakiens, pour le retrait des Peshmergas kurdes de Kirkouk, pressions qui se heurtaient au refus persistant des Kurdes. Le site de presse kurde Aknews a même, le 15 mars, parlé d’un ultimatum de deux semaines laissé aux Kurdes par les Américains pour ce retrait. Cette nouvelle a été rapidement démentie, dès le lendemain, par un porte-parole de la coalition parlementaire kurde à Bagdad, Muayyid al-Tayyib. Dans le même temps, le gouvernorat provincial de Kirkouk, ayant démissionné ce mois-ci, un nouveau gouverneur et un nouveau chef du conseil provincial ont été élus, au grand dam de certaines figures politiques arabes de la province qui avaient appelé au boycott de ces élections. C’est en effet un député kurde, le Dr. Najmaldin Karim, qui a été élu au poste de gouverneur, tandis qu’un Turkmène, Hassan Toran, a pris la tête du conseil provincial de Kirkouk. Cette alliance kurdo-turkmène n’a pas été du goût des partis arabes qui ont dénoncé cette « marginalisation ».

Finalement, et malgré les dénégations antérieures de « pressions américaines », les forces des Peshmergas se sont retirées de certaines positions au sud-est de Kirkouk et ont cédé la place aux troupes des USA, le 28 mars. Des troupes kurdes sont maintenues au nord et au nord-est. Le ministre des Peshmergas a annoncé officiellement qu’un accord avait été trouvé avec les forces irakiennes et américaines pour appliquer un nouveau dispositif de sécurité.

mardi, mars 29, 2011

SYRIE : FACE À LA CONTAGION DU « PRINTEMPS ARABE », LES KURDES RESTENT PRUDENTS


Le 8 mars, douze organisations syriennes de défense des droits de l’homme, arabes et kurdes, ont réclamé la levée de l’état d’urgence en vigueur depuis le 8 mars 1963, après l’arrivée au pouvoir du parti Baath. Parmi les signataires du communiqué figurent l'Observatoire syrien pour les droits de l'Homme, la Ligue syrienne de défense des droits de l'Homme, l'Organisation nationale des droits de l'Homme en Syrie, le Centre de Damas pour les études théoriques et les droits civiques, le Comité kurde pour les droits de l'Homme en Syrie, l'Organisation kurde des droits de l'Homme en Syrie. « L'état d'urgence porte atteinte aux droits de l'Homme et aux libertés publiques en Syrie qui font l'objet de violations continues. Nous appelons à la levée de l'état d'urgence et à la libération de tous les détenus politiques » Les mêmes ONG réclamaient aussi la « promulgation d'une loi sur les partis politiques qui permettrait aux citoyens d'exercer leur droit de participer à la gestion des affaires du pays, l'abrogation de toutes les lois empêchant les organisations des droits de l'Homme de travailler publiquement en toute liberté, et les associations de la société civile de jouer leur rôle avec efficacité » et concernant les Kurdes, « de prendre urgemment toutes les mesures nécessaires pour annuler toutes les formes de discrimination envers les citoyens kurdes" qui représentent 9% de la population syrienne. Les Kurdes doivent pouvoir jouir de leur culture et de leur langue, en vertu des droits civiques, politiques, culturels, sociaux et économiques. »

Par ailleurs, le « printemps arabe » qui a réussi à renverser le pouvoir tunisien et égyptien, qui a gagné la Lybie et le Yémen, commence aussi d’agiter la Syrie, avec des manifestations à Damas et Deraa, dans le sud, contre la présidence et le parti Baath. Mais, jusqu’ici, les Kurdes ne se sont pas joints aux manifestants, les oppositions kurde et arabe n’ayant eu, jusqu’ici, que peu d’actions coordonnées, en raison de la méfiance suscitée par un éventuel ‘séparatisme kurde’ : les Kurdes, qui sont le groupe le plus persécuté en Syrie, mènent depuis plus d’une décennie leur propre lutte contre la discrimination particulière dont ils font l’objet, sans avoir, bénéficié d’un grand soutien de la part des autres Syriens, en particulier en 2004, lors des attaques de milices arabes contre des supporters de football kurdes à Qamishlo.

Mais si le mouvement s’étend, beaucoup d’observateurs s’attendent à ce que les Kurdes en profitent pour réaffirmer leurs revendications.

En attendant, Bashar Al-Assad, face à la montée de la contestation dans le sud du pays, a repris la politique de son père, plus souple envers les minorités religieuses et ethniques, afin de mieux tenir la majorité des Syriens sunnites. Ainsi, pour la première fois depuis longtemps, les festivités de Newroz se sont déroulées sans violence ni répression de la part des autorités syriennes, les policiers ayant visiblement reçu des consignes de tolérance. Une conseillère du président, Buthaina Shaaban, a même souhaité publiquement un bon Newroz, « Newroz Mubarak », aux Kurdes de son pays, imitant ainsi les tentatives faites, à la fin des années 90, par les gouvernements turcs pour ‘récupérer’ le Newroz kurde, mais sans toutefois aller jusqu’à décréter, comme la Turquie, que le Newroz était une fête traditionnelle ‘arabe’. Buthaina Nahas a simplement loué la « magnifique coexistence » entre les différentes composantes du peuple syrien.

Mais cela ne résout pas la ‘question kurde’ en Syrie, particulièrement, celle des Kurdes déchus de leur nationalité, et, de façon plus générale, celle de leurs droits culturels et linguistiques. Le 28 mars, 260 prisonniers politiques ont été libérés, dont 14 Kurdes, détenus dans la prison militaire de Saydnaya, de sinistre réputation. Selon les associations de droits de l’homme syriennes, la plupart de ces prisonniers avaient déjà purgé les trois-quarts de leur peine.

mercredi, mars 23, 2011

TV, radio : welcome, femmes soufies



TV

Mercredi 30 mars à 20h40 sur Cinécinéma Premier : Welcome, de Philippe Lioret, 2008 :

Pour impressionner et reconquérir sa femme, Simon, maître nageur à la piscine de Calais, prend le risque d'aider en secret un jeune réfugié kurde qui veut traverser la Manche à la nage.






radio

Jeudi 31 mars à 16 h 30 sur France Culture : Éric Geoffroy pour Femmes soufies, de Sulamî (Entrelacs). À plus d'un titre, Jacques Munier.


Présentation de l'éditeur
A la fois hagiographe, érudit et maître spirituel, Abû `Abd al-Rahmân Al-Sulamî est l'auteur d'une centaine de traités sur la spiritualité soufie, dont Tabaqât al-Sûfiyyah, une encyclopédie biographique dédiée aux maîtres soufis, oeuvre maîtresse qui le rendit célèbre. Issu d'une famille d'initiés, Sulamî est une des sources essentielles pour la connaissance de la spiritualité des Xe et XIe siècles (IIIe et IVe siècles de l'Hégire). Cette première traduction d'un traité phare de Sulamî demeuré longtemps inédit, y compris en langue arabe, constitue le document le plus ancien connu sur les femmes soufies, indispensable à quiconque veut connaître la spiritualité féminine des premiers siècles de l'Islam. Ce texte est aussi un recueil d'enseignements des plus précieux dont la validité et la force demeurent, en dépit des siècles, d'une permanente actualité. Composé de 84 notices sur les principales saintes musulmanes, il met à jour le rôle décisif qu'elles ont joué dans l'élaboration de la tradition islamique elle-même. Enrichi d'extraits de deux importants traités, Sifat al-Safwa d'Ibn al-Jawzî et Al-Kawâkib al-durrîya de Munâwî, qui achèvent de donner une image claire de ce qu'étaient certaines de ces saintes, ce traité est également accompagné d'un grand ensemble de notices sur les différents maîtres spirituels mentionnés au cours de cet ouvrage. La postface de Michel Chodkiewicz, étude remarquable sur "la sainteté féminine dans l'hagiographie islamique" dresse un panorama de celle-ci au fil des siècles et permet au lecteur de situer ce traité au sein de la civilisation islamique. Il nous rappelle que, de tous temps, les femmes ont accédé aux plus hauts degrés de la hiérarchie initiatique.

Broché: 330 pages
Editeur : Entrelacs (7 février 2011)
Collection : Hikma
Langue : Français
ISBN-10: 2908606658
ISBN-13: 978-2908606652




lundi, mars 21, 2011

Cinéma : Si tu meurs, je te tue


Un film de Hiner Saleem. Sortie le 23 mars 2011.

Long-métrage français . Genre : Comédie
Durée : 01h28min
Année de production : 2010
Distributeur : Océan Films

Synopsis : Philippe, qui vient de sortir de prison, rencontre Avdal, un kurde à la recherche d’un criminel irakien. Les deux hommes se lient d’amitié. Avdal, qui rêve de rester en France, a prévu de faire venir à Paris sa fiancée, Siba. Soudain, Avdal meurt. Philippe se retrouve seul à devoir s’occuper de ses funérailles. Siba arrive à Paris et apprend la mort de son fiancé… Recueillie par un groupe de Kurdes, elle fait la connaissance de Philippe alors que Cheto, le père d’Avdal, arrive également à Paris…



mercredi, mars 16, 2011

Radio : reza espili, şeyhmus dagtekin, assyro-chaldéens, hiner saleem

Du dimanche 20 mars jusqu'au vendredi 25 mars, à 1h 00 sur France Musique : Norouz : La Liberté au bout des doigts, poésies de Reza Espili, adaptées et lues par Véronique Sauger ; musique : Arvo Pärt, Philip Glass. Contes du jour et de la nuit.

Mardi 22 mars à 12 h 10 sur RFI : Şeyhmus Dagtekin, poète et écrivain né au Kurdistan de Turquie, en France depuis 1987. En Sol majeur.

Mercredi 23 mars à 7 h 30 sur RCF : Le Rêve brisé des Assyro-chaldéens. L'introuvable autonomie. Claire Yacoub, Cerf. Midi-Magazine, F. Terray.

Présentation de l'éditeur
Mésopotamiens, chrétiens depuis deux mille ans, les Assyro-Chaldéens furent remplis d'espoir au lendemain de la Première Guerre mondiale. Ils ne sont pas des inconnus pour l'Occident. Les premiers contacts remontent au XIIIe siècle. Au XVIIe siècle, la France passe même pour être leur protectrice. Pourtant, au XXe siècle, leur destin bascule. Durant la Grande Guerre, tout comme les Arméniens, ils sont victimes d'un terrible génocide en 1915. Dès l'armistice, les Assyro-Chaldéens s'enthousiasment pour les idées de liberté et d'autodétermination. Le rêve d'une patrie les saisit. Lors de la conférence de la Paix à Paris. ils soumettent pas moins de onze mémorandums aux grandes puissances, tandis que sept délégations sont présentes à Paris. L'historien Arnold Joseph Toynbee en fournit un éclairage inédit. La France et la Grande-Bretagne sont en rivalité pour l'hégémonie sur les territoires de l'ex-Empire ottoman. La question assyrochaldéenne sera-t-elle abordée dans ce grand jeu d'échecs que se livrent ces deux Grands ? Ces pages d'histoire insuffisamment connues sont ici décryptées à travers différentes sources dont certaines sont inédites. Les épreuves vécues par les Assyro-Chaldéens durant la Grande Guerre sont à méditer pour comprendre leur présent. Aujourd'hui seront-ils, une nouvelle fois, les grands oubliés de cette tragédie collective qui se déroule sous nos yeux en Irak ? Succédant à la SDN, que fait l'ONU pour protéger ces minorités autochtones ? Pour y répondre, il est indispensable de savoir ce qui s'est joué lors de la conférence de la Paix, entre 1919 et 1925. Cet ouvrage y contribue.
Biographie de l'auteur
Sensible à la question des chrétiens d'Orient, proche des Assyro-Chaldéens, Claire Weibel Yacoub, laborantine, diplômée en Droits de l'Homme, a rédigé cet ouvrage au terme de multiples recherches, rencontres et investigations auprès de différentes sources britanniques et françaises.


Broché: 310 pages
Editeur : Cerf (3 mars 2011)
Collection : L'histoire à vif
Langue : Français
ISBN-10: 2204091820
ISBN-13: 978-2204091824





à 20 h 05 sur France Inter : Si tu meurs, je te tue, nouveau film de Hiner Saleem. L'Humeur vagabonde.


mardi, mars 15, 2011

Contestation à Suleymanieh, futures élections anticipées, accord en vue : rappel chronologique


Pour ceux qui ont manqué le début, ça commence là et aussi là.

Vendredi 25 février

Jour de protestation générale en Irak qui n'a vu bouger, au Kurdistan, que Suleymanieh et ses environs. À Erbil, seuls des pro-KDP ont défilé.

Le Parlement, réuni en session d'urgence a réclamé, en la personne de son président, Kamal Kirkouki, à la fois du gouvernement qu'il protège les citoyens (des forces de sécurité) et les forces de sécurité (des citoyens), et de cesser de stigmatiser les mouvements des protestataires comme 'anarchistes'.

Cette dernière remarque faisait réponse aux déclarations des officiels du GRK, dont le Premier Ministre Barham Salih, accusant franchement ou laissant entendre qu'une 'main' était derrière les manifestations (comprendre soit Goran, soit des pays voisins soit les deux ensemble) et qualifiant le mouvement de 'sédition' (fitna) et d'anarchie ou de vandalisme. Comme c'est exactement ce que vitupèrent les mollahs d'Iran en ce moment contre le mouvement vert, les termes ne sont effectivement guère heureux. 'Fitna', en particulier, a une forte connotation religieuse.

Lors de cette session, sans surprise, le chef des députés de Goran a réclamé la démission du gouvernement, réclamation que ce parti avait déjà faite le 29 janvier, avant le début des troubles, en espérant une 'révolution du jasmin' kurde. Ce n'est que 19 jours plus tard que les manifestations ont commencé à Suleymanieh mais cela a permis tout de même aux partis PDK et UPK d'accuser Goran d'en être l'instigateur.

De fait, pour le moment, seul ce parti d'opposition apparaît être derrière les manifestations – au moins en tant que 'sympathisant' – les autres partis opposants se contentant d'une position de médiation entre Goran et l'Alliance kurde, tels les deux listes islamiques, le Groupe islamique du Kurdistan et l'Union islamique du Kurdistan, dont le chef de fil, Omar Abdul-Aziz, a, lui, accusé le Parlement de mollesse, et de se montrer 'incapable d'adresser une question à un ministre' en lui demandant de 'prouver sa sincérité aux citoyens'. Le même s'est prononcé pour de nouvelles élections, a réclamé la résolution des problèmes d'électricité, l'élucidation de quelques dizaines de personnes 'disparues' lors de la guerre civile, la divulgation publique des revenus de gaz et de pétrole dans la Région.

Dans la même journée, à Kalar (à 150 km de Suleymanieh) les événements du 17 février se sont répétés quand un groupe de jeunes manifestants a marché vers les locaux du PDK et jeté des pierres sur les gardes, qui ont riposté avec des munitions. Selon le journal Awene, journal d'opposition, 13 personnes auraient été blessées par balles et 4 par des jets de pierres, dont 3 policiers.


Samedi 26 février

Le gouverneur d'Erbil, Nawzad Hadi, annonce son intention de poursuivre en justice la chaîne de télévision KNN (proche de Goran) pour diffusion de fausses informations. KNN TV avait en effet montré des images de bâtiment en feu, en prétendant que le gouvernorat d'Erbil était ainsi mis à mal par des manifestants. Or il s'agissait du gouvernorat de Ninive-Mossoul, qui n'a rien à voir avec le Kurdistan. Peu de temps après le démenti du gouverneur d'Erbil, KNN TV a publié un rectificatif parlant de 'faute de frappe' dans la dépêche. Cela dit, étant donné que tout le monde connaît le bâtiment du gouvernorat d'Erbil, qui fait face à la Citadelle, on peut se demander comment des journalistes, même de Suleymanieh, ont pu confondre. À vrai dire, on peut se demander aussi comment des téléspectateurs kurdes allaient se laisser berner en prenant Erbil pour Mossoul, mais bon… Nawzad Hadi a donc annoncé son intention de poursuivre la chaîne en justice, ce qui sera probablement interprété comme une 'tentative de harcèlement judiciaire de la presse indépendante par le gouvernement'.

Autre réponse du berger à la bergère, pour apporter un démenti à Goran, des supporters du PDK et de l'UPK ont, du coup, défilé dans Erbil, dans des pick-up, en brandissant des drapeaux. Ceux-là, bien sûr, n'ont pas eu de souci avec les forces de sécurité…

En tout cas, sur les ondes de KNN, les manifestants de Suleymanieh réclament toujours des 'élections transparentes', ce qui est une vieille demande de Goran, insatisfait de son score aux dernières législatives, bien que la Haute Commission électorale irakienne ait jugé que les législatives avaient été régulières et que s'il y avait eu fraude ça et là, elles avaient été minimes et ne pouvait avoir influé sur le résultat. Mais, depuis 1992, tout perdant aux élections clame qu'il y a eu fraude, cela semble un réflexe, et l'Irak s'y met, puisqu'aux législatives du parlement de Bagdad, les mêmes plaintes pouvaient être entendues de part et d'autres des listes sunnite et chiite, arrivées pourtant au coude à coude.

Les autres demandes des manifestants portent sur la corruption, les défaillances du service public et la mainmise des membres des partis au pouvoir sur les postes publiques.

3 slogans dominent : 'Démission du gouvernement', 'du travail pour les chômeurs' et 'Justice contre les corrompus'.



Dimanche 27 février

Le président Massoud Barzani, de retour d'Italie, prend la parole. Mis à part les condoléances et déplorations pour les victimes, la réaffirmation du droit à manifester pacifiquement, l'égalité de tous les citoyens, la condamnation de toutes violences, même contre les media, et l'appel au dialogue pacifique etc, rien de bien concret.

Lundi  28 février

Les étudiants de l'Université de Suleymanieh se mettent en grève, à la fois parce que le gouvernement d'Erbil ne répond pas à leurs demandes et que les forces de sécurité usent encore de violences. Ils se déclarent aussi pour le retour de Kirkouk et des autres régions réclamées par les Kurdes dans la Région, mais là, on ne voit pas bien en quoi une grève estudiantine à Suleymanieh peut décider Bagdad à appliquer enfin l'article 140 de la Constitution irakienne.


Mardi 1er mars

Un représentant du mouvement des manifestants de Suleymanieh, Faruq Rafiq, annonce qu'ils donnent 48 heures au gouvernement pour répondre à leurs demandes, sinon il y aura grève générale à Suleymanieh, avec un sit-in pour bloquer toutes les rues de la ville.

Les demandes sont variées, alliant de la 'restauration de la sécurité au Kurdistan' c'est-à-dire de la levée de l'état d'urgence dans la province ; permettre aux représentants des manifestants de participer aux réunions des partis politiques ; une plus grande liberté dans les université ; l'augmentation du prêt de l'État pour les mariages ; que les officiels et les fonctionnaires soient traités comme de simples citoyens devant la loi ; séparer les partis politiques du gouvernement ; revoir la constitution du Kurdistan ; que les ministères en charge de la sécurité emploient des exécutants impartiaux ; que les auteurs des tirs mortels lors des manifestations soient identifiés et traduits en justice et que répondent de ces actes devant le parlement les ministres kurdes de l'Intérieur, des Peshmergas et aussi celui des Finances, ce dernier sans doute plus parce que figurent aussi les demandes de réduction de salaires des députés, des ministres, des autres officiels, dont la présidence, et que les membres du gouvernement en retraite ne perçoivent pas un salaire égal à ceux qui sont en exercice.

Commentant ces demandes, le Premier Ministre Barham Salih a indiqué que le prêt de mariage avait déjà été 'considérablement augmenté', qu'il avait proposé une baisse de 10% des salaires des hauts représentants du gouvernement. Il promet un meilleur service public et d'écarter les 'interférences des partis' dans la politique de l'emploi.


Mercredi 2 mars

Le Parlement annonce qu'il va interroger le Premier Ministre et son gouvernement sur les événements violents des deux dernières semaines, notamment sur l'usage des armes à feu de la part des forces de sécurité malgré la demande du Parlement dans sa liste de '17 points'. Une commission parlementaire en contact avec les manifestants doit aussi 'examiner leurs demandes'. Le chef de cette commission, Sabah Barzinji, avertit que certaines de "ces demandes sont générales" et que "le gouvernement peut y répondre rapidement". Mais que d'autres demandent du temps et ne peuvent être résolues en 48 heures (délai donné aux manifestants avant de lancer la 'grève générale').

Le même jour, Barham Salih se dit prêt 'sans hésitation' à démissionner de son poste de Premier Ministre si cela peut résoudre le conflit.


Jeudi 3 mars


Goran, souvent accusé par ses détracteurs de se cantonner dans une posture d'opposition stérile et sans propositions alternatives, annonce qu'il a mis au point un pack de réformes politiques pour le Kurdistan. Cela a peut-être à voir avec le fait que, peu de temps auparavant, le directeur de cabinet présidentiel, Fuad Hussein, a annoncé que le GRK allait organiser une série de rencontres avec les partis politiques, pour mettre au point un ensemble de réformes. 

Cette déclaration est faite dans les locaux de son journal, Rojname, dans une conférence de presse commune avec deux autres mouvements d'opposition, l'Union islamique du Kurdistan et le Groupe islamique du Kurdistan. Goran étant plutôt issu de la gauche pro-laïque, cette alliance a quelque chose de très circonstanciel mais déjà, aux dernières législatives, des partis d'extrême-gauche s'étaient alliés aux listes religieuses pour augmenter leurs chances d'avoir des sièges parlementaires. Maintenant le pack de réformes proposé par Goran n'inclut pas de revendications confessionnelles (pour le moment). Elles correspondent, en gros, aux demandes faites par les manifestants de Suleymanieh.

Le même jour, Massoud Barzani, dans une allocution télévisée, demande au Parlement d'étudier la possibilité à de nouvelles élections anticipées au Kurdistan (les prochaines devant avoir lieu en 2013), sans avancer de dates, ni répondre directement aux réformes en 22 points de Goran, ni à celles des manifestants. Il assure par contre la jeunesse de son 'admiration' pour sa maturité politique et la tournure pacifique qu'ils ont su maintenir à leurs manifestations, tout en réitérant ses prières d'empêcher tout débordement qui "ternirait l'image du Kurdistan". Massoud Barzani adresse à nouveau ses condoléances aux familles des victimes et demande aux autorités de fournir toute l'assistance et les soins médicaux aux blessés.

Vendredi 4 mars

Répondant à l'annonce présidentielle sur des élections anticipées, le porte-parole de Goran réplique que cela ne résoudra pas les problèmes actuels du Kurdistan et demande un 'gouvernement de transition', sauf qu'on ne voit pas très bien sur quelles forces politiques s'appuierait un tel gouvernement, avant des élections, sauf à adopter la règle du consensus, chère à Bagdad, qui consiste à rassembler tous les représentants politiques au sein d'un même gouvernement, ce qui implique discussions et tractations politiques secrètes et, finalement, peu démocratiques… Mais Mohammed Tofiq Rahim, le porte-parole de Goran, insiste sur le fait que c'est le seul moyen d'assurer des institutions impartiales pour la tenue d'élections. On peut aussi supposer que des élections anticipées ne donneraient pas assez de poids à Goran pour emporter une majorité significative au parlement, ce qui ramènerait tout au point de départ.

Samedi 5 mars

Les manifestants déclarent que la grève générale a commencé depuis le matin, 9 h00, et appellent tous les citoyens à cesser le travail et à défiler pacifiquement. Ils annoncent que la grève est suivie à Suleymanieh, Halabja et Rania. Rien ne bouge dans les autres provinces. On ignore le suivi réel de la grève, aucun chiffre n'étant fourni, d'aucun côté.

Lundi 7 mars

Le parlement, lui, ne s'est pas mis en grève et entame sa troisième nuit blanche, avec des sessions qui se terminent à 3 h du matin. Le Premier Ministre continue de plaider pour des réformes politiques, en laissant entendre qu'il lui faudrait un peu de temps pour résoudre tous les problèmes. Après tout, son gouvernement n'a qu'un an d'âge

Dans la nuit, à Suleymanieh, des manifestants qui campaient sur une place ont été assaillis par des hommes en armes et masqués, qui ont détruit les tentes et arrêtés 30 d'entre eux. Pour le moment, on ne peut pas dire que les recommandations du parlement soient très suivies, pas plus que les discours condamnant la violence, de la présidence ou du gouvernement.

En tout cas, Goran répète que les 'conditions' pour des élections anticipées ne sont pas remplies à ses yeux. Nawhsirwan Mustafa, le leader de Goran, répète sa demande de gouvernement de transition, affirmant que les autorités en place ne procéderont pas à un processus électoral 'impartial'. Il se dit aussi prêt à 'négocier' avec tous les partis, quelle que soit leur politique (le pas est déjà franchi avec les islamistes). Goran appelle donc la dissolution de l'actuel gouvernement au plus tard en décembre 2011, ce qui inclurait des élections pour 2012.

À l'occasion des cérémonies de commémoration, Jalal Talabani, assez silencieux sur la question et plutôt occupé avec Kirkouk sur la question du retrait des Peshmergas de la province, se fend d'un discours aussi bienveillant et général que celui de la présidence kurde, assurant que l'opposition est nécessaire au progrès et au développement au Kurdistan, et que son parti avait décidé, en accord avec le PDK, de procéder à des réformes.

Mardi 8 mars

Malgré le refus de Goran, les deux partis au pouvoir semblent avoir misé sur les élections anticipées. La question se pose, maintenant, de savoir s'ils vont continuer à faire une liste commune ou séparée, d'après le journal Rudaw, citant Arif Tayfur, un dirigeant du PDK. Les dernières élections ont montré, par le système des listes ouvertes, la bonne tenue du PDK dans ses fiefs traditionnels, alors que l'UPK a subi un affaiblissement de son électorat avec la montée de Goran.


Jeudi 10 mars

Interrogé par le Parlement, lors de sa 6ème session extraordinaire, le Premier Ministre réitère son intention de démissionner si le Parlement ne lui renouvelle pas sa confiance. Il devait notamment répondre des actes de coercition survenus contre des manifestants ou des media d'opposition. Mais par 67 voix contre 28 (sur 110 députés) il sauve sa place.

Samedi 12 mars

Les manifestations durent toujours à Suleymanieh sans gagner en ampleur, semblant s'installer dans une sorte de routine. S'il y a grève, elle ne semble pas paralyser Suleymanieh par des sit-in. 


Mardi 15 mars

Goran se redit prêt au dialogue avec les 2 partis gouvernementaux. Son porte-parole, dans une interview donnée à Rudaw, a nié que cet assouplissement était dû à une pression américaine, et que son parti avait été toujours disposé à ce genre de rencontres. De la même façon, Imad Ahmed, membre du bureau politique de l'UPK, assure que ni son parti ni celui du PDK ne sont fermés à tout dialogue. Cela semble être le nouveau mot d'ordre de part et d'autre, aidé ou non par les Américains, sans doute désireux que la seule région stable et pro-USA de l'Irak n'implose pas après leur départ. 

Peut-on s'attendre à l'entrée, dans un gouvernement quelque peu refondu, de membres issus de Goran, en attendant les prochaines élections, qui, du coup, seraient plus 'impartiales' aux yeux de ce parti en attendant les résultats (décevants ou non pour ses élus) ? Le pari est tout de même plutôt risqué pour l'opposition si son action est jugée comme une 'compromission' par la base des protestataires de Suleymanieh, car il n'est pas certain du tout que les manifestants se satisferont d'un accord politique entre trois partis, qui risque de passer au-dessus de leurs têtes. Cela peut être aussi une manière, pour le PDK, de refiler 'la patate chaude' de Sulaymanieh à la fois à l'UPK et à Goran, puisqu'il s'agit de leur électorat. 


lundi, mars 14, 2011

Ibrahim Tatlises victime d'une tentative d'assassinat


Le chanteur Ibrahim Tatlises, a été abattu d'un coup de feu par un inconnu à Istanbul, cette nuit, tiré en pleine tête, alors qu'il quittait les studios de la TV Beyaz, avec son assistante, qui a été blessée à la nuque et est dans un état stable. Ibrahim Tatlises serait, lui, dans un état plus grave et l'on craint qu'il ne garde des séquelles de paraysie.

Les assassins auraient opéré à bord d'une voiture noire et se sont enfuis ensuite.

Âgé de 58 ans, "Ibo" est né à Urfa, d'une famille kurde et arabe. Surnommé l'Imparator, c'est un des chanteurs les plus populaires en Turquie, possédant sa propre radio, sa télévision, un quotidien, sa compagnie de bus et même une compagnie aérienne. 

Newroz : Nouvel an kurde

Rémi Fraud, Maire du 10ème arrondissement et Kendal Nezan, Président de l’Institut kurde de Paris ont le plaisir de vous convier à la réception célébrant :

le Nouvel an kurde

Lundi 21 mars 2011 à 18h30.

Salle des fêtes de la mairie du 10ème arrondissement
72, rue du Faubourg Saint-Martin.

S'inscrire en ligne.

samedi, mars 12, 2011

Concert : Sedigh Tarif, le maestro de la musique persane et kurde



"Né à Sine (en persan : Sanandaj), capitale de la province du Kurdistan en Iran, région kurde au nord-ouest de l’Iran, Sedigh Tarif entre à vingt ans à la faculté des Arts de Téhéran. Il en ressort quatre ans plus tard un diplôme d’études théâtrales en poche. Il fréquente parallèlement les classes de chant du regretté Mahmud Karimi. Sa passion pour la musique, tout d’abord influencée par le célèbre chanteur kurde Sa’id Asgar Kordestâni, ne fait que croître. Il poursuit pendant cinq ans l’étude du répertoire persan auprès de Nasrollâh Nâsehpur. Pour enrichir son style et son répertoire, il travaille également avec Razavi Sarvestâni, détenteur de la méthode d’enseignement vocal du grand maître Nour Ali Khan Bouroumand. Il fait également appel à d’anciens enregistrements, notamment ceux d’un autre monument de la musique persane, Seyyed Hossein Tâherzâdeh dont il reprendra des morceaux pour les interpréter avec des instrumentistes reconnus, comme Majid Kiâni et Asgar Bahâri.
Depuis des années, il poursuit ainsi sa quête musicale tout en se faisant fort de partager son art avec ses élèves. On lui doit notamment d’avoir discrètement introduit des sonorités kurdes dans le répertoire persan, en particulier des éléments du patrimoine spirituel des derviches. Ces musiques voisines et très compatibles ont de tout temps procédé à des échanges, qu’il s’agisse de matériaux mélodiques, d’instruments, de rythmes ou d’arrangements.
Tarif enregistre son premier album en 1984, en hommage à Tâherzâdeh et à l’école d’Isfahân qu’il s’est appliqué à faire revivre. Par la suite, parallèlement à ses activités d’enseignant et de concertiste, il multiplie les enregistrements, ce qui contribue à lui assurer une place privilégiée parmi les maîtres du chant. Parmi ces disques, citons « Golgasht »(en modes dashti et esfahân), réalisé avec la formation Sheydâ ; « Sheydâ’i », avec Jalâl Zufonun et un ensemble de luths setâr, où il s’inspire des chants sacrés des Kurdes – cet album sorti en 1990 connaîtra un énorme succès ; « Ferâgh » (en mode abu atâ), enregistré avec le groupe Sheydâ.

Vendredi 18 et samedi 19 mars 2011
Institut du Monde Arabe - AUDITORIUM / TARIF B - 20h30
Billets.



vendredi, mars 11, 2011

le sort des chrétiens en Irak-II Quelles perspectives ? Intervention du conseiller pour les Affaires religieuses auprès du ministre des Affaires étrangères français


M. Olivier Poupard, conseiller pour les Affaires religieuses auprès du ministre des Affaires étrangères.

Je représente le ministère des Affaires étrangères. Je suis le conseiller pour les affaires religieuses de la ministre des Affaires étrangères, qui m'a demandé de la représenter à votre colloque. Je dois dire que l'organisation de ce colloque au Sénat sur le sort des chrétiens d'Irak est une excellente initiative et il faut en féliciter l'Institut kurde de Paris. Cette initiative, qui s'inscrit dans une actualité douloureuse, rejoint la préoccupation de la France d'agir concrètement, pour la défense des droits des chrétiens, mais aussi des autres minorités irakiennes. 
À cet égard, et au début de mon intervention, je veux dire que la France exprime sa confiance dans l'action déterminée des autorités irakiennes pour assurer la sécurité de l'ensemble de la population, y compris, bien sûr, des populations chrétiennes, et pour continuer le processus de redressement et de stabilisation du pays. C'est naturellement dans cet Irak en voie de reconstruction, que se trouve l'avenir des chrétiens d'Irak. S'agissant de l'initiative du président Barzani, de novembre dernier, qui ouvre les portes du Kurdistan aux chrétiens qui sont menacés dans le reste du pays, elle est généreuse, et elle va dans le bon sens. Elle contribue à éviter l'exil d'une population installée depuis toujours dans un pays dont elle constitue l'une des composantes irremplaçables et où elle est garante d'harmonie et de paix sociale. 
Quelle est la situation actuelle ? On vient d'en parler abondamment durant ce colloque. Les événements dramatiques qui ont frappé le 31 octobre l'Église syriaque catholique d'Irak et ses fidèles à Bagdad et le 31 décembre l'Église copte d'Alexandrie ont brutalement rappelé, une nouvelle fois, quel était le sort dramatique et bien connu des chrétiens d'Orient et quel était le sort d'une minorité religieuse qui est en déclin dans la région. Sa présence en Orient, voire son existence même, est menacée. La menace mortelle qui pèse sur les membres des communautés chrétiennes dans cette région du monde appelle vigilance, et appelle surtout engagement de la part de la communauté internationale. On sait que la situation des chrétiens d'Orient ne cesse de se dégrader. Les causes de cette dégradation sont connues. Elles relèvent de facteurs de société, mais aussi, et là c'est un mot qu'il faut prononcer, aussi d'un terrorisme régional, voire même global, qui contraint les chrétiens à émigrer. Un contexte économique défavorable conduit les chrétiens à s'installer ailleurs, en Amérique, en Australie, en Europe, où ils rejoignent leurs coreligionnaires qui sont installés depuis longtemps. On ne peut également que constater, et on en a parlé, les difficultés locales qui se posent à eux qui ne peuvent souvent accéder à une pleine participation à la vie politique ou à certains niveaux dans l'administration. Le statut social qui est le leur les fait apparaître souvent comme des citoyens de second rang. De plus, les guerres ont pour eux un effet dévastateur. Les chrétiens se trouvent pris au piège du contexte régional dominé par des conflits endémiques, ou encore de contextes nationaux faits de luttes internes et de guerres civiles. Sur cette réalité se greffent des attaques menées par des groupes terroristes. Une terreur aveugle s'abat indistinctement, que nous devons condamner, sans appel, et qui doit faire l'objet d'une lutte conjointe avec les pays concernés. Que les victimes des attentats soient chrétiennes, musulmanes ou autres, elles méritent notre attention. Quels que soient les lieux de culte qui sont détruits, attaqués, nous devons réagir fermement et appeler à la poursuite des responsables. Aujourd'hui, cependant, il y a une urgence particulière s'agissant des chrétiens en Irak, qui sont visés par les terroristes au titre de leur identité confessionnelle, dans le but d'anéantir les communautés. C'est l'épuration religieuse dénoncée par le président Sarkozy, le 7 janvier dernier, lors de son allocution destinée aux autorités religieuses. 
En tant que conseiller pour les affaires religieuses, il ne me revient pas, aujourd'hui, de me prononcer officiellement sur les propositions qui viennent d'être faites par les représentants du Gouvernement régional du Kurdistan, mais j'en ai pris bonne note. Je peux d'ores et déjà dire que les pouvoirs publics les examineront attentivement pour y répondre – parce que nous souhaitons y répondre. Et d'ailleurs, à travers les contacts sur place de notre consul général à Erbil, le travail d'identification de projets que la France pourrait soutenir est déjà en cours. C'est, notamment, le secteur de l'éducation qui, pour nous, semble prioritaire. Monseigneur, vous avez prononcé le mot magique de 'francophonie', qui fait que les services français s'intéressent aux projets qui leur sont présentés. Mais toute initiative, aussi généreuse soit-elle, doit, pour pouvoir être mise en œuvre, bénéficier d'un environnement favorable. Faut-il rappeler que toute personne a droit, d'abord, à la liberté et à la sûreté ? La France place ce combat pour la protection des minorités religieuses au cœur de sa politique étrangère et s'engage à le porter dans les enceintes internationales – comme tout récemment, au Conseil de l'Union européenne – et dans ses relations bilatérales. Pour vous présenter une vision globale de notre politique en la matière, je dirai que de manière générale, au nom de la défense des droits de l'homme, 3 principes guident notre action en matière de liberté religieuse : d'abord, la protection des individus qui sont menacés et des victimes ; la promotion des libertés fondamentales ; la lutte contre l'intolérance. Le premier principe est de protéger et de soutenir les victimes. La France assure que des mesures nécessaires et efficaces sont prises et réprimer les actes de terrorisme, assurer la sécurité des personnes menacées, soutenir les victimes. 
En matière de mesures de sécurité, il faut rappeler qu'il est du devoir des États de protéger leur population, y compris les minorités religieuses. Nous encourageons les gouvernements concernés, dans nos discussions bilatérales, à assurer la sécurité des lieux de culte, la sécurité des espaces publics lors de la célébration des cultes et, plus généralement la sécurité des quartiers où vivent les minorités. La France incite également les États à respecter l'ensemble de leurs obligations internationales auxquelles ils ont souscrit en signant des accords internationaux, en luttant contre l'impunité des auteurs de violence, et nous sommes disposés à coopérer étroitement avec les États qui en feraient la demande. La lutte contre le terrorisme est aussi importante. Nous la soutenons activement, dans le respect des droits de l'homme, du droit international humanitaire, et du droit des réfugiés. À cet égard, le terrorisme ne peut être associé, ni à une religion, ni à une nationalité, ni à une culture, ni à un groupe ethnique. Dès lors que certaines organisations terroristes ciblent de plus en plus des personnes du fait de leur religion, des mesures appropriées doivent être prises par les États, afin que chacun, quelle que soit sa confession, puisse vivre en paix au sein de sa société d'origine. En matière de protection des victimes, la France possède une tradition de protection apportée à toutes les victimes de persécutions. Elle met en œuvre, à cet égard, un instrument juridique, qui est le droit d'asile. Depuis 1993, le droit d'asile est inscrit dans notre Constitution, il a valeur constitutionnelle, ce qui souligne notre attachement à ce droit et nous conduit à accorder cette protection à un nombre croissant de demandeurs. Je souligne dans le contexte de notre réunion qu'il ne s'agit pas ainsi de faire le jeu des terroristes qui ont fait du départ des chrétiens un véritable objectif politique. 
L'accueil humanitaire de victimes ne doit pas être interprété comme un encouragement au départ des chrétiens, au contraire. Ce point important doit être bien compris de nos interlocuteurs gouvernementaux et religieux. Le deuxième principe est de promouvoir le respect de la liberté de religion ou de convictions. C'est une liberté fondamentale, qui est liée à la liberté d'opinion et d'expression, et qui occupe une place centrale dans notre politique étrangère. La France défend en toutes circonstances la liberté de religion ou de conviction. C'est un principe qui est inscrit dans la déclaration universelle des droits de l'homme, dans le Pacte international relatif aux droits civiques et politiques et dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Le rôle de la France est de veiller à l'universalité de ce principe, qui ne saurait faire l'objet d'interprétations diverses, fondées sur ce qu'on peut appeler un 'relativisme culturel'. La liberté de religion et de conviction recouvre des éléments nombreux, qui relèvent de la responsabilité des États. c'est d'abord un ensemble de libertés : la liberté d'avoir la religion ou la conviction de son choix ; de ne pas en avoir ; d'en changer ou d'y renoncer ; de manifester sa religion ou sa conviction ; d'exercer un culte et d'accomplir des rites, mais aussi d'établir des lieux de culte afin de pratiquer les rites de sa confession ; mais aussi la liberté d'enseigner et d'écrire, la liberté de diffuser des publications sur les religions ou les convictions. 
Comme on le voit, cet ensemble de libertés est très large. La garantie de ces libertés nécessite donc l'interdiction de toute discrimination fondée sur la religion ou la conviction, l'interdiction de tout appel à la haine, à l'hostilité ou à la violence, et de toutes contraintes contre les personnes du fait de leur religion ou de leurs convictions. Troisième et dernier principe : lutter contre l'intolérance religieuse. Pourquoi lutter contre l'intolérance religieuse ? Parce qu'il y a menace pour les sociétés pluralistes, comme l'Irak. Il y a risque d'uniformisation de sociétés qui sont pourtant très diversifiées depuis leur origine. Nous œuvrons à la promotion de la tolérance, notamment religieuse, par l'éducation – on y revient – par la médiation, par l'accès à l'information, afin de contrecarrer les influences qui conduisent à la peur et à l'exclusion de l'autre. Lutter contre l'intolérance religieuse parce qu'il y a aussi danger, bien sûr, pour les minorités religieuses. Elles sont devenues la cible de groupes terroristes qui cherchent à diviser les communautés entre elles et à déstabiliser les États. Dans certains pays, le contexte favorise, malheureusement, les visées extrémistes, dans la mesure où une partie de la population est sensible au message religieux fondamentaliste, endosse l'intolérance religieuse à l'égard de groupes minoritaires, voire, parfois même, de groupes majoritaires. 
En conséquence, nous veillons à rappeler en toutes circonstances le devoir qu'ont les États de protéger sur leur territoire les minorités, et de renoncer à toute législation restrictive en matière de libertés fondamentales. C'est, bien sûr, un travail de longue haleine. Lutter, enfin, contre l'intolérance religieuse, parce qu'il y a un risque mortel pour les chrétiens d'Orient. L'exil des chrétiens d'Orient est un drame humain pour ceux qui partent, qui sont contraints d'abandonner leur terre natale, et ceux qui restent sont davantage fragilisés et marginalisés. Les pays d'origine sont aussi affectés parce qu'ils se voient privés d'une partie des forces vives indispensables à leur développement et à leur identité. Le rôle de la France est d'encourager les mesures qui permettent à ces communautés de demeurer sur leur terre. C'est exactement l'objet de votre conférence. Ce objectif nécessite d'assurer la sécurité, de garantir les droits fondamentaux, mais aussi de favoriser – et c'est important – la participation politique, économique et sociale au sein de leur pays sur leur terre natale. 
Je vous remercie.

Hommage à Sheikh Ezzedin Hosseini




L’Institut kurde de Paris et la famille Hosseini vous invitent à une réunion d’hommage à

Sheikh Ezzedin Hosseini

Leader spirituel et peronnalité politique du Kurdistan iranien
décédé récemment en Suède.

Samedi 12 mars 2010, à 16h00 au siège de l’Institut.

"Le cheikh Ezzedine Hosseini naquit en 1922 dans la petite bourgade frontalière de Baneh au sein d’une famille de dignitaires religieux.Il participa de manière active au développement du mouvement de libération nationale du Kurdistan en adhérant dès le début des années 1940 au Zh.k. Komela.
En 1946 il prit part au processus qui aboutit à l’instauration de la république de Mahabad et par la suite il pérennisa son engagement en étant constamment présent en qualité de camarade de route et de référant moral et intellectuel aux cotés des combattants et activistes de la cause sacrée kurde. Durant les événements de 1978 et 1979 qui conduisirent à la chute de la monarchie il fit preuve d’une constance et d’une rigueur implacables dans la défense des principes fondamentaux de la démocratie, de l’Etat de droit et de ses corollaires tels que la liberté d’expression, la liberté de conscience et d’opinion, la redistribution équitable des richesses au sein du corps social, la relégation du fait religieux dans la sphère privée infirmant de cette manière la position quasi unanimement adoptée par ses collègues jurisconsultes, muftis et autres sans omettre bien entendu la souveraineté du citoyen et l’égalité entre hommes et femmes.
La pensée du maître pouvait se décliner autour du thème de la centralité de la providence divine qui est à l’origine de toute forme de vie insufflant au corps et à l’âme humaine le désir de progresser en intelligence et en harmonie avec son environnement immédiat rendant effectif l’universalité des merveilleux accomplissements et réalisations de ce dernier. Il croyait fermement en la capacité acquise par les hommes à prendre en mains propres leurs destinées en vertu de la primauté du principe du libre arbitre. L’être humain développe par voie de conséquence une relation privilégiée et personnalisée avec son créateur ne supportant aucune forme d’interventionnisme provenant de l’extérieur et à fortiori imposée par des organes ou des institutions religieuses d’où la nécessité d’une séparation de la sphère privée (spirituel et religieux) du domaine public."

Institut kurde de Paris
106, rue La Fayette, F-75010 Paris
M° Poissonnière - Gare du Nord - Gare de l’Est

jeudi, mars 10, 2011

le sort des chrétiens en Irak- II. Quelles perspectives ? Intervention du directeur de Cabinet de Massoud Barzani


Dr. Fuad Hussein, directeur de Cabinet du président de la Région du Kurdistan.

Je suis particulièrement heureux d'être ici parmi vous et près de mon cher ami Kendal Nezan. Je suis heureux de voir tant de visages familiers et d'amis dans la salle.
Il y un an déjà, nous avons subi cette terrible attaque terroriste, qui a coûté la vie à tant de personnes, à Mossoul. Lorsque nous avons entendu cette nouvelle, que tant de personnes avaient trouvé la mort, sur instruction du président Barzani, nous avons emmené les blessés dans les hôpitaux d'Erbil. 
Je m'y suis rendu moi-même, dans la soirée, et j'ai pu voir, sur place, des jeunes gens, des petits garçons, des petites filles, accompagnés de leurs parents. Beaucoup d'entre eux pleuraient, d'autres parlaient entre eux, mais tous criaient, tous criaient ce mot : "Pourquoi ? Mais pourquoi ?" Les larmes me sont montées aux yeux. Je me souviens avoir traversé la même situation, avoir été dans la même situation, à un âge comparable. J'étais peut-être trois ans plus vieux que ces garçons-là, en 1974, à l'université de Suleymaniye, qui avait été transférée. Une fois de plus, j'ai été sur place, j'ai pu voir des jeunes gens, quelques journalistes, dont certains étaient français. Le lendemain, l'université était bombardée. Beaucoup de personnes, là aussi, ont trouvé la mort, et de nombreuses personnes ont été blessées. Lorsque je me suis rendu à leur chevet, eux aussi pleuraient, criaient, et moi-même j'ai fondu en larmes en me demandant : "Pourquoi ?", cette même question posée par les étudiants chrétiens, en 2010. 
Je poussais le même cri qu'en 1974. À cette époque, il n'y avait personne pour nous aider. Je sais que certains journalistes étaient présents, et ont pu écrire des articles qui n'ont suscité aucune réaction. Mais cette fois-ci, en 2010, nous avons été là, aux côtés de nos frères chrétiens. Nous avons pu leur dire que nous étions à leurs côtés, car nous l'avons toujours été, dans la souffrance, tout au long de l'Histoire. Nous leur avons dit : "Venez. Ce pays est le vôtre, ce pays vous appartient, vous êtes ici chez vous, et il est de notre devoir de nous tenir à vos côtés." 
Et voilà précisément pourquoi le Kurdistan a mis en place cette politique. Parfois, les gens me demandent pourquoi nous avons cette politique d'ouverture et, pour être tout à fait honnête, certains Kurdes, certains Arabes, certains chrétiens doutent de la justesse ou de la bienveillance de notre politique. Certains doutent de nos intentions. Certains, même, nous accusent de duplicité. Mais nous croyons en cette politique, parce que nous voulons nous tenir aux côtés de nos frères, nous croyons en cette politique parce que nous croyons en notre propre humanité. Nous croyons en cette politique parce que nous croyons en la démocratie. Nous croyons en la diversité de notre société, nous luttons pour la démocratie, et nous savons que nous ne sommes pas seuls. C'est ensemble que nous devons lutter car c'est ensemble que nous devons vivre. La politique qui a été mise en place au Kurdistan et en laquelle nous croyons, a, bien sûr, beaucoup à voir avec notre histoire et a aussi beaucoup à voir avec l'avenir de notre pays, du pays des Kurdes, des Turkmènes, des chaldéens, des assyriens… C'est le pays des musulmans, des chrétiens, des yézidis. Nous croyons sincèrement dans cette diversité. Voilà pourquoi il me semble que notre société doit accueillir toutes sortes de groupes et de communautés. Dès lors, notre politique doit refléter la diversité de la société. 
Lorsque l'on parle des réalités politiques au Kurdistan, nous pouvons constater que, conformément à nos principes, au Kurdistan, tous les groupes sont égaux, toutes les communautés sont égales. Bien sûr, nous ne sommes pas parfaits, mais ce principe s'applique à tous, pas seulement aux chrétiens : aux Kurdes, aux yézidis également. Lorsque je parle des défauts du gouvernement, ces défauts s'appliquent à l'ensemble des groupes qui coexistent au Kurdistan. Je ne parle pas de 'réfugiés', c'est un terme que je récuse, parce que les chrétiens ne sont pas des 'réfugiés' au Kurdistan. Ce sont des personnes qui ont été déplacées, de force, ou qui ont dû fuir les attaques terroristes, à Bagdad ou d'en d'autres régions, telle que Mossoul. Ces personnes ont été contraintes de quitter leur foyer et de venir au Kurdistan. Mais le Kurdistan est également leur pays. C'est pourquoi on pourrait dire, simplement, qu'ils rentrent à la maison, d'une certaine manière. 
Les Kurdes savent ce que c'est qu'être réfugiés. Chaque Kurde, chaque individu kurde, chaque famille kurde a été déplacée ou réfugiée au moins une fois au cours de son histoire. Nous savons donc parfaitement de quoi il s'agit. Nous savons ce que c'est qu'être déporté hors de son lieu d'origine et nous savons également ce que c'est que de recevoir l'aide et le soutien d'autres communautés. Voilà la culture et l'arrière-plan du Kurdistan, qui nous obligent, qui nous tiennent à nous ouvrir aux autres et à l'accueil des autres. Des centaines de milliers de familles chrétiennes vivent et travaillent au Kurdistan, ainsi que les Sabéens-Mandéens, qui ont fui Bagdad ou d'autres régions, vivent aujourd'hui au Kurdistan. La porte du Kurdistan est ouverte à tous, parce que nous croyons dans ces principes, nous croyons dans la diversité, et nous croyons que si nous voulons bâtir une société démocratique en Irak, si nous voulons parvenir à la stabilité dans le pays, alors nous devons pratiquer ce que nous prêchons et mettre en place des exemples analogues à Bagdad, à Mossoul, à Basra. 
Je sais que cela peut paraître difficile, voire impossible, que cela peut paraître illusoire de créer une situation similaire à Bagdad. Mais je crois que deux choix s'ouvrent à nous : Tout d'abord, nous devons maintenir la stabilité, protéger la situation actuelle au Kurdistan, dans l'intérêt des Kurdes, bien sûr, mais également des Turkmènes, des assyriens, des musulmans, des chrétiens, des yézidis, pour le bien de tous ceux qui ne peuvent pas vivre ailleurs en Irak et qui peuvent trouver refuge au Kurdistan. Mais, par ailleurs, nous devons protéger le Kurdistan afin que nous soyons en mesure de changer Bagdad, d'influer sur Bagdad. 
Bagdad ne pourra pas faire l'économie de ce rôle donné aux Kurdes. Les Kurdes peuvent contribuer au changement à Bagdad. Je dis cela parce que, malheureusement, l'idéologie qui domine dans les sociétés irakiennes, – car, j'insiste là-dessus, il y en a plusieurs – eh bien, l'idéologie dominante dans les sociétés irakiennes n'est pas une idéologie démocratique. Je ne dis pas que le Kurdistan est parvenu à la pleine démocratie, mais en revanche, je peux vous dire que nous croyons en la démocratie et que nous luttons pour la faire advenir. Cependant, pour être tout à fait honnête, la situation n'est pas la même dans d'autres régions de l'Irak, et si nous voulons mettre en place un processus démocratique à Bagdad, et si nous voulons que les chrétiens puissent rester en Irak, parce que nous croyons que les chrétiens, comme les Kurdes et comme d'autres, doivent pouvoir rester dans leur pays,  esi nous voulons que les chrétiens comme d'autres communautés demeurent en Irak, alors nous devons aider les Kurdes à mettre en place un meilleur système politique, de meilleures conditions de vie, et nous devons aider les Kurdes à aider l'Irak. Et je crois que d'autres pays, la France en particulier, peuvent nous aider, peuvent aider les Kurdes à aider les autres. 
En ce qui concerne la populations déplacée au Kurdistan, en particulier les chrétiens, j'ai les chiffres sous les yeux : Nous avons accueilli à ce jour 10 718 familles, ce qui peut représenter peut-être 50  000 chrétiens au Kurdistan ; 400 familles à Erbil, 175 à Sulaymaniye, un millier à Duhok. Et je crois savoir comment aider ces gens : un grand nombre d'entre nous, y compris au Kurdistan, comprend que ces personnes peuvent venir au Kurdistan et s'intégrer dans la société. Ils peuvent trouver des aides. En ce sens, il est sûr que le Gouvernement régional veille à leur sécurité. Mais être une personne déplacée est quelque chose de difficile, et ces personnes doivent également s'organiser une vie nouvelle, vivre et travailler, envoyer leurs enfants à l'école, apprendre parfois une nouvelle langue, et nous n'avons pas toutes les installations et les équipements nécessaires pour cela. Certains nous disent que nous ne pouvons pas prendre à Pierre pour donner à Paul. Mais les familles chrétiennes au Kurdistan, à Ankawa, à Erbil, à Duhok, à Sulaymaniye et il y a également des chrétiens à Khanaqin, tous ces chrétiens sont intégrés à notre société. Mais les personnes déplacées venant de Bagdad ou de Mossoul, ou d'ailleurs, lorsqu'elles arrivent au Kurdistan, nous devons pouvoir les accueillir. Nous avons besoin d'équipements. Nous devons, par exemple, mettre en place un centre à Erbil ou à Sulaymaniye, pour pouvoir scolariser en arabe les enfants des personnes déplacées. Nous devons construire des hôpitaux où il sera plus facile de leur fournir des services. Et elles ont besoin de logements. 
Lorsque je parle de centre dédié, je ne veux pas dire que nous allons les traiter différemment du reste de la population. Simplement, nous devons leur procurer les services dont ils ont besoin. Récemment, j'ai eu une discussion avec le président Barzani, et Sa Sainteté vaticane, qui a soutenu cette idée. Nous avons également besoin du soutien et de l'aide de pays tels que la France pour pouvoir mettre en place ces centres dédiés, afin que, lorsque la situation se sera améliorée, à Mossoul et à Bagdad, ces familles déplacées puissent y retourner ; mais que si la situation n'évolue pas, à Mossoul et à Bagdad, ces familles puissent également s'installer au Kurdistan.
Voilà de quoi nous avons besoin et je vous remercie de votre attention.

À venir : M. Olivier Poupard, représentant du ministère des Affaires étrangères français.

Concert de soutien à l'Institut kurde