vendredi, novembre 30, 2007

Festival de musique soufie d'Iran

Samedi 8 décembre de 19h à 22h

Maison des Cultures du monde

Grande soirée dédiée aux musiques soufies d’Iran. Trois heures de concert où se succéderont l’ensemble Farabi, l’ensemble Pazevari et un ensemble de musique kurde soufie du Kermanshah, tous accueillis par le conservatoire de musique persane de Paris.

Renseignements et préventes : 01 55 86 25 03 / 06 27 04 95 20
Maison du Daf.

De cette Nuit naissent des Aubes

Poitrine

Le souvenir de ses lèvres,
de ses joues pareilles à la lune.
Un immense gémissement remplit ma poitrine
tel le roucoulement.

Pendant que mon âme monte aux lèvres,
je la sacrifie pour toi.
Si elle mettait ses lèvres sur les miennes,
mon âme en ressusciterait.

Lorsqu'elle se lève,
la résurrection s'annonce.
Des cieux, cette nuit,
telles mes larmes, les astres tombent.

Si le prédicateur me blâme cent fois,
je ne le blamerais point,
bien qu'il le mérite.
Les injures sont pour les hérétiques.

Précaution !
Dans cette résurrection à contre-temps,
les morts se lèvent de leur tombe ;
et toi,
tu galopes joliment sur celles des martyrs.

La nuit du départ du père
- que son esprit soit joyeux -
il m'a tenu ce serment :
"tu es lumière de mes yeux.
Que l'amour soit ton chemin
et offre aux autres du vin !"

Ce sont deux chevaux
qui t'amèneront aux confins de la mort.
Mahwî, réfléchis sérieusement !
La nuit est le Shabdiz*,
le jour est un cheval argenté."

* Monture de Khowrow Parviz, couleur de nuit.

De cette Nuit naissent des Aubes, Mahwî, trad. Ahmed Mala.

jeudi, novembre 29, 2007

La hiérarchie cosmique selon les Ahl-e Haqq

0. Comme le non-est de Plotin, il y a au sommet de tout une divinité inconnaissable ;

1. mais qui offre à la création une "face connaissable dont parlent les religions révélées. On l'appelle Xâwandegar, Yâr, et sous sa forme théophanique, Shâh ou Padeshâh." Il s'est manifesté (en âme et en essence) par le miroir d'Ali, Shah Xoshin, Bâbâ Nâ'us, Hajî Bektash, Soltân, etc.).

2. Les Sept archanges (Heftan) :

I. Gabriel/Jebrâ'il, soit Pîr Benyamîn, soit l'Esprit-Saint, le 'aq al awwal, le Premier Créé des philosophes : "En tant que gardien du Pacte entre Dieu et les Sept, il est généralement envoyé pour fonder une religion ou une doctrine. (Ainsi il dicte le Coran à Mohammad). Il est le Pîr, l'Ancien, le maître de l'initiation des A.H (sar sepordan) et c'est par lui que l'on accède au Roi. Sa couleur est le blanc."

Avatars : Seth, Noé, Salih, Abraham, (Jacob ou Joseph), Rostam du Zaboulistan, Jésus, Salman le Perse (le scribe de Mohammad et d'Ali), l'Imam Ja'far, Kâkâ Redâ (un sain A.H), Hafez, Farid od-Dîn 'Attar, Platon selon certains.

Attribut : inspiration, création.

Doit revenir en Mahdî (Jésus, Zoroastre, Bouddha, etc.).

II. Raphaël/Dawû/Khidr est le dalil (guide) qui mène au Pîr. Il protège et secourt les voyageurs (rêbar). Sa couleur est le bleu (shîn cad bleu-vert, couleur de la végétation pour les Kurdes, ce qui est important pour son identification au Verdoyant Khidr). A pour emblème une baguette d'or. C'est aussi le patron de tous ceux qui travaillent le métal, le maître des ashiq et de la musique.

S'est manifesté par Loth, David, Aaron, Hud, Salih, Key Khosrow, Saint Pierre, l'imam Ali Reza, Shams od Dîn de Tabrîz, Seyed Heydar Brâkâ (A.H), Alexandre, Qanbar le serviteur africain d'Ali.

III. Michaël/Mika'îl, Pîr Musî.

Vizir, secrétaire (consigne la Tablette et le Calame de l'univers). Couleur : jaune.

S'est manifesté en Aristote, l'imam Mûsa Kazem, Ferdowsî.

IV. Azraël/Azr'â'il, Mostafa Dawûdan.

L'Ange de la mort et du courroux. Couleur : noir.

Aurait été 'Abbas, le frère de l'imam Hoseyn.

V. Hur ol 'eyn, Pîr Razbâr, l'Ange-femme. Couleur : violet.

Protège femmes et enfants.

A été l'épouse du pharaon qui recueillit Moïse, la reine de Saba Bilqis, Zeynab, la soeur de l'Imam Hoseyn, Narges la mère du XII° Imam, la simorgh qui recueillit Zal, elle intervint aussi dans l'accouchement de Rostem ; fut Marie mère d'Ali, Fâtima mère de 'Alî, Xatûn-e Dayrak mère de Soltan Sohak.

VI. Shanta'il, Aqiq, Roçyar, Hushyar, Shâh Ibrahim chez les Kurdes. Son attribut est la royauté, l'apparent (zâher), le pouvoir temporel. Couleur : poupre.

S'est manifesté dans Isaac, Salomon, l'imam Hassan, Ahmad-e Jamî, Shah Ne'matollah Kermanpi, Saint Jacques, Daniel; Daniyar de Samarcande, Teymour Sanî chez les A.H.

VII. Yaqiq, Esmâ'îl, Shah Yadegar, est l'aspect ésotérique, le bâtin, par rapport au zâher du précédent.

a mission est l'éveil salvateur. C'est aussi un martyr professionnel. Couleur : vert.

Il a été Abel, Joseph, Esmâ'îl, Jamshîd, Siavosh, Iradj; il habita en esprit Jean-Baptiste et Jésus le temps qu'ils se fassent martyriser ; Saint Georges, l'imam Huseyn, Bâbâ Tâher, Yadegar (A.H) ; il vint habiter Seyyed Brâkâ quand il se fit assassiner.

Sous les Anges, on retrouve la hiérarchie commune avec les soufis des Sept et des Quarante Permutables.

Parmi les Sept (ceux que les soufis appellent parfois Afrad), il y eut Adam, Mohammad, Jalal al-Dîn Rûmî, le frère de Soltan Sohak Seyyed Mohammad, des apôtres, Fâtima fille de Mohammad et épouse d'Ali.


Les Quarante :

Jean During pense que les Kurdes A.H les ont empruntés aux cultures turciques en raison de l'importance qu'ils ont chez les Alévis, les Baxhsis, les chamanes, mais dans le soufisme, ils sont aussi omniprésents. Ibn Arabî en a longuement parlé, Ruzbehân de même (qui a été désigné comme l'un d'eux au cours d'une vision). Pour les A.H ils ont un côté "non humain", et ils les appellent les 40 djinns, ce qui n'est évidemment pas le cas dans le soufisme, où les 40 sont des saints mortels, même si possédant de grands pouvoirs (ubiquité, faculté de faire apparaître des objets, enfin tout ce que font leurs alter ego gurus ou yogî). Dans le Dowre-ye Tcheltan, on cite ceu du temps de Soltan Sohak dont "seulement six ou sept sont usuels, tous les autres étant bizarres et d'origine impossible à identifier comme 'Atî, Lâme, Sunâ, Qitul, Yunhan, Vishum... Chacun se présente en disant qui il fut et d'où il vient : de Tabâs, de Bolghâr, Damas, Ardebil, Tcherkessie et même de France (sic !), ainsi que d'autres lieux non repérables ou symboliques."

Je me demande, moi, si la "bizarrerie" des noms n'est pas là justement pour indiquer le fait qu'ils seraient issus et actifs de partout, ce qui en ferait une assemblée pluriconfessionnelle. Quant à la "France", c'est peut-être tout bonnement le pays des Francs (Farandj), terme venant des Croisades pour désigner les Latins.

Réflexion intéressante. Ibn Arabî appelait les Sept Afrad des "Cavaliers". Or une chamane kirghize interrogée au sujet des Quarante "répondit sans hésitation : "je les ai vus, ils sont des guerriers à cheval". "

Jean During : "Notes sur l'angélologie Ahl-e Haqq".

De cette Nuit naissent des Aubes


Muhammad Uthman Balkhî, de son nom de plume Mahwî, est né en 1836 à Sulaymâniyya, où il fit ses premières études, avant de partir à Sine et Mehabad (Kurdistan d'Iran), puis Bagdad où il obtint son diplôme de fin d'étude auprès du muftî Zahawî.

Il revient en 1862 dans sa ville natale, où il exerce la profession de magistrat. Mais il démissionne très vite, en 1868, pour enseigner et devient aussi le murîd du sheikh Naqshbendî Baha od-Dîn de Tawêla. Pour une raison inconnue, il est exilé à Bagdad en 1874 par le pouvoir ottoman. Il fait le hajj en 1883, puis se rend à Istanbul, sans doute plaider sa cause auprès d'Abdulhamîd II. Avec succès, car par firman le sultan l'autorise non seulement à revenir à Sulaymâniyya, mais en plus à y ouvrir un tariqat.

Son oeuvre est celle d'un poète ashiq et soufi, voué à la ma'refa (gnose), dans la lignée de l'amour-miroir divin, avec des références mystiques et littéraires très iraniennes en général, mais également kurdes, en plus de quelques allusions à la situation politique contemporaine, comme la guerre russo-japonaise de 1905.

Le Dîwan de Mahwî, joliment intitulé De cette Nuit naissent des Aubes, a été traduit en 2001 par Ahmed Mala.


Dieu

Dans cette mer tourmentée
pourvu que Dieu te délivre,
suis le chemin du compagnon de Dieu,
quitte ce matelot.

Je suis seul, moi,
personne ne comprend mon langage.
Ils sont toujours méconnaisseurs de Dieu,
pourtant le mot Dieu
est toujours sur leurs lèvres.

La promesse et la fidélité sont objets de railleries ;
la perfidie, la trahison les remplacent,
que Dieu aille au secours des fidèles !

Celui pour qui je fis mes prières,
je supplie Dieu
de me protéger de ses maux.

Je lui dis : "aie pitié de moi !" ;
elle me répondit en colère :
"toi, tu es un shêkh, compagnon de Dieu,
moi je suis grâce marine."

Les parjures souillent son Nom :
son Nom n'est plus.
Je me sacrifie pour son Nom.

Tant que tu demeureras dans l'obscurité de l'existence,
tu seras loin de la lumière d'amour ;
l'ombre n'est plus, c'est le soleil.
Si Mahwî n'est plus, Dieu est."

mercredi, novembre 28, 2007

Radio : Ararat, Agha Khan Museum

Dimanche 2 décembre à 8h00, sur France Culture : Les 10.000 martyrs du mont Ararat. Foi et tradition, J.P. Enkiri.
à 18h30, sur France Culture : Une saison d'art islamique à Paris (1). Avec Sophie Makariou, conservateur du département des arts de l'Islam au musée du Louvre, commissaire de l'exposition Chefs d'oeuvre islamiques de l'Agha Kkhan Museum. Cultures d'islam, A. Meddeb.

Dualisme en pays kurde

Dans les Actes passionnants du colloque Syncrétisme et hérésies dans l'Orient seldjoukide et ottoman (XIV°-XVIII° siècle), dirigé par Gilles Veinstein, Toufic Fahd, dans son intervention "Les sectes dualistes en terre d'islam", cite as-Sharastanî et son Livre des religions et des sectes, lequel parle des Kûdakiyya, une branche des Mazdakiens, qui se trouvent, selon ash-Sharastanî, "dans les régions d'al-Ahwâz, du Fars et à Shahrazûr, ville du pays kurde ; d'autres se trouvent en Transoxiane, dans les régions de Samarcande, au centre de la Sogdiane, du Shâsh qui donna son nom à Tashkent, et d'Ulâq, qui avait pour capitale Tûnkâth."

Sur les Yézidis :

"On a voulu rapprocher Kantéens et Yazîdîs, alors que rien ne permet de les confondre. En effet, cette secte gnostique dispersée entre Tiflis et Bagdad, développe l'idée de l'Être qui veut disputer le pouvoir avec Dieu, affirmant ainsi son indépendance et son autonomie par rapport à lui ; mais il finit par se soumettre, reconnaissant la primauté de Dieu.

Un texte yazîdî raconte que Dieu et l'Ange Gabriel étaient, à l'origine, postés sur un arbre planté au milieu de la Mer primordiale ; ils avaient la forme de deux oiseaux (cygnes noirs dans la mythologie tartare, une cane blanche et une cane noire dans la légende russe, selon Ugo Bianchi). Dieu demanda à l'Ange : "Qui es-tu ?", provoquant ainsi de sa part une reconnaissance de son infériorité par rapport à l'excellence divine. Mais l'Ange répondit : "Tu es Toi et Je suis Moi", se mettant à son niveau. Alors Dieu le chassa de l'arbre ; il dut errer longtemps sur l'eau. A la fin, se rendant à l'avis d'un autre être, Sheikh Shîn, il put reprendre sa place sur l'arbre, après avoir reconnu la primauté de Dieu. Comme partenaire de Dieu, il participa à l'oeuvre créatrice, en pêchant la Terre au fond de la Mer primordiale.

Dans les récits des Yazîdîs, il est question d'un Melek Tawûs, "Ange Paon", qui fait valoir ses droits à une pleine égalité avec Dieu. Réhabilité, il est vénéré par les Yazîdîs qui, de ce fait, sont appelés les "adorateurs du Diable". Le Créateur, déçu de la conduite de Melek Tawûs, châtia le mal, mais n'y opposa pas un remède radical.

D'inspiration nettement mazdéenne, le yazidisme appartient à ces mouvements schismatiques qui se produisirent dans le contexte des luttes entre Umayyades et 'Abbâsides pour le califat, tels les Abû-Muslimiyya, les Khurramiya, qui étaient des néo-mazdéens, et tous les Thanawiyya ou dualistes, inspirées des diverses tendances du manichéisme."

Il faut effectivement relever que, bien que d'apparition historique plus tardive, les yézidis ont été également reliés à des pro-Omeyyades, notamment par la généalogie, vraie ou supposée, de Sheikh Adî ibn Musafir, que l'on présenta comme descendant du calife omeyyade Yazîd.

Sur les Bektachis-Alévis et leur parenté avec les Yézidis et les Yarsâns, par Irène Melikoff :

"En continuant mes recherches à partir des nefes, j'ai découvert des similitudes entre les croyances des Alévis, celles des Yezidis et des Ahl-é Hakk. Le caractère syncrétique de ces croyances devenait de plus en plus apparent.

L'origine manichéenne des trois interdits du bektachisme, celui de la main, de la langue et du sexe, me fut révélée assez tôt. Ce sont les trois sceaux du manichéisme qui ont été exposés et critiqués par Saint Augustin dans son De moribus Manichaerorum : de signalo oris, manuum et sinus.

Plus tard, en étudiant le mythe de la Création dans les traditions orales chantées par les Alévis, les Ahl-é Hakk et les Yezidis, j'y découvris le scénario du manichéisme : la création de l'Homme Primordial inconscient de son essence divine, la question qui lui est posée : "Qui suis-je ?", à laquelle, dans son ignorance, il ne peut répondre. A la troisième demande, grâce à une intuition venue de son subconscient, il répond : "Tu es le créateur, je suis la créature !"

Ainsi, l'homme éveillé du sommeil de l'inconscience découvre sa nature divine : l'âme éveillée intègre la communauté des croyants."

"Une autre tradition alévie concerne Sheytan qui refusa de se prosterner devant Adam parce qu'il n'avait pas compris que Dieu s'était caché dans le coeur d'Adam et qu'Adam était par conséquent Dieu lui-même. S'étant repenti de son erreur, il fut réincarné en Cebra'il, l'ami de plus proche de Dieu. Cette tradition se retrouve également chez les Ahl-e Hakk et les Yezidis. Elle remonte sans doute à une origine commune."

Cette tradition est aussi passée dans l'islam soufi et c'est, semble-t-il al-Hallâj qui a évoqué le premier la figure ambiguë d'Iblîs. Hallâj influença par ailleurs énormément de courants mystiques ou gnostiques, dont les Yézidis. Quelques siècles plus tard, au début de son Mem et Zîn, Khanî aussi adresse à Dieu, au sujet d'Iblîs, des paroles de compassion :

"Iblîs'ê feqirê cînayet
Hindî te hebî digel înayet
Her rojê dikir hezar-i taet
Lewra ku te da wî îstitaet
Wî secde nekir li xeyrê Mabûd
Gêra te ji ber derê xwe merdûd
Yek secde ne bir li pêshê exyar
Qehra te kire mixelledun-nar" v. 85-88

Que l'on peut traduire par :

"le pauvre Iblis, si innocent
Pour qui Tu avais tant de soins,
Chaque jour se prosternait mille fois devant Toi,
Parce que Tu lui avais donné la puissance.
Il ne se prosterna jamais que devant Dieu,
Et Tu l'as chassé de Ton seuil.
Il ne se prosterna jamais que devant Dieu
Et Ta colère l'a jeté dans le feu pour toujours."

Comme on le voit la version soufie, restant dans l'orthodoxie sunnite, pour le moment, ne voit pas que Dieu ait pardonné à l'ange rebelle. Sinon, le Sheikh Ehmed reste dans l'idée hallâdjienne que c'est par excès d'amour qu'Iblîs refusa de reconnaître Adam pour qibla et non par orgueil.

"Dans le Buyruk qui est considéré par les Alévis comme un livre sacré, il est dit qu'un coq doit être sacrifié à toutes les grandes occasions, telles l'initiation ou la cérémonie par laquelle on devient musahip (frère de l'au-delà). Ce coq reçoit le nom de Cebra'il. V. Cuinet avait déjà remarqué, au siècle dernier, que le coq était considéré comme le symbole de l'archange Gabriel et qu'il faisait l'objet d'un sacrifice.

Chez les Yezidis et les Ahl-e Hakk, une des manifestations de Sheytan, c'est Malek Ta'us, l'ange-paon adoré par les Yezidis. Malek Ta'us qui est aussi une des épithètes appliquées à l'archange Gabriel, est représenté sous la forme d'un coq

Après avoir longtemps pensé qu'il ne pouvait y avoir de dualisme chez les Bektachis-Alévis à cause de leur croyance à la réincarnation qui me semblait devoir exclure l'existence de l'Enfer et de l'Esprit du Mal, je me rends compte aujourd'hui du contraire. Le dualisme est présent dans les différents mythes de la Création ainsi que dans l'interpénétration de Sheytan et de Cebra'il.

Louis Massignon avait été lui aussi frappé par le mythe de Satan qui avait péché par amour excessif pour la divinité et par la vénération de Satan par les Yézidis qui le confondaient avec Malek Ta'us."

Irène Mélikoff, "Le gnosticisme chez les Bektachis/Alévis et les interférences avec les autres mouvements gnostiques".

Sur cette question de la réincarnation qui excluerait l'enfer, notons que les Yarsâns fournissent un bon exemple du contraire, croyant à un nombre limité de réincarnation (50.000 selon Nur Ali Elahi) et pour finir à un Enfer si ce nombre n'a pas suffi à l'âme pour se détacher de la matière ténébreuse, du Mal, en somme.

mardi, novembre 27, 2007

Le chasseur, la gazelle et la clochette


"Tout pêcheur et tout chasseur doivent toujours être munis d'une foène. Elle est indispensable à ceux qui chassent la gazelle, de nuit, à la clochette (dâlwiyya). Ainsi que l'indique le maître al-Asadî, le mot dâlwiyya, synonyme de juljul "clochette", est propre aux régions d'Arbil, de Chahrazour et de Mossoul. Dans cette chasse nocturne à la clochette, la lanterne doit être portée, au bout d'une perche de bambou, par un aide averti de la marche à suivre. Avec la foène, on peut avoir, par surprise, lièvre, gazelle et tout gibier à plume, menu ou gros, sur terre et sur eau. Le lièvre et la gazelle s'embrochent quand ils dorment en leur gîte ; les oiseaux d'eau se harponnent quand, dérompus par l'Autour, ils sont tombés à l'eau là où on ne peut les attraper. A la foène, on extirpe, de même, le Francolin blotti dans le fourré impénétrable et la Perdrix réfugiée en une anfractuosité de rocher ou en toute autre retraite étroite. Enfin, la foène est indispensable pour récupérer tout objet tombé en un endroit inaccessible à la main."

LXVI. De la Pêche au filet, à la foène, à la drogue, à la nasse et à la glaise.

Muhammad ibn Manglî, De la chasse.

"1. De la chasse nocturne à la clochette.

Ce mode de chasse est spécial aux régions d'Irbîl, de Chahrazour, de Mossoul et de Daqûqâ (auj. Tawûq). En opérant en un canton très riche en gibier à plume, le chasseur qui s'y livre peut, de nuit, capturer son millier de pièces, depuis les petits passeraux jusqu'au Ganga, à l'outarde Houbara et autres gros oiseaux, mais c'est surtout avec les Gangas qu'il peut réaliser de jolis tableaux. Certains de ces chasseurs prennent ainsi les gazelles. Cette chasse suscite parmi ses pratiquants un esprit de compétition et les plus habiles tirent fierté de leur art. "

"Quatre chapitres d'al-Asadî".

lundi, novembre 26, 2007

Des Autours de Derbend et de Chirwân (et autres oiseaux de proie)

Bien que nommés d'après deux régions du Caucase, au nord du Kurdistan, ces autours abondent plus aussi chez les Kurdes, à ce que nous dit l'ostad Muhammad :

"N'était la supériorité de l'autour de Géorgie, j'aurais dû mentionner, d'abord, les quatre meilleures races suivantes : celle de Derbend (darbandiyya), celle du Chirwân (chirwîniyya), celle d'Abkhazie (abkhâziyya) et celle de Cilicie (jukûriyya) ;

4. Les Autours de Derbend sont les plus beaux et les plus rares. Ils ont la tête semblable à celle de l'Aigle de Bonelli (zummâj pl. zamâmij), le cou allongé et les yeux parfonds, à l'iris rouge flamboyant. Le vrai type de la race a larges pennes, larges barres brunes au palstron et large chef. Il porte arcades fortement capées et est armé d'un bec prolongé et d'amples serres. Ses tarses sont cuirassés d'écailles impriquées comme celles dont est couvert le crocodile (timsâh). Il est de large carrure aux mahutes, a long col, vaste poitrine, narilles bien ouvertes et pieds panards. Il craint le feu et est dangereux pour les jeunes enfants. Il a longue tire, il entreprend le gros gibier et anéantit le petit ; son attaque est vive comme la flamme. C'est en Perse que se rencontre, le plus souvent, cette race, depuis la région de Hamadân jusqu'à celles de Mossoul et de Marâgha, mais il est peu de gens qui la connaissent.

5. l'Autour du Chirwân s'apparente à celui de Derbend aussi bien dans le travail que dans la gamme des gibiers volés, mais il est encore plus beau de ton, d'allure et de plumage, ne refusant aucune proie à l'entreprise. C'est de lui qu'il s'agit en ce vers :

"On dirait qu'il porte sur le plastron et sur la gorge les traces du cheminement des fourmis dans la cendre."
(vers 70 de la urjûza muzdawija sur la chasse d'Abû Firas al-Hamdanî)


Les contrées qui connaissent le plus cette race sont la Djazîra jusqu'à Akhlât et la région du massif du Hakkârî. Les Kurdes capturent ces Autours et les détiennent en captivité dans leurs demeures, leur altérant ainsi le plumage avec la fumée de leurs foyers."

XIV. Des Autours, bâz/bâzî pl. buzât. De leurs races géographiques, manteaux et habitats.

Sur les Faucon pèlerins :

"Le Pèlerin (moiré) "vert" (akhdar), ainsi qu'est appelé le plumage noir par la plupart des gens et que les Irâquiens qualifient de noir à reflet vert, ce qui, pour nous, se dira "vert", est, comme le précédent, un faucon des plus estimés pour ses hautes qualités (...) c'est dans la région de Mélitène (Malatya) que l'on en voit le plus."

"Les Pèlerins "montagnards" (kûhî) du Khorassân, ceux de Géorgie et ceux des pays byzantins sont identiques, mais ceux de Perse sont supérieurs à ceux des pays byzantins, c'est-à-dire de Aksaray (Aqçarâ', Aqçara), de Konya (Qûnya), de Tokat (Dûqât, Tûqât), de la région de Sivas (Sîwâs) jusqu'aux terres de Mélitène et de tout le territoire de Diarbékir. Tous ces Pèlerins se valent dans le travail."

XVI. Des faucons Pèlerins/châhîn pl. chawâhîn.


Du faucon crécerelle :

"En Irâq, on l'appelle : bâdhinjân "aubergine", à Mossoul : farkh al-bâdhinjân "poussin d'aubergine", au Diarbékir, à Harrân et à ar-Ruhâ : sâfid "cocheur", et en d'autres lieux : abû r-rîh "ventolier" ; en Syrie et en Egypte, c'est le naçç."

XXVII. Du faucon Crécerelle/naçç pl. nuçuç, nuçûç.

De qui, le premier, vola avec l'Aigle royal :

On a dit que, parmi les souverains, les premiers à avoir volé avec l'Aigle royal furent ceux de Mossoul ainsi que leurs sujets ; c'est de chez eux qu'est venu ce mode de vol."

"On a dit, également, que le premier à avoir volé avec l'Aigle royal fut un homme de Mossoul. Celui-ci chassait les gazelles au piège radiaire à arc (fakhkha pl. fikhâkh), en un lieu nommé balad al-farah "pays de la joie" où abondait le gibier et surtout la gazelle. Or, un jour, un Aigle-royal se prit dans un de ces pièges et le tendeur le rapporta chez lui, le cilla (et le laissa dans un coin de la demeure. Chaque jour, au retour de sa tournée de relève de ses pièges, il le nourrissait des tripailles de ses captures et il le garda ainsi une vingtaine de jours au bout desquels il le décilla). Mais, profitant d'un moment d'inattention de son maître, le rapace lui dévora un de ces chiens de chasse, puis, la fatalité voulut que ce fut le tour de la propre fille du piégeur, une gamine âgée, dit-on, d'une dizaine d'années. A la suite de cette affaire, cet aigle fut pris en charge et duit au vol de la gazelle (par le bourgmestre du village où résidait le piégeur).

L'Aigle royal est abondant sur les territoires de Mossoul, de Sindjâr et de Harrân."

XXXII. De qui, le premier, vola avec l'Aigle royal.

Muhammad ibn Manglî, De la Chasse.

Colloque

30 NOVEMBRE & 1ER DÉCEMBRE 2007
MUSÉE DU QUAI BRANLY
37 Quai Branly, 75007 Paris - Amphithéâtre Claude Lévi-Strauss


PRÉSENCES DU PASSÉ
MÉMOIRES ET SOCIÉTÉS DU MONDE CONTEMPORAIN

"Ce premier colloque des instituts français de recherche à l'étranger donne la parole, sur ce thème des actives présences du passé, à quelque 25 chercheurs venus de treize instituts établis en Europe, en Asie, en Amérique latine et en Afrique. Une conférence inaugurale définira les enjeux qui s'attachent aux différents paradigmes de la mémoire. Suivront quatre sessions où seront abordés la mémoire du communisme en Europe de l'Est et en Chine; celle des grands traumatismes du vingtième siècle; le jeu de la mémoire dans les constructions nationales; la dialectique de la mémoire collective et des parcours individuels. Une table ronde de clôture s'interrogera sur les usages de la mémoire - des mémoires- face aux défis du présent.

A l'initiative du Ministère des Affaires Etrangères et Européennes, ce colloque est organisé par la Fondation Maison des Sciences de l'Homme, en partenariat avec le Musée du Quai Branly, le CNRS, France 24, France Culture, Radio France Internationale, le magazine L'Histoire et Transcontinentales, la revue du réseau des instituts français de recherche à l'étranger."


Organisation : Jean-Luc Racine
Comité scientifique : Arnaud d'Andurain, Maurice Aymard, Marie-Elizabeth Ducreux, Pierre Lanapats, Michel Pierre, Jean-Luc Racine

Entrée gratuite
Inscription ici ou par fax auprès de Hind Ben Farès
Contact Fondation Maison des Sciences de l'Homme :
Hind Ben Farès - Tél : 01 49 54 20 20 - Fax : 01 49 54 21 33


Vendredi 30 novembre

Le Musée du Quai Branly ouvre ses portes au public à 9h30

9h45
Ouverture
Madame Anne Gazeau-Secret, Directrice Générale de la Coopération Internationale et du Développement, Ministère des Affaires Etrangères et Européennes
Madame Marie-Françoise Courel, Directrice du Département Sciences Humaines et Sociales du CNRS

10h15
Conférence inaugurale
Paradigmes de la mémoire
Marie-Claire Lavabre (CNRS, Maison Française d'Oxford)

11h00-13h00
Première session
Mémoires du communisme

Six regards croisés sur le communisme et ses suites, en Europe de l'Est et en Chine
Présidence : Marie-Claire Lavabre (CNRS et Maison Française d'Oxford)
Modératrice : Catherine Goussef (CNRS et Centre Marc Bloch, Berlin)

Mémoires du Rideau de fer, mémoires du communisme : Ceské Velenice, une ville tchèque à la frontière de l'Autriche
Muriel Blaive (Institut Boltzmann, Vienne)

La gestion territoriale du passé en Bohème occidentale : frontière, dégermanisation, socialisme et post-communisme
Paul Bauer (EHESS, Centre Français de Recherche en Sciences Sociales, Prague)

La mémoire tchèque du ghetto de Terezin au fil de la presse communiste, 1945-1973
Thomas Hejda (Université Paris I, Centre Français de Recherche en Sciences Sociales, Prague)

Nostalgie pour les années 1980 en Hongrie
Maté Zombory (Université de Budapest, Centre Français de Recherche en Sciences Sociales, Prague)

Entre fiction et mémoire : l'écriture de la Révolution culturelle dans L'Âge d'or de Wang Xiaobo
Sébastian Veg (EHESS, Centre d'Etudes Français sur la Chine Contemporaine, Hong Kong)

L'histoire au service du développement économique en République Populaire de Chine
Gilles Guiheux (Université Paris VII, Centre d'Etudes Français sur la Chine Contemporaine, Hong Kong)

14h30-18h30
Deuxième session
Les grands traumatismes : nazisme, Shoah, Partition, Apartheid, génocides, guerres

Le travail de mémoire - ou son esquive - sur les tragédies du vingtième siècle
Présidence : Pierre Lévy, Directeur du Centre d'Analyses et de Prévision du Ministère
des Affaires étrangères et européennes

14h30-15h45
Nazisme et Shoah
Modérateur : Dominique Bourel (CNRS. Ancien directeur du Centre Français de Recherche à Jérusalem)

La mémoire du nazisme : le souvenir entêtant d'Adolf Eichmann
Florent Brayard (CNRS, Centre Marc Bloch, Berlin)

Quelle mémoire pour la Shoah ?
Nathalie Zajde (Université Paris VIII. Centre de recherche français à Jérusalem)

La Constitution allemande et le passé nazi à la lumière de l'expérience autrichienne
Thomas Hochmann (Université Paris I, Centre Marc Bloch, Berlin)

16h00-18h30
Partition, Apartheid, génocides, guerres
Modérateur : Jacques Semelin (CNRS - CERI Sciences-Po)

Le Japon, la Corée et la mémoire : l'après-guerre des relations nippo-coréennes au prisme du souvenir
Lionel Babicz (Maison franco-japonaise, Tokyo)

Entre Inde et Pakistan : mémoire de la partition et partition de la mémoire
Lionel Baixcas (Sciences-Po, Centre de Sciences Humaines, New Delhi)

Justice, mémoire et vérité : Ouganda, Rwanda, Afrique du Sud, Cambodge, Iraq
Tyrone Savage (Université de Stellenbosch, Institut Français d'Afrique du Sud, Johannesburg)

L'histoire dans l'Afrique du Sud post-apartheid : le musée Hector Peterson de Soweto
Adrien Delmas (EHESS, Institut Français d'Afrique du Sud, Johannesburg)

Karbala, ici et maintenant. Théâtre rituel, martyre et mémoire de la guerre au Liban-Sud
Sabrina Mervin (CNRS, Institut Français du Proche Orient, Beyrouth)

Beyrouth, centre ville : espace mémoriel et reconstruction
Sophie Brones (Université Paris X, Institut Français du Proche-Orient, Beyrouth)

Mémoires andines du " Sentier lumineux " : produire l'histoire locale de la violence politique au Pérou
Valérie Robin Azevado (Université Toulouse le Mirail, Institut Français d'Etudes Andines, Lima)


Samedi 1er décembre 2007

Le Musée du Quai Branly ouvre ses portes au public à 9h30

9h30-13h00
Troisième session
Mémoires, identités, nations
Présidence : Thierry Garcin, producteur délégué à France Culture


9h30-11h00
Enjeux identitaires
Trois mondes, trois questionnements identitaires
Modérateur : Jean-Luc Racine (CNRS, Fondation Maison des Sciences de l'Homme)

Passés diasporiques et " malaise créole " : L'Île Maurice en quête d'une mémoire partagée
Catherine Boudet (Université de La Réunion) & Julie Perghini (Paris 8, Institut Français d'Afrique du Sud, Johannesburg)

Jeux de mémoires, enjeux d'identités : Indiens teenek et nahuas au Mexique
Anath Ariel de Vidas & Odile Hoffmann (Centre Français d'Etudes Mexicaines et Amérindiennes, Mexico)

Les enjeux politiques et identitaires de l'écriture de l'histoire au Yémen
Jean Lambert (CNRS-Musée de l'Homme, Centre Français d'Archéologie et de Sciences Sociales, Sanaa)


11h15-12h45
La Turquie et ses passés
De l'antiquité à Ataturk, quels passés pour la Turquie contemporaine ?
Modérateur : François Georgeon (CNRS et Centre d'histoire du domaine turc de l'EHESS)

Entre appropriation et déni : le passé gréco-romain de la Turquie, préfiguration des valeurs européennes ou symbole d'altérité
Pierre Chuvin (Université Paris X, Institut Français d'Etudes Anatoliennes, Istanbul)

Usages et abus du passé ottoman
Edhem Eldem (Université du Bosphore, Institut Français d'Etudes Anatoliennes, Istanbul)

D'une guerre à l'autre : 1915-1922 dans les mobilisations idéologiques et l'agenda politique de la Turquie d'aujourd'hui.
Alexandre Toumarkine (Institut Français d'Etudes Anatoliennes, Istanbul)


14h30-16h15
Quatrième session
Lignes de vie. Mémoire des dominés, mémoire des déplacés
La mémoire personnelle et familiale dans la construction du présent individuel et collectif
Présidence : Pierre Ganz, directeur Antenne Monde, Radio France Internationale
Modérateur: Dominique Fournier (CNRS, Fondation Maison des Sciences de l'Homme)

Mémoire et récits de vie des adolescents travailleurs déscolarisés de Lima : être exclu au Pérou
Robin Cavagnoud (Université Paris III, Institut Français d'Etudes Andines, Lima)

Quand la mémoire danse… Mémoire et modèles musico-chorégraphiques chez des migrants d'Ayacucho (Pérou)
Jeanne Saint-Sardos (Université Paris IV, Institut Français d'Etudes Andines, Lima)

La mémoire collective au secours de la mémoire individuelle : la mobilité ascendante des Dalits en Inde
Jules Naudet (IEP Paris, Centre de Sciences Humaines, New Delhi)

" Flucht und Vertreibung " : mémoire publique et mémoire privée de la fuite et de l'expulsion en Allemagne
Alice Volkwein (Université Paris III, Centre Marc Bloch, Berlin)

16h30-18h00
Table-ronde de clôture
Que faire du vingtième siècle ?
Mémoires des passés, mémoires pour le présent

Table ronde animée par Maurice Aymard (EHESS, Fondation Maison des Sciences de l'Homme) avec :
Marc Ferro (EHESS)
Georges Mink (CNRS, Université Paris X)
Pierre Morel (Ambassadeur de France en Chine, en Russie et au Vatican),
Yves Saint-Geours (Président de l'Établissement Public du Grand Palais),
Marie-Claude Smouts (CNRS, Sciences-Po),
Jean-Claude Vatin (CNRS)
Dominique Wolton (CNRS)

"Depuis la fin du vingtième siècle, les problématiques mémorielles occupent dans le débat public une place de plus en plus centrale. Les historiens, les ethnologues et les anthropologues ont depuis longtemps développé des questionnements sur les rapports entre les " lieux de mémoire ", les constructions identitaires, les usages politiques de l'histoire, son écriture -et ses réécritures. Sociologues et politologues se sont emparés de ces thématiques aiguisées par l'effondrement des régimes communistes en Russie et en Europe de l'Est, par les tensions entre constructions nationales et mondialisation, et par la relecture de l'expérience coloniale. Façonné par la quête des origines et l'inter-prétation sélective des temps longs de l'histoire, le monde présent porte aussi l'empreinte des tragédies du siècle dernier : nazisme et shoah, partitions et massacres, guerres et apartheid. Pouvoirs établis, mouvements contestataires ou collectivités dominées, les acteurs multiplient les usages de la mémoire pour stimuler les mobilisations contemporaines, ou restent prisonniers d'un " passé qui ne passe pas "."

Des grands aigles

Où l'on voit que l'Aigle royal, actuellement emblème de la Région du Kurdistan est effectivement célèbre dans et prisé dans ces montagnes depuis fort longtemps...

"Combien est-il d'espèces d'aigles ? Sachez donc qu'il y en a sept et que chacune a son ton de pennage, d'où sept couleurs différentes. On a, d'abord, l'aigle commun connu de tous et surnommé "Aigle de rapine" ('uqâb aç-çayd), quoique tous les aigles soient de rapine et soient aptes à chasser. Cet aigle a le balais marqué de blanc (abrach adh-dhanab) ; c'est le plus beau de tous et le mieux volant. Il se tient dans toute la zone avoisinant les montagnes et là où il y en a le plus c'est en Syrie ainsi que dans le pays de Mossoul jusqu'à la Djazîra, puis à Sindjâr et dans les territoires de Naçîbîn, de Mârdîn et de Diarbékir ; or, nous ne mentionnons, ici, que les régions où le grand rapace est activement recherché et où abonde le gibier.

Concernant ce grand aigle, le point essentiel (en volerie) est qu'il ne peut être mis entre les mains que d'un connaisseur perspicace, robuste et patient, car quiconque se lancerait à voler à l'aigle sans expérience, mettrait sa vie en danger. Sachez, en effet, que, face à l'homme seul, sans l'appui d'un compagnon, l'Aigle royal devient un ennemi redoutable. A ce propos, Nâçir ad-Dîn al-Kurdî m'a raconté qu'un chasseur passionné avait au poind un Aigle royal qu'il jeta sur une proie, mais celle-ci échappe au rapace. Ce dernier revenant à tire d'aile vers son maître qui était en selle, fonça sur lui et le désarçonna. C'est pour dire que l'homme seul, voulant reprendre son aigle de sur sa prise, quand il a pris, se fera tuer s'il ne procède pas avec la plus grande adresse et sans violenter l'oiseau."

"'Isâ al-Asadî rapporte, encore, qu'on pouvait voir, à Mossoul, un homme amputé d'une main ; or, c'était un passionné de volerie à l'aigle. Mais voici d'où lui venait son infirmité. Un jour qu'il dormait, son aigle étant à la longe près de lui, il étendit le bras sans s'en rendre compte et sa main effleura l'oiseau. Celui-ci s'en saisit des deux serres et en dévora toute la chair ; l'homme ne put se libérer qu'en tuant le rapace. A Mossoul encore, on a connu un aigle qui avait tué une panthère, ce qui, à l'époque, avait suscité l'admiration de tous ; cet aigle vécut longtemps après son exploit et mourut de sa belle mort."

"Le nom des aigles diffère d'un pays à l'autre. Ainsi, il en est un qu'en Irâq on nomme
chaylamanî "blond folle-avoine", de chaylam désignant les semences de cette graminée sauvage, tandis que le même est dit cha'îrî "blond d'orge" en Syrie où la folle avoine s'appelle khâfûr. Cet Aigle impérial a la plus belle silhouette qui se puisse voir chez les oiseaux. Depuis la contrée que baigne le grand fleuve (ach-chatt, c.à.d. le moyen Euphrate), touchant aux localités de Qal'a Ja'bar, ar-Ruhâ (Edesse), Harrân et Sarûj, jusqu'à Mossoul, on lui prête le nom de abyad "blanc", bien qu'il ne soit pas tout à fait blanc ; à côté de cela, il a un port impressionnant et c'est le plus grand des aquilidés."

Sur l'Aigle appelé "blanc" dans les pays du Moyen-Euphrate, intéressant de faire le lien avec les Yarsân, par qui "l'Aigle royal, blanc avec le bout des ailes turquoise" est chanté dans leurs hymnes, car figure théophanique. Mais je dois dire que "blond folle-avoine" ou "blond d'orge" sont des noms encore bien plus jolis...

Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : XII, Des grands aigles, genre Aquila/'uqâb pl. 'iqbân.

De l'éducation du Lynx Caracal

"Attacher un lynx caracal sous le même abri que celui où l'on tient des guépards dénote, de la part du guépardier, une pauvreté d'esprit et un manque de compétence, car le traitement de cet animal réclame des techniciens différents de ceux qui gouvernent les guépards ; le Caracal est, de caractère, plus violent que le guépard en raison de sa constitution réduite et il peut bondir, en hauteur, jusqu'au-dessus de dix coudées. C'est en Perse qu'il est le plus utilisé à la chasse, ainsi qu'à Mossoul et en territoire byzantin ; mais ce sont les Persans les plus habiles à le dresser, car, de tous, ce sont eux qui marquent le plus d'attachement aux bêtes de proie créancées."

Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : VIII, De l'éducation du Lynx Caracal.

samedi, novembre 24, 2007

Coup de projo sur : Chimène Seymen et Alî Ufkî Bey




Après le Khorasan, on remet le cap à l'ouest, et même très à l'ouest avec ce cd sorti le 25 octobre dernier, où Chimène Seymen, chanteuse française d'origine turque, formée au baroque, poursuit son projet de musicologie sur "les échanges culturels et musicaux entre les Cours Européennes et Ottomane au XVIIe siècle", comme elle l'explique plus longuement sur son site. A la cour ottomane, on jouait des airs ottomans, bien sûr, mais aussi européens. Les musiques ottomanes n'étaient malheureusement pas transcrites par écrit, mais heureusement, un manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de France est un témoignage irremplaçable sur l'histoire de la musique à Topkapi : Le Mecmu'â i saz ï söz, soit "Recueil pour sonner et chanter", fut rédigé par l'esclave de cour Ali Ufkî Bey, alias Wojciech Bobowski, alias Albert Bobowski alias Alberto Bobovio alias Albertus Bobovius, qui nous a laissé en plus une Relation du Sérail du Grand Seigneur, éditée chez Actes Sud, qui est aussi une description unique des arcanes, pavillons et coulisses de la Sublime Porte.




"Wojciech Bobowski, né en 1610 à Lemberg (aujourd’hui Lvov en Ukraine), se retrouve, par des voies que nous ignorons, page du sultan au palais de Topkapi, sous le nom d’Ali Ufkî Bey ; il y apprend à jouer du santur (instrument à cordes percutées) et devient Santurî Ali Bey. Après dix-neuf ans de séjour au palais, où il est principalement affecté à la chambre de musique du sultan, il en sort vers 1657 pour devenir un des traducteurs (drogman) de la Sublime Porte. Il écrit alors en latin des ouvrages sur la langue turque et la religion musulmane, en italien une description du palais de Topkapi, traduit le Coran en turc et transcrit pour la première fois sous forme de partition des pièces de musique ottomane. Il est réputé posséder sept, treize, voire dix-sept langues. Il est bientôt connu en Europe sous les noms d’Albert Bobowski, Alberto Bobovio ou Albertus Bobovius.

Cette Relation du sérail du Grand Seigneur, description du palais de Topkapi, est un des très rares textes rédigés de première main que nous possédions sur la demeure du souverain ottoman. Les innombrables descriptions occidentales dont nous disposons par ailleurs ne sont que des compilations de renseignements aussi épars qu’invérifiables ; quant aux Turcs eux-mêmes, ils se sont interdit toute description d’un lieu inaccessible."

vendredi, novembre 23, 2007

Du guépard de Tharthâr


"La Tharthâra ou région de l'oued ath-Tharthâr (ath-Tharthâr), se situe à une journée de cheval à l'est de Sindjâr. C'est un pays riche en sources aux eaux non potables, quoique quelques-unes le soient, et où les roseaux croissent en abondance. On trouve là le guépart ainsi que le lion et tous les grands herbivores sauvages. Le guépard y est de couleur intermédiaire, ni franchement roux ni franchement jaune ; il a une belle ligne et est de longue haleine. Cette race de guépard a été, jadis, duite, dans le territoire de Mossoul, au courre d'une gazelle que les gens de l'endroit appellent "gazelle de Ninive" (ghazâl Nînawa) et qui est la plus véloce de toutes les gazelles ; on dit, même, que c'est elle qui possède les plus longues côtes et les articulations les plus effilées. On la trouve dans la région de Ninive, citée ruinée restée célèbre à cause du prophète Jonas (Yûnus ibn Mattâ) (sur lui soit le salut !). Ce territoire de Mossoul englobe une vaste étendue désertique recelant gazelles et guépards. Ceux-ci sont excellents chasseurs, non sujets à l'aggravée et résistants à la chaleur et au froid ; on en amène sur les marchés de Mossoul et d'Irbîl et il en parvient jusqu'à Akhlât, Chahrazour (et Marâgha).

Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : VII, Du guépard.

De la Chasse : les archers du Jibâl et les autres...


"Le tir sur gibier ou autre avec un arc dur n'est efficace qu'à la condition d'amener la flèche à fond d'entois (istighrâd) et de décocher aussitôt, sinon le tireur avec un arc souple a une flèche plus meurtrière, de plus longue portée et son tir est plus élégant et mieux exécuté, ainsi que le reconnaissent les maîtres archers. Si l'on n'entesse pas à fond, aussi bien avec l'arc dur qu'avec le souple, la flèche est nulle et sans effet. Or, la plupart des archers du Jibâl (Médie) n'entessent pas à fond pour tirer avec l'arc dur dont ils usent, pourtant, le plus communément. De même les (croisés) Francs (Ifranj) (qu'Allah les abandonne à leur sort !) ne portent pas non plus leur flèche à fond d'entois quand ils décochent avec leurs arcs durs et, de plus, ils ne savent pas tirer quand ils sont à cheval, aussi bien à l'arrêt qu'en allure."

Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : IV, Du maniement des instruments de chasse ; l'arc.

Sinon, sur la vertu des peaux de bêtes (V. "Du moyen de se protéger contre toutes les bêtes féroces et de la manière de les supprimer quand on est monté et quand on va à pied"), on apprend de ce fils de Mamlouk, que si s'assoir sur un tapis en peau de lion guérit les hémorroides (ainsi que le fiel desséché ou l'os calciné et broyé en poudre de sanglier), faire de même sur une peau de panthère "peut vous inciter au vice de sodomie (ubna), aussi faut-il s'en abstenir..." Vous voilà prévenus. Il ajoute que "les chiens n'aboient pas après celui qui tient une peau d'hyène."

Libération de W, Q et X

Alors que le DTP s'apprête à passer en jugement, que les maires de Sur et de Diyarbakir sont en cours deprocès pour usage dangereux d'idiomes étrangers dans leurs mairies, Ali Babacan, le ministre des Affaires Etrangères turc, annonce la possible amnistie de trois dangereux éléments séparatistes qui jusqu'ici menaçaient l'intégrité de la République. Non ce n'est pas Cemil Bayik, Murat Karayilan et Duran Kalkan, ce sont juste le X, le W et le Q, qui seraient amenés prochainement à être "intégrés" dans l'alphabet turc, lequel passerait donc de 29 lettres à 32.

Si vous vous demandez en quoi cela concerne les Affaires étrangères, c'est que la réforme de l'alphabet serait comprise dans un pack de mesures destinées à amadouer l'Union européenne. Et pourquoi l'Union européenne se soucierait-elle de la teneur de l'alphabet turc ? Parce que l'absence de ces trois consonnes avaient servi de prétextes à maints préfets pour interdir des affiches ou condamner des fêtes de NeWroz, ou tout texte écrit en kurde, lequel recèle, malheureusement, beaucoup de Q, de X et de W.

Donc, au lieu de dépénaliser totalement, c'est-à-dire dans les faits, l'usage du kurde, on va faire une loi pour décider que trois lettres seront dorénavant turques. Un peu comme Süleyman Demirel, l'ancien président turc, qui pour éviter de dépénaliser la célébration du Newroz kurde, avait déclaré que c'était de toute façon une très ancienne fête TURQUE, et donc il n'y avait pas de mal à le célébrer, buyrun, pourvu bien sûr qu'il s'agisse de la fête de NeVruz et non NeWroz. Bon. On a encore fait un progrès, même le NEWROZ sera une fête turque ; pas à dire, la démocratie avance à grands pas...

source Today Zaman.

jeudi, novembre 22, 2007

Séminaire : Mission chrétienne en terre d'Islam

La mission chrétienne en terre d’Islam : nouvelles approches, nouveaux enjeux.

animé par Bernard Heyberger, Professeur à l’Université de Tours, Directeur d’études à l’EPHE, Membre senior de l’IUF et Rémy Madinier, Chargé de recherche au CNRS


Les 1ers mercredi du mois, (IISMM, salle de réunion,1er étage, 96 bd Raspail) 14-16 heures. Attention : en mars 2008 : 2e mercredi du mois (12 mars) en Salle Lombard.

"Pour la troisième année consécutive, ce séminaire s’efforcera d’explorer les relations entre mondes chrétiens et musulmans, du XVIe siècle à nos jours, en prenant la mission chrétienne en terre d’Islam comme point d’observation. Il le fait dans une perspective pluridisciplinaire, fondée sur la connaissance intime d’aires culturelles variées allant de l’Afrique subsaharienne à l’Indonésie en passant par le Proche-Orient et les Balkans. Il alterne autant que possible une vision du côté chrétien et une vision du côté musulman.

Il existe une spécificité de la mission chrétienne en terre d’islam. Celle-ci est le résultat d’une longue construction imaginaire réciproque, d’une expérience pratique de plusieurs siècles, de conditions matérielles particulières (dictées par les normes islamiques concernant les minorités, le prosélytisme et la conversion), et d’une collusion ou d’une confusion avec les pouvoirs coloniaux. Mais chaque situation est particulière suivant le moment et le lieu : nous n’ignorons pas qu’il existe des islams et des christianismes.

Ce séminaire s’efforce de mettre à jour concordances et hiatus entre un discours missionnaire à vocation universelle et ses applications concrètes face aux dures réalités du quotidien. Il s’emploie, par ailleurs, à dresser un inventaire organisé des effets de l’action missionnaire sur les sociétés musulmanes où elle s’est exercée (rejet, imitation ou encore détournement) et à analyser son rôle dans les rapports entre les deux communautés, tant sur le plan des réalités concrètes que sur celui des représentations."


Renseignements et inscriptions :
Bernard Heyberger, 01 40 30 20 03, ;
Rémy Madinier, 54 Bd. Raspail, bur.732, 75006 Paris. 01 49 54 23 44. .


Programme des séances mensuelles

7 Novembre 2007 : Bilan et introduction ; Rémy Madinier, Bernard Heyberger.

5 Décembre 2007 : Quand la mission se greffe sur un milieu colonial : le Congrès International Eucharistique de Carthage de 1930 ;Anna Bozzo (U. Roma 3).

9 Janvier 2008 : Les réactions des réformistes musulmans à la présence et aux activités des missionnaires (Egypte, entre-deux guerres) ; Francine Costet-Tardieu (INALCO).

6 Février 2008 : Compression" et "résistance" à l'époque coloniale. L'expérience des Pères Blancs à Thibar (Tunisie) ; Daniela Melfa (U. de Catane).

12 Mars 2008, salle Lombard : L’apport des missionnaires et des auteurs chrétiens aux études de Ahl-e Haqq (Iran / Turkestan, fin XIXe –début XXe s.) ;Mojane Membrado / Ozkoli (EPHE, 5e Section).

2 avril 2008 : Guerres et coexistences islamo-chrétiennes en Ethiopie depuis le 16e siècle, et implications à la marge des missions chrétiennes européennes ; Eloi Ficquet (EHESS).

7 mai 2008 : Tentatives missionnaires dans les montagnes kurdes, sur les marges de l'Empire ottoman et de la Perse, avant la Première Guerre mondiale ; Florence Hellot-Bellier (CNRS, Monde Iranien).

4 juin 2008 : L'action des sœurs de Saint-Joseph dans une villes à majorité musulmane : Naplouse ; Karene Sanchez (U. de Leide).

Table ronde

Jeudi 12 Juin 2008 : Conversions au christianisme en terre d’Islam : parcours, enjeux et réactions XVIe-XXIe siècles; (Le programme est en cours d’élaboration)

Bernard HOURCADE
Mondes Iranien et Indien
CNRS, 27 rue Paul Bert F.94200 IVRY sur SEINE
Sur le Web : On line Atlas de Téhéran
Métropole : 33 1 49 60 41 65
Fax 33 1 45 21 94 19

mercredi, novembre 21, 2007

Radio : Gilles Veinstein, Islam, médecine

Du lundi 26 au vendredi 30 novembre, à 6h00 sur France Culture : La diplomatie ottomane en Europe (XV°-XVIII° siècles) : Conceptions, organes et procédures ; Cours de Gilles Veinstein. L'Eloge du savoir.

Les Toits de Paris


Sortie aujourd'hui du film de Hiner Saleem, Les Toits de Paris. On peut lire aussi une interview du cinéaste dans La Croix.

J'y vais ? J'y vais pas ?

Alors que la Turquie danse d'un pied sur l'autre devant la frontière irakienne - on y va ? on y va pas ? - Massoud Barzanî, le président de la Région du Kurdistan a déclaré qu'il ne réagirait pas militairement à une opération "limitée" contre Qandil, qui est parfois présentée comme "probable" dans quelques cercles turcs.

On peut supposer - si on a l'esprit mal tourné, bien sûr - un accord tacite entre Erdogan et le président kurde : l'armée ne touche pas au Kurdistan d'Irak, d'autant plus que le référendum de Kirkouk est actuellement repoussé aux calendres grecques et que le GRK bataille vivement avec le ministère irakien du pétrole. Les Kurdes d'irak ont bien d'autres chats à fouetter que les félins kurdes ou turcomans qu'on leur demandait de livrer à Ankara...

De plus, une opération limitée ne gênerait pas trop Erdogan, qui pourrait ainsi montrer à l'opinion publique turque, laquelle est actuellement, si l'on en croit certains sondages, très pro-interventionnisme :

1/ qu'il autorise l'armée à faire ce qu'elle veut contre le PKK ;
2/ que c'est parfaitement inutile, à part créer une liste supplémentaire de "sehit" turcs qui auront peut-être, eux, le bon goût de mourir et non de se rendre ;
3/ l'armée choisit d'y aller ou pas : si elle n'y va finalement, c'est à elle de s'expliquer face aux citoyens turcs qui hurlent "A Erbil ! A Erbil !" avec enthousiasme ; si elle y va, ce sera aussi à elle d'expliquer pourquoi le résultat final ne sera pas à hauteur des objectifs annoncés.

Quant à Barzani, il désapprouvera, toussotera, froncera le sourcil, et quand l'armée turque fera chou blan à Qandil, ne pourra que conclure sobrement : "Je vous l'avais bien dit." Le PKK, lui, est sans doute déjà passé, pour partie du moins, en Iran, ou le fera, quitte à revenir un peu plus tard et sera peu touché par l'assaut, lequel ne risque que d'augmenter sa quote de sympathie auprès des Kurdes. Quant à l'Iran, comme l'a déjà expliqué Guillaume Perrier, bien que ce soit sans doute une base tout aussi importante du PKK surtout si on lui adjoint son clone, le PJAK, on n'a pas entendu Ankara le menacer d'invasion.

Reste à l'AKP à régler ses comptes avec l'armée
et les laiciste-kemalistes à l'intérieur. Erdogan vient déjà de se prononcer contre l'interdition du DTP, ce qui est logique, puisqu'il avait déjà appelé le PKK à choisir le terrain des urnes plutôt que celui des armes. Maintenant le DTP est en pleine désorganisation, ce qui n'a rien de nouveau, les partis kurdes ont toujours été un panier de crabes entre pro et anti guerilla, pro et anti PKK, pro et anti Öcalan, vrais militants kurdes contre faux résistants, etc. Encore plus bordélique qu'au PKK et encore plus infiltré par les services turcs aussi.

Finalement, la seule chose intelligente qu'il reste à faire à l'AKP, mais pas la plus facile, ce serait de favoriser la création d'un parti d'opposition kurde, que la Turquie protégerait réellement, à la fois du PKK (qui n'aime pas la concurrence) et des nationalistes turcs fous furieux. J'entends par là un vrai parti d'opposition, pas un pantin qu'on agite au Parlement pour montrer qu'il y a des Kurdes potables. C'est-à-dire qu'on n'exigerait pas d'eux qu'ils qualifient le PKK de "terroriste" alors qu'on attend encore la repentance de la Turquie sur des décennies d'exactions autrement plus graves... Et dont on n'attendrait pas non plus qu'ils bêlent en choeur que la liberté ou la santé d'Öcalan passent avant tout, et que le Soleil de l'Humanité vaut plus cher que le peuple kurde. En attendant, s'il y a négociations ils sont forcés de faire avec le DTP.

mardi, novembre 20, 2007

Cinéma : Yol

Dimanche 25 novembre à 17 h, projection du film Yol, suivi d'un débat animé par Nadia Meflah, critique de cinéma.

Cinéma l’Étoile
1 allée du Progrès La Courneuve.

lundi, novembre 19, 2007

le cas Hamit Geylanî

Toujours performant dans sa défense de la richesse et de la pluralité des cultures anatoliennes, le gouvernement turc actuel a demandé la levée de l'immunité parlementaire du député DTP Hamit Geylanî, parce que celui-ci avait osé, lors de sa campagne électorale, s'adresser en kurde en juillet dernier à ses électeurs potentiels, dans la ville kurde de Yüksekova, Hakkarî où, effectivement, la plupart doivent mieux comprendre le kurde que le turc.

Hamit Geylanî a, pour sa part, sobrement répliqué : "Même si c'est un crime, je persisterai à le commettre." Avant d'expliquer l'affaire plus en détail dans une déclaration : "Il y a eu des demandes de levées de mon immunité parlementaire parce que j'ai parlé kurde lors d'un rally électoral à Yüksekova. Ce discours, je l'ai fait en connaissance de cause, volontairement, et avec amour. Personne ne peut m'empêcher de dire "Bonjour !" à mon peuple dans ma langue maternelle et de parler des problèmes de ce peuple dans sa langue maternelle. Personne ne pourra lever mon immunité*. Personne ne peut m'empêcher de parler dans ma langue maternelle."

*Là, il est peut-être un peu optimiste...


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

samedi, novembre 17, 2007

Coup de projo sur : Rowshan Golafruz


Rowshan Golafruz est né en 1956, d'un père persan et d'une mère kurde. Petit-fils et fils de grands bakhshî khorasanî, respectivement Ali Akbar Bakhshi et Hamrâ Golafruz, il reprend naturellement leur répertoire et leur art, chantant les dâstân (épopées), qui mêlent récitatifs en prose et maqâm versifiés, en persan et en turc. Il s'accompagne pour cela du dotar (un luth à deux cordes, qui rappelle un peu la dombra kazakh mais en moins sourd) et comme Ahmeneh Youssefzadeh le fait remarquer dans la présentation du double CD, l'imitation des cris d'animaux à certains moments du récits rappellent que les bakhshi d'Asie centrale avait aussi une fonction chamanique.
L'histoire de Tâher et Zohre, dont il a été retrouvé à Tachkent une version écrite au XVI° siècle, commence presque exactement comme la célèbre épopée kurde Memê Alan : le sultan de Qarabaq, en Azerbaïdjan, et son frère Ahmad, sont âgés mais sans enfant.
Narration :
"Qu'il me soit permis de dire à ceux qui me sont chers.
Ahmad rapporte à son frère qu'il a lu dans un livre que, dans la contrée de Beyk, il y a une source miraculeuse, appelée Source du Souhait : "Si nous prions devant cette source, tous nos voeux seront exaucés."
Le sultan et son frère, accompagnés de 500 serviteurs, de 500 chevaux et de vivres entreprennent donc leur voyage au pays de Beyk. Après quarante jours, ils arrivent à la Source du Souhait. Le Sultan Hâtam, après avoir fait ses ablutions, s'apprête à faire sa prière devant la source. Soudain, il voit une pomme au milieu de l'eau et il entend une voix qui lui dit de la prendre. C'est une pomme étrange, dont une moitié est rouge comme le sang et l'autre blanche comme la neige. Son frère, en voyant la pomme, lui dit que c'est une pomme magique qui vient du paradis et qu'elle a été envoyée par le Tout-Puissant.
Voici leur prière que moi, votre serviteur qui suis un bakhshi, vais vous répéter :
Chant - Tajnis
Ô Grand Dieu, Dieu tout-puissant
Grâce, grâce, grâce... Ô Dieu.
Louanges au Créateur qui a créé mon corps, le créateur de mon âme,
Le signe de son pouvoir est la création de la vie,
Gardien des piliers de l'honneur, ton humble créature.
Depuis que tu as mis le pied sur la route de l'espérance, ta tête vagabonde.
Grâce ! La corde s'est changée en dragon dans ma main,
A qui puis-je demander remède pour ma peine ?
Cette douleur est sans remède."
Dans Memê Alan, les frères sont au nombre de trois et non deux, mais à vrai dire le nombre des frères dans le Memê Alan de la version Lescot ne se justifie guère, puisqu'un seul d'entre eux donnera naissance au héros, Mem, alors que dans celle notée par O. Mann, la pomme donne naissance à Mem et Bengina. Autre écart dans Memê Alan et Tâher et Zohre, le rôle de Khidr, prépondérant dans la version kurde (sunnite, donc) est effacé par celui d'Ali, le Premier Imam, pour la rendre conforme au chiisme des Azéris, des Qizil Bach, turcs ou kurdes, qui ont dû en être le premier public. Ce qui me fait dire qu'à l'origine la version "khidirrienne" était la bonne, c'est que le rôle de la Source miraculeuse est maintenu (le Verdoyant étant inséparable de son Eau de vie) et que l'apparition d'Ali se fait plus tardivement, dans un rêve qui vient préciser plus en détail ce que les deux frères doivent faire de la pomme.
Tâher et Zohre naissent, comme Memê Alan, neuf mois, neuf jours neuf heures et neuf minutes après que les femmes des sultans aient mangé la pomme.
Narration :
"Que je dise à ceux qui me sont chers. Avant la naissance de leurs enfants, Hâtam et Ahmad font un pacte. Si l'un des enfants est un garçon et l'autre une fille, ils les marieront. Ils rédigent leur pacte sur un parchemin qu'Ahmad conserve précieusement.
Les enfants sont mis en nourrice jusqu'à l'âge de 7 ou 8 ans. Puis on les envoie à maktab khane (école coranique).
Quelques années passent. Ce sont devenus des adolescents. Zohre est d'une beauté remarquable, sa taille est fine. Tâher est beau comme Yûsef-e Mesrî.
Un jour que Tâher consulte les livres de son père, il trouve le pacte conclu par son père et son oncle. Le lendemain, il apporte le parchemin à l'école et le montre à Zohre, qui croyaît que Tâher était son frère. En fait, ils sont seulement frère et soeur de lait.
Chant : Bichare maqâm
Que je sois sacrifié pour une telle taille et une telle allure.
Dis-le bien : que je sois sacrifié pour ta langue.
Par erreur tu as souillé tes mains de sang.
Tu peignes tes cheveux dorés.
Comme Yusef, tu m'as fait prisonnier.
Dis-le bien : que je sois sacrifié pour ta langue."
Le serment des frères d'unir leurs enfants (et le fait que l'un aura des vélléités de rompre sa promesse), rappelle un conte des Mille et une nuits, et le fait que les deux adolescents aillent à l'école ensemble avant d'être séparés est peut-être un souvenir de Layla et Majnoun :
Narration :
"Que je dise à ceux qui me sont chers. Finalement il aperçoit sa bien-aimée Zohre, courant comme une gazelle. Dès cet instant, ils oublient la classe et les études et se consacrent entièrement à leur amour.
Petit à petit les autres élèves découvrent leur secret et le rapportent au maître, le Mollâ. Celui-ci en informe le Sultan Hâtam.
Le lendemain matin, quand Zohre s'apprête à partir, son père lui interdit de sortir pour rejoindre Tâher. Tâher, en arrivant à maktab khâne, ne trouve pas Zohre. Il demande à ses camarades où est passée la bien-aimée.
Chant : Le yare jân
Ô amie, ah !
Que vous m'êtes précieux, ô mes camarades.
Que s'est-il passé ? Vous êtes tous là, seule ma Zohre n'est point venue.
Oh, elle n'est pas venue !
Avez-vous vu quoi que ce soit de mauvais en moi, ô mes camarades ?
Sans raison tu as souillé tes mains de sang,
Tu peignes tes cheveux dorés,
Comme Yusef, tu m'as fait prisonnier.
Je brûle."
Narration :
"Tâher est conduit, les mains liées, chez son oncle Hâtam. Celui-ci ordonne qu'on prépare un banquet pour la pendaison de son neveu. De son côté, Mâlek Simâ console Zohre et demande qu'on prépare deux vêtements d'homme, et des plateaux de bijoux et de rubis. Les deux femmes se déguisent en homme puis vont se présenter à Hâtam en se faisant passer pour des marchands géorgiens qui veulent racheter le prisonnier et le ramener chez eux. Tout d'abord, Hâtam s'y opposent, puis après l'intervention de son vizir qui lui rappelle que leurs relations avec les marchands géorgiens sont importantes pour le pays, il change d'avis et vend Tâher son poids de rubis. Tâher reconnaît dans l'un de ses sauveurs, les yeux de sa bien-aimée, Zohre. Il prend son dotâr et, sous la corde préparée pour sa pendaison, chante quelques vers que moi, votre serviteur, vais répéter :
Chant- Öldürma
Ô mon ami,
Ne me tue pas, ne me tue pas, j'ai, une déclaration à faire, Khan, mon oncle.
Je suis innocent, ce n'est pas ma faute, cher oncle,
Ton injustice et ta cruauté ont dépassé les bornes.
Je suis un orphelin et mon coeur brûle.
Le printemps arrivera mais les jardins sont en automne, c'est en toi la cause.
Notre destin de toute éternité est écrit ainsi.
Dès que je les ai vus, j'ai reconnu les yeux de Zohre."
Chant : Nârgess
"Pourquoi dors-tu, réveille-toi rossignol.
Toi ne pleure pas, laisse-moi pleurer, rossignol.
Le rossignol qui a brûlé mon coeur, grâce, rossignol.
Toi ne pleure pas, laisse-moi pleurer.
Ah rossignol tu n'as pas de chair dans ton corps,
Quand tu chantes ta voix est puissante.
Ah, j'ai vu ton courage.
Toi ne pleure pas, laisse-moi pleurer.
Narration :
Gorgi Khânum préparer ses troupes et se met en route pour Qarabâq avec dix mille hommes. Une fois là-bas, ils dressent leur camp à l'extérieur de la ville. Gorgi Khânum et Tâher vont voir Zohre. A la porte, Malek Simâ, la servante de Zohre, vient leur ouvrir. Gorgi Khânum lui donne le dotâr de Tâher et demande qu'elle le montre à sa maîtresse. Malek Simâ reconnaît Tâher et les fait conduire à Zohre. Gorgi Khânum raconte à cette dernière qu'elle est venue faire la guerre au Sultan à cause de son injustice envers Tâher. Qu'il me soit permis de dire à ceux qui me sont chers. Ils se rendent donc chez Sultan Hâtam pour lui demander la main de Zohre. Celui-ci, étonné de voir Tâher, refuse cette union. Alors, les troupes de Gorgi Khânum surgissent, la guerre commence et Sultan Hâtam est tué.
Tâher devient Sultan de Qarabâq et prend Zohre pour femme. Leur mariage est fêté sept jours et sept nuits durant. Ici les amants réalisent leur désir et atteignent enfin leur but."
Comme on le voit, le happy end est plus proche des contes moralisateurs où le droit triomphe et où le crime ne paie pas, comme dans les Mille et une Nuits, que des amours mystiques et malheureux, comme Layla et Majnoun ou Mem et Zîn.
L'histoire complète de Tâher et Zohre est naturellement plus longue que les quelques extraits présentés ici, et est entièrement narrée dans ce double CD.

jeudi, novembre 15, 2007

Arat Dink aurait fui la Turquie (finalement non)

Selon l'agence ESNA (Eastern Star News Agency), Arat Dink, le fils du journaliste assassiné Hrant Dink, condamné le 12 octobre dernier, avec Serkis Seropyan, le rédacteur du journal Agos, à un an de prison conditionnelle pour insulte à la nation turque, en fameux du tristement fameux article 301, qui avait aussi condamné Hrant Dink avant que le "héros national" Ogun Savas ne se charge lui-même de l'exécution, Arat Dink, donc, menacé en Turquie et sans doute peu confiant envers la protection que l'Etat turc peut lui offrir contre ses futurs assassins, aurait décidé de se réfugier en Belgique.

Par ailleurs deux des policiers de Trabzon, parmi les six soupçonnés d'avoir été informés des intention d'Ogun Savas et d'avoir laissé faire, ont été mis en examen et seront finalement jugés en février prochain : Il s'agit de Veysel Sahin et d'un autre officier, resté pour le moment inconnu. (source Reporter sans Frontière).

Rectification : Contrairement à ce qui a été annoncé ça et là, Arat Dink reste en Turquie et à la tête d'Agos, ce qui est une bonne nouvelle, l'exil n'est jamais à souhaiter à quelqu'un.

mercredi, novembre 14, 2007

Radio : Abbas Kiarostami, la frontière kurde

Samedi 17 novembre à 13h30 sur France Culture : Victore Erice/Abbas Kiarostami : Correspondances ; à l'occasion de l'exposition au Centre Beaubourg. Projection privée.
A 18h10 : La Frontière kurde (sous réserve) ; reportage d'O. Ouahmane. Le Magazine de la rédaction.

mardi, novembre 13, 2007

La condamnation d'Adnan Hassanpour confirmée

Le 22 octobre dernier, la Cour suprême de Téhéran a confirmé la condamnation à mort du journaliste kurde Adnan Hassanpour. Celle qui condamnait Abdolvahid Hiwa Bohtimar a par contre été annulée pour vice de procédure.

Détails de l'affaire et pétition chez Reporter sans Frontières.

La grande guignolade continue...

Selon une dépêche AFP, le Tribunal militaire de Van, qui juge le cas des huit soldats ex-prisonniers du PKK et actuellement prisonniers de l'armée turque, a faxé une notification qui vaut son pesant de cacahuètes à tous les médias turcs, afin d'interdire la retranscription, les commentaires et les informations sur le procès des soldats. Motif ? Ben toujours le même, et dans des termes que le professeur Umbridge n'aurait pas renié (vous savez bien, celle qui vous dit que Voldemort n'est pas de retour et si vous affirmez le contraire, c'est qu'en fait vous complotez contre le Ministère de la Magie):

"La plupart des documents et informations se rapportant à l'enquête sur cette affaire, qui concerne des actes portant atteinte à l'unité de l'Etat et visant à soustraire une partie du territoire national à l'administration de l'Etat, sont de nature à nécessiter le secret dans l'intérêt de la sécurité nationale".
Les accusations de la cour sont, au rebours de ce qui se dira pour leur défense, bien exposées. Les huit soldats, qui encourent de 5 à 20 ans de prison, auraient agi "à l'encontre des besoins de la fonction publique, insubordination persistante ayant conduit à de graves pertes et fuite à l'étranger" et "abandonné leurs positions conformément aux offres des terroristes et sont allés avec les terroristes dans (leurs) camps dans le nord de l'Irak".
Par ailleurs, la nouvelle, à la fois confirmée par Firat News (pro-PKK) et CNN Türk (pas du tout pro-PKK), de l'enlèvement par le PKK de sept nouveaux "otages" kurdes, cette fois-ci des Gardiens de village, laisse perplexe sur les intentions de la guerilla. Que diable veut-elle faire de ces supplétifs ? Vu le traitement que la Turquie réserve à des soldats réguliers une fois qu'ils sont fait prisonniers, on imagine combien le sort des Gardiens de village doit la préoccuper. .. Si ce n'est pas pour négocier, que vont-ils en faire ? Les exécuter pour trahison ? Les relâcher contre rançon ?
Mais commme il semble qu'être enlevé par le PKK en refusant de se battre jusqu'à la mort soit relativement mal vu, c'est peut-être un plan machiavélique pour engorger à long terme les tribunaux et les prisons militaires en Turquie...

Il ne reste plus qu'à attendre la réaction des médias en Turquie, dont un bon nombre, jusqu'ici, a entretenu un climat nationaliste d'un bellicisme frénétique, et savoir s'ils vont se plier docilement à l'injonction de l'armée...

'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Conférence : Les Yarsâns

Shahab Vali

Le Samedi 17 novembre

à 16h00


Les Kurdes Yârsân ou Ahl-é Haqq, "Fidèles de la Vérité

Conférence de Shahab Vali, doctorant en « Sciences religieuses » à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes à Paris, et de Ferhad Heidary, fondateur du « Mouvement Démocratique Yârsân» en Europe

Refondée au XIVème siècle par Sultân Sahâk Barzanjî (1276–1395), la religion Yârsân a toujours présenté un grand intérêt pour les chercheurs. Basée dans la région de Gûrân, la province de Kermanchah, elle reste méconnue du grand public.

Institut kurde de Paris, 106 rue Lafayette, 75010, Paris. M° G. du Nord, G. de l'Est, Poissonnière. Entrée libre.

lundi, novembre 12, 2007

On a retrouvé la 7ème Compagnie... et on l'a mise au trou

Voilà, il fallait s'attendre à ce que les faucons turcs (mais vrais patriotes) froncent le nez devant l'air un peu trop décontracté et pas assez éprouvé des huits soldats faits prisonniers par le PKK et puis relâchés aux mains du GRK. Mais de là à emprisonner à leur tour les pauvres troufions en les accusant 1/d'avoir franchi la frontière sans ordre (ce qui en fait corrobore ma première impression, qui était celle non pas d'une bavure, mais simplement que les huits mehmetci s'étaient tout bonnement paumés dans la montagne et n'étaient peut-être même pas conscients de l'endroit où ils étaient) ; 2/ de n'être pas morts. Car en fait, la seule utilité d'un mehmet (surtout quand il est d'origine kurde) que l'on envoie dans la montagne sous l'uniforme de la Grande Patrie turque, c'est d'être mort ou de tuer le plus de Kurdes possibles, mais pas d'en revenir vivant et en trop bonne santé. C'est vrai, c'est un peu vexant pour la République, ces images de soldats désarmés jouant aux échecs avec un heval (manquerait plus qu'en plus ils se fassent battre aussi aux échecs).

Qu'il y ait enquête de l'armée sur les circonstances de la capture, pourquoi pas, c'est effectivement dans les règles militaires, pour déterminer s'il y a eu bavure, maladresse, gaffe, que sais-je... Après tout, on peut espérer que l'officier responsable d'une expédition aussi désastreuse soit sanctionné, à la place de ses hommes (oui, rêvons un peu).

Mais que la presse turque, après avoir ameuté l'opinion publique sans relâche sur les "otages", sur les larmes des mères d'otages, après avoir fait pleuré dans toutes les chaumières turques sur le sort de leurs bidasses (apparemment aussi doués pour la guerre de montagnes que la 7ème Compagnie), que cette même presse, une fois qu'ils sont libérés, les accusent à présent de s'être rendus à l'ennemi, voire même d'avoir franchi la frontière pour se rendre à l'ennemi, ce qui en gros est une accusation de désertion et de haute trahison ce qui n'est pas rien dans toutes les armées du monde, voilà qui a de quoi laisser pantois et un peu embarrassé Georges Bush qui s'était publiquement félicité de cette heureuse issue et de la libération des huit garçons, qui du coup en deviennent des traîtres supposés. Et pourquoi cette suspicion ? Tout simplement parce que l'origine kurde de certains des prisonniers est mise soudainement en avant ; ce qui, bien sûr, suffit à faire d'un "citoyen turc" un membre de la Cinquième Colonne des ennemis de l'intérieur" en puissance.

Pendant la Première Guerre Mondiale, les "citoyens turcs" arméniens, bien qu'ils soutinssent largement à ses débuts le gouvernement des Jeunes Turcs, et bien qu'ils se fussent engagés dans l'armée ottomane avec patriotisme, ont été de même accusés et soupçonnés de collusion avec l'ennemi séparatiste, de par leurs origines communes avec les Arméniens de l'Empire tsariste. "A partir de janvier 1915, les soldats et les gendarmes arméniens sont privés de leurs armes, réunis par petits groupes de 500 à 1000 hommes en bataillons de travail, employés à des travaux de voirie et à des corvées de portefaix, et progressivement exécutés dans des lieux isolés." in Sentence du Tribunal permanent des peuples : Le Crime de silence ; le génocide des Arméniens ; Paris, 1984. (naturellement, après le génocide, le gouvernement ottoman a eu beau jeu de dénoncer l'attitude peu amicale et les représailles arméniennes à van et Kars, ce qu'on appelle la classique justification a posteriori d'un génocide : "vous voyez qu'on avait raison de les massacrer, car ils allaient le faire avant nous. La preuve : les survivants nous tombent dessus, maintenant).

Il y a pas mal d'années, j'avais lu, dans Les Tilleuls de Lautenbach de Jean Egen, que beaucoup d'Alsaciens avaient fait la guerre dans les colonies (en l'occurence en Indochine pour le père du narrateur), tout simplement parce que, malgré les grandes déclarations patriotiques sur l'Alsace éternellement française, et les mots d'ordre: "allons libérer nos concitoyens du joug teuton", le ministère de la Guerre avait jugé plus sage d'éviter que les Alsaciens français se retrouvent sur le front allemand face à face avec leurs cousins, leurs oncles, voire leurs frères de l'Alsace "allemande". Comme on dit dans Les Tontons flingueurs, "les histoires de famille, ça, c'est comme une croyance, ça force le respect" Les Turcs feraient bien de s'en aviser.

Si la Turquie soupçonne ses Kurdes de ne pas mettre tout le zèle souhaitable à combattre leurs frères séparatistes, elle n'a qu'à envoyer les appelés du Sud-Est faire leur service sur la Côte Ouest et affecter les conscrits d'Antalya, d'Izmir et de Thrace à Hakkarî (en vérifiant soigneusement bien sûr, que leur arbre généalogique soit pur de tout sang kurde). Evidemment, les familles turques 100% risquent de trouver un peu saumâtre que leurs gosses aillent se faire trouer la peau pour garder des provinces dans lesquelles elles n'ont jamais mis les pieds, qu'elles voient comme un pays de sauvages où fleurissent les crimes d'honneur et les règlements de compte sanglants entre tribus archaïques et c'est peut-être ce qui retient l'Etat-major...


'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.

Concert de soutien à l'Institut kurde