Des grands aigles
Où l'on voit que l'Aigle royal, actuellement emblème de la Région du Kurdistan est effectivement célèbre dans et prisé dans ces montagnes depuis fort longtemps...
"Combien est-il d'espèces d'aigles ? Sachez donc qu'il y en a sept et que chacune a son ton de pennage, d'où sept couleurs différentes. On a, d'abord, l'aigle commun connu de tous et surnommé "Aigle de rapine" ('uqâb aç-çayd), quoique tous les aigles soient de rapine et soient aptes à chasser. Cet aigle a le balais marqué de blanc (abrach adh-dhanab) ; c'est le plus beau de tous et le mieux volant. Il se tient dans toute la zone avoisinant les montagnes et là où il y en a le plus c'est en Syrie ainsi que dans le pays de Mossoul jusqu'à la Djazîra, puis à Sindjâr et dans les territoires de Naçîbîn, de Mârdîn et de Diarbékir ; or, nous ne mentionnons, ici, que les régions où le grand rapace est activement recherché et où abonde le gibier.
Concernant ce grand aigle, le point essentiel (en volerie) est qu'il ne peut être mis entre les mains que d'un connaisseur perspicace, robuste et patient, car quiconque se lancerait à voler à l'aigle sans expérience, mettrait sa vie en danger. Sachez, en effet, que, face à l'homme seul, sans l'appui d'un compagnon, l'Aigle royal devient un ennemi redoutable. A ce propos, Nâçir ad-Dîn al-Kurdî m'a raconté qu'un chasseur passionné avait au poind un Aigle royal qu'il jeta sur une proie, mais celle-ci échappe au rapace. Ce dernier revenant à tire d'aile vers son maître qui était en selle, fonça sur lui et le désarçonna. C'est pour dire que l'homme seul, voulant reprendre son aigle de sur sa prise, quand il a pris, se fera tuer s'il ne procède pas avec la plus grande adresse et sans violenter l'oiseau."
"'Isâ al-Asadî rapporte, encore, qu'on pouvait voir, à Mossoul, un homme amputé d'une main ; or, c'était un passionné de volerie à l'aigle. Mais voici d'où lui venait son infirmité. Un jour qu'il dormait, son aigle étant à la longe près de lui, il étendit le bras sans s'en rendre compte et sa main effleura l'oiseau. Celui-ci s'en saisit des deux serres et en dévora toute la chair ; l'homme ne put se libérer qu'en tuant le rapace. A Mossoul encore, on a connu un aigle qui avait tué une panthère, ce qui, à l'époque, avait suscité l'admiration de tous ; cet aigle vécut longtemps après son exploit et mourut de sa belle mort."
"Le nom des aigles diffère d'un pays à l'autre. Ainsi, il en est un qu'en Irâq on nomme chaylamanî "blond folle-avoine", de chaylam désignant les semences de cette graminée sauvage, tandis que le même est dit cha'îrî "blond d'orge" en Syrie où la folle avoine s'appelle khâfûr. Cet Aigle impérial a la plus belle silhouette qui se puisse voir chez les oiseaux. Depuis la contrée que baigne le grand fleuve (ach-chatt, c.à.d. le moyen Euphrate), touchant aux localités de Qal'a Ja'bar, ar-Ruhâ (Edesse), Harrân et Sarûj, jusqu'à Mossoul, on lui prête le nom de abyad "blanc", bien qu'il ne soit pas tout à fait blanc ; à côté de cela, il a un port impressionnant et c'est le plus grand des aquilidés."
Sur l'Aigle appelé "blanc" dans les pays du Moyen-Euphrate, intéressant de faire le lien avec les Yarsân, par qui "l'Aigle royal, blanc avec le bout des ailes turquoise" est chanté dans leurs hymnes, car figure théophanique. Mais je dois dire que "blond folle-avoine" ou "blond d'orge" sont des noms encore bien plus jolis...
Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : XII, Des grands aigles, genre Aquila/'uqâb pl. 'iqbân.
Concernant ce grand aigle, le point essentiel (en volerie) est qu'il ne peut être mis entre les mains que d'un connaisseur perspicace, robuste et patient, car quiconque se lancerait à voler à l'aigle sans expérience, mettrait sa vie en danger. Sachez, en effet, que, face à l'homme seul, sans l'appui d'un compagnon, l'Aigle royal devient un ennemi redoutable. A ce propos, Nâçir ad-Dîn al-Kurdî m'a raconté qu'un chasseur passionné avait au poind un Aigle royal qu'il jeta sur une proie, mais celle-ci échappe au rapace. Ce dernier revenant à tire d'aile vers son maître qui était en selle, fonça sur lui et le désarçonna. C'est pour dire que l'homme seul, voulant reprendre son aigle de sur sa prise, quand il a pris, se fera tuer s'il ne procède pas avec la plus grande adresse et sans violenter l'oiseau."
"'Isâ al-Asadî rapporte, encore, qu'on pouvait voir, à Mossoul, un homme amputé d'une main ; or, c'était un passionné de volerie à l'aigle. Mais voici d'où lui venait son infirmité. Un jour qu'il dormait, son aigle étant à la longe près de lui, il étendit le bras sans s'en rendre compte et sa main effleura l'oiseau. Celui-ci s'en saisit des deux serres et en dévora toute la chair ; l'homme ne put se libérer qu'en tuant le rapace. A Mossoul encore, on a connu un aigle qui avait tué une panthère, ce qui, à l'époque, avait suscité l'admiration de tous ; cet aigle vécut longtemps après son exploit et mourut de sa belle mort."
"Le nom des aigles diffère d'un pays à l'autre. Ainsi, il en est un qu'en Irâq on nomme chaylamanî "blond folle-avoine", de chaylam désignant les semences de cette graminée sauvage, tandis que le même est dit cha'îrî "blond d'orge" en Syrie où la folle avoine s'appelle khâfûr. Cet Aigle impérial a la plus belle silhouette qui se puisse voir chez les oiseaux. Depuis la contrée que baigne le grand fleuve (ach-chatt, c.à.d. le moyen Euphrate), touchant aux localités de Qal'a Ja'bar, ar-Ruhâ (Edesse), Harrân et Sarûj, jusqu'à Mossoul, on lui prête le nom de abyad "blanc", bien qu'il ne soit pas tout à fait blanc ; à côté de cela, il a un port impressionnant et c'est le plus grand des aquilidés."
Sur l'Aigle appelé "blanc" dans les pays du Moyen-Euphrate, intéressant de faire le lien avec les Yarsân, par qui "l'Aigle royal, blanc avec le bout des ailes turquoise" est chanté dans leurs hymnes, car figure théophanique. Mais je dois dire que "blond folle-avoine" ou "blond d'orge" sont des noms encore bien plus jolis...
Muhammad ibn Manglî, De la Chasse : XII, Des grands aigles, genre Aquila/'uqâb pl. 'iqbân.
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