jeudi, mai 30, 2013

Kurd Men For Equality



Un juge de la ville kurde de Mariwan, une ville moyenne ( moins de 100 000 habitants) de la province du Kurdistan d'Iran,  a déclenché une campagne internationale sur Internet après avoir prononcé un châtiment inhabituel, en guise « d’humiliation publique ».
Le 15 avril, un délinquant condamné pour des faits mineurs a été promené dans toute la ville, sous escorte policière, déguisé avec le tchador rouge des femmes de Mariwan. 
La ville a immédiatement pris parti contre le juge et l’ Association des femmes kurdes de  Mariwan a manifesté contre le caractère méprisant et sexiste de la condamnation qui fait du genre féminin un signe d’humiliation et d’infériorité en général, et contre la femme kurde en particulier, puisque les vêtements portés de force par le condamné étaient une tenue traditionnelle. La police est intervenue brutalement pour disperser quelques centaines de manifestants et, selon des témoins, plusieurs femmes ont été sérieusement blessées.
Mais la diffusion, sur le web, de la vidéo montrant le défilé policier encadrant le condamné exhibé en tchador a déclenché l'indignation bien au-delà de Mariwan et même d’Iran, devenant en quelques jours un «buzz» international et donnant naissance à une campagne initiée, cette fois, par des Kurdes de sexe masculin, « Kurd Men For Equality » : Massoud Fatihpour s’est d’abord fait photographier en portant des vêtements féminins kurdes, et en brandissant une pancarte : « Être une femme n’est pas un moyen d’humilier ou de punir quiconque »  ; très vite, des centaines d’autres ont suivi le mouvement et ont posé de la même façon, avec le même slogan, dans leur page facebook ou d’autres déclarations similaires.
Il est vraisemblable que ni les féministes kurdes ni le juge ou même le gouvernement iranien n’avaient prévu l’ampleur prise par cette campagne qui dépassa très vite les milieux kurdes. En quelques jours, près de 10000 photos étaient diffusées sur la page facebook de Kurd Men for Equality et les Kurdes étaient bientôt rejoints par des hommes de tous pays et de toutes origines, se faisant à leur tour photographier avec des vêtements féminins et brandissant le même message.
Dans le même temps, alors que toutes les manifestations dans les régions kurdes d’Iran sont extrêmement réprimées par les autorités, des apparitions publiques de jeunes Kurdes vêtus en femmes se poursuivent dans les rues de quelques villes kurdes, comme en témoignent les clichés qu’ils envoient sur les réseaux sociaux.
Une campagne semblable avait déjà eu lieu sur Internet, en décembre 2009, quand un étudiant iranien, Majid Tavakoli, un des leaders du mouvement de la révolution verte, arrêté le 7 décembre, avait été photographié affublé par les Pasdaran d’un voile féminin, afin de le ridiculiser : les Gardiens de la révolution l’accusaient d’avoir tenté de fuir déguisé en femme, ce que contestaient d’ailleurs les témoins de son arrestation. 
La photo avait été publiée par l’agence Fars News, proche du gouvernement, qui en faisait un parallèle avec la figure de Banisadr, le premier président de la république islamique, accusé lui aussi, en son temps, d’avoir fui sous des vêtements féminins. Mais loin de discréditer le prestige de Tavakoli, le cliché, montage ou non, avait immédiatement été détourné de son but premier par des centaines d’Iraniens dans le monde, qui se sont fait tous photographier dans leur profil facebook, ou sur Twitter, ou filmés dans des vidéos diffusées sur You Tube, vêtus de tchador, avec le message : « Nous sommes tous Majid ». Parmi eux, des personnalités en vue, tels que Hamid Dabashi, professeur à l’université Columbia, ou Ahmad Batebi, le leader étudiant des révoltes de 1999, qui vit aujourd’hui aux États-Unis. Enfin, des portraits de Khamenei et d’Ahmadinejad avaient également circulé affublés du même tchador. 
La spécificité de la campagne Kurd Men For Equality est de protester contre le mépris dans lequel la république iranienne tient les femmes mais aussi ses minorités ethniques, dont les Kurdes, particulièrement réprimés, tout comme les Baloutches ou les Arabes du Khuzistan. Le gouvernement iranien ne s’y est pas trompé, en qualifiant cette action « ridicule » d’être menée par des « séparatistes sous prétexte de défendre les femmes kurdes. » 
Les prochaines élections présidentielles en Iran se dérouleront le 14 juin. Les candidats se sont inscrits le 5 mai et leur candidature a été examinée par le Conseil des Gardiens de la Constitution, qui a publié la liste finale des agréés le 21 mai. Une trentaine de femmes iraniennes s'étaient portés candidates, même si la loi ne leur permet pas de participer.

mardi, mai 28, 2013

Élections au Kurdistan d'Irak : la réélection de Massoud Barzani se jouera-t-elle par référendum ?


Massoud Barzani, source KDP


Les prochaines élections présidentielles dans la Région du Kurdistan d’Irak, dont la date a été fixée le 21 septembre 2013, posent, de tous côtés, des questions de vacance du pouvoir et de succession.

Le parti kurde dont la situation est la plus incertaine, concernant son leadership, est, bien sûr, celui de Jalal Talabani qui n’a pas fait de réapparition publique depuis son accident cérébral, survenu en décembre dernier. Une agence de presse iranienne a récemment parlé de sortie seulement toute récente de coma, ce qu’un de ses médecins, le docteur Najmaddin Karim (qui est aussi gouverneur de Kirkouk) a démenti. Voulant aussi couper court aux rumeurs de mort dissimulée, son entourage a diffusé dans les media kurdes quelques photographies montrant le président d’Irak dans son centre de soins en Allemagne, assis à une table, dans un jardin, entouré de ses médecins. Mais s’il ne fait aucun doute qu’il est encore en vie, l’absence de toute vidéo ou interview en direct n'a fait que relancer les questions sur son état réel de santé ou sur ses capacités physiques (pour ne pas dire intellectuelles).

Jalal Talabani peut-il encore diriger la ligne politique de l’UPK ? Tout semble être, pour le moment, dans les mains de son politburo qui a décidé, cette fois, de participer de façon indépendante aux futures élections législatives au Kurdistan, se détachant de son allié le PDK. L’UPK espère ainsi reconquérir des voix qui, jusqu’ici allaient à Gorran, en calculant que cette alliance avec le parti de Massoud Barzani avait détourné de lui une partie de ses électeurs. 

Cette supposition a, en tout cas, été émise par Muhammad Rauf, qui dirige le parti de l'Union islamique du Kurdistan. Muhammad Raouf laisse aussi entendre qu’en coulisses, plusieurs tentatives secrètes ont lieu pour tenter de réunifier les dissidents de Gorran et l’UPK ou, à tout le moins, de former une alliance électorale contre le PDK.

Dans ce cas, il est certain que dans la région du Behdinan, traditionnellement acquise aux Barzani, ni l’UPK ni Gorran ne peuvent menacer l’hégémonie du PDK, le parti arrivant en second étant l'Union islamique du Kurdistan. Dans la province de Sulaïmanieh, soit l’UPK et Gorran se disputeront la région, ou bien, s’ils font alliance, la remporteront haut la main. Il n'y a qu'Erbil, à la frontière entre les deux zones politiques (et linguistiques), qui présente une incertitude électorale.

Qui est l'opposition kurde et que représente-t-elle en terme de sièges au Parlement ? 

Le Mouvement pour le Changement (Gorran) est le plus puissant et le plus populaire, mais uniquement dans les fiefs de l’UPK, puisqu’il est composé de certains de ses dissidents. C’est une ligne politique laïque et très à gauche, pas du tout portée sur un islamisme modéré, bien qu’il soit souvent accusé par ses détracteurs (surtout du PDK) d'être soutenu et financé par l’Iran. Il a 25 députés élus. 

Viennent ensuite les partis religieux, le Groupe islamique du Kurdistan qui s'est allié en 2009 avec l'Union islamique du Kurdistan et deux deux partis laïques (dont le Parti socialiste) dans la liste du Service et de la Réforme (13 sièges) et le Mouvement islamique du Kurdistan qui a deux sièges à lui seul et ne s'est pas allié au Groupe islamique. 

En tout, l’opposition détient 34 sièges (sur 111) au Parlement. Les deux partis au gouvernement ont 59 sièges. Onze sièges sont alloués d’office à des chrétiens (assyriens, chaldéens ou arméniens) ou des Turkmènes. Vient enfin le peloton des tous petits partis de gauche, communistes ou sociaux-démocrates, qui sont obligés, pour avoir des sièges, de s’allier à d'autres formations, formant ainsi des listes très inattendues, comme celle du Service et de la Réforme.

Le débat le plus vif (et peut-être le seul enjeu politique de cette campagne) porte sur la possible réélection de Massoud Barzani, l’actuel président de la Région du Kurdistan.
Dans la première semaine d'avril, des rencontres ont eu lieu avec des responsables du PDK  et de l'UPK pour discuter de la teneur des élections, présidentielles, provinciales et législatives, et l’opposition a très vite émis le soupçon d’un arrangement entre les deux grands partis pour permettre à Barzani de se représenter, ou d’allonger le mandat présidentiel d’un ou deux ans (il est actuellement de 4 ans).

Omêd Sabah, un porte-parole de la présidence, avait amorcé la polémique, dès le 30 mars, en déclarant, sur la chaîne indépendante kurde NRT, que Massoud Barzani avait demandé ou allait demander une extension de son mandat.

Il n’en fallait pas davantage pour enflammer l’opposition, d’autant que la dynamique de campagne du renouvellement de la classe politique et du combat anti-corruption, lancée par le parti Gorran en 2009, commence de s’essoufler un peu. 

Mais l'opposition n’est pas unanime dans ses prises de position. Mohammad Tewfiq Rahim, parlant au nom du parti Gorran dans le Monitor, a immédiatement condamné toute extension du mandat présidentiel, tandis que Salah Al-Din Bakir, le secrétaire général adjoint de l’Union islamique, indiquait que son parti se réunirait afin d’étudier la possibilité de l’allongement du mandat présidentiel ; même prise de position prudente de la part d'Amar Qadir, du Groupe islamique.

Si le PDK est, bien sûr, en faveur d’un prolongement ou d'une renouvellement du mandat de son leader, qu’en est-il de l’UPK qui, cette fois, fera campagne indépendamment, au moins pour les législatives ? Pour le moment, le politburo n’a émis aucune objection et ne s’est pas, en fait, prononcé franchement sur la question, ce qui signifie très probablement qu'il ne s’y opposera pas. Mais il serait assez délicat de demander à son électorat, et surtout à ses membres, de s’engager dans une campagne qui, de la part du PDK, sera axée sur l’avenir présidentiel de Massoud Barzani et aura sûrement des allures de plébiscite pour les supporters du PDK. Déjà, des membres de l’UPK estiment que cette alliance fait, depuis des années, la part belle à leurs anciens ennemis, en raison des déchirements au sein de leur propre parti et plus encore avec la vacance du pouvoir amorcée avec l’installation de Talabani à Bagdad et à présent son invalidité (temporaire ou définitive)

Pris entre deux feux (son électorat peu amical envers Barzani et le bénéfice qu’il tire de son alliance au pouvoir avec le PDK) les responsables de ce parti, qui jouissent du partage du pouvoir depuis 2005, pourraient être, en sous-main, enclins à soutenir une nouvelle présidence de Barzani, peut-être parce qu’ils ne sont pas non plus certains de peser plus fort que Gorran s’ils ralliaient l’opposition.

Le mieux que l’UPK puisse faire pour garder un semblant de crédibilité face à un électorat qui ne sera jamais pro-Barzani, est effectivement de faire élire ses propres députés au Parlement (en faisant en plus le calcul de reprendre des voix à Gorran) et de ne pas donner de consignes de votes sur la question de la présidence, ce qui lui permettrait d'accepter une fois encore un gouvernement de coalition, une fois Barzani réélu.

Répliquant à Gorran, le PDK a précisé, à la mi-avril, qu’il ne s'agissait pas d’une extension de mandat mais du droit – ou non – qu'a le président en exercice de participer pour la troisième fois aux élections présidentielles. C'est, de fait, le moyen qui peut apparaître comme le plus légal, en raison de l’ambiguité qui pèse sur le statut du premier mandat de Barzani qui n'avait pas alors été élu au suffrage direct, mais par vote parlementaire, en 2005. C'est seulement dans le projet de constitution approuvé par le parlement en 2009 qu'il a été énoncé que le président de la Région du Kurdistan est élu au suffrage universel, mais ne peut se présenter que pour deux mandats.

Les opposants tiennent le premier mandat (voté par le Parlement) pour valable tandis que les pro-PDK considèrent que seule la première élection faite au suffrage direct doit être comptabilisée, ce qui donnerait le droit à Barzani de remporter un troisième mandat. 

De tout avril, le principal intéressé dans cette polémique n'a pas fait entendre sa voix. Sans doute laissait-il ses partisans lancer des ballons-sondes (prolongement ? réélection ? ) en enregistrant les réactions dans l’opinion publique, sans s’avancer lui-même. 

Mais le 4 mai, il a, dans un communiqué officiel, rejeté la plupart des accusations qui fleurissaient dans la presse d’opposition : 

Je n’ai pas demandé à faire modifier la loi sur la présidence de la Région, je n’ai pas demandé à prolonger mon mandat présidentiel ni permis l’amendement de la loi pour me permettre de briguer encore les fonctions de président de la Région. 

Aussitôt, une foule de commentaires et d’analystes, dans la presse classique ou sur Internet, ont décortiqué tous les sens possibles de cette déclaration, ainsi que les sens qu’elle n’avait pas. Le fait que Massoud Barzani n’ait rien « demandé » ne signifie pas qu’il n'accepterait pas de se représenter, au cas où son parti ou une majorité d’électeur lui en ferait la demande pressante. D'autres ont fait remarquer que le président n'avait pas besoin de changer la loi, puisqu'il suffit que le premier mandat ne rentre pas en ligne de compte. 

Ce qui a le plus conforté l’opposition dans ses doutes a été la seconde partie du message présidentiel, qui porte sur la légimité du projet de constitution lui-même, adopté en 2009 par le Parlement, dans des circonstances que déjà, l’opposition jugeait illégale, puisque le mandat des parlementaires avait lui-même expiré

En effet, la constitution a été votée au Parlement le 24 juin 2009, par 96 voix sur 111 députés, mais avec seulement 97 parlementaires présents. Gorran avait boycotté ce vote alléguant que la légalité du Parlement avait expiré depuis le 4 juin 2009. De fait, les législatives, initialement prévues en mai 2009, avaient été reportées au 25 juillet pour des problèmes techniques et budgétaires qui dépendaient de l'Irak et de sa Haute Commission électorale. 

Jusqu’ici, les deux partis au pouvoir n’avaient pas jugé dirimante la nécessité d'une approbation populaire, et c'est seulement cinq ans plus tard que Massoud Barzani sent l’urgence de régler cette question en lançant l’idée d'un référendum, comme pour la constitution irakienne en 2005 :
La constitution n’a pas été votée par référendum pour plusieurs raisons [non détaillées, mais peut-être pour ne pas faire approuver un brouillon en cours d’élaboration, alors qu’il y avait urgence de renforcer la constitution du Kurdistan (et sa présidence) au lieu de laisser s'appliquer la loi irakienne par défaut dans de nombreux domaines] 
Le processus de rédaction de la constitution s’est déroulé normalement et toutes les étapes ont été suivies.  Maintenant, c’est le peuple qui a le droit de décider s’il approuve cette constitution ou non. 
Demander que ce soit les partis politiques qui décident de la constitution n’a aucun fondement juridique [les 3 partis d’opposition ont effectivement demandé un réexamen du texte, mais par voie parlementaire]. Cette demande s'oppose à la foi en la volonté du peuple et heurte le concept de démocratie.

Pourquoi ce soudain besoin de faire approuver la constitution par référendum ? Parce que cela serait vraiment lui donner une forte légitimité devant les demandes de révision qui émanent de l’opposition (qui pourrait plus difficilement s'élever contre la volonté du peuple) et aussi parce qu'une constitution approuvée par référendum entérinerait la légitimité du troisième mandat de Barzani. Si le Gouvernement régional du Kurdistan était un État indépendant, on parlerait de « Troisième » République (après celles de 1992 et celle de 2005), ce qui donnerait, du coup, toute légitimité à Massoud Barzani de briguer ce qui est, alors, vu comme son « second mandat » dans le cadre de ce régime présidentiel qui a débuté en 2009 et non en 2005. 
Dans une perspective plus « politique », si la constitution est approuvée à une large majorité par les citoyens du Kurdistan, cela apparaitra comme un vote de confiance accordé à l'actuel président, et annoncera sans incertitude sa réélection. 

Le Parti Gorran ne s’y est pas trompé et Yusuf Muhammad,  un de ses membres, a déclaré publiquement, dans les heures qui ont suivi la déclaration présidentielle, que ce projet de constitution avait été rédigé dans le dessein de prolonger « le pouvoir absolu de Barzani et de sa famille, et de leur permettre ainsi de monopoliser pour eux-mêmes et leurs subordonnés, les postes essentiels de l’exécutif, du judiciaire, de la sécurité et des Peshmergas, de l’administration et de l’économie du Kurdistan. »
Les petits partis ne sont d'ailleurs pas opposés au suffrage universel, pour les raisons exposées par le leader du Parti socialiste du Kurdistan, Mohammed Haj Mahmoud, qui a, le 13 mai, laissé entendre qu’il serait susceptible de participer à la présidentielle (cela ne prendra sûrement pas beaucoup de voix à Massoud Barzani) : Il soutient la proposition du PDK de faire approuver la constitution par référendum et est contre le souhait de Gorran de revenir à un régime plus parlementaire, dans lequel les députés désigneraient le président, comme en 2005. Et ce en  raison de la domination écrasante de l'UPK et du PDK, qui ne feraient que se refiler mutuellement la présidence, en vertu d'accords internes, pour désigner un candidat ou un autre :
Ainsi les chances d’une compétition démocratique seraient ramenées à zéro. Lors des précédentes élections présidentielles, qui ont eu lieu avec le vote direct du peuple, il y avait une chance de concourir, et un certain nombre de concurrents sont apparus, dans diverses régions du Kurdistan, à Kefri, Koy Sanjaq et Erbil, chacun obtenant une part des votes. C’est cela la véritable démocratie qui donne des chances égales à tous les citoyens, sans exception et nous sommes favorables à cette formule démocratique, parce que la présidence n’est pas réservée à un parti ou à une alliance de partis en particulier, c’est un poste qui concerne tous les membres du public.
De fait, même l’inénarrable Kamal Qadir a sauté sur l’occasion en annoncant sa candidature à la présidence. Comme quoi, tous les espoirs sont permis…

Polluting Paradise



Sort demain en France, Polluting Paradise, de Fatih Akin.


Synopsis : En 2006, Fatih Akin tourne la scène finale de son film "De l’autre côté" à Çamburnu, village natal de ses grands-parents au nord-est de la Turquie, où les habitants vivent depuis des générations de la pêche et de la culture du thé, au plus près de la nature. Il entend alors parler d’une catastrophe écologique qui menace le village : un projet de décharge construit dans un mépris total de l’environnement et contre lequel s’élèvent le maire et les habitants. Il décide de lutter par ses propres moyens. Pendant plus de cinq ans, il filme le combat du petit village contre les puissantes institutions et témoigne des catastrophes inéluctables qui frappent le paradis perdu : l’air est infecté, la nappe phréatique contaminée, des nuées d’oiseaux et des chiens errants assiègent le village. Pourtant, chaque jour, des tonnes d’ordures sont encore apportées à la décharge…. "Polluting Paradise" est à la fois un portrait remarquable de la population turque des campagnes, et un émouvant plaidoyer pour le courage civique.

Fatih Akin :
Les gens du village sont les vrais protagonistes." 
"Nous avons très vite compris qu’il fallait toujours être tout de suite sur place dès que quelque chose survenait. Le photographe du village, qui avait dès leurs débuts couvert les protestations, a été comme un don du ciel pour nous. On lui a rapidement appris à se servir d’une caméra et on l’a envoyé filmer. J’ai donné la plupart de mes instructions de réalisation par téléphone. (...) Au fil du temps il a tellement progressé que ses prises s’articulaient parfaitement avec celles de mon chef opérateur de longue date." 
Un jour, j’ai demandé une autorisation de tournage à l’intérieur de la décharge car je n’avais jusqu’alors filmé que l’extérieur. On m’a conseillé de ne montrer que le point de vue des villageois, mais il était clair pour moi que le film serait plus complexe et raconterait davantage de choses sur la Turquie si la partie adverse avait également droit à la parole."

lundi, mai 27, 2013

Alévie, à la mort

La guerre – Les équipes spéciales

samedi, mai 25, 2013

Iran, la course contre la bombe

Dimanche 26 mai à 22 h 06, sur France 5. Documentaire de Pascal Henry (France, 2013, inédit, 55 mn).

vendredi, mai 24, 2013

Abbas Bakhtiari et l'ensemble Pouya



Le silence de Rumi



Le Silence de Rumi, musique persane


En hommage au poète persan Molana Jalal ad-Din Rumi (1207-1273).


Avec l'ensemble iranien Hallajvashan
Mohamadali Merati : compositeur
Homayoun Kazemi : chant
Jean-Claude Carrière : parole
Laurent Bernard, Edmundo Carneiro, Alireza Kishipour, Artyom Minasyan, Dariush Farzad, Déborah Benasouli, Léonore Boulanger  et Adrien Shomali.

jeudi, mai 23, 2013

Sesime Gel - Come to My Voice - Were Denge Min - Viens à ma voix





Le talentueux cinéaste Hüseyin Karabey avait, en 2010, annoncé vouloir tourner un film en langue kurde et turque, Sesime Gel, Were dengê min (viens à ma voix), dont le thème est la sale guerre au Kurdistan de Turquie, vue de l'arrière, des villages et des femmes :

Dans un village de montagne enneigé de l’est de la Turquie, Berfê (une vieille femme) et Jiyan (sa petite fille) se retrouvent seules, confrontées à l'absence de l'unique homme du foyer. En effet, Temo, respectivement fils et père des deux femmes, est désormais incarcéré. L’officier en chef a été informé que des villageois dissimuleraient des armes. Il annonce alors que tous les hommes du village vont être gardés en détention jusqu’à ce que leurs familles capitulent et remettent les armes qu’elles sont censées dissimuler. Mais à la connaissance de ces deux femmes qui n’ont rien à se reprocher, ces armes n’existent pas. Désespérées, Berfê et Jiyan entament un périple pour trouver une arme contre laquelle échanger leur cher Temo. Leur innocence et leur naïveté leur permettront-elles de faire face à un système qui peu à peu les jette dans un monde terni par un conflit sans fin ? Durant le raid sur le village, tout le monde est rassemblé sur la place. Les soldats prenne alors un homme dans chaque famille et disent aux femmes : 'Amenez vos armes et nous les relâcherons.' Mais il n'y a pas d'armes dans ce village. Et c'est alors que les héroïnes du film entrent en scène : 


Berfê, âgée de 70 ans, entreprend un voyage avec sa peite-fille, Jiyân, qui a 8 ans, afin de trouver un fusil qu'il échangerait contre la liberté de son fils Temo. Mais en dépit de tous leurs efforts, elles ne peuvent en trouver un seul chez eux et doivent donc se rendre à la ville. Ensuite, tout le problème est de ramener le fusil acheté, dans leur village, sans se faire coincer en route. C'est pourquoi elles choisissent de passer par les montagnes.




Aujourd'hui, comme l'explique Hüseyin dans cette vidéo, le film est quasiment achevé, après 4 and d'efforts. Le tournage a pu être mené à bien, grâce à un auto-financement et une contribution de producteurs français et allemand. Mais l'argent leur manque pour la post-production et ils ont besoin d'un dernier coup de pouce pour terminer le film. Toute contribution sera la bienvenue et les généreux donateurs recevront en remerciement 'symbolique' une invitation à une projection spéciale et un remerciement nominatif à l'écran.




Le film est déjà invité dans plusieurs festivals, à Sarajevo, Paris ou Cannes.


Sinon, vous pouvez contacter le producteur directement à ce mail : 
hkarabey@asifilm.com




  

mercredi, mai 22, 2013

L'espace entre les barreaux, lettres d'une Persane

Jeudi 23 mai à 23 h 00 sur France Culture : Lecture de lettres d'amour de Jila Baniyaghoob et Bahman Amadi-Amouee, prisonniers iraniens, par des comédiens, en français et en persan. L'Atelier de la Crétation, Irène Oméliane.

mardi, mai 21, 2013

dimanche, mai 19, 2013

Une nuit à Téhéran

Lundi 20 mai à 23 h 00 sur France Culture : Sara Najafi avec Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouti pour un répertoire de chansons iraniennes ; Nahal Tajadod pour son roman Elle joue. L'Atelier intérieur, Aurélie Charon.






Deux femmes parlent. Elles sont toutes deux iraniennes. L’une a grandi dans l’Iran du Shah, l’autre, née après la Révolution de 1979 n’a connu que le régime islamique. Ce livre est leur histoire : à deux regards et à deux voix. La plus jeune, Sheyda, est comédienne. Elle raconte son enfance, comment elle est devenue, très tôt, une vedette. Elle raconte sa vie étrange, sa gloire, ses démêlés avec la censure, son exil enfin. Quant à la femme qui écrit, Nahal, installée à Paris depuis trente ans, elle se rappelle l’Iran de sa jeunesse où elle plongeait dans la piscine de son lycée en bikini, où elle pouvait se promener sans foulard et en minijupe. Les deux femmes, miroir l’une de l’autre, apportent chacune des réponses aux questions qu’elles se posent. Qu’est-ce que vivre aujourd’hui, pour une femme, dans un Iran sous régime islamique ? Qu’est-ce qui est permis et ne l’est pas ? Comment dire les choses sans les dire ? Comment changer de vie ? Comment être une autre ? En un mot : comment jouer ? Au fil des pages, les deux femmes, finissent par ne plus en former qu’une. Ce livre ne ressemble à aucun autre, drôle, pathétique, violent, doux parfois, il sait nous émouvoir parce que ses accents sont ceux d’une réalité devenue fiction.



Une séparation




Lundi 20 mai à 22 h 30 sur Ciné+ Club : Une séparation, Asghar Farhadi Iran, 2010).

SynopsisLorsque sa femme le quitte, Nader engage une aide-soignante pour s'occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l'accord de son mari, un homme psychologiquement instable…


mercredi, mai 15, 2013

De l’usage de la notion d’ethnie dans l’histoire de l’Islam médiéval

À lire sur Ménestrel, par Boris James, chercheur associé à l’Institut français du Proche-Orient

:

Plus que tout autre objet d’étude, les sociétés de l’Islam médiéval poussent l’historien à penser les phénomènes de différenciation ethnique. L’arrivée des peuples arabes sur le devant de la scène politique au VIIe siècle se présente comme la matrice de toute différence qui se fait jour jusqu’à la prise de Constantinople par les Ottomans. L’expansion de l’Empire musulman de l’Indus à l’Atlantique et l’intégration en son sein de populations diverses provoquent la recomposition permanente de cette diversité et la modulation continue de sa perception. Alors que dans les premiers siècles, la production d’une différence ethnique se double d’une différenciation religieuse (islam arabe, christianisme grec, mazdéisme iranien…), les phénomènes ethniques suivants s’inscrivent dans le cadre d’une civilisation islamique bien établie. L’établissement de pouvoirs islamiques iraniens et la déferlante turcomane sur le Moyen-Orient au XIe siècle mettent la question ethnique au centre des préoccupations de l’historien. Les phénomènes croisé, mamlouk et mongol laissent aussi une grande place à l’analyse en terme ethnique. La marque distinctive des régimes successifs de cette époque (califats, sultanat seldjoukide, ayyoubide, mamlouk etc.) fut leur extranéité, que ce soit en al-Andalus, au Maghreb ou en Orient. En raison de la définition normative des catégories sociales (dans la littérature ou le droit) et des politiques de gestion des populations (recrutement militaire, politiques de sédentarisation…), ces États étaient susceptibles d’influencer les processus de différenciation ethnique (unanimisme culturel et politique, constitution de « races » martiales…)

Le Passé


Sortie du fils d'Asghar Farhadi, Le Passé, actuellement en compétition à Cannes.


Synopsis : Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d'Ahmad pour tenter d'améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.

"Aujourd’hui, nous gardons des traces de notre propre passé, il devrait être plus proche qu’il ne l’était autrefois. Malgré les photos, malgré les emails, notre passé est devenu encore plus obscur. La vie d’aujourd’hui tend peut-être à vouloir aller de l’avant en ignorant le passé. Or, l’ombre de celui-ci continue de peser sur nous et de nous ramener en arrière. Il me semble que c’est vrai en Europe comme dans le reste du monde, on a beau essayer de se propulser vers l’avant, le poids des événements passés continue de peser sur nous" Asghar Farhadi.

mardi, mai 14, 2013

Homayoun Shajarian

Mercredi 15 mai à 22 h 32 sur France Culture : Iran. Homayoun Shajarian. Couleurs du monde, F. Degeorges.


Une séparation



Mercredi 15 mai à 20 h 45 sur Ciné+ Club : Une séparation, Asghar Farhadi Iran, 2010).

SynopsisLorsque sa femme le quitte, Nader engage une aide-soignante pour s'occuper de son père malade. Il ignore alors que la jeune femme est enceinte et a accepté ce travail sans l'accord de son mari, un homme psychologiquement instable…


Cannes 2013 et My Sweet Pepper Land



Le festival de Cannes démarre demain, jusqu'au 26 mai. Hiner Saleem concourt dans la catégorie Un Certain Regard pour son film My Sweet Pepper Land (France, Allemagne, scénario de Hiner Saleem et Antoine Lacomblez).

Synopsis : Baran, héros de la guerre d’indépendance kurde, accepte de devenir commandant de police, dans une petite vallée du Kurdistan Irakien, à la frontière de la Turquie et de l’Iran. Un territoire sans loi, au cœur du triangle des Bermudes, avec des trafics d’alcool, de drogue et de médicaments. Il refuse de se plier à la loi d’Aziz Aga, un chef tribal corrompu, maître ancestral de la vallée. La belle Govend débarque comme institutrice malgré l’hostilité d’Aziz Aga, des habitants et de ses douze frères. Ensemble, Govend et Baran vont défier le pouvoir d’Aziz Aga.

 Acteurs principaux : Golshifteh Farahani, Korkmaz Arslan, Suat Usta.

C'est la deuxième fois qu'Hiner Saleem est à Cannes, la première avait été pour Kilomètre Zéro.

lundi, mai 13, 2013

La cuisine des Kibar



À voir en ligne sur ARTE Video, Cuisine des terroirs : Les Kurdes Kibar
Rencontre avec les Kibar, des Kurdes alévites qui vivent dans l'est de l'Anatolie. L'aubergine est la star de la cuisine locale. On la prépare farcie (zeytinyagli) ou sous forme de purée à l'ail (kutani). La famille Kibar élève aussi des moutons, en prévision des repas de fête, et cultive le blé qui, une fois séché et concassé, donne le fameux boulgour.

dimanche, mai 12, 2013

Les chats persans




Lundi 13 mai à 22 h 35 sur ARTE : Les chats persans, de Bahman Ghobadi, 2009.


"À leur sortie de prison, une jeune femme et un jeune homme musiciens décident de monter un groupe. Ils parcourent Téhéran à la rencontre d'autres musiciens underground et tentent de les convaincre de quitter l'Iran. N'ayant aucune chance de se produire à Téhéran, ils rêvent de sortir de la clandestinité et de jouer en Europe. Mais que faire sans argent et sans passeport ..."

Nasseredin Shah et ses 84 épouses

Lundi 13 mai à 20 h 35, sur  Histoire : Nasseredin Shah et ses 84 épouses.


mercredi, mai 08, 2013

Aachener Friedenspreis 2013 : Le lycée de Monseigneur Rabban remporte le prix




Le Lycée international de Duhok, fondé par Monseigneur Rabban, évêque d’Amêdî (Amadiyya), est lauréat du Prix de la Paix d’Aachen (Aix-la-Chapelle)  pour l’année 2013.

 Créé en 1988 par un groupe de 46 personnes qui souhaitaient promouvoir, saluer et aider des hommes, des femmes ou des groupes qui œuvrent pour la compréhension entre les peuples et à restaurer la confiance entre des groupes ennemis, ce prix est décerné sans critère de religion, d’idéologie ou d’appartenance politique. Aujourd’hui, Aachener Fridenspreis comprend 350 membres et 50 organisations, institutions ou partis, et la ville d’Aachen. 



Preisträger 2013 Internationale Schule in Dohuk



Contexte et situation politique
Au nord de l’Irak [ le principal intéressé tient à préciser qu'il vit au KURDISTAN d'Irak et non dans la banlieue de Tikrit], depuis de nombreux siècles, vivent plusieurs communautés : des Kurdes, des chrétiens (Chaldéens, Assyriens, Araméens), des Turkmènes, des yézidis, des shabaks, des Arméniens, des Kurdes feyli, des mandéens, et, jusque dans les années 60, des juifs. Entre 1961 et 1970 [1975 en fait], les Kurdes se sont battus dans une guerre interne pour leur auto-détermination. En riposte, le gouvernement central irakien a détruit des milliers de villages. En 1970, une autonomie partielle a été accordée au nord de l’Irak à majorité kurde. L’opétation Anfal – nom de code d’une campagne génocidaire menée en 1988 et 1989 [cela a commencé dès 1983 avec l'extermination de 8000 Barzani] par le régime du Baath irakien sous Saddam Hussein – a fait, selon les estimations de l’ONU, 180 000 victimes kurdes. Toute la population de la région a été victime de cette violence. Ceux qui le pouvaient ont cherché refuge à l’étranger. Beaucoup de chrétiens ont fui dans le sud du pays, vers Bagdad ou Basra. Après la Deuxième Guerre du Golfe, en 1991, les Kurdes ont gagné un haut degré d’autonomie – avec leur propre constitution, la liberté de culte et une protection des minorités ethniques. 
L’évêque chaldéen Rabban Al-Qas est né en 1949 à Al Qomani [Komané en araméen, Kwanê en kurde], un village de la province d’Amadiya. Il a été témoin du bombardement de son village, des déportations et des massacres de Kurdes. Après l’obtention de l’autonomie, en 1991, il a fondé une organisation locale, qui a joué un rôle dans la reconstruction des villages et des églises dans leur région d’origine. Rabban Al-Qas est un homme à la fois charismatique et pratique, qui met la main à la pâte. Sa vision est celle d’une coexistence pacifique des ethnies et des religions : Dans la région traditionnellement multi-ethnique et muti-culturelle du Kurdistan d’Irak, il est possible d'instaurer la tolérance et une culture de paix dans la communauté, si importante pour l’avenir, des enfants et des jeunes. Il est convaincu que le dialogue, le respect et la réconciliation, pratiqués dès le plus jeune âge, sont les fondements de la tolérance et de la confiance:
"Nous pouvons construire beaucoup de maisons, ici comme partout. Mais pour moi, la chose la plus importante est de sensibiliser afin de changer la société – grâce à l'éducation. Après des décennies de guerre et de guerre civile, nous pouvons maintenant établir des règles communautaires pour la paix et le développement."
Rabban Al-Qas entreprend de construire une école moderne, avant-gardiste, selon sa conception : Filles et garçons étudient ensemble. On y applique le principe de l’égalité des sexes. Les filles sont renforcées et soutenues dans leur épanouissement social, dans la mesure où il est possible de remédier à la croyance fataliste au destin concernant le rôle des femmes dans la société et à l’existence d’une prétendue domination masculine. L’appartenance ethnique et religieuse des enfants est sans importance. Les racines culturelles de chacun sont respectées. La séparation du politique et du religieux est essentielle et s’effectue à l’école. L’éducation est une tâche socio-politique où la religion n’a pas sa place.
Rabban Al-Qas persuade le gouvernement kurde du bien-fondé de son idée. En 1999 ce dernier donne à l’église chaldéenne un terrain approprié à Duhok, la capitale de la province de Duhok, près de la frontière turque. La ville (env. 450 habitants) est sûre, prospère et dotée d’une université.
En 2004 l’école internationale de Duhok ouvre ses portes à ses 75 premiers élèves. Son directeur est l’évêque Rabban Al-Qas. Le corps enseignant appartient à différentes ethnies et religions. L’école est mixte, filles et garçons apprennent ensemble, l’égalité des droits et des chances est mise en œuvre. Ni l’origine ethnique, sociale et religieuse ne jouent de rôle. Cing langues y sont enseignées : l’anglais, le français, l’arabe, le kurde et l’araméen. La langue anglaise sert de lingua franca entre tous les étudiants. Il n’est pas délivré d’instruction religieuse, qui est du ressort de chaque communauté religieuse.
"Il n’y a pas de place, chez nous, pour les conflits religieux", explique à une délégation autrichienne le professeur kurde Abdul Wahid A. Atrushi, un fervent musulman qui est dans les meilleurs termes avec les chrétiens du pays.
Rabban explique la philosophie de son école modèle : "Tous les élèves participent à la vie culturelle des uns et des autres, et s’invitent mutuellement, par exemple à une fête religieuse ; ils doivent connaitre très jeunes la diversité culturelle et ainsi former une nouvelle génération qui surmonte la haine."
L’éducation à la paix joue un rôle important dans la pratique de la communication non-violente. Le premier millésime d’élèves (avec une moitié de filles) a quitté l’école en 2011, pour l’université. La plupart étudient au Kurdistan d’Irak, trois préparent leur diplôme à Dortmund mais veulent retourner dans la Région après leurs études, pour être utiles à leur communauté. À présent, l’école comprend environ 300 élèves. L’école internationale de Duhok est une des plus modernes et des meilleures du Kurdistan d’Irak et la jeune génération détient un « rôle majeur » en ce qui concerne le maintien de la paix. 
"La jeunesse est l’avenir du Kurdistan. Ce qu’ils apprennent à l’école, ils le porteront ensuite dans la société", explique l’évêque Rabban Al-Qas.
Selon une étude menée par  Carmen Eckhardt, qui a fait un Film sur les chrétiens du nord de l’Irak et sur l’école, l’école internationale de Duhok est la seule, dans tout le Moyen Orient, à mettre en œuvre, de façon aussi conséquente, l’éducation à la paix. Et surtout les enfants et les jeunes gens de cette école, qui ont été témoins directs des violences ou les ont subies, apprennent ici, dans la vie de tous les jours, que l’amitié, le rire, l’apprentissage et la paix vont ensemble.
Cette école est exemplaire. Elle a besoin d’une reconnaissance internationale pour que son existence soit préservée. Car la paix, dans cette région, est fragile. La situation politique au Moyen Orient est toujours menaçante. Le niveau de sécurité est, au Kurdistan d’Irak, beaucoup plus élevé que dans les régions disputées de Mossoul, de Kirkouk et du reste de l’Irak. Mais même ici, les minorités ont toujours le sentiment qu’il leur manque une sécurité économique et physique durable. 
Le Kurdistan émergent a créé de bonnes conditions pour une démocratie stable et le respect des droits de l’homme. L’attribution du prix de la Paix 2013 d’Aachen à l’école internationale de Duhok est un signal fort envoyé à tout le pays. L’école est un projet modèle pour la paix, la réconciliation et la compréhension entre les groupes ethniques et les communautés religieuses. 


Le reportage de Carmen Eckhart Angst ! Christen im Irak, à l'origine de la nomination :


lundi, mai 06, 2013

Entre Bagdad et Erbil, une trêve incertaine

Carte : TheEconomist.com


Alors que les Kurdes boycottaient le Parlement irakien, celui-ci a fini par approuver, le 8 mars,  le budget de l’État, pour un montant de 118 milliards de $, et ce en l'absence des Kurdes et des députés de la liste Iraqiyya, ce qui laissait en tout 168 parlementaires sur 325 présents.

Le Gouvernement kurde a dénoncé la légitimité de ce vote et a réitéré ses exigences, à savoir que les besoins réels de la Région kurde, compte tenu de son développement, soient pris en compte dans la part du budget irakien qui lui est allouée ; que l’entretien des forces Peshmergas soit pris en charge par le gouvernement central ; que soient enfin payées les compagnies pétrolières étrangères qui extraient et exportent le pétrole kurde vers Bagdad. Les Kurdes ont à nouveau menacé de stopper leurs exportations de brut (prévues pour une quantité de 250 000 barils par jours) tant que l’Irak n'aurait pas payé ses dettes. Selon le député kurde Muhsin Al-Saadoun, le GRK envisageait d’exporter son pétrole et d'en empocher directement tous les revenus pour se rembourser lui-même. En retour, le gouvernement central menace depuis des mois de déduire le manque à gagner des exportations stopéees du budget prévu pour le GRK.

Le 14 mars, Massoud Barzani s’exprimait publiquement à Erbil, à l’ouverture d’une conférence internationale sur la définition de génocide appliquée aux Kurdes,  à l'occasion du 25ème anniversaire du massacre de Halabja. Rappelant que les Kurdes avaient eu un rôle majeur dans la reconstruction de l’Irak, le président a réaffirmé que son peuple n’acceptera la tutelle de personne » et a insisté sur la nécessité d’appliquer enfin l’accord d’Erbil conclu en 2010.

Malgré la crise politique – ou surtout en raison d’elle – les projets de coopération énergétique se poursuivent entre la Turquie et le Kurdistan d’Irak. Le 30 mars, le Premier Ministre turc annonçait sur CNN-Turk qu’un accord commercial était en préparation entre Kurdes et Turcs, qui avait pour but de rendre « plus actif » l’actuel oléoduc transportant d’Irak 70.9 millions de tonnes annuelles de brut. La Turquie souhaite en effet lui adjoindre d’autres oléoducs et gazoducs. 

Mais le choix de traiter avec Erbil en se passant de Bagdad n‘irrite pas que le gouvernement central irakien. Les États-Unis s'inquiètent depuis longtemps du fossé de plus en plus grandissant entre Arabes et Kurdes. Les velléités d’autonomie énergétique (si ce n’est plus) des Kurdes ne sont pas pour rassurer Washington. 

Sentant peut-être que le rapport de force ne peut tourner en sa faveur tant que les Turcs appuient les Kurdes, Nouri Maliki a adouci son discours, le 6 avril, en jugeant qu’un rapprochement avec la Turquie serait « bienvenu » : « L’Irak salue tous les pas faits en faveur d’un rapprochement avec la Turquie sur la base d’intérêts communs, de respect mutuel et de bon voisinage » (website du Premier Ministre)

Le ministre turc de l’Énergie, Taner Yildiz,  a, de son côté, envisagé une « structure » de répartition et de distribution du pétrole irakien dans tout le pays, qui serait assumée et supervisée par Ankara : « Nous acceptons que tous les revenus de toutes les régions de l’Irak appartiennent à tout l’Irak, c’est correct. Dans tout ce que nous faisons, nous devons prêter attention à la sensibilité du gouvernement central. » (Reuters).

De fait la constitution irakienne prévoit (art. 112) que les revenus des ressources de toutes les provinces soient envoyés à Bagdad, qui a en charge de les distribuer dans chaque gouvernorat ou région fédérale (comme le Kurdistan) selon leurs besoins, lesquels sont estimés en fonction de leur démographie.

Mais cette question de la « répartition » à laquelle Taner Yildiz fait allusion est loin d’être la réponse imparable au conflit, puisqu’elle en est une des sources. Cette disposition, en effet, n’a jamais été vraiment appliquée, en raison de l’absence de recensement de la population depuis les années 1960. Les parts du budget sont donc allouées par estimation des besoins et de la population, et c’est précisément un des litiges entre les Kurdes et Bagdad, qui vient de baisser le pourcentage du budget total qu‘elle payait (en principe) à la Région de 17% à 12%. Ce chiffre de 17% avait été fixé après de longues négociations et tensions, entre Bagdad et Erbil, s'étalant sur des années. 

C'est peut-être la pression américaine qui a incité Ankara et Bagdad à adoucir (au moins verbalement) leurs positions, malgré leur différend sur le terrain syrien. Hoshyar Zebari, le ministre kurde irakien des Affaires étrangères, a confirmé que des contacts se maintenaient entre Turcs et Irakiens, et a même indiqué qu’une rencontre entre Maliki et Abdullah Gul, le président turc, avait failli avoir eu lieu au Caire, mais sans finalement pouvoir aboutir. Hosyar Zebari a cependant assuré qu’un rapprochement entre Ankara et Erbil ne se ferait pas forcément au détriment des Kurdes « aussi longtemps que ceux-ci œuvreraient dans le cadre légal et constitutionnel irakien ». 

Mais comme on peut le voir, chacun peut prétendre s’appuyer sur la constitution irakienne pour juger qu’un accord commercial entre la Turquie et le Kurdistan est ou non légal, tant l'article 112 semble diversement interprété.

En tout cas, début avril, le premier cargo de brut (30 000 tonnes) en provenance du Kurdistan était vendu sur les marchés internationaux, pour environ 22 millions de $. Dans le même temps, une délégation kurde s’envolait pour Washington afin de discuter avec des responsables américains de la situation en Irak. Elle était composée de Fuad Hussein, à la tête du cabinet présidentiel de Massoud Barzani, de Ashti Hawrami qui est en charge du ministère des Ressources naturelles, et de Falah Mustafa, qui détient le fauteuil des Affaires étrangères. 

De ce qui est ressorti une semaine plus tard, de cette délégation, étaient que les Kurdes avaient surtout insisté auprès des États-Unis pour que ceux-ci restent « neutres » dans le conflit les opposant à Bagdad, neutralité toute aussi souhaitée et réclamée par la Turquie : Le 19 avril, son premier Ministre, donnant une interview au journal turc Yeni Safak,  a réaffirmé qu’Ankara avait le droit d’établir « toute sorte de relation avec le nord de l’Irak [la Région kurde] dans les limites de la constitution. Nos démarches actuelles restent dans ce cadre ».

Alors que John Kerry, le Secrétaire d’État américain, aurait personnellement insisté auprès de Barzani pour que de tels accords énergétiques ne soient pas conclus, Erdogan a rétorqué à la fois à John Kerry et à Barack Obama, qu’ils [les Turcs] avaient des intérêts mutuels en Irak [comprendre avec les Kurdes] tout comme eux [les USA].
Vers la fin d’avril, le climat ne s’est pas amélioré et Nouri Maliki remplaçait de « façon provisoire »  les deux Kurdes qui boycottaient, depuis mars, le conseil des ministres : Hoshyar Zebari (aux Affaires étrangères) par Hussein Sharistani, tandis que l’actuel ministre de la Justice, prenait aussi en charge le ministère du Commerce tenu par Khayrullah Hassan Babaker. Et le 29 avril, la chaine kurde NRT annonçait que 14 officiers supérieurs kurdes étaient relevés de leurs fonctions sur le terrain (4ème, 5ème et 12ème division) par ordre direct du Premier Ministre, et mutés à Bagdad, au ministère de la Défense. Selon NRT, citant une source anonyme, alors que les régions sunnites s’enflamment à leur tour, Maliki ne ferait pas confiance aux officiers kurdes de sa propre armée.
Car l’Irak a frôlé davantage la désintégration en 3 blocs, après les événements de Hawija, une ville sunnite où 53 manifestants demandant la démission de Maliki ont été tués par les forces irakiennes, le 23 avril. Les troubles se sont étendus ensuite  dans les régions de Qara Tapa, Jalawla, Suleiman Beg, Tuz Khormato, et Mossoul. Quatre jours plus tard les Peshmergas se déployaient un peu plus dans la région de Kirkouk, tandis que les hôpitaux de la ville et du GRK accueillaient des blessés sunnites. Le commandant des forces irakiennes sur le terrain, le général en chef Ali Ghaidan Majeed, a alors accusés les Kurdes de tirer prétexte des événements pour « atteindre les puits et champs de pétrole » de Kirkouk et a mis l’armée irakienne en alerte.

Et c'est au beau milieu de cette semaine sanglante que le député kurde Mahmoud Othman annonçait la visite du Premier Ministre kurde Nêçirvan Barzanî à Bagdad, le 30 avril, pour débattre de tous les conflits et des derniers événements. La délégation kurde que menait Nêçirvan Barzani rassemblait un certain nombre de responsables du GRK, le gouverneur de Kirkouk (un Kurde proche de Jalal Taabani). En plus de Nouri Maliki, elle devait rencontrer le président du Parlement irakien, Osama Noujafi, un sunnite originaire de Mossoul , et plusieurs responsables de groupes parlementaires et de partis politiques. Cette fois, les négociations n’ont pas traîné en longueur et en allers-retours infructueux, Kurdes et Irakiens étant peut-être désireux de ne pas embraser un terrain militaire devenu très brûlant : Le 1er mai, on annonçait qu’un accord, – un de plus – avait été signé. Le 2 mai, Mahmoud Othman confirmait le retour des deux ministres kurdes dans leur cabinets bagdadi, ainsi que celui des députés kurdes qui boycottaient aussi l'assemblée irakienne. 

L’accord semble surtout se fonder sur la création d'organes et de commissions chargés de résoudre les points litigieux de l’article 140 (sur le retour des régions détachées du Kurdistan par Saddam), du salaire des Peshmergas, de la gestion des hydrocarbures, bref, tous les conflits en souffrance depuis des années. Qu’est-ce que cet accord a de plus que celui d’Erbil, signé il y a 3 ans ? Cette fois, Nêçirvan Barzani affirme avoir obtenu de Maliki que plusieurs lois « importantes » seraient votées pour résoudre toutes ces questions, y compris celle du budget 2013. Mais sur le fond, il ne s'agit que de mettre, comme cela avait été déjà proposé, en décembre dernier, des commissions en place pour tenter de trouver, une fois plus, un compromis sur des questions au sujet desquelles les deux parties s'obstinent à ne rien céder.
En attendant, le gouvernement d'Erbil vient, par le biais d'une loi approuvé par son parlement, de s'autoriser lui-même à lever des fonds tirés des revenus de ses exportations de brut et de gaz, jusqu’à ce que le gouvernement central se décide à payer ses dettes, dans un délai de 90 jours, comme vient de l’annoncer Ashti Hawrami. Le but de cette loi, est comme le dit tout à fait clairement le ministre des Ressources naturelles de donner aux Kurdes « un levier politique et juridique dans [leur] combat constitutionnel contre Bagdad ».

Dans la foulée, la même loi exige que le gouvernement central verse des indemnisations aux victimes kurdes des crimes de Saddam. Cette demande a été relayée par Nêçirvan Barzani qui rappelle au passage que « Bagdad a l‘obligation légale d’appliquer la décision de la Haute Cour criminelle irakienne sur le dédommagement des victimes de crimes de génocide commis par l'ancien régime.

Dans son double aspect, cette loi kurde se fonde, sur des articles existant de la Constitution irakienne laquelle prévoit de fait qu'une « allocation pour une durée déterminée » soit versée à des régions lésées sous le gouvernement de Saddam, ou ayant subi des dommages de guerre. »

Selon le Premier ministre kurde, les destructions infligées à l’agriculture et aux infrastructures du Kurdistan s’élèvent à 9 milliars de $, qui viendraient s’ajouter aux 6 milliards devant revenir au budget des Peshmergas, et aux 4 milliards dus aux compagnies pétrolières actives dans la Région, ce qui fait un total de plus de 20 milliards réclamés par le GRK.
Comme il est peu probable que Bagdad obtempère, cette loi peut avoir pour but principal de permettre aux Kurdes de continuer leur avancée vers une autonomie financière, ce que le député kurde à Bagdad Muhsin Al-Saadoun, prévoyait déjà en mars, comme nous l'avons dit plus haut,  et ce dont se cache à peine Ashti Hawrami, répondant aux critiques de l’opposition kurde l’accusant de jeter de l’huile sur le feu : 

« Tous les jours, Bagdad menace de nous priver de notre part du budget fédéral. Nous essayons de créer notre propre politique fiscale. »

Au début de l’année 2013,  Mahmoud Othman se montrait peu optimiste sur la viabilité de négociations qui n’impliquerait pas une rencontre entre le Premier Ministre irakien et le président kurde : « On ne peut résoudre le problème que d’une seule façon, c’est en faisant se rencontrer le Premier Ministe Nouri Maliki et le président kurde Massoud Barzani à la même table ».  

Une rencontre entre les deux leaders a bel et bien été envisagée, au retour de Nêçirvan Barzani à Erbil.  Mais Massoud Barzani sera-t-il encore président de la Région kurde après les élections de septembre 2013 ?  En principe, la constitution ne permet pas de le réélire pour un troisième mandat, mais depuis la fin de l'hiver, le débat et les rumeurs vont bon train sur une ambiguité juridique qui lui accorderait le droit de se représenter, d'autant que s'il vient tout juste de déclarer qu'il n'avait jamais demandé de modifier la loi, ni d'étendre son terme, il souhaite par contre que la constitution kurde rédigée en 2009 et devant être amendée depuis 2011, soit soumise à referendum, ce qui inquiète le parti d'opposition Gorran qui y voit une manœuvre de plus pour repartir de zéro question mandats, voire pour y inclure une extension des pouvoirs présidentiels. 

Le flou plane donc sur la présidence kurde après les élections et, pour le moment, l'accord de Bagdad version 2013 ne semble guère moins fragile et moins incertain dans son application que celui d'Erbil 2010.


Concert de soutien à l'Institut kurde