BAGDAD : LE PARLEMENT IRAKIEN ADOPTE LE BUDGET 2008
Des débats houleux ont agité le Parlement irakien au sujet de l’adoption du budget 2008 et de la gestion des ressources pétrolières. Malgré l’appel du porte-parole du gouvernement, Mahmud Mashhadani, demandant aux chefs des partis politiques de l’Assemblée d’approuver ce budget, en alléguant que ce retard ne faisait que nuire au peuple irakien, ces derniers ont d’abord maintenu leur refus, dans une déclaration datée du 21 janvier 2008. Le représentant du Premier ministre, Barham Saleh, et le ministre des Finances, Bayan Jabr Solagh, ont dû une fois encore défendre leur budget devant les députés irakiens (budget s’élevant à 48 millards de dollars).
Des leaders chiites, comme le chef du groupe parlementaire de Fadhila, ou celui du bloc sadriste, Nassar al-Rubaie, reprochaient à ce budget de ne pas prendre suffisamment en compte les besoins des Irakiens, notamment en matière d’éducation et ou d’aide alimentaire gratuites, que le gouvernement a décidé de réduire, ou bien sur l’insuffisance des mesures pour combattre le chômage et la pauvreté.
Mais d’autres leaders irakiens comme Osama al Nujaifi, un chiite proche de l’ancien Premier ministre Iyad Allawi, ou Mahmud al-Azzawi, du bloc des Arabes indépendants, dénoncent les 17% prévus pour la Région du Kurdistan et souhaitent ramener ce pourcentage à 13%,. Le désaccord porte aussi sur le fait que l’entretien et le coût des Peshmergas kurdes doivent être à la charge du ministère de la Défense irakienne et non de la Région du Kurdistan. Finalement, le 25 janvier, un député de la Coalition kurde au parlement irakien, Sami Atroush, a annoncé que les groupes parlementaires acceptaient le principe des 17% alloués à la Région kurde pour l’année 2008, jusqu’à la tenue d’un recensement de la population. Quant à l’entretien des Peshmergas, les députés irakiens ont laissé la décision au Premier ministre Nouri Al-Maliki et des discussions se poursuivent entre ce dernier et le Gouvernement kurde.
Al-Maliki avait en effet accepté, dans un premier temps, de pourvoir aux dépenses des Peshmergas. Selon le porte-parole des Peshmergas, Jabbar Al-Yawar, une rencontre s’était tenue en 2007 entre les Kurdes, le ministre irakien de la Défense, Abdul Qader Muhammad Jasim, et David Petraeus, le représentant du Commandement américain. Elle avait abouti à la décision que l’Irak couvrirait les dépenses de 76 000 soldats irakiens et 90 000 Peshmergas. Jabbar Al-Yawar a dénoncé le revirement du Premier ministre, qui a demandé par la suite à la Région kurde de réduire à 30 000 le nombre de ses Peshmergas. Toujours selon Al-Yawar, le gouvernement chiite craint que des forces kurdes trop nombreuses ne servent à des desseins indépendantistes.
Le porte-parole du gouvernement irakien a pour sa part annoncé que les forces armées irakiennes pourraient assurer la sécurité du pays d’ici la fin de l’année 2008.
Dans le même temps, les dirigeants kurdes, tentaient, à Bagdad, de régler la question du contrôle des ressources pétrolières et de leur exploitation, sur laquelle s’opposent depuis quelques mois, le gouvernement de Bagdad et celui d’Erbil. La situation en est arrivée à un point de tension telle que certains hommes politiques kurdes ont demandé ouvertement la démission du ministre irakien du pétrole, Hussain al-Sharistani.
Les Kurdes défendent en effet l’autonomie de leur décision dans la stratégie d’exploitation de leurs ressources naturelles, tandis que le gouvernement irakien souhaite renforcer son contrôle sur l’exploitation du pétrole et les contrats passés entre le gouvernement d’Erbil et des sociétés étrangères. Selon des observateurs kurdes, les dénonciations des accords entre ces sociétés et les officiels kurdes n’ont que peu d’effet sur le terrain et les investisseurs étrangers tiennent peu compte des positions du ministre irakien Al-Sharistani. Le ministre kurde de l’Industrie et des Minerais a même annoncé l’ouverture et la mise en route de quatre petites raffineries, d’une production totale prévue de 40 000 barils, pour août prochain.
Le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a signé avec la South Korea national oil corporation (KNOC), un accord qui a permis à la société coréenne, selon ses propres estimations, d’importer trois fois le montant de toutes les importations de pétrole irakien pour l’année 2006. Le Gouvernement régional kurde a également signé 15 contrats avec 20 autres sociétés étrangères, en dépit de l’opposition du gouvernement central.
Aussi la tension monte entre les leaders kurdes et le Premier ministre arabe chiite Nouri Al-Maliki. Les premiers accusent le gouvernement de Bagdad de pratiquer une politique d’inertie au sujet des questions cruciales pour le Kurdistan, comme le référendum de Kirkouk ou l’entretien des Peshmergas, bien qu’ils affirment ne pas envisager de quitter l’actuel gouvernement.
« Je n’appellerais pas cela une crise, mais il y a des hauts et des bas, et une méfiance des deux côtés » a, pour sa part, expliqué Qassim Dawud, un député chiite de la liste unie d’Al-Maliki, tandis que Mahmud Othman, un député kurde indépendant du parlement de Bagdad, reconnaissait que les Kurdes avaient été « négligents » et avaient commis des « erreurs », en ajoutant que le fédéralisme est une chose nouvelle en Irak, et qu’il était inévitable que son instauration soulève des tensions.
145 députés irakiens, des Arabes chiites et sunnites, des Turcomans et des yézidis ont ainsi signé une déclaration de soutien au gouvernement irakien, dans sa volonté de contrôler la gestion des ressources de tout l’Irak.
A la fin du mois, l’Alliance kurde, une coalition des partis kurdes au Parlement de Bagdad, qui représente la deuxième force parlementaire de l’Irak avec 53 députés sur 275, et compte des membres au gouvernement, a annoncé la visite dans la capitale irakienne d’une délégation de haut niveau venue de la Région du Kurdistan, pour discuter des contrats passés entre le Gouvernement régional du Kurdistan et des sociétés étrangères de prospection. Ashti Hawrami, ministre des Ressources naturelles du Gouvernement du Kurdistan a ainsi tenté à Bagdad de résoudre à nouveau le conflit, auquel une récente visite du Premier ministre kurde, Nêçirvan Barzani, n’avait pu mettre fin.
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