Stat rosa pristina nomine; nomina nuda tenemus



"Ne dis pas que les hommes éloquents sont morts ;
qu'ils se sont noyés dans l'océan des mots.
Il n'est que de mentionner le nom de l'un d'eux :
aussitôt, tel un poisson, il sort la tête de l'eau.
La parole, qui tel l'esprit est sans défaut,
est gardienne du trésor de l'invisible.
L'histoire encore non dite, elle la connaît ;
le livre encore non écrit, elle le lit.
Vois, de tout ce que Dieu a créé,
que reste-t-il hormis le nom ?
Le seul vestige qui subsiste de l'homme,
c'est la parole ; tout autre n'est que vent."


"Tant que tu es en vie, tel l'éclair, meurs afin de rire ;"
la souveraineté de l'âme prévaut sur celle du corps."






BNF
Supplément persan 1029, folio 216
Les Cinq Poèmes de Nezâmî, Les Sept Portraits

Bahrâm Goûr passe le dimanche dans le pavillon à coupole jaune et écoute le récit de la fille du César de Byzance
Ecole safavide, 1620-1624

Dans le Heft Peykar de Nizamî, ou les Sept Beautés, un passage qui montre combien pour cette pensée iranienne, la "damnation" c'est la méconnaissance de soi, poussant au plus haut le "Qui se connaît connaît son Seigneur" (ou son Imam pour les chiites, voire l'Âme du monde pour les ismaéliens) :


"Celui qui se connaît soi-même, tel qu'il est,
celui-là est vivant, éternel.
Mortel est celui qui son propre visage ignore ;
immortel est celui qui cette image déchiffre.
Quand, au vrai, tu te connais toi-même,
bien qu'à l'origine voué au trépas, tu ne meurs jamais.
et donc :
"Mais ceux qui de l'être ne sont pas avertis
par cette porte entre et par cette autre sortent."


(trad. Isabelle de Gastines).


Le déjà-mort, c'est celui qui s'ignore. Ce qu'à la même époque, Sohrawardî disait aussi :

114. Tout ce qui connaît une ipséité (dhât) dont il n'est jamais absent, n'est pas un être de la nuit puisqu'il est révélé soi-même à soi-même. Il n'est pas non plus une qualité ténébreuse, immanente, à quelque chose d'autre, car si la qualité lumineuse elle-même n'est déjà pas une Lumière pour soi-même, à plus forte raison la qualité ténébreuse ne le sera-t-elle pas. Donc ce qui n'est jamais absent de soi-même est une Lumière pure, immatérielle, que l'on ne peut montrer." (al Hikmat al Ishraq)

Par ailleurs, cette réfutation du dieu chrétien et du dieu manichéen dans la Ta'iyya de l'ismaélien Amir b. Amir. al-Basrî, (trad. Y.Marquet) sur la nature divine : "Rien ne t'es adjoint, et tu n'es adjoint à rien ; et si quelqu'un dit : "C'est une lumière", il est manichéen" infirme sur Sohrawardî l'hypothèse d'une affiliation ismaélienne, car aux yeux des ismaéliens, sa définition de la déité ne convient pas (et de toute façon, Sohrawardî n'était pas un adepte de la théologie négative, loin de là), mais appuie l'idée que ses thèses ont pu sembler bien proches, trop proches de la zandaqa (hérésie manichéenne).

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