L'enseignement du kurde en Turquie n'est pas prévu par le traité de Lausanne
Désireux, peut-être, de rentrer dans les bonnes grâces des milieux nationalistes pan-turcs, alors qu'est requis une interdiction contre l'AKP, comme s'il s'agissait d'un vulgaire parti kurde, le Premier ministre Recep Tayyep Erdogan est revenu sur sa volonté de reconnaissance de la langue kurde, une des conditions sine qua non aux yeux de l'Union européenne pour la candidature turque.
Lors d'une rencontre à Ankara avec la Ligue des Droits de l'Homme en Turquie (IHD), l'Union des employés du service public (KESK) et d'autres organisations non gouvernementales, un débat assez vif a eu lieu au sujet de la langue kurde et de son enseignement, débat qui s'est conclu par le départ de Sezgin Tanrikulu, le président de l'Association du barreau de Diyarbakir.
Le sujet qui fâcha fut la langue kurde. Les ONG ont en effet présenté au Premier ministre, dans leur cahier de doléances, le droit des Kurdes à l'enseignement de/dans leur langue maternelle. Comble d'outrage, cette demande était écrite en kurde, histoire de faire davantage tourner de l'oeil le chef du gouvernement. Le propos en était que la question kurde en Turquie n'est pas uniquement, comme l'AKP et d'autres voudraient bien le croire et le faire croire, un problème économique lié au sous-développement du "Sud-Est", mais bel et bien un problème politique.
C'est en tout cas ce qu'a tenté d'expliquer Sezgin Tanrikulu, à RET, en insistant, donc, sur les aspects non économiques du problème kurde en Turquie. A cela, Erdogan a pris un air très peu au courant, comme si c'était bien la première fois qu'on lui sortait une chose pareille, en demandant à son interlocuteur "un exemple." Il voulait dire un exemple de "problèmes culturel et politique que pourraient rencontrer les Kurdes au sein de la si fraternelle et égalitaire République de Turquie." Tanrikulu a eu le mauvais esprit d'expliquer que, "par exemple", les Kurdes n'avaient pas le droit de parler leur langue dans les établissements publics, que ce soit dans l'enseignement ou l'administration. A cela, le Premier ministre lui répliqua que le droit à l'éducation dans sa langue maternelle ne concernait que les minorités qui bénéficiaient d'écoles pour cela."
Sezgin Tanrikulu a eu l'indélicatesse de rappeler les propos récents de RET à propos de la situation des Turcs d'Allemagne, quand il avait qualifié "l'assimilation" de "crime contre l'humanité". A cela, Erdogan répondit simplement que les Kurdes de Turquie n'étaient pas les Turcs d'Allemagne, ce qui est effectivement un argument imparable. Mais comme cela ne satisfit pas le président de l'association du Barreau de Diyarbakir, le Premier ministre s'énerva un peu en lançant : "Vous mentez. Vous n'êtes pas honnête." On ne sait sur quoi porte exactement la malhonnêteté de Sezgin Tanrikulu, car ce dernier répondit qu'il n'avait pas à prouver son honnêteté à qui que ce soit et que M. RET n'avait pas le droit de l'insulter. Puis il quitta les lieux.
Ensuite, le débat, quelque peu refroidi, ne se prolongea que 20 minutes et il n'y eut pas de déclaration à la presse des ONG présentes.
Certains observateurs pensent que l'AKP et son pannel de mesures économiques annoncées pour les régions kurdes, s'est lancé dans la reconquête de son électorat kurde, qui avait été nombreux à voter pour lui, en espérant de ce parti une détente sur la question kurde. L'absence de réformes et l'agression militaire contre le Kurdistan d'Irak, plus les récentes et brutales répressions policières du Newroz, ont certainement refroidi les Kurdes de Turquie. L'AKP espère peut-être, d'un côté garder ses voix kurdes en leur distribuant des aides économiques (une de ses tactiques électorales bien éprouvées et pas seulement chez les Kurdes), et apparaître, vis à vis des Turcs hostiles à toute changement essentialiste de la citoyenneté turque, comme le gardien de la turcité dans l'Etat.
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