TURQUIE : 53 MAIRES KURDES CONDAMNES


Le harcèlement judiciaire contre les élus du DTP et la société civile kurde ne faiblit pas en Turquie. Plusieurs sentences ont été ainsi rendues, et d’autres procès sont en cours, à la fois contre des acteurs politiques, des responsables d’associations, des journalistes ou des particuliers.
La Cour de Diyarbakir a condamné 53 maires kurdes à deux mois et demi de prison pour avoir, en 2005, écrit une lettre commune au Premier ministre du Danemark, Anders Fogh Rasmussen, dans laquelle ils lui demandaient de résister aux pressions exercées par la Turquie pour fermer la chaîne de télévision Roj-TV accusée de « liens organiques » avec le PKK. Mais prenant acte de la « bonne conduite » des maires durant le procès, la cour a commué la peine en une amende de 900 euros chacun. Ces maires ont été jugés coupables de "soutien délibéré" au PKK.
A l’annonce de cette condamnation, le Premier ministre danois a vivement réagi dans une déclaration écrite envoyée à l’AFP : « Il est incompréhensible qu'une lettre de ce caractère puisse aboutir à une condamnation. La Turquie souhaite entrer dans l'Union européenne, et nous nous attendons par conséquent à ce qu'elle adopte les mêmes normes que l'UE. C'est une affaire que le Danemark et l'UE suivent de près, et nous l'avons souligné à la Turquie. »
Parmi ces maires, figure Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir, qui a été en plus condamné le 17 avril, pour « apologie du crime et du criminel » à 50 jours de prison, peine là encore commuée en une amende de 1.500 lires turques (714 euros).
En 2004, lors des violentes protestations de la jeunesse kurde à Diyarbakir, survenues après les obsèques de deux combattants du PKK, Osman Baydemir, pour apaiser la foule et éviter que la ville ne sombre dans un bain de sang, s’était porté au devant des jeunes émeutiers et dans un discours prononcé en kurde, avait salué «leur courage » en exprimant sa douleur pour la mort des deux combattants.
Le même mois, Nurettin Demirtas, le président du DTP, incarcéré depuis mars dernier, était jugé avec 52 coaccusés, tous suspectés de s’être soustraits au service militaire en utilisant des rapports, ou bien d’avoir eux mêmes établi ces faux certificats d’inaptitude au service. Or, selon, l'acte d'accusation, un examen médical prouverait l’aptitude que M. Demirtas, âgé de 35 ans, à accomplir son service militaire.
Les accusés ont été finalement relâchés le 28 avril pour être jugés comme « prévenus libres » mais Nurettin Demirtas et quatre autres prévenus ont été immédiatement transférés dans une caserne pour y accomplir leur service militaire. Nurettin Demirtas risque 10 ans de prison ferme.
Il n’y a pas de statut légal d’objecteur de conscience en Turquie et beaucoup de Kurdes répugnent à faire leur service militaire, de peur d’avoir à combattre contre leur propre peuple dans les opérations menées contre le PKK. Les familles ayant des enfants à la fois dans l’armée et dans la guérilla ne sont pas rares, les appelés envoyés au « front du sud-est » étant choisis de préférence parmi les enfants issus des classes populaires et les Kurdes.
Toujours au sein du DTP, l’ex-députée kurde Leyla Zana, qui a déjà passé dix ans dans les prisons turques pour délit d’opinion, a été condamnée à deux ans de prison pour « apologie » d’Abdullah Öcalan et « propagande en faveur d'une organisation terroriste ». Lors d’un discours prononcé en mars 2007, dans un festival à Diyarbakir, Leyla Zana, citant les trois leaders kurdes actuels Abdullah Öcalan, Jalal Talabani et Massoud Barzani, avait affirmé qu’ils avaient « tous une place dans les coeurs et les esprits des Kurdes ». Les avocats de Leyla Zana ont indiqué qu’ils allaient faire appel.
Un autre maire kurde, Hilmi Aydogdu, a été condamné le 22 avril par un tribunal de Diyarbakir à 15 mois de prison pour « sédition ». Lors de l’intervention militaire de la Turquie contre le Kurdistan d’Irak, il avait en effet déclaré que les Kurdes de Turquie considéreraient une attaque turque contre Kirkouk comme une attaque contre Diyarbakir. Ses avocats font aussi faire appel.
Enfin, trois adolescents kurdes, âgés de 16 à 17 ans, ont fait l’objet d’une plainte pour avoir chanté, en octobre 2007, au sein d’un groupe de choristes, une « chanson rebelle » sous un drapeau rebelle » lors d’un festival de musique à San Francisco, Los Angeles et San Diego. Il s’agit en fait de l’hymne national kurde, « Ey Raqib » et le drapeau était celui du Kurdistan, les deux n’étant nullement illégaux puisque adoptés officiellement par le Gouvernement régional du Kurdistan d’Irak. Mais le procureur accuse les trois jeunes gens de « propagande séparatiste ».

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