Noël à Pâques ou Newroz à Mehrgan : la touche Kurdistanî...

J'ai toujours dit que si, au cours de l'Histoire, l'ONU, les USA et tout ce que l'on peut compter d'instances et de grandes puissances, offraient, une seule fois, et à une heure précise, l'unique occasion pour les Kurdes de ratifier un accord qui leur donnerait la liberté et un État indépendant, ils seraient capable de louper cette occasion, soit parce qu'ils arriveraient en retard, soit parce que 2 heures après le délai écoulé, les factions diverses seraient encore en train de s'engueuler sur la couleur du stylo qui aurait dû servir à la ratification...

Via Rudaw.net, on peut lire ici, sur un blog consacré aux fêtes en Israël, la preuve que les juifs du Kurdistan sont bien des Kurdes pur jus...



Le reportage nous apprend en effet que les juifs kurdistanî fêtent Newroz, comme les Kurdes, à ceci près que les festivités du Nouvel an, appelé Seharane chez eux, se déroulent, en Israël, à l'automne.

Pourquoi cette originalité ? Rien à voir avec une quelconque spécificité cultuelle ou historique chez nos juifs du Kurdistan. C'est juste qu'en bons Kurdes, ils se sont tellement bien débrouillés qu'ils se sont fait souffler les places de printemps par toutes les autres communautés, comme l'explique Sarah Melamed :

Cela a pris des années pour que le Conseil national des Juifs kurdes soit fondé, et quand ils se sont mis enfin à vouloir organiser le festival printanier du Seharane en 1975, ils s'y sont pris trop tard. Les Marocains et le festival de Mimouna avaient déjà pris la date qu'ils souhaitaient, le jour après la Pâques. Ce qui fait que 25 ans après, Seharane a trouvé une nouvelle niche durant la fête de Sukkot, la combinaison des deux fêtes donnant lieu à de fantastiques célébrations de plein air.
Comme le relève Sarah Melamed, cette date d'automne n'est pas tout à fait anodine dans le vieux calendrier iranien, mais elle confond Newroz et Mehrgan, en mentionnant que le Nouvel An était célébré par les anciens Parthes à cette saison. Je ne sais ce qu'il en est des Parthes, à vrai dire, mais ce qui est sûr, c'est que les Kurdes qui fêtaient Mehrgan ne pouvaient le confondre avec Newroz, pas plus que les autres Iraniens (on a ici le détail des fêtes officielles iraniennes avant l'islam). Mehrgan est une fête des Récoltes et, pour les semi-nomades, le temps où l'on redescend du Zozan (alpage) et non celui où l'on y monte, comme au Newroz. Autant fêter Noël à Pâques...

Bien sûr, on peut leur trouver quelques excuses :

La majorité des Kurdes sont arrivés démunis et leur destin était entièrement entre les mains des Israéliens qui les ont dispersés à travers le pays dans des bidonvilles construits à la hâte, ainsi que dans les petits villages, comme le village d'Agur où ma grand-mère a vécu. Ils n'avaient pas le nombre pour eux, le cadre organisationnel ou des langues pour créer un refuge à eux. En fait, beaucoup étaient analphabètes et on les regardait comme des demeurés.

Certes. Sauf que ça devait être le cas de tas d'autres juifs paysans ou petits artisans, arrivés soudainement des anciennes provinces ottomanes, dont, par exemple, les Marocains qui les ont pris de vitesse. Ou bien les juifs azéris, les Nash Didan, qui continuent benoîtement de fêter le Seharane au printemps, "comme ils l'ont fait depuis des générations". Non, ces juifs kurdes sont bien des nôtres, pas à dire...

Enfin, cela nous permet de lire en détail les célébrations de cette originale fête de "Nouvel An" dont le lieu tourne chaque année dans des villes différentes en Israël, et cette année c'est à Jérusalem, dans le Sacher Park, qu'ont retenti le def et le zorna, avec des danses kurdes et des chants en "néo-araméen" (soit, à peu de choses près, le même syriaque parlé par les chrétiens du Kurdistan, semble-t-il).

Pour ceux qui voudraient poursuivre leurs lectures sur la cuisine des Kurdistanî, quelques plats sont détaillés, la soupe Hamusta avec kubba (boulettes) fourrées de Khelia ou kalia (viande hâchée) ou les kubba de riz frit plus les plats traditionnels de Houmous, aubergines, chich tawk, etc. Pour ceux qui voudraient retrouver les mets du Kurdistan en étant de passage à Jérusalem, on donne l'adresse du restaurant où se régaler.

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