Kirkouk : Pomme de discorde ou atout kurde au sein de l'Irak ?
Falah Mustafa Bakir, le chef du Bureau des Affaires étrangères du GRK, a, le mois dernier, dans une interview donné au Kurdish Globe, insisté sur "l’engagement constitutionnel" que représentait l'article 140 imposant un référendum sur le rattachement de Kirkouk au Kurdistan d'Irak, même si, une semaine auparavant, il avait tenu des propos plus souples, sur l’éventualité d’une solution alternative, dans laquelle le gouvernement kurde pourrait être un acteur majeur. Ces propos avaient été largement répercutés dans la presse kurde et arabe, avant que Falah Mustafa Bakir ne revienne dessus en affirmant que l’AFP avait tronqué et décontextualisé ses propos en gauchissant leur sens : "Le fait que le GRK appelle à une résolution de ce problème ne signifie en aucune façon qu’il fera une quelconque concession au sujet des territoires revendiqués et tout particulièrement Kirkouk."
S’exprimant à ce sujet, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a réitéré avec fermeté sa volonté de résoudre ce problème "historique à l’origine de tous les conflits entre le gouvernement irakien et les Kurdes. Cette question peut être résolue par l’article 140. » Sinon, « ce serait une grave menace pour la stabilité de l’Irak", a-t-il ajouté.
L’opposition à Kirkouk de mouvements arabes et turkmènes est déterminée à empêcher la tenue de ce référendum, qui verrait très probablement une victoire des Kurdes, lesquels forment la majorité dans la ville et son district. Ahmed Amid al-Obeidi, le leader du Front irakien de Kirkouk, affirme que la crise ne se résoudra pas en trois mois mais en plusieurs années : "Il n’y a aucune solution possible dans le cadre de l’article 140", en ajoutant que les Arabes n’abandonneront jamais Kirkouk, ni n’accepteront d’être soumis au gouvernement kurde.
Les Turkmènes proche d’Ankara et appuyés par les Turcs dans leurs revendications, font chorus. Kanan Shakir Uzeyragal, un de leurs représentants, souligne qu’aucune des "conditions préalables pour la mise en place et l’organisation de cette consultation n’a été achevée, pas plus que les décisions de justice sur les terres contestées, ou le recensement. Sur les 40.000 cas de litiges de proriétés, seulement 10% ont été résolus. Quant au recensement, il n’a même pas commencé."
Hassan Turan, un Turkmène membre du Conseil provincial de Kirkouk fait part de ses doutes : "Dans la réalité, le référendum est un rêve. Personne ne le soutient, excepté les Kurdes, alors pourquoi sont-ils si obstinés ? La seule solution est un accord politique impliquant une répartition équitable des pouvoirs entre les communautés, au coeur des institutions locales."
Mais "l’obstination des Kurdes" à ne rien céder sur cette question leur sert d’atout dans leurs négociations avec le gouvernement central, concernant d’autres avancées cruciales pour la survie de la Région du Kurdistan, telles que les lois sur le Pétrole et sur le statut des Peshmergas en Irak. Le 15 avril, un député de la Coalition kurde au parlement de Bagdad, Mhamma Khalil, avait ainsi révélé à l’organe de presse Voice of Iraq que la rencontre prévue entre le Premier ministre kurde Nêçirvan Barzani et Nouri Al-Maliki, devait porter à la fois sur le statut des Peshmerga et leur financement par l’Irak, la loi sur le pétrole et le gaz et un nouvel agenda pour l’application de l’article 140.
De fait, après une année ponctuée par de multiples désaccords et des déclarations houleuses entre le gouvernement kurde et le ministre irakien du Pétrole, Hussein al-Shahristani, un accord a été signé le 16 avril, entre Erbil et Bagdad, au sujet de la gestion des ressources naturelles (notamment pétrolières et du gaz) au Kurdistan. Dans cet accord, officiellement annoncé par le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al-Dabbagh, tandis que Nouri Al-Maliki était en visite à Bruxelles, le gouvernement kurde accepterait un report de 6 mois supplémentaires pour la tenue du référendum contre la reconnaissance par l’Irak de la légalité des contrats déjà passés entre le GRK et des sociétés étrangères pour l’exploitation et la gestion des puits de pétrole, même si le porte-parole n’a fait état que d’un accord mutuel pour laisser l’ONU gérer la question des territoires revendiqués par les Kurdes, ce qui n’a pas été toutefois expressément confirmé par Erbil.
Cet accord, s’il devient effectif, est surtout vu par les observateurs irakiens comme un coup rude porté à l’autorité et à la crédibilité du ministre Al-Sharistani, un adversaire majeur et particulièrement virulent de l’autonomie de décision et de gestion du gouvernement kurde dans le domaine des hydrocarbures. Rochdi Younsi, un analyste du groupe Eurasia pour le Moyen-Orient, estime que cela met à mal la crédibilité du ministre irakien, tout en ne faisant que repousser le problème de Kirkouk. Selon cet observateur, une telle concession de la part du gouvernement irakien pourrait avoir été inspirée par le Premier ministre, Nouri Al-maliki, en quête de soutien politique alors qu’il était aux prises à une violente résistance des factions chiites refusant de se laisser désarmer. Il juge cependant que même si un accord est conclu en ce sens avec les Kurdes, Nouri Al-Maliki n’est pas plus assuré de rallier à lui tous les mouvements chiites. "Mais dans le contexte politique irakien, les leaders en concurrence les uns avec les autres, s’efforceront toujours d’éviter le pire, en cherchant des solutions à court terme à une multitude de conflits sectaires, politiques et économiques."
Jusqu’ici, le projet de loi sur le pétrole et le gaz qui avait été accepté par le parlement irakien en février dernier ne satisfaisait pas les Kurdes, qui accusaient l’Irak d’avoir modifié considérablement la teneur de la version initiale, pour laquelle Erbil avait donné son accord en février 2007, à l’aide d’amendements. Le GRk souhaitait ainsi l’indépendance financière et de gestion des sociétés pétrolières travaillant au Kurdistan, et non qu’elles soient supervisées par le ministère irakien du Pétrole. Depuis le mois de juillet dernier, ce n’est pas moins de quatre versions modifiées qui avaient été présentées par la Commission irakienne.
De même, le statut des Peshmerga, sur lequel le vote du budget de l’Irak pour l’année 2008 avait achoppé début janvier, et qui avait été finalement laissé à la décision du Cabinet, a été finalement reconduit. Les Peshmergas qui fonctionnent actuellement comme une force semi-autonome, ne sont donc pas compris dans la loi sur le désarmement des milices, ce qui fait bien sûr hurler le Front turkmène qui voudrait que les bataillons qui contrôlent Kirkouk soient déclarés aussi illégaux que l'armée du Mahdi, voire d'Al-Qaïda. Mais voilà : "Les gardes de la province agissent sous couvert de légitimité, car ce sont des forces organisées", a déclaré le Premier ministre de l’Irak à l’issue d’une rencontre avec Nêçirvan Barzanî. Les Peshmerga restent ainsi officiellement au sein de l’armée irakienne, formant deux divisions de 25.000 à 30.000 hommes, entretenues aux frais de l'Irak et non pas de la Région du Kurdistan. Les troupes agissant en dehors des régions kurdes seront, en principe, retirées. Mais si le conflit avec les milices sadristes reprend, malgré la récente mainmise de l'armée irakienne sur leur quartier, on peut supposer que les peshmerga serviront de force d'appoint rassurante pour le pouvoir central. Le nombre de désertions au sein de l'armée irakienne des effectifs chiites quand il s'agit de combattre leurs coreligionnaires a certainement contribué à adoucir la position du gouvernement de Bagdad sur les "milices kurdes".
De son côté, Nêçirvan Barzani a fait une conférence de presse à Erbil pour exposer et confirmer les termes de cet accord : "Concernant la loi sur les hydrocarbures, toutes les négociations en cours devront se faire dans un cadre constitutionnel, sur la base du projet de loi préalablement négocié en février 2007, qui sera bientôt soumis au vote de l’assemblée nationale irakienne. Pour les Peshmerga, une commission sera formée par le gouvernement fédéral. Elle visitera la Région du Kurdistan dans un futur proche afin de discuter des questions pratiques. Pour l’article 140, le processus se poursuit dans le cadre établi par les Nations Unies, qui doivent faire part de leurs propositions aux gouvernements kurdes et irakiens dans un proche avenir. " Nêçirvan Barzani a par ailleurs nié qu’il y ait, de la part du gouvernement irakien, une volonté d’entraver l’application de cet article. Sur les futures propositions de l’ONU il indique que les Kurdes "auront leur mot à dire" et qu’il est probable que, comme l’a d’ailleurs annoncé le représentant des Nations Unies pour l’Irak, les premières mesures seront appliquées à titre d'essai dans les régions où la question du référendum est la moins conflictuelle.
Mais le plan qui devait être présenté le 15 mai par Steffan de Mistura, le représentant de l'ONU en Irak, se fait finalement attendre, ce qui fait grogner Adnan Mufti, le chef d'état-major de la présidence kurde : "Nous ignorons les raisons de ce retard, qui nous surprend parce que nous avons eu deux réunions avec de Mistura là-dessus et il était optimiste sur le fait qu'il pourrait le présenter le 15 du mois." Une telle "impatience" de la part d'Adnan Mufti et l'allusion à ces deux réunions peut laisser supposer qu'il avait eu vent des grandes lignes de ce plan, et qu'elles satisfaisaient les Kurdes. Un retard peut laisser craindre d'ultimes tergiversations ou concessions à une quelconque partie adverse. Affaire à suivre...
S’exprimant à ce sujet, le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a réitéré avec fermeté sa volonté de résoudre ce problème "historique à l’origine de tous les conflits entre le gouvernement irakien et les Kurdes. Cette question peut être résolue par l’article 140. » Sinon, « ce serait une grave menace pour la stabilité de l’Irak", a-t-il ajouté.
L’opposition à Kirkouk de mouvements arabes et turkmènes est déterminée à empêcher la tenue de ce référendum, qui verrait très probablement une victoire des Kurdes, lesquels forment la majorité dans la ville et son district. Ahmed Amid al-Obeidi, le leader du Front irakien de Kirkouk, affirme que la crise ne se résoudra pas en trois mois mais en plusieurs années : "Il n’y a aucune solution possible dans le cadre de l’article 140", en ajoutant que les Arabes n’abandonneront jamais Kirkouk, ni n’accepteront d’être soumis au gouvernement kurde.
Les Turkmènes proche d’Ankara et appuyés par les Turcs dans leurs revendications, font chorus. Kanan Shakir Uzeyragal, un de leurs représentants, souligne qu’aucune des "conditions préalables pour la mise en place et l’organisation de cette consultation n’a été achevée, pas plus que les décisions de justice sur les terres contestées, ou le recensement. Sur les 40.000 cas de litiges de proriétés, seulement 10% ont été résolus. Quant au recensement, il n’a même pas commencé."
Hassan Turan, un Turkmène membre du Conseil provincial de Kirkouk fait part de ses doutes : "Dans la réalité, le référendum est un rêve. Personne ne le soutient, excepté les Kurdes, alors pourquoi sont-ils si obstinés ? La seule solution est un accord politique impliquant une répartition équitable des pouvoirs entre les communautés, au coeur des institutions locales."
Mais "l’obstination des Kurdes" à ne rien céder sur cette question leur sert d’atout dans leurs négociations avec le gouvernement central, concernant d’autres avancées cruciales pour la survie de la Région du Kurdistan, telles que les lois sur le Pétrole et sur le statut des Peshmergas en Irak. Le 15 avril, un député de la Coalition kurde au parlement de Bagdad, Mhamma Khalil, avait ainsi révélé à l’organe de presse Voice of Iraq que la rencontre prévue entre le Premier ministre kurde Nêçirvan Barzani et Nouri Al-Maliki, devait porter à la fois sur le statut des Peshmerga et leur financement par l’Irak, la loi sur le pétrole et le gaz et un nouvel agenda pour l’application de l’article 140.
De fait, après une année ponctuée par de multiples désaccords et des déclarations houleuses entre le gouvernement kurde et le ministre irakien du Pétrole, Hussein al-Shahristani, un accord a été signé le 16 avril, entre Erbil et Bagdad, au sujet de la gestion des ressources naturelles (notamment pétrolières et du gaz) au Kurdistan. Dans cet accord, officiellement annoncé par le porte-parole du gouvernement irakien, Ali Al-Dabbagh, tandis que Nouri Al-Maliki était en visite à Bruxelles, le gouvernement kurde accepterait un report de 6 mois supplémentaires pour la tenue du référendum contre la reconnaissance par l’Irak de la légalité des contrats déjà passés entre le GRK et des sociétés étrangères pour l’exploitation et la gestion des puits de pétrole, même si le porte-parole n’a fait état que d’un accord mutuel pour laisser l’ONU gérer la question des territoires revendiqués par les Kurdes, ce qui n’a pas été toutefois expressément confirmé par Erbil.
Cet accord, s’il devient effectif, est surtout vu par les observateurs irakiens comme un coup rude porté à l’autorité et à la crédibilité du ministre Al-Sharistani, un adversaire majeur et particulièrement virulent de l’autonomie de décision et de gestion du gouvernement kurde dans le domaine des hydrocarbures. Rochdi Younsi, un analyste du groupe Eurasia pour le Moyen-Orient, estime que cela met à mal la crédibilité du ministre irakien, tout en ne faisant que repousser le problème de Kirkouk. Selon cet observateur, une telle concession de la part du gouvernement irakien pourrait avoir été inspirée par le Premier ministre, Nouri Al-maliki, en quête de soutien politique alors qu’il était aux prises à une violente résistance des factions chiites refusant de se laisser désarmer. Il juge cependant que même si un accord est conclu en ce sens avec les Kurdes, Nouri Al-Maliki n’est pas plus assuré de rallier à lui tous les mouvements chiites. "Mais dans le contexte politique irakien, les leaders en concurrence les uns avec les autres, s’efforceront toujours d’éviter le pire, en cherchant des solutions à court terme à une multitude de conflits sectaires, politiques et économiques."
Jusqu’ici, le projet de loi sur le pétrole et le gaz qui avait été accepté par le parlement irakien en février dernier ne satisfaisait pas les Kurdes, qui accusaient l’Irak d’avoir modifié considérablement la teneur de la version initiale, pour laquelle Erbil avait donné son accord en février 2007, à l’aide d’amendements. Le GRk souhaitait ainsi l’indépendance financière et de gestion des sociétés pétrolières travaillant au Kurdistan, et non qu’elles soient supervisées par le ministère irakien du Pétrole. Depuis le mois de juillet dernier, ce n’est pas moins de quatre versions modifiées qui avaient été présentées par la Commission irakienne.
De même, le statut des Peshmerga, sur lequel le vote du budget de l’Irak pour l’année 2008 avait achoppé début janvier, et qui avait été finalement laissé à la décision du Cabinet, a été finalement reconduit. Les Peshmergas qui fonctionnent actuellement comme une force semi-autonome, ne sont donc pas compris dans la loi sur le désarmement des milices, ce qui fait bien sûr hurler le Front turkmène qui voudrait que les bataillons qui contrôlent Kirkouk soient déclarés aussi illégaux que l'armée du Mahdi, voire d'Al-Qaïda. Mais voilà : "Les gardes de la province agissent sous couvert de légitimité, car ce sont des forces organisées", a déclaré le Premier ministre de l’Irak à l’issue d’une rencontre avec Nêçirvan Barzanî. Les Peshmerga restent ainsi officiellement au sein de l’armée irakienne, formant deux divisions de 25.000 à 30.000 hommes, entretenues aux frais de l'Irak et non pas de la Région du Kurdistan. Les troupes agissant en dehors des régions kurdes seront, en principe, retirées. Mais si le conflit avec les milices sadristes reprend, malgré la récente mainmise de l'armée irakienne sur leur quartier, on peut supposer que les peshmerga serviront de force d'appoint rassurante pour le pouvoir central. Le nombre de désertions au sein de l'armée irakienne des effectifs chiites quand il s'agit de combattre leurs coreligionnaires a certainement contribué à adoucir la position du gouvernement de Bagdad sur les "milices kurdes".
De son côté, Nêçirvan Barzani a fait une conférence de presse à Erbil pour exposer et confirmer les termes de cet accord : "Concernant la loi sur les hydrocarbures, toutes les négociations en cours devront se faire dans un cadre constitutionnel, sur la base du projet de loi préalablement négocié en février 2007, qui sera bientôt soumis au vote de l’assemblée nationale irakienne. Pour les Peshmerga, une commission sera formée par le gouvernement fédéral. Elle visitera la Région du Kurdistan dans un futur proche afin de discuter des questions pratiques. Pour l’article 140, le processus se poursuit dans le cadre établi par les Nations Unies, qui doivent faire part de leurs propositions aux gouvernements kurdes et irakiens dans un proche avenir. " Nêçirvan Barzani a par ailleurs nié qu’il y ait, de la part du gouvernement irakien, une volonté d’entraver l’application de cet article. Sur les futures propositions de l’ONU il indique que les Kurdes "auront leur mot à dire" et qu’il est probable que, comme l’a d’ailleurs annoncé le représentant des Nations Unies pour l’Irak, les premières mesures seront appliquées à titre d'essai dans les régions où la question du référendum est la moins conflictuelle.
Mais le plan qui devait être présenté le 15 mai par Steffan de Mistura, le représentant de l'ONU en Irak, se fait finalement attendre, ce qui fait grogner Adnan Mufti, le chef d'état-major de la présidence kurde : "Nous ignorons les raisons de ce retard, qui nous surprend parce que nous avons eu deux réunions avec de Mistura là-dessus et il était optimiste sur le fait qu'il pourrait le présenter le 15 du mois." Une telle "impatience" de la part d'Adnan Mufti et l'allusion à ces deux réunions peut laisser supposer qu'il avait eu vent des grandes lignes de ce plan, et qu'elles satisfaisaient les Kurdes. Un retard peut laisser craindre d'ultimes tergiversations ou concessions à une quelconque partie adverse. Affaire à suivre...
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