La délivrance après l'épreuve


Présentation de l'éditeur
Les récits qui composent cet ouvrage - et qui sont extraits d'une somme en cinq volumes - balaient une période allant de l'époque du Prophète de l'islam, et même bien avant, jusqu'à celle de l'auteur (Xe siècle). Evoquant des épisodes de la vie de certains califes et grands dignitaires civils et militaires des dynasties omeyade et abbasside, ils rapportent les épreuves et les vicissitudes qu'ils ont connues et la manière dont Dieu les en a délivrés. L'ensemble offre un tableau vivant et, sans doute, fidèle de toute une société, avec ses petites gens et ses commerçants prospères, ses brigands et ses juges, ses secrétaires et ses propriétaires terriens.Tanûkhî n'a cependant pas cherché uniquement à entretenir ses lecteurs de la vie quotidienne, de la manière de manger, de s'habiller, de gagner sa vie ou de se divertir. La finalité de son livre est inscrite dans son titre même : La Délivrance après l'épreuve. C'est donc un message d'optimisme fondé sur une foi inébranlable en Dieu et en Sa justice. La délivrance vient de Lui; il faut Lui faire confiance en ayant confiance en soi-même, dans les situations en apparence les plus désespérées.

Biographie de l'auteur
Né à Basra, au Sud de l'Irak, en 327/939, Abû Alî at-Tanûkhî a longtemps exercé à Bagdad les fonctions de juge, comme son père et son grand-père. Contemporain des deux grands prosateurs Isfahânî et Tawhîdî, ainsi que des poètes Mutanabbî et Ma ârrî, il a notamment composé deux ouvrages considérables, Al-Faraj ba'da ach-chidda (La Délivrance après l'épreuve) et Nichwâr al-muhâdara (Brins de chicane), dont des extraits ont été publiés par Sindbad /Actes Sud en 1999.


Un des épisodes (tous variant autour du thème "sauvé par le gong"), met en scène des Kurdes du Fars, ce qui confirme, une fois encore, leur forte présence entre Chiraz et Ispahan, au X° siècle. Le récit, par ailleurs, infirme le dire qu'un Kurde n'a JAMAIS de chance, comme ils se plaisent souvent à le répéter jusqu'à plus soif... Il arrive, comme on va le voir, que Feleka Kurdan montre un visage très souriant...

"Le qâdî Abû 'Alî a raconté ceci : "'Adud ad-Dawla - Dieu l'ait en sa miséricorde -, alors qu'il n'était qu'un adolescent, s'était rendu depuis Ispahan dans le Fars, convoqué par son oncle 'Imâd ad-Dawla 'Alî ibn Buwayh, désireux de l'investir de la charge de prince héritier et donc d'en faire son successeur. Je voyageai avec lui. J'étais alors son chambellan. Arrivé à Samârim - une halte sur la route - il m'ordonna de me rendre auprès de Karkîr qui était le gouverneur des lieux pour le compte de son père Rukn ad-Dawla - que Dieu l'ait en sa miséricorde - pour lui demander de lui envoyer douze Kurdes prisonniers. 'Adud ad-Dawla avait appris qu'il les détenait et il les réclamait. mais Karkîr refusa d'obtempérer. "Ce sont des voleurs de grand chemin, dit-il. Ils ont pillé et tué. Je ne les remettrai que sur un ordre exprès de Rukn ad-Dawla." Je revins donc vers ce dernier et le mis au fait de la situation. "Retourne le voir et dis-lui : S'ils ont tué, je suis plus en droit que quiconque de les faire exécuter. Envoie-les moi que je les fasse mettre à mort."

Je repartis. Mais il persista dans son refus de les livrer. De retour auprès de 'Adud ad-Dawla, je lui rapportai les faits. Furieux, il m'ordonna d'enfoncer la porte de la prison et de lui ramener les Kurdes. J'exécutai son ordre, les amenai devant le billot et l'en informai. Il m'ordonna d'aller - en compagnie d'un autre de ses chambellans qu'il désigna - les tuer. Nous les amenâmes à un endroit où nous en exécutâmes trois. Quand ce fut le tour du quatrième, le chambellan qui était avec moi lui lança une flèche. Mais elle ne fit que le frôler. Il ordonna qu'on lui bande les yeux et qu'on lui tranche le cou avec un sabre. Je lui bandai les yeux avec un foulard de lin. Quand le bourreau leva le sabre avant de l'abattre, le foulard se défit, glissa sur le billot qu'il recouvrit. "Enlevez-moi ce foulard de là !" fit le bourreau. Avec le bout d'un bâton que j'avais dans la main, j'essayai de faire glisser le foulard pour permettre au bourreau de frapper, lorsqu'un messager de 'Adud ad-Dawla arriva en courant et cria : "Ne les tuez pas !" Nous nous arrêtâmes donc. J'allai voir le prince et lui fis le compte de ceux qui avaient été tués et de ceux qui vivaient encore et je lui racontai ce qui était arrivé à l'homme au foulard, ce qui l'impressionna beaucoup... Il le fit venir, découvrit l'endroit où la flèche l'avait frôlé... Elle avait laissé une légère trace à l'épaule. L'endroit était enflé et verdâtre, mais le trait n'avait pas pénétré dans la chair. L'étonnement de 'Adud ad-Dawla redoubla et il ordonna de libérer l'homme et de le couvrir d'une robe d'apparat, lui et ses compagnons restés en vie, ce qui fut fait."

La Délivrance après l'épreuve, traduit de l'arabe, présenté et annoté par Jean-Jacques Schmidt.

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