"Comme les Kurdes stupides"
Après les Kurdes "fous furieux" de Ghazalî, en lisant le Jasmin des Fidèles d'Amour de Ruzbehan de Shîraz (1128-1209) on a droit à un autre qualificatif peu flatteur, le Kurde comme figure par excellence de la stupidité :
"Une fois que l'adepte s'est mis à la recherche de l'aimée, navré jusqu'au fond de son âme consciente de ne pas atteindre à l'objet de son désir après s'être engagé sur la monture de la quête, il cherche le repos dans le giron des créatures. Il ne comprenait pas encore que cet événement se passe à l'extérieur de l'argile humaine, sans qu'il y ait quelque chose comme une pénétration matérielle des Attributs divins à l'intérieur des frontières du créaturel, ni quelque chose comme leur émanation à l'extérieur de celles-ci. S'il l'avait compris, il aurait cherché hors du lieu créaturel ce qui n'est pas contenu (ou retenu) dans le lieu créaturel, et avec la rosée des larmes de la tristesse d'amour, il aurait effacé la poussière de l'éphémère au visage de la Fiancée éternelle. Comme il ne lui est pas donné au moment où naît son inclination, sa perspicacité est suffisante pour percevoir les réalités-spirituelles transcendantes (haqâ'iq), la Forme de l'Amour est de lui montrer la beauté de l'Aimée dans le miroir des créatures et de l'éphémère. Puisque, par ordre divin, il n'avait pu contempler que le voile de la Fiancée éternelle, il fut voilé à l'aimé (ou plutôt l'aimée lui fut voilée) en raison même de l'aimée. Inévitablement cet infortuné, à qui la réalité éternelle (de l'aimé) à l'état pur reste inaccessible, se laisse troubler à la vue des nouveaux venus au monde du non-être, et il finit par tomber un beau jour dans la fréquentation de l'épreuve. Plongeant dans la mer du non-être à la recherche du joyau de l'être, sa quête s'angoissant de l'aimé devient de plus en plus laborieuse, jusqu'à ce que soudain cette Fiancée qui est la beauté de toutes les beautés survienne sous la forme de quelque indifférence, et par un beau visage ravisse son âme merveilleuse à ce simple que met en folie la saison de l'amour - comme les Kurdes stupides, - et fait disparaître de sa tête l'organe de l'intelligence raisonnante."
Rûzbehân Baqlî de Chiraz, le Jasmin des Fidèles d'Amour, chapitre X, "De l'éclosion de l'amour", 121.
Bon, encore un préjugé presque consubstantiel à l'homme urbain de Perse, au soufi que révulse le monde de la violence qu'incarnent les Kurdes comme les Bédouins, dirons-nous, à première vue. Mais le plus curieux est que ce même Rûzbehân eut pour maître un Kurde, ce que rappelle dans son introduction au Jasmin, Henry Corbin, comme nous l'avions mentionné il y a deux mois : le Sheikh Cegîr Kurdî, dont le nom et la nisbah ne laisse effectivement aucun doute sur ses origines !
"Une fois que l'adepte s'est mis à la recherche de l'aimée, navré jusqu'au fond de son âme consciente de ne pas atteindre à l'objet de son désir après s'être engagé sur la monture de la quête, il cherche le repos dans le giron des créatures. Il ne comprenait pas encore que cet événement se passe à l'extérieur de l'argile humaine, sans qu'il y ait quelque chose comme une pénétration matérielle des Attributs divins à l'intérieur des frontières du créaturel, ni quelque chose comme leur émanation à l'extérieur de celles-ci. S'il l'avait compris, il aurait cherché hors du lieu créaturel ce qui n'est pas contenu (ou retenu) dans le lieu créaturel, et avec la rosée des larmes de la tristesse d'amour, il aurait effacé la poussière de l'éphémère au visage de la Fiancée éternelle. Comme il ne lui est pas donné au moment où naît son inclination, sa perspicacité est suffisante pour percevoir les réalités-spirituelles transcendantes (haqâ'iq), la Forme de l'Amour est de lui montrer la beauté de l'Aimée dans le miroir des créatures et de l'éphémère. Puisque, par ordre divin, il n'avait pu contempler que le voile de la Fiancée éternelle, il fut voilé à l'aimé (ou plutôt l'aimée lui fut voilée) en raison même de l'aimée. Inévitablement cet infortuné, à qui la réalité éternelle (de l'aimé) à l'état pur reste inaccessible, se laisse troubler à la vue des nouveaux venus au monde du non-être, et il finit par tomber un beau jour dans la fréquentation de l'épreuve. Plongeant dans la mer du non-être à la recherche du joyau de l'être, sa quête s'angoissant de l'aimé devient de plus en plus laborieuse, jusqu'à ce que soudain cette Fiancée qui est la beauté de toutes les beautés survienne sous la forme de quelque indifférence, et par un beau visage ravisse son âme merveilleuse à ce simple que met en folie la saison de l'amour - comme les Kurdes stupides, - et fait disparaître de sa tête l'organe de l'intelligence raisonnante."
Rûzbehân Baqlî de Chiraz, le Jasmin des Fidèles d'Amour, chapitre X, "De l'éclosion de l'amour", 121.
Bon, encore un préjugé presque consubstantiel à l'homme urbain de Perse, au soufi que révulse le monde de la violence qu'incarnent les Kurdes comme les Bédouins, dirons-nous, à première vue. Mais le plus curieux est que ce même Rûzbehân eut pour maître un Kurde, ce que rappelle dans son introduction au Jasmin, Henry Corbin, comme nous l'avions mentionné il y a deux mois : le Sheikh Cegîr Kurdî, dont le nom et la nisbah ne laisse effectivement aucun doute sur ses origines !
Alors ? je crois qu'il n'y a pas d'explication "logique" à la chose : on est un Kurde stupide si l'on est rural, nomade, hors de la Cité policée, on est un Kurde stupide dans la doxa des lettrés musulmans. Mais étant devenu un ermite arabisé séjournant à Samarra, même en gardant sa nisbah et son nom kurde, on échappe évidemment par soi-même aux évaluations dépréciatives propres à sa "race" (esl), ce qui peut se vérifier de même façon pour ce wali noir (les noirs d'Afrique étaient aussi souvent qualifiés de "stupides" et de par leur mode de vie et leur absence apparente de "civilsiation", intermédiaires entre l'animal et l'homme, enterré en Irak, et dont je ne sais plus qui (Ibn Jubayr ?Ibn Hawqal ?) précisait que si sa peau avait été noire, son âme, elle, était des plus blanches en raison de sa foi éminente.
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