mercredi, octobre 31, 2012

"All that is banned is desired" : Silencing Music in Turkey

Les 25 et 26 octobre 2012 a eu lieu, à Oslo, la première Conférence internationale sur la liberté d'expression artistique, organisée par Fritt Ord et Freemuse : "All that is banned is desired".

À cette occasion, l'Initiative pour la liberté d'expression à Istanbul a préparé une brochure de 18 pages, qu'elle a distribuée lors de la conférence : Silencing Music in Turkey, qui recense les violations de cette liberté d'expression et les intimidations et pressions, tant envers les artistes que leur public, qui ont eu lieu en Turquie au cours des 12 derniers mois.

Les Kurdes – et tout particulièrement le Dersim – sont bien évidemment parmi les plus en butte à ces violations, que ce soit de la part des autorités ou de la population, mais il y a aussi le répertoire d'extrême-gauche, en général, la consommation d'alcool durant des concerts, la pornographie, etc.

– le 23 décembre 2011, à Izmir, un jeune Kurde, Gazi Akbayır, a été tué dans un bar, pour avoir demandé à entendre une chanson en zazayi. À la fin de la chanson, il a été pris à partie par d'autres spectateurs et a répliqué qu'il avait le droit d'écouter une chanson dans sa langue maternelle. Il a alors été attaqué à coups de couteaux et on lui a finalement tiré dessus alors qu'il tentait de s'enfuir en regagnant sa voiture. Il est mort avant d'avoir son arrivée à l'hôpital.

– le 12 février 2012, 6 étudiants ont été condamnés à des peines de prison allant de 1 à 3 ans pour "appartenance à une organisation terroriste", parce qu'ils avaient vendu des billets pour un concert du groupe Yorum (groupe non interdit) à Malatya. (Rappelons qu'avoir assisté à un concert de ce groupe a aussi été utilisé comme 'preuve' de la culpabilité de Sevil Sevimli).

– le 24 février 2012, le maire de Pertek (Dersim), Kenan Çetin, a aussi fait l'objet d'une poursuite judiciaire pour avoir assisté à un concert de ce même groupe au stade Atatürk de Dersim (Tunceli) le 10 juillet 2011. En plus d'avoir assisté au concert, il a été vu en train de crier des slogans, de chanter et d'agiter des bannières : Kenan Çetin risque 2 ans de prison s'il est reconnu coupable d''apologie de criminels et de crimes'.

– La Seconde chambre criminelle d'Erzurum a condamné le chanteur kurde Hemé Geci à 10 mois de prison pour "propagande en faveur d'une organisation terroriste". Il avait chanté au Newroz 2010 à Kars des chansons que l'artiste nie être de la propagande mais des textes en faveur de la liberté d'expression. Il a fait appel.

 – Le 8 mars 2012, 17 co-détenues de la prison de Kocaeli ont écopé de 3 mois supplémentaires de détention pour raisons disciplinaires, c'est-à-dire avoir "chanté et dansé illégalement. Hatice Sahin et Dogan Sahin Ermis auraient dû, par ailleurs, sortir les 23 et 24 février 2012 mais leur détention a été prolongée le temps de l'enquête interne dans la prison, suite à ces prestations artistiques peu appréciées, comme Hatice l'a expliqué dans une lettre adressée à l'IHD (association pour les droits de l'homme) d'Istanbul : "Cela fait près de 7 ans que je suis en prison. Ma peine s'est terminée le 23 février mais je n'ai toujours pas été libérée. Les gardiens ont commencé une enquête parce que j'ai chanté dans ma langue natale, le kurde, et c'est pourquoi je suis toujours là. Ils disent que je ne sortirai tant que l'enquête ne sera pas terminée."

– Le 11 mai 2012, de nouvelles poursuites ont été lancées contre  Pınar Aydınlar et deux membres du groupe Munzur, Özlem Gerçek et Erkan Duman, avec des réquisitions de 1 à 5 ans de prison pour propagande terroriste lors du festival de Munzur à Dersim (Tunceli). Le procureur s'est appuyé sur le fait que les noms de Ali Haydar Yıldız et Ibrahim Kaypakkaya (membres du mouvement révolutionnaire TIKKO, morts en 1973) ont été évoqués dans les chansons : 'Ibrahim’e Agıt’, ‘Ali Haydar’, ‘Kırmızı Gül'. De plus, un groupe de spectateurs a brandi des posters du même Ibrahim Kaypakkay et de Mao Tse Toung, en criant d: "Les martyrs d'Ovacik sont immortels", "Mahir, Hüseyin, Ulas, combat jusqu'à la libération", "Güler Zere est immortelle", "l'oppression ne peut nous arrêter", "notre leader est Ibrahim Kaypakkaya" et sont donc accusés d'avoir changé un concert en manifestation politique, ce dont les chanteurs auraient remercié l'assistance. L'affaire a été suspendue pour 3 ans en vertu de la réforme judiciaire qui permet à de tels auteurs de délits de n'être plus poursuivis s'ils ne récidivent pas dans un délai de 3 ans. Nous avons vu que le même dispositif vaut pour museler les journalistes.

 – le 25 mai 2012, les étudiants Zülküf Akelma, Yavuz Kılıç et Özgür Yıldırım ont fait l'objet d'une enquête pour avoir chanté, lors d'un meeting organisé par l'Union des médecins turcs, la chanson kurde "Herne Pesh" et sont donc accusés de propagande pour le PKK. En fait, si Herne Peş est bien une chanson populaire de la guerilla, c'est à l'origine un poème de Cergerxwîn et c'est surtout Şivan qui l'a popularisée en 1977 (donc rien à voir avec le PKK),  le groupe Yorum l'a enregistré en 1995 (avec l'approbation du ministre de la Culture) et c'est une chanson que l'on trouve en vente absolument partout. 

– Le 29 juin 2012, le chanteur kurde Ferhat Tunç a été condamné par la 3ème chambre criminelle de Malatya à 2 ans de prison pour propagande en faveur du mouvement illégal MKP (Parti communiste maoïste). Il avait déclaré, lors d'un concert du 1er mai, salué "l'esprit révolutionnaire de Deniz Gezmis, Mahir Çayan, et Ibrahim Kaypakkaya.

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