Discours du président Massoud Barzanî au 4ème Congrès de l'AKP
Au nom de Dieu le Grand le Miséricordieux,
Cher M. Recep Tayip Erdogan, Premier Ministre et chef du parti AKP,
Chers membres du 4ème Congrès et leurs invités,
Je vous remercie de m'avoir invité à ce congrès auquel je souhaite le succès. Nous en attendons tous d'importantes décisions.
Depuis que l'AKP est venu au pouvoir en Turquie, par des élections, nous avons vu en Turquie, jour après jour, des avancées considérables et nouvelles. Aujourd'hui, la Turquie a un poids important dans les relations internationales et régionales.
Comme nous le savons tous, notre région connaît des problèmes et des difficultés. Mais il n'y a aucune difficulté qui ne puisse être résolue du moment qu'il y a la volonté de les résoudre. C'est pour nous une grande douleur de voir versé le sang de jeunes Turcs ou le sang de jeunes Kurdes, comme le sang de tous les autres jeunes de toutes les nations. Nous, peuples de cette région, devons nous tendre mutuellement une main fraternelle au lieu de faire couler le sang.
La politique de votre parti et de votre dirigeant est, nous le voyons, une politique ouverte, juste et qui vise à résoudre tous les problèmes. Ici, je veux remercier M. Erdogan pour le courage et l'audace qu'il a montrés le jour où il s'est rendu à Diyarbakir et a dit qu'il fallait résoudre la question de nos frères kurdes et quand il est venu à Erbil, l'année dernière, où nous l'avions convié, et qu'il a dit que le temps du déni de l'existence du peuple kurde était révolu.
Devant cette prise de position, il est indispensable que tous les Kurdes soutiennent cette politique et il faut que toutes les forces kurdes renoncent à la violence, car aucune solution ne peut venir de la violence. La force de tout pays ou parti ne réside ni dans ses soldats ni dans ses armes, sa force est la façon dont il sert son peuple et le programme qu'il applique. La force du parti AKP et de M. Erdogan est dans son programme et sa politique d'ouverture face aux questions intérieures et extérieures.
Pour mettre fin à la violence et au sang versé, nous sommes prêts à apporter tout notre soutien politique à M. Erdogan et nous espérons que dans un temps très proche, il sera mis fin à ce problème. La voie de la paix et de la fraternité sont les seules voies à emprunter pour résoudre tous les obstacles. La Turquie est un État important dans les relations internationales et régionales. Nous aimerions voir des liens fraternels et amicaux entre la Turquie et l'Irak et dans cette optique, nous nous réjouissons que les liens entre la Région du Kurdistan et la Turquie se soient beaucoup renforcés. Les échanges commerciaux entre l'Irak et la Turquie s'élèvent à 12 milliards de dollars dont 80% dans la Région du Kurdistan.
Comme nous le voyons, le Moyen-Orient a connu de grands pas en avant et nous soutenons avec cœur ces peuples qui luttent pour leurs libertés et nous soutenons avec cœur la lutte du peuple syrien pour sa libération et sa liberté. C'est une souffrance de voir aujourd'hui le meurtre de tant de gens en Syrie. Nous espérons que cette période sanglante finira et que le peuple syrien soit bientôt maître de son destin.
Et nous apprécions grandement que les portes de la Turquie soient ouvertes aux réfugiés syriens. Cela nous rappelle les années 1988 et 1991 quand le peuple turc a ouvert ses portes à notre peuple au moment de l'Anfal et des bombardements chimiques. Je dois remercier la nation turque pour l'amitié et la fraternité qu'elle nous a témoignées. Aujourd'hui nous avons accueilli près de 29 mille de nos frères de Syrie et nos portes leur sont ouvertes avec hospitalité et obligeance.
Pour finir, je vous remercie encore pour votre invitation et je souhaite réussite et succès à votre Congrès.
Comme les kurdophones peuvent l'entendre, Massoud Barzanî s'exprime en kurmancî ce qu'il ne fait guère chez lui. Il avait donc la volonté d'être entendu directement par les Kurdes de Turquie autant que par les Turcs. Comme l'interprète traduit mot à mot, on peut supposer que c'est un discours écrit au dernier moment ou bien qu'il n'en a pas donné un double avant de venir.
Concernant l'appel à la paix et au refus du sang versé, etc., même si la présence du président kurde est critiquée par le BDP et le PKK, on ne voit pas de grandes différences avec les propos tenus par A. Öcalan quelques jours auparavant. Quant aux pourparlers éventuels avec le PKK évoqués par Recep Tayyip Erdogan (tout en accusant la France et l'Allemagne de le soutenir en sous-main) ils sont refusés, pour le moment, par le Conseil de Présidence du PKK à Qandil. On ne sait ce qu'en pense Öcalan.
"La politique de votre parti et de votre dirigeant est, nous le voyons, une politique ouverte, juste et qui vise à résoudre tous les problèmes" dixit le chef d'ETAT...non il ne crache pas dans la soupe , même si quelques couleuvres font partie des ingrédients.
RépondreSupprimerL'invitation , la présence et la teneur du discours de Barzani sont d'après moi l'affirmation d'une réalité (j'espère) irréversible : le Kurdistan irakien est un état au même titre que n'importe quel autre état.
Un état qui, par définition n'a pas d'amis mais seulement des intérêts. Et les intérêts bien compris des deux parties les pousse dans les bras l'une de l'autre.
Le Kurdistan , grace à ses matières premières, assoit et pérennise son indépendante autonomie tandis que la Turquie y trouve un important débouché économique (produits manufacturés, alimentaires...). Sans oublier qu'une partie non négligeable des pétrodollars kurdes atterrit dans les caisses des géants turcs du BTP et de l'armée turque elle-même via la OYAK Holding au regard des intenses projets de reconstruction des infrastructures et de la frénésie immobilière qui touche les principales villes (et surtout Erbil).
De toute façon, dans cette coopération intense, la Turquie y gagne sur tous les tableaux :
1) Politique : les autorités kurdes auront de moins en moins intérêt et envie de "cracher dans la soupe" et seront de plus en plus concilientes vis à vis du puissant voisin et excellent client , puisque c'est leur intérêt objectif.
Par ailleurs cet état consolidé deviendra le référent naturel des éveils kurdes dans tout le Proche-Orient. Le PKK n'aura d'autre alternative que se réformer au risque de passer à la trappe (ça ne se fera pas sans répliques et résistances, mais la messe est dite).
2) Economique: Le Kurdistan est un excellent client de la Turquie et a les moyens de payer. Où vont ces norias de camions qui parcourrent la rectiligne route vers Habur ? Route qui bientôt deviendra autoroute afin de pouvoir absorber ce traffic.
Et , pragmatique en diable, la Turquie a déjà prévu la suite des évênements en Syrie : le Kurdistan syrien est appelé à s'approvionner en Turquie, à se construire/reconstruire grace à des firmes turques.
A quoi sert cet immense aéroport prévu pour 10 millions de passagers/an en construction à Kiziltepe (à la frontière , près de Qamishlo) , infrastructure totalement disproportionnée au vu des actuels 300 000 passagers/ans qui l'utilisent ? Et cet immense zone commerciale attenante avec hotel de luxe ?
En dehors de sa rhétorique musclée et intransigeante, la Turquie sait bien où se trouvent ses intérêts...