minorités en Islam : Juifs du Kurdistan.
Il y avait là, entre 1870 et 1940, une cinquantaine de milliers de Juifs, à la fois citadins et villageois, largement dispersés dans tout le pays. Certes, la plupart des grandes et petites villes, de Mossoul à Ourmiah, comportaient un noyau juif appréciable, représentant de 5 à 10% de la population totale. Mais de petites bourgades présentaient également, de façon étonnante, une grande majorité juive : entre les deux tiers et les trois-quarts à Başkale, au Sud du lac de Van, tout près de la frontière persane, à la fin du XIXe siècle ; la majorité de la population encore à Dehok et sans doute de un tiers à 60% (d'après diverses évaluations de voyageurs) à Zakho, toutes deux en territoires irakien actuel, dans les premiers contreforts de la montagne au-dessus de la plaine de Mossoul, respectivement sur un petit affluent de gauche du Tigre et dans la haute vallée du Khabour. Ahmadia, dans la vallée du Grand Zab, en comptait 40% et ils auraient constitué un tiers de la population de Negadeh, dans le Soldouz, au Sud du lac d'Ourmiah. Surtout, il y avait de nombreux villages totalement ou partiellement juifs, comportant des groupes d'artisans (orfèvres, teinturiers, tisserands, tailleurs) et de commerçants colporteurs, mais dont beaucoup menaient une vie purement pastorale et agricole, et leur semi-nomadisme ne se distinguaient de celui des Kurdes voisins. La plupart parlait le même dialecte araméen que les Nestoriens de la région et, malgré les traditions incontrôlables qui, ici encore, reportaient leur implantation à la région babylonienne, le problème de leur origine, et de la symbiose avec la population environnante, ne se distingue guère de l'ethnogenèse de la communauté nestorienne de ces montagnes.
Comparant les 4 foyers "d'enracinement régional du Judaïsme", Yémen, Maroc, Caucase et Kurdistan, X. de Planhol avance comme raison que ces pays n'avaient été, avant l'islam que peu christianisés, en tout cas pas intégrés dans "des États chrétiens stables", le Kurdistan étant "disputé entre Byzance, les Sassanides et l'État arménien". D'ailleurs les Chrétiens nestoriens du Kurdistan étaient eux-mêmes en marge, semi-clandestins, à l'intérieur des frontières byzantines.
Autre raison : "La persistance de ces communautés juives est à chercher certainement dans la stabilité du peuplement" ; le Kurdistan étant "resté largement indemne des bouleversements […] dus aux invasion arabes ou turques". De fait, malgré leurs revendications fantaisistes modernes, ils semblent que Chrétiens, Juifs, Yézidis et Musulmans du Kurdistan n'aient guère vu leur peuplement montagnard changé, seules les religions adoptées pouvant encourager l'usage d'une langue ou d'une autre (l'araméen a eu visiblement plus de succès parmi les Juifs et les Chrétiens que l'arabe chez les Yézidis et les Musulmans).
Contrairement aux Juifs du Maroc et du Yémen, par contre, les Juifs du Caucase et du Kurdistan ne forment pas une caste artisanale uniforme :
Quant aux juiveries du Caucase et du Kurdistan, la situation était infiniment plus complexe. Si ceux des villes et des montagnes étaient très largement artisans et commerçants, les Juifs montagnards du Caucase s'adonnaient principalement, on l'a vu, à la culture du sol ; et, au Kurdistan, on connaissait de même, à côté de Juifs exploitant des vignobles sur le pourtour des villes, des villages juifs purement agricoles, tel celui, très populeux, de Sandour, dans les hauteurs bordières du désert syrien. On y observait sur les alpages, au milieu du XIXe siècle, des pasteurs juifs, avec leurs troupeaux de petit bétail, hommes rudes et d'allure farouche, peu différents de leurs voisins kurdes, et vivant sous la tente.
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