KIRGIZSTAN : EMEUTES ANTI-KURDES A L’INSTIGATION DE L’OPPOSITION POLITIQUE
Depuis la fin des années 1980, les quelques 8 000 Kurdes vivant au Kirghizstan, ainsi qu’au Tadjikistan, en Ouzbekistan et au Kazakhstan, à la suite des déplacements forcés de population imposés par les soviets de Géorgie et d’Azerbaïdjan dans les années 1930 et 1940, sont régulièrement la cible d’actes d’hostilité de la part des nationalistes locaux. Près de 30.000 Kurdes vivent au Kirgizstan après leur déportation par Staline en 1937 et 1944.
Ce mois-ci, les Kurdes de Petrovka, une ville à 40 kilomètres de la capitale kirghize Bishkek, ont eu à faire face à des émeutes qui ont ravagé et pillé leurs habitations. Peuplée de Russes, d’Ukrainiens, de Kirghizes, la ville accueille, depuis les années 1990 une centaine de Kurdes. Les autorités kirghizes affirment que la situation est maintenant sous leur contrôle, mais une radio locale indépendante a sommé tous les habitants kurdes de la région, de quitter les lieux sous 24 heures. « Plusieurs centaines de résidents ont détruit des habitations kurdes. Près de vingt maisons ont été touchés dans plusieurs rues et une dizaine de voitures détruites », a déclaré l’adjoint du ministre de l’Intérieur Talantbek Isayev à la presse. Plus de cent émeutiers ont été arrêtés, dont la moitié relâchée assez rapidement. Ils affirment qu’ils voulaient « venger » le viol d’une fillette de 4 ans par un Kurde. Près de 200 Russes et Kirghizes de Petrovka ont ainsi réclamé l’expulsion des Kurdes, selon la radio Azatyk, qui a aussi fait état de deux personnes blessées par balles par des Kurdes tirant sur les émeutiers.
Les autorités kirghizes enquêtent à présent afin de déterminer si les incidents ont pour origine une « haine ethnique, raciale ou interrégionale » et le procureur de la région a lancé des poursuites pour « incitation à la haine raciale » a indiqué le porte-parole du ministre de l’Intérieur, bien que des officiels aient auparavant catégoriquement nié tout caractère ethnique au conflit. La thèse d’origine qui motivait ces émeutes par le viol d’une fillette de 4 ans par un Kurde, initialement avancée par le ministre de l’Intérieur, a été démentie finalement par les enquêteurs, qui ont indiqué qu’aucun cas de viol n’a été enregistré dans la région et que cette rumeur semble avoir été lancée par un groupe politique proche du leader de l’opposition, candidat aux présidentielles, Almazbek Atambayev, dans un discours qu’il aurait lui-même tenu aux manifestants, dans la ville de Petrovka, afin de stigmatiser les autorités locales et la gestion sécuritaire du pouvoir en place : « Nos enfants sont violés et la police reporte le blâme sur l’opposition » a déclaré Atambayev à la presse, persistant dans ses allégations. Almazbek Atambayev est considéré comme le principal rival du président en place, Kurmanbek Bakiyev, pour les élections qui doivent avoir lieu en juillet.
L’opposition ne relâche donc pas sa pression politique en prenant les Kurdes pour cible. La police a dû disperser quelques jours plus tard près de 500 personnes qui bloquaient l’autoroute de Bishkek-Osh, reliant le nord et le sud du pays. Les manifestants demandaient à nouveau l’expulsion des Kurdes. Cette affaire rappelle les émeutes antikurdes qui avaient secoué le Kazakhstan en janvier dernier, et qui avaient eu pour point de départ, ou prétexte, les mêmes allégations, ou rumeurs d’agressions sexuelles sur enfant. Un adolescent kurde avait été accusé d’agression sexuelle sur un jeune garçon kazakh. Des groupes de représailles s’en étaient alors pris de même à des maisons kurdes, qui avaient été incendiées, et leurs habitants molestés. La violence s’était ensuite étendue à toute la région habitée par les Kurdes.
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