"Le bonheur dans le crime"
La Loi du Chapeau a encore frappé... Si ça continue, je vais devoir faire un libellé rien que pour elle. Cette fois-ci, ça ne tombe pas sur la tête d'Osman Baydemir ou d'un autre maire : l'éditeur Mehdi Tanrikulu, a été condamné à 5 mois de prison pour s'être plaint d'un procureur en kurde et d'avoir persévéré en s'exprimant en kurde au tribunal.
La 1ère Chambre criminelle de la Paix (sic) d'Istanbul) a donc jugé que Mehdi Tanrikulu, qui dirige la maison d'édition Tevn, méritait 5 mois de prison pour avoir enfreint la sublimissime "Loi du Chapeau", à l'oral comme à l'écrit.
Mehdi Tanrikulu avait été auparavant condamné à douze ans et demi de prison pour appartenance au PKK par la Haute de Sûreté de Diyarbakir. Il a été aussi accusé (mais acquitté) de "propagande pour une organisation illégale", après avoir publié un livre de Zülfikar Tak racontant les pratiques de torture dans la prison de Diyarbakir, pratiques qui ne sont pas du tout de notoriété publique, comme chacun s'en doute. De plus, un procès est toujours en cours contre lui à Istanbul, par la 14ème chambre pénale, pour la publication d'un livre dont le titre a l'air si alléchant qu'à mon avis, c'est surtout une arme de contre-propagande visant les lumières de la pensée apoïste : Le Mouvement kurde pour la liberté et le rôle du PKK dans le processus impérialiste du capitalisme. Au moins l'éditeur ne craint pas d'assommer ses lecteurs dès la page de couv', ils sont prévenus...
Je suppose que c'est au cours d'un de ces procès que le procureur incriminé, Muammer Özcan, a, dans son acte d'accusation, parlé du "soi-disant peuple kurde". Louons la prudence scientifique de cet homme, qui ne s'aventure pas à relayer la fable de l'existence d'un peuple mythique s'il n'a pas eu l'occasion d'en voir de visu. Après tout, s'il exerce à Diyarbakir, on se demande où il aurait pu rencontrer des Kurdes. Je l'imagine très bien sur la place Salahaddin ou devant la grande Mosquée, déclarer, après avoir bien regardé alentour : "Vous voyez des Kurdes, vous ? Vous croyez que ça existe ? Vous pouvez me le prouver ?"
Donc, Mehdi Tanrikulu, histoire de lui prouver que les Kurdes existent, écrit une plainte contre lui, en kurde, pour "injure" à son identité. Mauvaise idée. Le procureur ne fait l'objet d'aucune enquête mais, par contre, l'accusateur se fait aligner pour violation de la Loi du Chapeau (article 222). Il persiste, se fait accompagner d'un interprète au tribunal, et déclare, en kurde : "J'ai le droit de m'exprimer dans ma langue maternelle et son alphabet doit être accepté par les institutions." Il a même le mauvais goût (ou le mauvais esprit) de rappeler l'article 39/5 du Traité de Lausanne qui "garantit à tous les citoyens turcs le droit d'utiliser leur langue maternelle dans les tribunaux." Offusquée par cette "insistance à commettre un crime" (c'est presque un titre de Barbey d'Aurevilly), la cour a tranché et Mehdi Tanrikulu en a pris pour 5 mois. Comme il a l'intention de faire appel, on imagine que les oreilles des juges turcs n'ont pas fini d'être écorchées par ce terrible idiome qui menace la cohésion de la République.
(source bianet.org).La 1ère Chambre criminelle de la Paix (sic) d'Istanbul) a donc jugé que Mehdi Tanrikulu, qui dirige la maison d'édition Tevn, méritait 5 mois de prison pour avoir enfreint la sublimissime "Loi du Chapeau", à l'oral comme à l'écrit.
Mehdi Tanrikulu avait été auparavant condamné à douze ans et demi de prison pour appartenance au PKK par la Haute de Sûreté de Diyarbakir. Il a été aussi accusé (mais acquitté) de "propagande pour une organisation illégale", après avoir publié un livre de Zülfikar Tak racontant les pratiques de torture dans la prison de Diyarbakir, pratiques qui ne sont pas du tout de notoriété publique, comme chacun s'en doute. De plus, un procès est toujours en cours contre lui à Istanbul, par la 14ème chambre pénale, pour la publication d'un livre dont le titre a l'air si alléchant qu'à mon avis, c'est surtout une arme de contre-propagande visant les lumières de la pensée apoïste : Le Mouvement kurde pour la liberté et le rôle du PKK dans le processus impérialiste du capitalisme. Au moins l'éditeur ne craint pas d'assommer ses lecteurs dès la page de couv', ils sont prévenus...
Je suppose que c'est au cours d'un de ces procès que le procureur incriminé, Muammer Özcan, a, dans son acte d'accusation, parlé du "soi-disant peuple kurde". Louons la prudence scientifique de cet homme, qui ne s'aventure pas à relayer la fable de l'existence d'un peuple mythique s'il n'a pas eu l'occasion d'en voir de visu. Après tout, s'il exerce à Diyarbakir, on se demande où il aurait pu rencontrer des Kurdes. Je l'imagine très bien sur la place Salahaddin ou devant la grande Mosquée, déclarer, après avoir bien regardé alentour : "Vous voyez des Kurdes, vous ? Vous croyez que ça existe ? Vous pouvez me le prouver ?"
Donc, Mehdi Tanrikulu, histoire de lui prouver que les Kurdes existent, écrit une plainte contre lui, en kurde, pour "injure" à son identité. Mauvaise idée. Le procureur ne fait l'objet d'aucune enquête mais, par contre, l'accusateur se fait aligner pour violation de la Loi du Chapeau (article 222). Il persiste, se fait accompagner d'un interprète au tribunal, et déclare, en kurde : "J'ai le droit de m'exprimer dans ma langue maternelle et son alphabet doit être accepté par les institutions." Il a même le mauvais goût (ou le mauvais esprit) de rappeler l'article 39/5 du Traité de Lausanne qui "garantit à tous les citoyens turcs le droit d'utiliser leur langue maternelle dans les tribunaux." Offusquée par cette "insistance à commettre un crime" (c'est presque un titre de Barbey d'Aurevilly), la cour a tranché et Mehdi Tanrikulu en a pris pour 5 mois. Comme il a l'intention de faire appel, on imagine que les oreilles des juges turcs n'ont pas fini d'être écorchées par ce terrible idiome qui menace la cohésion de la République.
Par ailleurs, Recep Tayip Erdogan, s'exprimant sur l'incendie de Ludwigshafen a déclaré, sans qu'on voit trop le rapport, que "l'assimilation" était un crime. Il a même dit "contre l'humanité", pour faire bonne mesure, tant qu'à faire il aurait pu dire "génocide". En tout cas, les Kurdes ont été ravis de l'apprendre. Mehdi Tanrikulu ferait mieux de le citer la prochaine fois au lieu de se fier à un traité poussiéreux signé par un obscure quidam nommé Ismet Inönü...
Bonjour Sandrine ;
RépondreSupprimerhabitant en Allemagne , on en parle beaucoup de ce discours dans les informations et autre . Si des personnes font le choix de l'assimilation cela reste le leur .
J'ai quelques amis turcs que j'aprecie mais un des aspects qui m'a souvent gêné est un nationalisme trop exessif mais cela est juste mon opinion . Il y a quelques similitudes entre les kurdes et les palestiniens à qui l'on a fait des promesse dans le passé qui n'ont pas été tenues ...
Matthieu
A vrai dire, je crois qu'entre les fameux points du président Wilson, le Traité de Sèvre, les promesses d'Atatürk sur un Etat fraternel turco-kurde, celle de la SDN puis des Britanniques puis des gouvernements d'Irak successifs sur les garanties des Kurdes, on leur a encore plus promis qu'aux Palestiniens... et du coup on en a encore moins tenu.
RépondreSupprimerBonjour Sandrine ;
RépondreSupprimerje n'avais pas tout à fait fait le rapprochement tout de suite mais le discours d'Erdogan est assez cynique car ce qu'il considère comme crime est en fait ce que la Turquie a fait des années durant avec les kurdes . Les effets mirroirs sont parfois étonants ..
Bonne journée
Matthieu