Si ça ne s'appelle pas "porter le chapeau"...
Il est des procès utiles et d'autres plus douteux quant aux résultats. Quand un DTP brave les menaces d'emprisonnement pour avoir appelé Öcalan "Sayin" ou avoir réclamé sa libération, ou s'être montré ostensiblement dans l'équipe de réception des soldats turcs libérés par le PKK au Kurdistan d'Irak, c'est bien pour la cause du PKK, mais pour l'ensemble des Kurdes de Turquie, c'est franchement soit inutile, soit contreproductif quant au but affiché (qui varie souvent de la part du DTP comme du PKK, il est vrai).
D'autres affaires judiciaires sont plus efficaces car elles posent l'Etat turc devant ses propres contradictions, ou bien forcent la société turque à affronter ses "tabous civils et politiques" , sur le principe de "qui ne réclame rien n'a rien." C'est d'une certaine façon, une politique des petits pas, mais de petits pas concrets, qui d'un simple dossier judiciaire, remet en question 80 ans de politique sschizoïde.
Ainsi le procès ouvert contre Abdullah Demirbas, l'ancien maire de Sur, une municipalité de Diyarbakir, Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir et 19 autres membres du Conseil municipal. L'affaire avait éclaté quand Abdullah Demirbas avait prétendu fournir, dans sa mairie, des services en quatre langues, soit le turc, l'arménien, le syriaque et bien sûr le kurde, alléguant que c'était là quatre langues parlées par ses électeurs, lesquels d'ailleurs ne maîtrisent pas tous correctement le turc, comme quoi 80 ans de turcification forcée n'a finalement abouti qu'à faire de nombre de citoyens du Sud-Est des analphabètes bilingues ou trilingues, mais certainement pas des Turcs 100% purs turcophones. Bref, comme on pouvait s'y attendre, l'action avait été qualifiée de "propagande pour une organisation terroriste", une façon on ne peut plus claire de statuer qu'en plus du kurde, le syriaque ou l'arménien sont les langues de "l'ennemi intérieur".
Actuellement, les 21 accusés le sont en vertu de l'article 257, celui qui condamne "les nuisances au public en abusant de sa position", méfait qui bien sûr n'est pas du tout à mettre à l'encontre des fonctionnaires turcs parachutés dans le Sud-Est et disposant de pouvoirs plutôt étendus, surtout quand l'Etat d'urgence est déclaré...
Mais l'article le plus savoureux est quand même le 222, qui porte sur l'usage illégal de lettres anti-turques et.... de port de chapeau séditieux. En effet, en 1925, Kemal Atatürk fit promulguer une loi interdisant le port du fez aux hommes, lequel accessoire était susceptible d'entraver la marche de la Turquie vers l'Ere moderne, et en 1928 l'usage de lettres anti-turques, enfin anti-nouvel alphabet turc fut aussi banni, d'où les fameuses interdictions de NeWroz, par quelques Wali zélés, attentifs à traquer les lettres terroristes et séparatistes sur les affiches de concert. Evidemment la règle connaît quelques entorses, on ne s'oblige pas encore dans les lieux publics et les mosquées à aller aux VC sous peine d'encourir la prison, et hélas le World Wide Web et ses adresses Internet n'ont pas tenu compte de la lumineuse pensée kémaliste, encore un complot de chrétiens.
Par contre, dans des brochures, des textes d'informations ou des pancartes kurdes, les lettres subversives abondent, c'est même un cauchemar que tous ces w, x, q, î, â, ê... et je ne parle même pas des alphabets arméniens et syriaques inventés tout exprès pour saper les fondements de la République, dis donc !
Osman Baydemir n'en est pas à son premier procès pour ce genre d'activités dangereuses puisqu'il aime beaucoup envoyer des cartes de voeux bilingues à ses concitoyens. Sa défense se résume à un air faussement ingénu, pour lequel il doit être assez doué : "Un crime ? Quelqu'un a commis un crime ici ? Où ça ?"
L'argument de Demirbas est qu'il n'y a pas que Diyarbakir à offrir des services en plusieurs langues dans ses municipalités et qu'il soupçonne cette ville d'être dans le colimateur du pouvoir : "Si c'est un crime de publier en d'autres langues, alors pourquoi nous serions les seuls à être visés par un procès ?" On imagine la police sommée d'aller vérifier, municipalités par municipalité, l'usage ou non de panneaux ou informations en langues étrangères. Mais Demirbas, qui est un homme obligeant et désireux de servir l'Etat leur facilite la tâche en pointant lui-même d'un doigt accusateur les municipalités d'Antalya, d'Alanya, et tant d'autres, qui offrent aux touristes, notamment sur leur site Web, des informations en anglais, allemand, neéerlandais et même polonais... Quand on pense au nombre de lettres que ces langues renferment qui sont un complot contre l'unité et la culture de la République... Rien que la lecture publique d'un texte en polonais, tiens, devrait faire se retourner Atatürk dans sa tombe.
Sezgin Tanrikulu, président du Barreau de Diyarbakir, questionne l'accusation sur l'article 257 en lui demandant quels effets nuisibles pour le public ont été observés à Sur ?
L'avocat d'Osman Baydemir, qui a encore plus mauvais esprit, s'en prend à la loi 222 en soulignant qu'elle ne viole pas moins de 26 articles de la Constitution par son caractère quelque peu... obsolète et autoritaire. Ce n'est pas l'avis de la Cour qui a rejeté énergiquement cette appréciation. La loi de 1925 réglementant le port du chapeau est parfaitement valide, qu'on se le dise... Les panoplies ottomanes que l'on observe, ça et là, dans quelques restaurants "typiques" à l'usage des touristes, avec des serveurs portant fez, gilet court et culotte bouffante, devraient logiquement amener la fermeture des établissements délinquants (j'en connais un à Ankara, je peux leur donner l'adresse)...
Le procès se poursuivra le 29 février prochain.
source bianet.org.
D'autres affaires judiciaires sont plus efficaces car elles posent l'Etat turc devant ses propres contradictions, ou bien forcent la société turque à affronter ses "tabous civils et politiques" , sur le principe de "qui ne réclame rien n'a rien." C'est d'une certaine façon, une politique des petits pas, mais de petits pas concrets, qui d'un simple dossier judiciaire, remet en question 80 ans de politique sschizoïde.
Ainsi le procès ouvert contre Abdullah Demirbas, l'ancien maire de Sur, une municipalité de Diyarbakir, Osman Baydemir, le maire de Diyarbakir et 19 autres membres du Conseil municipal. L'affaire avait éclaté quand Abdullah Demirbas avait prétendu fournir, dans sa mairie, des services en quatre langues, soit le turc, l'arménien, le syriaque et bien sûr le kurde, alléguant que c'était là quatre langues parlées par ses électeurs, lesquels d'ailleurs ne maîtrisent pas tous correctement le turc, comme quoi 80 ans de turcification forcée n'a finalement abouti qu'à faire de nombre de citoyens du Sud-Est des analphabètes bilingues ou trilingues, mais certainement pas des Turcs 100% purs turcophones. Bref, comme on pouvait s'y attendre, l'action avait été qualifiée de "propagande pour une organisation terroriste", une façon on ne peut plus claire de statuer qu'en plus du kurde, le syriaque ou l'arménien sont les langues de "l'ennemi intérieur".
Actuellement, les 21 accusés le sont en vertu de l'article 257, celui qui condamne "les nuisances au public en abusant de sa position", méfait qui bien sûr n'est pas du tout à mettre à l'encontre des fonctionnaires turcs parachutés dans le Sud-Est et disposant de pouvoirs plutôt étendus, surtout quand l'Etat d'urgence est déclaré...
Mais l'article le plus savoureux est quand même le 222, qui porte sur l'usage illégal de lettres anti-turques et.... de port de chapeau séditieux. En effet, en 1925, Kemal Atatürk fit promulguer une loi interdisant le port du fez aux hommes, lequel accessoire était susceptible d'entraver la marche de la Turquie vers l'Ere moderne, et en 1928 l'usage de lettres anti-turques, enfin anti-nouvel alphabet turc fut aussi banni, d'où les fameuses interdictions de NeWroz, par quelques Wali zélés, attentifs à traquer les lettres terroristes et séparatistes sur les affiches de concert. Evidemment la règle connaît quelques entorses, on ne s'oblige pas encore dans les lieux publics et les mosquées à aller aux VC sous peine d'encourir la prison, et hélas le World Wide Web et ses adresses Internet n'ont pas tenu compte de la lumineuse pensée kémaliste, encore un complot de chrétiens.
Par contre, dans des brochures, des textes d'informations ou des pancartes kurdes, les lettres subversives abondent, c'est même un cauchemar que tous ces w, x, q, î, â, ê... et je ne parle même pas des alphabets arméniens et syriaques inventés tout exprès pour saper les fondements de la République, dis donc !
Osman Baydemir n'en est pas à son premier procès pour ce genre d'activités dangereuses puisqu'il aime beaucoup envoyer des cartes de voeux bilingues à ses concitoyens. Sa défense se résume à un air faussement ingénu, pour lequel il doit être assez doué : "Un crime ? Quelqu'un a commis un crime ici ? Où ça ?"
L'argument de Demirbas est qu'il n'y a pas que Diyarbakir à offrir des services en plusieurs langues dans ses municipalités et qu'il soupçonne cette ville d'être dans le colimateur du pouvoir : "Si c'est un crime de publier en d'autres langues, alors pourquoi nous serions les seuls à être visés par un procès ?" On imagine la police sommée d'aller vérifier, municipalités par municipalité, l'usage ou non de panneaux ou informations en langues étrangères. Mais Demirbas, qui est un homme obligeant et désireux de servir l'Etat leur facilite la tâche en pointant lui-même d'un doigt accusateur les municipalités d'Antalya, d'Alanya, et tant d'autres, qui offrent aux touristes, notamment sur leur site Web, des informations en anglais, allemand, neéerlandais et même polonais... Quand on pense au nombre de lettres que ces langues renferment qui sont un complot contre l'unité et la culture de la République... Rien que la lecture publique d'un texte en polonais, tiens, devrait faire se retourner Atatürk dans sa tombe.
Sezgin Tanrikulu, président du Barreau de Diyarbakir, questionne l'accusation sur l'article 257 en lui demandant quels effets nuisibles pour le public ont été observés à Sur ?
L'avocat d'Osman Baydemir, qui a encore plus mauvais esprit, s'en prend à la loi 222 en soulignant qu'elle ne viole pas moins de 26 articles de la Constitution par son caractère quelque peu... obsolète et autoritaire. Ce n'est pas l'avis de la Cour qui a rejeté énergiquement cette appréciation. La loi de 1925 réglementant le port du chapeau est parfaitement valide, qu'on se le dise... Les panoplies ottomanes que l'on observe, ça et là, dans quelques restaurants "typiques" à l'usage des touristes, avec des serveurs portant fez, gilet court et culotte bouffante, devraient logiquement amener la fermeture des établissements délinquants (j'en connais un à Ankara, je peux leur donner l'adresse)...
Le procès se poursuivra le 29 février prochain.
source bianet.org.
'Stupidity, however, is not necessarily a inherent trait.'
Albert Rosenfield.
Ben, à coté de chez moi (istanbul), il y a le MaXi center...
RépondreSupprimerEncore un magasin terroriste!
Ils sont partout, c'est affreux...
RépondreSupprimermoi je travaille dans une fabrique de pieces de freins, mais on respecte la loi ... le panneau indique "brake eguipments"
RépondreSupprimer