Turquie : déjà le retrait ?
Le PKK, via son porte-parole a annoncé un "retrait limité" de l'armée turque "de la région frontalière de Zap", a-t-il dit. "Nous constatons des mouvements militaires, comme l'entrée de camions militaires vides en provenance de Turquie, qui repartent pour la Turquie avec à bord des soldats".
La veille, le même porte-parole a indiqué que quelques 200 soldats turcs se sont retrouvés encerclés dans une vallée à 10 kilomètres de la frontière. Les assiégés assiégeant en somme, et cette nouvelle a, semble-t-il, été confirmé par les peshmergas, devenus, malgré eux, des observateurs privilégiés. Ce qui est sûr, c'est que les communiqués triomphants de l'armée sont loin de refléter la réalité, à savoir que c'est peut-être, une fois de plus, la montagne kurde qui va vaincre, ajouté au fait que les bases de Qandil connaissent évidemment bien mieux le terrain que les Turcs. En tout cas, si 200 soldats turcs sont amenés à se rendre au lieu de se faire tuer glorieusement sur place, ça risque d'engorger drôlement les prisons et les tribunaux militaires de Turquie.
Le ministre des Affaires étrangères irakien, le kurde Hoshyar Zebarî, est encore plus catégorique en annonçant carrément la fin de l'incursion turque. De son côté, l'armée turque n'a ni démenti ni confirmé, cela prendra peut-être le temps qu'il lui faut à annoncer la perte d'un hélicoptère pour expliquer que si elle se retire, c'est en fait parce qu'elle a gagné (un peu comme en Syrie on fête encore la victoire de 1973 sur Israël).
Bilan de l'attaque ?
- Des Kurdes d'Irak très remontés contre la Turquie. Si l'on se penche sur quelques rumeurs (et les rumeurs sont toujours intéressantes même si invérifiables, ou carrément fausses, car elles témoignent d'un état d'esprit), deux groupes de pershmergas auraient, selon le site Kurdistannet.info, outrepassé les ordres du GRK et se seraient battus avec le PKK. Vrai ou non, cela donne un indice de l'état d'esprit qui prévalait parmi les troupes kurdes et la population.
De même, l'accusation des forces turques selon laquelle les hôpitaux du Kurdistan d'Irak avaient recueilli et soigné des guerilleros du PKK blessés au combat. Accusation démentie, bien évidemment par le GRK, mais il est évident qu'aucun Kurde d'Irak, quels que soient son poste et sa fonction, commandant militaire, gouverneur, directeur d'hôpital ou maire de village, n'aurait été livrer un Kurde blessé aux mains des Turcs ni même l'aurait laissé mourir sans soin... Surtout que les vidéos et les photos qui circulent sur le web, montrant comment les soldats turcs prennent la peine de découper soigneusement la tête des cadavres kurdes afin de les emporter en trophée, témoignent là aussi de l'exquise humanité avec laquelle tout prisonnier kurde tombé en leurs mains peut être traité.
- Un ressentiment accru des Kurdes de Turquie. Pas trop couvertes par la presse turque, ni par la presse occidentale, les manifestations de soutien au PKK et de colère contre Ankara dans le Kurdistan de Turquie ont été surtout traitées par les médias kurdes, qui naturellement ont parlé de rassemblements de 10 000 voire 20 000 personnes à Diyarbakir ou Van, ce qui semble beaucoup. Mais on ne peut même pas faire la part des chiffres préfecture-manifestants vu que la préfecture n'annonce aucune manif. Par contre al-Jazeera montre des images, de part et d'autre de la frontière : d'abord un reportage sur les chrétiens du Kurdistan qui se prennent les bombes et affirment que ces villages, qui viennent tout juste d'être reconstruits, n'ont jamais vu de PKK. Puis on voit un micro-trottoir à Diyarbakir, avec des jeunes très remontés et visage masqué, un homme (visage découvert) qui parle des tortures qu'il a subies, une femme dont la fille est morte au combat dans la montagne. Visiblement, on n'a pas la même approche de "l'opération de nettoyage", à Diyarbakir ou Van qu'à Ankara ou Trabzon.
Mais même la presse turque la plus objective et modérée se plante lourdement quand elle veut analyser le nationalisme kurde. Ainsi, Mustafa Aykol, dans TDN, distingue les Kurdes "non-nationalistes", ceux qui voudraient rester en Turquie mais jouirent de droits culturels et d'une meilleure situation économique et les "nationalistes", lesquels se voient comme une nation partagée (ce qui, de fait, est vrai). Ces derniers seraient les radicaux pro-PKK. Or c'est faux, le PKK n'est plus indépendantiste depuis longtemps et les "nationalistes" ou "indépendantistes" kurdes aujourd'hui, s'il en est, ne doivent guère goûter les programmes de réconciliation turco-kurde lancés sous des modes variés et souvent contradictoires par Öcalan, le DTP ou le PKK.
De même, Aykol, pour recenser les "bons" Kurdes (pas indépendantistes) des "mauvais" (indépendantistes) se fient à ceux qui ont voté AKP. Là encore, c'est une grille de lecture erronée. Les votes kurdes en faveur de l'AKP n'ont rien à voir avec le souhait ou non de rester en Turquie, mais résidaient dans l'espoir d'une sortie de la guerre, d'un assouplissement de "l'occupation" militaro-policière qui perdure encore par beaucoup d'aspects, et dans celui de bénéficier du programme d'aide économique en faveur des plus pauvres, qui est un grand succès électoral de l'AKP. Quant aux voix indépendantistes kurdes, je ne vois pas comment elles pourraient être être comptabilisées politiquement, puisqu'aucun parti ni mouvement quelconque, à l'heure actuelle, ne peut exprimer ce genre de souhait sans automatiquement tomber sous le coup de la loi.
On peut d'ailleurs parier que beaucoup de Kurdes ne savent pas, aujourd'hui, s'ils sont ou non "sécessionnistes," tant c'est une idée abstraite et loin de leurs difficultés immédiates. La question ne se pose pas en ces termes, pour eux. Disons que ce genre d'action qui ne sert militairement à rien, s'il agace les Kurdes d'Irak et indigne l'ensemble des Kurdes, tous pays compris, peut accélérer un état de fait et d'esprit, qui n'est même pas une "rupture" entre Turcs et Kurdes, car quand ont-ils été vraiment unis depuis 1923 ? En tout cas, en ce moment, moins que jamais.
La veille, le même porte-parole a indiqué que quelques 200 soldats turcs se sont retrouvés encerclés dans une vallée à 10 kilomètres de la frontière. Les assiégés assiégeant en somme, et cette nouvelle a, semble-t-il, été confirmé par les peshmergas, devenus, malgré eux, des observateurs privilégiés. Ce qui est sûr, c'est que les communiqués triomphants de l'armée sont loin de refléter la réalité, à savoir que c'est peut-être, une fois de plus, la montagne kurde qui va vaincre, ajouté au fait que les bases de Qandil connaissent évidemment bien mieux le terrain que les Turcs. En tout cas, si 200 soldats turcs sont amenés à se rendre au lieu de se faire tuer glorieusement sur place, ça risque d'engorger drôlement les prisons et les tribunaux militaires de Turquie.
Le ministre des Affaires étrangères irakien, le kurde Hoshyar Zebarî, est encore plus catégorique en annonçant carrément la fin de l'incursion turque. De son côté, l'armée turque n'a ni démenti ni confirmé, cela prendra peut-être le temps qu'il lui faut à annoncer la perte d'un hélicoptère pour expliquer que si elle se retire, c'est en fait parce qu'elle a gagné (un peu comme en Syrie on fête encore la victoire de 1973 sur Israël).
Bilan de l'attaque ?
- Des Kurdes d'Irak très remontés contre la Turquie. Si l'on se penche sur quelques rumeurs (et les rumeurs sont toujours intéressantes même si invérifiables, ou carrément fausses, car elles témoignent d'un état d'esprit), deux groupes de pershmergas auraient, selon le site Kurdistannet.info, outrepassé les ordres du GRK et se seraient battus avec le PKK. Vrai ou non, cela donne un indice de l'état d'esprit qui prévalait parmi les troupes kurdes et la population.
De même, l'accusation des forces turques selon laquelle les hôpitaux du Kurdistan d'Irak avaient recueilli et soigné des guerilleros du PKK blessés au combat. Accusation démentie, bien évidemment par le GRK, mais il est évident qu'aucun Kurde d'Irak, quels que soient son poste et sa fonction, commandant militaire, gouverneur, directeur d'hôpital ou maire de village, n'aurait été livrer un Kurde blessé aux mains des Turcs ni même l'aurait laissé mourir sans soin... Surtout que les vidéos et les photos qui circulent sur le web, montrant comment les soldats turcs prennent la peine de découper soigneusement la tête des cadavres kurdes afin de les emporter en trophée, témoignent là aussi de l'exquise humanité avec laquelle tout prisonnier kurde tombé en leurs mains peut être traité.
- Un ressentiment accru des Kurdes de Turquie. Pas trop couvertes par la presse turque, ni par la presse occidentale, les manifestations de soutien au PKK et de colère contre Ankara dans le Kurdistan de Turquie ont été surtout traitées par les médias kurdes, qui naturellement ont parlé de rassemblements de 10 000 voire 20 000 personnes à Diyarbakir ou Van, ce qui semble beaucoup. Mais on ne peut même pas faire la part des chiffres préfecture-manifestants vu que la préfecture n'annonce aucune manif. Par contre al-Jazeera montre des images, de part et d'autre de la frontière : d'abord un reportage sur les chrétiens du Kurdistan qui se prennent les bombes et affirment que ces villages, qui viennent tout juste d'être reconstruits, n'ont jamais vu de PKK. Puis on voit un micro-trottoir à Diyarbakir, avec des jeunes très remontés et visage masqué, un homme (visage découvert) qui parle des tortures qu'il a subies, une femme dont la fille est morte au combat dans la montagne. Visiblement, on n'a pas la même approche de "l'opération de nettoyage", à Diyarbakir ou Van qu'à Ankara ou Trabzon.
Mais même la presse turque la plus objective et modérée se plante lourdement quand elle veut analyser le nationalisme kurde. Ainsi, Mustafa Aykol, dans TDN, distingue les Kurdes "non-nationalistes", ceux qui voudraient rester en Turquie mais jouirent de droits culturels et d'une meilleure situation économique et les "nationalistes", lesquels se voient comme une nation partagée (ce qui, de fait, est vrai). Ces derniers seraient les radicaux pro-PKK. Or c'est faux, le PKK n'est plus indépendantiste depuis longtemps et les "nationalistes" ou "indépendantistes" kurdes aujourd'hui, s'il en est, ne doivent guère goûter les programmes de réconciliation turco-kurde lancés sous des modes variés et souvent contradictoires par Öcalan, le DTP ou le PKK.
De même, Aykol, pour recenser les "bons" Kurdes (pas indépendantistes) des "mauvais" (indépendantistes) se fient à ceux qui ont voté AKP. Là encore, c'est une grille de lecture erronée. Les votes kurdes en faveur de l'AKP n'ont rien à voir avec le souhait ou non de rester en Turquie, mais résidaient dans l'espoir d'une sortie de la guerre, d'un assouplissement de "l'occupation" militaro-policière qui perdure encore par beaucoup d'aspects, et dans celui de bénéficier du programme d'aide économique en faveur des plus pauvres, qui est un grand succès électoral de l'AKP. Quant aux voix indépendantistes kurdes, je ne vois pas comment elles pourraient être être comptabilisées politiquement, puisqu'aucun parti ni mouvement quelconque, à l'heure actuelle, ne peut exprimer ce genre de souhait sans automatiquement tomber sous le coup de la loi.
On peut d'ailleurs parier que beaucoup de Kurdes ne savent pas, aujourd'hui, s'ils sont ou non "sécessionnistes," tant c'est une idée abstraite et loin de leurs difficultés immédiates. La question ne se pose pas en ces termes, pour eux. Disons que ce genre d'action qui ne sert militairement à rien, s'il agace les Kurdes d'Irak et indigne l'ensemble des Kurdes, tous pays compris, peut accélérer un état de fait et d'esprit, qui n'est même pas une "rupture" entre Turcs et Kurdes, car quand ont-ils été vraiment unis depuis 1923 ? En tout cas, en ce moment, moins que jamais.
Oui, c'est tout à fait ça.
RépondreSupprimerTous les intellectuels turcs bobos-softs-progressifs ressortent toujours la même sauce : le bon Kurde, c'est le "citoyen turc d'origine kurde" qui veut se fondre dans la bienveillante mère-patrie. Et le méchant, c'est celui qui veut se séparer.
Non seulement, c'est un foutu mensonge qui les fâchent si on les contredit mais en outre, c'est ce que les "gardiens de la nation" veulent entendre. Sans quoi, ils répriment. C'est du tout mesuré avec le postulat qu'on aurait pas le droit à l'opinion séparatiste. En vertu de quoi ? On se le demande.
De là, on calque aussi la division "modérés" vs "durs" à l'intérieur du DTP.
Or les "durs" (en principe ceux qui revendiquent la légitimité de la lutte armée) sont ceux qui sont les plus proches d'Öcalan. Soit les plus assimilationnistes dans les faits actuels, donc les plus mous et les plus écrasés. Et les "modérés" non seulement revendiquent la légitimité de la lutte armée (comme Osman Baydemir) mais en outre ne reprennent pas à leur compte les paroles sur la bienveillante République de Turquie ou vont carrément serrer la main de ceux de l'extrême-droite (comme Ahmet Türk).