Le Gouvernement régional du Kurdistan veut organiser une conférence sur le fédéralisme à Erbil
Apparemment guère perturbé par l'agitation martiale qui se déroule au nord de sa frontière, le Gouvernement kurde, profitant de ce que le Sénat américain s'est prononcé en faveur d'une partition de l'Irak en fédération, décide de battre le fer quand il est chaud et annonce la tenue d'une conférence sur le fédéralisme dans sa capitale de Hewlêr/Erbil. Alors que l'amendement américain a fait l'objet de vives critiques de la part de ceux qui, soit refusent un pouvoir politique kurde trop indépendant dans la région, soit refusent un pouvoir politique chiite irakien trop puissant dans la région, soit les deux à la fois, le GRK vole au secours du Sénat de Washington et veut défendre l'option fédérale - dont il jouit déjà, lui, depuis 2006 - présentée comme la meilleure solution possible aux problèmes de l'Irak.
Il rappelle d'abord que le fédéralisme en Irak a déjà été adopté par la population irakienne, lors du référendum sur la Constitution du 11 octobre 2006 et que, de ce fait, les blocages et refus, surtout sunnites, qui persistent en Irak, sont anti-démocratiques car refusant de se plier à la volonté des suffrages.
Autre pointe adressée aux opposants irakiens (alors que nous sommes en plein bras de fer Erbil-Bagdad sur la gestion des ressources pétrolières et des contrats passés à l'étranger pour leur exploitation), le Gouvernement rappelle le "rôle-clef" que les Kurdistanî ont joué, jusqu'ici, pour le maintien d'un Irak uni, c'est-à-dire qu'ils sont bien gentils d'avoir accepté de rester irakiens, et que "la division et la partition n'ont jamais été le but des partis politiques kurdistani, puisque c'est contraire au désir du peuple irakien." On n'est pas plus accommodant...
Mais constatant que la décision américaine a déclenché une certaine tempête en Irak et pour certains (on va comprendre très vite de qui il s'agit) des velléités de nier tous les acquis en faveur du fédéralisme depuis 2005, le GRK rappelle les faits suivants, à la lumière de 80 ans d'histoire sanglante en Irak :
- A savoir que le gouvernement central a toujours été exercé par un groupe au détriment des autres (c'est-à-dire en fait, les seuls sunnites arabes, mais par pudeur, les Kurdes s'abstiennent de préciser). Et que ce groupe dominant s'est maintenu au pouvoir par des méthodes dictatoriales et violentes exercés contre les Irakiens. Et que le pouvoir central n'a finalement apporté que ruine et destruction au pays.
- A savoir que les Kurdes et la population du "sud de l'Irak" (autrement dit les chiites que par pudeur là encore le Gouvernement d'Erbil ne nomme pas) ont jusque-là été considérés comme des citoyens de seconde zone.
Les éléments suivants peuvent s'adresser par contre à tous les Arabes d'Irak, chiites ou sunnites, qui auraient la velléité de contrarier un peu trop obstinément leurs compatriotes du Nord :
- A savoir que le pouvoir en irak doit être réparti parmi les composantes-clef de sa population et que l'Irak doit être rebâti sur un principe d'union volontaire (cette union volontaire ne concernant que les Kurdes, en fait, les chiites ne voulant pas vraiment un Chiistan indépendant, mais plutôt récupérer et tenir le pouvoir central à leur tour.)
Et puis l'on passe à l'intolérance religieuse qui est un des chevaux de bataille de Nêçirvan Barzanî : "La réalité révèle qu'en Irak des identités religieuses et sectaires s'expriment dans des termes religieux et politiques. Ainsi, des partis politico-religieux se considèrent comme représentant les Sunnites alors que dans le même temps plusieurs partis islamiques se posent comme les représentant des Chiites. L'Irak arabe est idéologiquement divisé entre Sunnites et Chiites. L'Etat, le gouvernement, la société, sont tous vus à travers un prisme religieux." Cela paraît évident à dire comme cela, mais il faut avouer que les Américains ont mis du temps à le comprendre et ensuite à l'admettre, et ne l'ont pas encore, que je sache, reconnu publiquement. Quant à l'Union européenne elle en est encore à radoter sur la "nation irakienne". Au moins le GRK dresse un état des lieux réaliste : au nord les Kurdes, au sud les Sunnites et les Chiites, et s'il y a guerre, c'est entre les deux dernières parties.
Et maintenant on peut se poser en modèle : "En dépit du fait que les Kurdes forment la majorité ethnique dans la Région du Kurdistan, nous savons et mesurons le fait que des gens de différentes religions – islam, christianisme, yézidisme – et d'autres groupes ethniques – Turcomans, Assyriens, Chaldéens – composent notre communauté. Nous avons adopté une politique de coexistence dans notre Région. Nous appelons nos frères irakiens à faire de même. Nous avons toujours été un facteur utile de réconciliation entre Sunnites et Chiites. (petite piqure de rappel aux Américains, ça ne fait pas de mal)."
Le GRK rappelle aussi que le système fédéral qui a été voté par la Constitution permet aux gouvernorats irakiens de former des unions particulières (par référendum) en vue de se regrouper en fédérations. En effet, Saddam avait découpé le pays en 18 gouvernorats qui avaient dépecé les grands régions ethniques ou religieuses (un peu comme les départements français ont été mis en place pour casser les identités régionales). Ceci doit permettre aux Chiites de récupérer Nadjaf et Kerbelah, leurs villes saintes et naturellement est la réaffirmation du droit à Kirkuk, Khanaqin et Sindjar d'être intégré à la Région kurde si telle est la décision des urnes.
Et donc le GRK de conclure : "Voici la réalité politique, sociale, ethnique et religieuse de l'Irak. Le choix final sur la manière de bâtir un système fédéral appartient aux Irakiens (sous-entendu : les "voisins" n'ont pas à dire leur mot). L'amendement voté par le Sénat américain reflète ce qui est écrit dans la Constitution irakienne (sous-entendu : ils y ont mis le temps, mais ils ont fini par la lire) Et on repart avec une salve bien sentie en direction des anti-fédéralistes "– un document que tous les membres du Gouvernement irakien ont juré de défendre. Il semble que la majorité de ceux qui s'inquiètent au sujet de cet amendement ne l'ont pas lu attentivement ou l'utilisent juste comme un prétexte pour exprimer leur chauvinisme, en essayant de revenir à la détestable domination d'un pouvoir central."
S'ensuit une énumération des articles constitutionnels irakiens qui disent et répètent et détaillent toutes les dispositions permettant le découpage fédéral du pays (puisqu'il semble que certains ne l'ont pas lu) et une attaque énergique contre ceux qui présentent l'amendement du Sénat comme un "projet de partition sectaire".
Et donc, pour finir, le président du Kurdistan invite à Erbil tous les partis politiques, personnalités influentes et mouvements à discuter des problèmes de l'Irak, de son processus politique et de son futur fédéralisme.
Qui viendra ? Là est le point intéressant. Les Chiites sûrement, et peut-être même Moqtada as-Sadr. Parmi les partis turkmènes, seul le Front turcoman, parrainé par Ankara peut bouder, encore que des initiatives et garanties récemment prises à Kirkouk pour rendre aux Turkmènes les terres que leur avait confisqué Saddam a amené ce parti, jusque-là violemment opposé au fameux Article 140 à le soutenir, au moins dans son alinéa 6. En effet, Ali Mahdi, membre du Conseil de Kirkouk a annoncé que (puisque ?) la première décision du Haut-Comité pour l'application de l'article 140 avait été de rendre à leurs propriétaires turkmènes les terres des districts de Hamzali et de Tisaen, il n'était pas du tout, mais alors pas du tout, opposé à l'article 140, et que la normalisation de la situation dans cette ville devait se faire en fonction de la loi (déjà votée). A qui Ankara peut se fier dans ce pays de dingues, si même les malheureuses victimes turques se rallient aux affreux Kurdes, je vous jure...
Bref, par prudence, Erbil annonce qu'il va d'abord consulter les partis concernés (en privé) et ensuite lancer officiellement les invitations. Agitations, tractations, crises de diva, atermoiements, volte-face et ralliements de dernière minute en perspective...
(source krg.org)
Il rappelle d'abord que le fédéralisme en Irak a déjà été adopté par la population irakienne, lors du référendum sur la Constitution du 11 octobre 2006 et que, de ce fait, les blocages et refus, surtout sunnites, qui persistent en Irak, sont anti-démocratiques car refusant de se plier à la volonté des suffrages.
Autre pointe adressée aux opposants irakiens (alors que nous sommes en plein bras de fer Erbil-Bagdad sur la gestion des ressources pétrolières et des contrats passés à l'étranger pour leur exploitation), le Gouvernement rappelle le "rôle-clef" que les Kurdistanî ont joué, jusqu'ici, pour le maintien d'un Irak uni, c'est-à-dire qu'ils sont bien gentils d'avoir accepté de rester irakiens, et que "la division et la partition n'ont jamais été le but des partis politiques kurdistani, puisque c'est contraire au désir du peuple irakien." On n'est pas plus accommodant...
Mais constatant que la décision américaine a déclenché une certaine tempête en Irak et pour certains (on va comprendre très vite de qui il s'agit) des velléités de nier tous les acquis en faveur du fédéralisme depuis 2005, le GRK rappelle les faits suivants, à la lumière de 80 ans d'histoire sanglante en Irak :
- A savoir que le gouvernement central a toujours été exercé par un groupe au détriment des autres (c'est-à-dire en fait, les seuls sunnites arabes, mais par pudeur, les Kurdes s'abstiennent de préciser). Et que ce groupe dominant s'est maintenu au pouvoir par des méthodes dictatoriales et violentes exercés contre les Irakiens. Et que le pouvoir central n'a finalement apporté que ruine et destruction au pays.
- A savoir que les Kurdes et la population du "sud de l'Irak" (autrement dit les chiites que par pudeur là encore le Gouvernement d'Erbil ne nomme pas) ont jusque-là été considérés comme des citoyens de seconde zone.
Les éléments suivants peuvent s'adresser par contre à tous les Arabes d'Irak, chiites ou sunnites, qui auraient la velléité de contrarier un peu trop obstinément leurs compatriotes du Nord :
- A savoir que le pouvoir en irak doit être réparti parmi les composantes-clef de sa population et que l'Irak doit être rebâti sur un principe d'union volontaire (cette union volontaire ne concernant que les Kurdes, en fait, les chiites ne voulant pas vraiment un Chiistan indépendant, mais plutôt récupérer et tenir le pouvoir central à leur tour.)
Et puis l'on passe à l'intolérance religieuse qui est un des chevaux de bataille de Nêçirvan Barzanî : "La réalité révèle qu'en Irak des identités religieuses et sectaires s'expriment dans des termes religieux et politiques. Ainsi, des partis politico-religieux se considèrent comme représentant les Sunnites alors que dans le même temps plusieurs partis islamiques se posent comme les représentant des Chiites. L'Irak arabe est idéologiquement divisé entre Sunnites et Chiites. L'Etat, le gouvernement, la société, sont tous vus à travers un prisme religieux." Cela paraît évident à dire comme cela, mais il faut avouer que les Américains ont mis du temps à le comprendre et ensuite à l'admettre, et ne l'ont pas encore, que je sache, reconnu publiquement. Quant à l'Union européenne elle en est encore à radoter sur la "nation irakienne". Au moins le GRK dresse un état des lieux réaliste : au nord les Kurdes, au sud les Sunnites et les Chiites, et s'il y a guerre, c'est entre les deux dernières parties.
Et maintenant on peut se poser en modèle : "En dépit du fait que les Kurdes forment la majorité ethnique dans la Région du Kurdistan, nous savons et mesurons le fait que des gens de différentes religions – islam, christianisme, yézidisme – et d'autres groupes ethniques – Turcomans, Assyriens, Chaldéens – composent notre communauté. Nous avons adopté une politique de coexistence dans notre Région. Nous appelons nos frères irakiens à faire de même. Nous avons toujours été un facteur utile de réconciliation entre Sunnites et Chiites. (petite piqure de rappel aux Américains, ça ne fait pas de mal)."
Le GRK rappelle aussi que le système fédéral qui a été voté par la Constitution permet aux gouvernorats irakiens de former des unions particulières (par référendum) en vue de se regrouper en fédérations. En effet, Saddam avait découpé le pays en 18 gouvernorats qui avaient dépecé les grands régions ethniques ou religieuses (un peu comme les départements français ont été mis en place pour casser les identités régionales). Ceci doit permettre aux Chiites de récupérer Nadjaf et Kerbelah, leurs villes saintes et naturellement est la réaffirmation du droit à Kirkuk, Khanaqin et Sindjar d'être intégré à la Région kurde si telle est la décision des urnes.
Et donc le GRK de conclure : "Voici la réalité politique, sociale, ethnique et religieuse de l'Irak. Le choix final sur la manière de bâtir un système fédéral appartient aux Irakiens (sous-entendu : les "voisins" n'ont pas à dire leur mot). L'amendement voté par le Sénat américain reflète ce qui est écrit dans la Constitution irakienne (sous-entendu : ils y ont mis le temps, mais ils ont fini par la lire) Et on repart avec une salve bien sentie en direction des anti-fédéralistes "– un document que tous les membres du Gouvernement irakien ont juré de défendre. Il semble que la majorité de ceux qui s'inquiètent au sujet de cet amendement ne l'ont pas lu attentivement ou l'utilisent juste comme un prétexte pour exprimer leur chauvinisme, en essayant de revenir à la détestable domination d'un pouvoir central."
S'ensuit une énumération des articles constitutionnels irakiens qui disent et répètent et détaillent toutes les dispositions permettant le découpage fédéral du pays (puisqu'il semble que certains ne l'ont pas lu) et une attaque énergique contre ceux qui présentent l'amendement du Sénat comme un "projet de partition sectaire".
Et donc, pour finir, le président du Kurdistan invite à Erbil tous les partis politiques, personnalités influentes et mouvements à discuter des problèmes de l'Irak, de son processus politique et de son futur fédéralisme.
Qui viendra ? Là est le point intéressant. Les Chiites sûrement, et peut-être même Moqtada as-Sadr. Parmi les partis turkmènes, seul le Front turcoman, parrainé par Ankara peut bouder, encore que des initiatives et garanties récemment prises à Kirkouk pour rendre aux Turkmènes les terres que leur avait confisqué Saddam a amené ce parti, jusque-là violemment opposé au fameux Article 140 à le soutenir, au moins dans son alinéa 6. En effet, Ali Mahdi, membre du Conseil de Kirkouk a annoncé que (puisque ?) la première décision du Haut-Comité pour l'application de l'article 140 avait été de rendre à leurs propriétaires turkmènes les terres des districts de Hamzali et de Tisaen, il n'était pas du tout, mais alors pas du tout, opposé à l'article 140, et que la normalisation de la situation dans cette ville devait se faire en fonction de la loi (déjà votée). A qui Ankara peut se fier dans ce pays de dingues, si même les malheureuses victimes turques se rallient aux affreux Kurdes, je vous jure...
Bref, par prudence, Erbil annonce qu'il va d'abord consulter les partis concernés (en privé) et ensuite lancer officiellement les invitations. Agitations, tractations, crises de diva, atermoiements, volte-face et ralliements de dernière minute en perspective...
(source krg.org)
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