samedi, octobre 06, 2007

Coup de projo (chez les voisins) : les Mevlevi, Kudsi Erguner & Nezih Uzel



Jalal al-Dîn Rumî, poète stupéfiant et prolifique, amant tourmenté, sans doute meilleur murshid spirituel que gestionnaire de couvent (mais si l'ordre de son tekke en a été quelquefois troublé, la malamatiyya, elle, y a beaucoup gagné) est à l'honneur cette année un peu partout dans le monde, puisque c'est son 800ème anniversaire. Autant le Sheikh, de son vivant, était à la fois visionnaire et scandaleux, autant aujourd'hui c'est une figure consensuelle parce que tout le monde peut l'accommoder à sa sauce. Grand penseur "turc" pour les uns, poète persan, soufi modèle et musulman "rassurant" parce qu'arrosé de l'eau de rose d'une spiritualité New Age, tout le monde se veut, se sent, se pense mevlevi... Alors que paradoxalement, ou peut-être bien à cause de cela, il n'y a plus d'ordre mevlevi depuis que Kemal Atatürk l'interdit, comme toutes les confréries. Le gouvernement turc le rétablit dans les années 50, mais plus comme une association folklorique à caractère spirituel.
Kudish Erguner est un des rares à s'exprimer avec justesse là-dessus, quand il explique que non, il n'y a plus d'ordre mevlevi, qu'on n'est pas derviche parce qu'on sait tourner, que le semâ ce n'est que l'aboutissement d'une ascèse, méditation et jeûne de 40 jours, retraite, etc. Mais il s'est formé, lui, à la fois à la tradition savante ottomane (par son père) et à la musique et la religiosité des tekke authentiques (les "uzbeks" d'Istanbul) et s'attache à sauver, restaurer, découvrir, revivifier ce trésor des musiques ottomanes. En tout cas, les gens qui à Paris se réclalment de Rumî et de Kudsi Erguner sont drôles et sympathiques. L'accompagne au chant, Nezih Uzel, dont la voix profonde, saisissante, apporte, avec la langue turque, une beauté spécifique, d'une mélancolie plus austère que dans les chants en persan, avec une force un peu sombre, rêche et douce à la fois, qui fait penser aux peintures de Siyah Kalem surgissant parmi de fades persaneries ottomanes.

Le CD contient aussi des musiques et des chants bektachis.

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