IRAK : LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES FIXÉEES EN MARS 2010


Après maintes controverses et protestations de diverses factions politiques ou religieuses irakiennes, la loi électorale des législatives de 2010 a été adoptée par le Parlement de Bagdad. Prévues initialement pour janvier 2010, les retards successifs de cette adoption ont contraint la Commission électorale irakienne à reporter le scrutin au 7 mars prochain. Les 325 députés auront eux-mêmes en charge au printemps prochain d’élire le Premier ministre et le président irakiens. Le même jour, un référendum est aussi prévu, demandant aux Irakiens de se prononcer sur la présence des troupes américaines en Irak. L’accouchement de cette loi a été difficile et son approbation plusieurs fois rejetée. Les principaux points litigieux en ont été le nombre de sièges répartis entre les provinces, ou bien réservés aux minorités et aux Irakiens en exil ; autre source de conflit, les registres électoraux de Kirkouk, que des partis turkmènes et arabes hostiles aux Kurdes dénoncent comme étant falsifiés. La Mission d’assistance de l’ONU en Irak (UNAMI) a aussi recommandé de transformer le système électoral, afin que chaque électeur puisse voter pour des candidats particuliers aussi bien que pour des partis et non pour une seule liste fermée comme cela était le cas auparavant. Mais ce système de listes ouvertes a rencontré une opposition de la part des Irakiens, même chiites, hostiles à Maliki, comme le religieux Ali Al-Sistani, craignant que ce système nominatif n’avantage le Premier Ministre, même si la plupart des partis irakiens l’ont accepté, pour finir.

L’UNAMI, après avoir renoncé à une répartition pré-électorale « ethnique » des sièges de Kirkouk, avait tenté un compromis sur la question des listes électorales controversées de Kirkouk, en proposant de « mixer » les listes de 2004 et celles de 2009, ce qui, bien sûr, s’est heurté à l’opposition des Kurdes. Pour finir, les listes électorales de 2009 serviront à ces élections mais les résultats à Kirkouk seront « temporaires » dans un délai d’un an, la Commission électorale irakienne devant durant ce temps enquêter sur d’éventuelles irrégularités avant de les valider définitivement. Dans un premier temps, la loi électorale est passée par 141 oui contre 54 non, 80 députés, principalement les Kurdes, ayant quitté la salle pour protester contre le faible nombre de sièges supplémentaires que les trois provinces de la Région du Kurdistan se sont vus allouer, alors que le nombre de députés en Irak passe de 275 à 325, dont 16 réservés aux minorités : 5 aux chrétiens, 1 chacun pour les yézidis, les shabaks et les mandéens. Mais le vice-président, le sunnite Tariq Al-Hashimi, avait, pour sa part, exigé que 15% des sièges soient réservés aux Irakiens en exil et avait mis son veto à la loi, approuvée par le président Talabani et l’autre vice-président, un chiite. Sa position sur cette question s’explique par le grand nombre d’Irakiens sunnites, plus ou moins compromis avec l’ancien régime, qui ont dû fuir le pays après 2003.

Mais Ayad Al-Samarrai, le président du parlement irakien, a pu contourner le veto en arguant que la question de la répartition des sièges relevait de la Commission électorale mais n’était pas constitutionnelle ; or, le veto du Conseil de présidence sur les lois irakiennes ne peut s’appuyer que sur leur caractère anticonstitutionnel. La loi put ainsi repasser au Parlement. Cependant, le premier vote ayant eu lieu sans la présence des députés de l’Alliance kurdistani car la Région du Kurdistan n’avait obtenu que 3 sièges supplémentaires et le président de la Région, Massoud Barzani, avait d’abord menacé de boycotter ces élections. Finalement, le nombre de sièges alloués aux Kurdes fut augmenté, mais au détriment des régions sunnites, ce qui fut parfois compris comme une forme de « rétorsion » après le blocage manqué de Al-Hashemi, et fit dire à des analystes politiques que le vice-président sunnite avait tenté, avec son premier veto, de jouer une partie de poker au bluff, et finalement perdu. La presse irakienne a même parlé de « catastrophe » pour les sunnites arabes. Les nouvelles dispositions revotées par le parlement ne tiennent effectivement plus compte de l’augmentation de la population irakienne depuis 2005, mais haussent de 2.8% par an le nombre des sièges de chaque province, de sorte que les Kurdes sont, de l’avis des sunnites irakiens et de la presse politique en général, les seuls bénéficiaires du nouveau système. La frustration et la colère des sunnites laissent augurer un climat politique difficile après mars 2010. La faute en est cependant attribuée uniquement à Tariq Al-Hashemi, fortement critiqué par ses coreligionnaires pour avoir joué de façon hasardeuse, et quasi-personnelle, la future représentation des sunnites arabes au parlement. Les Kurdes ayant finalement accepté de participer, malgré les dispositions particulières sur Kirkouk, la rumeur a circulé, dans les milieux politiques irakiens, d’une tractation secrète entre Massoud Barzani et l’administration américaine, pressée de résoudre la question avant le retrait total des troupes. Certaines tribus sunnites de la province accusent ainsi les USA d’avoir cédé aux Kurdes sur la tenue effective du référendum prévu par l’article 140, ce qui a été plusieurs fois démenti par Nouri Al-Maliki. Quant aux partis kurdes, ils vont peut-être rompre avec leur habitude du « front uni » aux élections irakiennes, le nouveau parti Gorran, dont les relations sur le terrain avec l’UPK sont assez tendues, ayant refusé de rejoindre l’Alliance kurdistani et fera donc cavalier seul aux législatives.

Dans le même temps, les partis islamistes kurdes, déjà fortement divisés lors des élections législatives kurdes de juillet 2009, n’ont pas davantage réussi à s’unir et l’Union islamique du Kurdistan a rejeté toute alliance avec le Mouvement islamique du Kurdistan et le Groupe islamique du Kurdistan. Les sunnites arabes sont aussi divisés. Le parti sunnite le plus important a compté, lui aussi, beaucoup de démissionnaires, dont le controversé Tariq Al-Hashemi qui a fondé son propre parti, la liste du Renouveau, alliée avec le Mouvement national irakien de l’ancien Premier Ministre Iyad Allawi et le parti du Front national du dialogue irakien, de tendance baathiste. Ahmed Abu Risha, à la tête du Mouvement du réveil qui a remporté la plupart des sièges de la province sunnite d’Anbar aux élections provinciales de 2009 avait, au préalable, entamé des pourparlers avec le Premier ministre chiite Maliki pour rejoindre sa coalition État de droit, victorieuse en janvier 2009. Il a finalement opté pour une alliance avec le ministre de l’Intérieur, Jawad Al-Blani, un chiite indépendant et le sunnite Ahmed Abdul Ghafour Al-Samarrai, tous deux de la coalition Unité de l’Irak.

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