Colloque : L'Islam et l'Occident à l'époque médiéval.
Du 11 au 13 mars 2009, Colloque :
Transmission et diffusion des Savoirs.
Ecole normale supérieure Lettres et sciences humaines de Lyon.
15, parvis René-Descartes, 7e arrondissement
Métro : ligne B, direction Stade de Gerland, sortie station Debourg.
Présentation :
La philosophie dans le monde arabo-musulman au Moyen Âge
Dans son livre l’Obtention du bonheur, al-Fârâbî (Xe siècle) présente la philosophie qui est d’après lui "la science suprême" et "la science la plus ancienne" comme le produit des Chaldéens (peuples d’Irak) transmis aux Egyptiens, puis aux Grecs, ensuite aux Syriaques, enfin aux Arabes. Cette présentation insiste sur la pérégrination des savoirs antiques dans différentes ères géographiques et linguistiques et sur leur appropriation par la culture arabo-musulmane à un moment donné de l’histoire. Certains affirment, toutefois, que la « falsafa ne coïncide pas totalement avec notre "philosophie" » (Rémi Brague, Au moyen du Moyen Âge, p. 238), et pensent que le travail des philosophes arabes serait dépourvu de ce qui caractérise celui des Grecs : la recherche libre du savoir. D’autres estiment que l’ère géographique dominée par la culture arabo-musulmane pendant le Moyen Âge serait restée faiblement hellénisée, donc étrangère aux dynamiques intellectuelles et scientifiques qui ont animé leurs prédécesseurs grecs. Al-Fârâbî était-il donc en droit de revendiquer l’appropriation des savoirs antiques ? Par ailleurs, les connaissances produites en terre d’islam en fait de sciences et de philosophies ont-elles été foncièrement différentes de ce qui est né en Grèce et de qui sera élaboré en Occident au Moyen Âge et plus tard ? Les spécialistes de la philosophie arabe du Moyen Âge sont invités à débattre de la nature et de l’ampleur des productions scientifiques et philosophiques qui ont eu lieu en terre d’islam à cette époque.
La transmission des savoirs du monde arabo-musulman à l’Occident
La deuxième question est celle de la transmission des savoirs grecs à l’Occident au Moyen Âge. Quels ont été les traducteurs et les passeurs de ces savoirs au monde latin ? Les arabo-musulmans ont-ils joué uniquement le rôle de relais ou bien ont-ils transformé le contenu et les données épistémologiques relatives à certaines branches du savoir ? Par ailleurs, les textes scientifiques et philosophiques arabes ont-ils joué un rôle dans l’essor culturel de l’Europe au Moyen Âge ? Leur influence a-t-elle été limitée, passagère et circonscrite dans le temps et l’espace ou a-t-elle contribué à modifier les méthodes d’approche des savoirs ? Ces questions somme toute classiques feront l’objet d’une mise au point scientifique à la lumière des travaux récents publiés sur le sujet.
Traduction, langage et pensée philosophiques
La transmission des textes pose bien évidemment des problèmes cruciaux de traduction. Sur cette question, et dans la lignée des auteurs du XIXe siècle, des chercheurs écrivent aujourd’hui que les langues sont inégalement capables d’absorber puis de véhiculer la philosophie et la pensée scientifique. Cela impliquerait que certains peuples et nations seraient, du fait même de leurs systèmes linguistiques, réfractaires à la réception de la science. Ainsi, parce qu’elle serait essentiellement poétique ou de nature « religieuse » (S. Gouguenheim, Aristote au Mont Saint Michel, p. 136), la langue arabe serait incapable d’être le véhicule de notions abstraites et de raisonnements élaborés. Les intervenants sont invités à débattre des rapports entre langue et pensée et des différentes formes d’expression des savoirs scientifiques.
L’historien, la demande sociale et la diffusion des savoirs
Pour de multiples raisons, liées au contexte international comme à la réalité sociologique de la société française, les questions traitées dans les trois premiers axes pour le Moyen Age ont des implications contemporaines. Sur les relations culturelles entre le monde arabo-musulman et l’Occident, la production et la diffusion des connaissances, leur vulgarisation, leur inscription dans les manuels scolaires constituent un enjeu fort pour les historiens de métier. Nous voudrions promouvoir dans le cadre de ce colloque un « détour réflexif » sur le métier d’historien (IHTP) et un débat collectif sur les liens entre recherche scientifique, diffusion des travaux de spécialistes dans l’enseignement secondaire et supérieur et transmission au plus grand public (aussi par le biais des différents medias), dès lors que l’on travaille sur des questions « sensibles ».
Grammaire ou choc des civilisations
Et, de fait, le succès public du livre de Samuel Huntington, The Clash of Civilization and the Remaking of World Order (traduction française chez Odile Jacob en 1997) a fortement pesé et pèse toujours dans le champ des études sur l’Islam et l’Occident. Cette grille de lecture repose sur une volonté de comparaison entre les civilisations définies principalement par certaines de leurs caractéristiques culturelles, en particulier religieuses. Les insuffisances de cette approche ont été à plusieurs reprises critiquées mais la thèse continue de séduire ceux qui manient aussi volontiers les concepts « d’identité », de « traditions » et de « racines » culturelles, invoqués afin d’analyser l’inégale prédisposition des civilisations à s’acheminer vers le « progrès » identifié à l’Occident. On s’interrogera sur ces notions, sur les difficultés posées par la quête des « origines », sur l’environnement intellectuel, politique et pour tout dire idéologique qui sous-tend ces travaux. Il en va là encore du métier d’historien et des relations que celui-ci entretient avec le monde contemporain.
9h00
Accueil des participants - Entrée libre- Forum
9h15 : Makram Abbès , Marina Mestre : Ouverture du colloque
9h30 : Dimitri Gutas : La question de l’hellénisation du Proche-Orient à l’époque médiévale
10h10 : Ahmed Djebbar : La circulation des sciences "exactes" produites en pays d’Islam vers l’Europe, à partir de la fin du XIe siècle
10h50 : Jules Janssens : Avicenne et son emprise sur la pensée postérieure, tant en terre d’Islam qu’en Occident
11h30 : Débat- Salle F106
12h30 : Déjeuner :Restaurant de l’ENS LSH
Après-midi : Traduction, langage et pensée philosophique
Président de séance : Jean-Claude Zancarini
14h00 : Ali Benmakhlouf : La logique d’Aristote et le modèle démonstratif chez les philosophes arabes classiques
14h40 : Abdelali ELAmrani-Jamal : Langue arabe et logique grecque-Salle F106
15h20 :Pause café-Mezzanine
15h40 : Hélène Bellosta : Traduire et lire un texte scientifique
16h20 : Pierre-François Moreau : En quel sens peut-on parler des racines d’une culture ?
17h00 : Débat-Salle F106
Jeudi 12 mars 2009
09h30 : Laurent Gerbier : Lire Aristote dans le texte de Platon. Averroès et la mutation de la médecine politique
10h10 : Didier Ottaviani : Astronomie et médecine chez les penseurs latins de la fin du XIIIe siècle
10h50 : Michel Senellart : Ramon Lull "arabicus christianus" : des armes matérielles aux armes intellectuelles
11h30 : Débat-Salle F106
12h30 : Déjeuner -Restaurant de l’ENS LSH
14h00 : Abdesselam Cheddadi : Les sciences historiques dans la culture arabo-musulmane : héritage antique et élaborations nouvelles
14h40 : Julien Loiseau : L’Islam médiéval ou le miroir aux identités. Remarques sur une civilisation de la bigarrure
Salle F106
15h20 : Pause café-Mezzanine
15h40 : Daniel Rivet : Du clash des civilisations au choc des incultures : comment en est-on arrivé là ?
16h20 : Blaise Dufal : Historiographie d’une évidence : la civilisation occidentale
17h00 : Débat-Salle F106
Vendredi 13 mars 2009
9h30 : Sylvain Piron : Histoire, mémoire, identités
10h10 : Annliese Nef : L’enseignement de l’histoire de l’Islam médiéval en France
10h50 : Tzvetan Todorov : Autour de son livre La peur des barbares
12h00 : Débat
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