Parution : La résistance aux génocides : De la pluralité des actes de sauvetage
Paru en début de mois, cet ouvrage collectif se consacre à ce que l'on appelle aujourd'hui les actions des "Justes" c'est-à-dire de ceux qui, lors de trois génocides, celui des Arméniens, celui des juifs, celui des Tutsis, sauvèrent, épargnèrent, cachèrent des vies menacées, parfois au péril de la leur. Contrairement à une idée fort répandue aujourd'hui, ces "Justes", s'ils ne sont jamais la majorité, ne sont pas non plus une infime minorité. Mais c'est sur l'acte de sauver que le livre se penche, sur cette énigme que je soulevais à la lecture du récit de MK : "L'aléatoire des comportements fait sentir le manque d'une parole, celle des tueurs, pour s'expliquer pourquoi, à un moment, on tue, on épargne, on protège, on abandonne." L'étude essaie précisément d'apporter des réponses à ces questions, en montrant comment l'histoire personnelle d'un groupe, d'un village, ou une culture particulière peut parfois inciter à sauver - pas toujours.
L'exemple qui nous intéresse le plus ici est le chapitre qu'Yves Ternon consacre aux Kurdes de Sindjar qui abritèrent, défendirent et sauvèrent des Arméniens de Mardin. Parce que les Kurdes de Sindjar sont en majorité yézidis, leur cas peut illustrer l'hypothèse "un groupe persécuté lui-même aura plus tendance à défendre d'autres persécutés", comme ce fut le cas des Alévis de Dersim, moins enclins à massacrer leurs voisins arméniens, mais pas entièrement : les yézidis, après tout, avaient eu autant à subir de haine et d'opprobre de la part des musulmans que des chrétiens ; le fait que leurs coreligionnaires du nord aient eu à subir le même génocide que les Arméniens a pu jouer également. Cela aurait pu les inciter au contraire à faire profil bas, à se retrancher dans leurs montagnes, sans faire de vagues, et surtout à ne pas s'encombrer de bouches à nourrir, d'enfants et de femme en prévision d'un long siège.
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