vendredi, juin 27, 2008

SYRIE : PRESSIONS ACCRUES DU POUVOIR CONTRE LES MILITANTS ET LES CYBERDISSIDENTS


L’invitation controversée du président syrien Bachar Al-Asad aux cérémonies du 14 juillet en France a fait réagir plusieurs organisations de défense des droits de l’homme, dont Human Rights Watch, qui rappelle les pratiques de l’Etat syrien visant à « arrêter, juger et harceler les intellectuels et militants politiques et des droits humains », en usant de diverses méthodes d’intimidation et de coercition. « Toute relation avec la Syrie doit comporter une discussion ouverte sur les problèmes relatifs aux droits humains, y compris le sort des prisonniers politiques et d’autres Syriens victimes d’exactions », a déclaré Sarah Leah Whitson, directrice à Human Rights Watch pour le Moyen Orient et l’Afrique du Nord. « Les autorités de Damas continuent à harceler toute personne qui ose les critiquer. »

Les bloggeurs syriens, en particulier, embarrassent le pouvoir, qui, s’il contrôle la presse, a plus de mal à museler l’information sur le web. Tous les événements du Newroz 2004, ou l’agitation qui a suivie l’assassinat du Sheikh Mashouk en 2005, ou bien les incidents du Newroz 2008, sont largement filmés, commentés, révélés au public via les blogs et les sites Internet de la diaspora, relayant les informations fournies par les acteurs directs.

Ainsi, en mars 2008, l’écrivain kurde Pîr Rostem, membre du Parti démocratique du Kurdistan, qui écrivait dans de nombreux sites kurdes internationaux, a été arrêté, sa maison fouillée et ses papiers et ordinateur portables confisqués. Le 7 mai dernier c’est au tour de l’écrivain et analyste politique Habib Saleh, âgé de 60 ans, d’être arrêté par les services syriens, qui l’ont emmené dans un lieu inconnu, où il est détenu au secret, comme le rapporte l’Organisation nationale des droits de l’homme en Syrie (ONDHS) : « Les services de sécurité chargés de surveiller Habib Saleh l’ont arrêté mercredi soir alors qu’il se promenait au marché de Tartous. Il a été conduit vers une destination inconnue. Depuis, aucune nouvelle ne nous est parvenue de lui », a déclaré le président de l’ONDHS, Ammar Qorabi.

Il s’agit de la troisième arrestation pour Habib Saleh, auteur de plusieurs articles critiquant les agissements de la Syrie, notamment envers ses opposants politiques. Il avait déjà été emprisonné en 2001, avec neuf autres activistes du « Printemps de Damas » et libéré après trois ans de détention. En mai 2005, il a été arrêté une fois de plus et accusé d’« avoir publié des informations mensongères » sur Internet. Il n’a été libéré qu’en septembre 2007.

Le 11 mai, Tarek Biasi, âgé de 23 ans, a été condamné à 3 ans de prison. Arrêté en juillet 2007, il était accusé d’ « insulter les services de sécurité » en ligne, et «d’affaiblir le sentiment national. » Le 12 mai, un autre procès s’est ouvert, celui de Muhammad Badi` Dek al-Bab, membre de l’Organisation nationale pour les droits humains, arrêté le 2 mars 2008. La cour militaire de Damas le juge pour un article intitulé «Damas, capitale de la culture arabe », qui ironise sur le statut de la ville syrienne, déclarée « Capitale arabe de la culture 2008 » alors que les arrestations des écrivains et des intellectuels se multiplient. Accusé de «propagation de fausses informations susceptibles de porter atteinte au prestige de l'Etat », il a été condamné à six mois de prison ferme. Là non plus, ce n’est pas sa première condamnation car en 2000, Muhammad Dek al-Bab avait été condamné à 15 ans de prison pour appartenance aux Frères musulmans et n’avait été remis en liberté 5 ans plus tard qu’en vertu d’une grâce présidentielle. «Ce verdict montre que les autorités syriennes continuent de violer les droits élémentaires et les libertés publiques et de réprimer les militants des droits de l'homme», a déclaré Me Qorabi, son avocat : « Il s'agit d'une décision visant l'ONDHS pour punir ses efforts destinés à dénoncer les atteintes aux droits de l'homme ».
En plus de la liberté d’expression écrite, le droit de réunion, d’association est tout aussi bafoué. Depuis décembre 2007, 13 militants politiques syriens, dont l’ancien parlementaire Riad Seif, sont emprisonnés pour avoir participé à une réunion de groupes d’opposition. Ils sont là encore accusés d’ « affaiblissement du sentiment national et d’incitation à la violence sectaire », de « diffusion de nouvelles fausses ou exagérées qui pourraient affecter le moral du pays » et d’ « appartenance à une organisation formée dans le but de changer la structure de l’Etat. »
Toute forme de rassemblement et de plate-forme est ainsi découragée, ou tout bonnement interdite ou annulée au dernier moment. Le 25 mai, Mazen Darwish, président du Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, devait ainsi organiser une conférence sur la liberté de la presse au Centre culturel arabe de Damas. Malgré l’autorisation préalable du ministère de la Culture, la conférence a été annulée 15 minutes avant son ouverture, sur simple coup de fil de ce même ministère.  
Les entraves à la circulation des personnes sont aussi nombreuses et les assignations à résidence fréquentes. Human Rights Watch indique ainsi pour le mois de mai que sept militants politiques ou des droits de l’homme se sont vus refuser la sortie du pays. Le 21 mai, Muhannad al-Hasani, président de l’Organisation syrienne des droits de l’homme, n’a pu ainsi se rendre à Beyrouth, où il était attendu pour participer à une émission sur la chaîne al-`Alam TV qui portait sur la situation des détenus syriens en Arabie Saoudite. De même, Radif Mustafa, le président du Comité kurde pour les droits de l’homme, n’a pu venir à Paris, alors qu’il était invité à un atelier de formation organisé par le Réseau Euro-méditerranéen des droits de l’homme. Raja` al-Nasser et Muhammad Abdel Majid Manjounah, avocats et membres du parti de l’Union socialiste n’ont pu se rendre le 8 mai au Yémen pour participer dans un atelier organisé par le Congrès national arabe. Zaradasht Muhammad et `Abdel Rahman Ahmad, deux militants politiques kurdes, se sont vus interdire de quitter la Syrie pour le Kurdistan d’Irak, où ils devaient rencontrer des partis politiques. Mais ces restrictions ne touchent pas que les déplacements à caractère militant ou professionnel. Ainsi, Abdel Sattar al-Qattan, n’a pu sortir de Syrie pour subir une transplantation rénale. Membre des Frères musulmans, il avait été emprisonné et libéré pour raison de santé le 12 juin 2007 et doit subir actuellement une dialyse trois fois par semaine.

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