Qubad Talabani : Le retrait des troupes américaines d'Irak serait une catastrophe


Il est âgé de 29 ans et représente le Gouvernement régional kurde aux USA. C'est aussi le fils de l'actuel président d'Irak Jalal Talabani et seul son jeune âge peut empêcher qu'il prenne la succession de son père à la présidence si ce dernier disparaissait prématurément.

Sera-t-il l'équivalent un jour de ce que représente Nêçirvan Barzani face aux "dinosaures" du PDK et de la société kurde en général ? Voici en tout cas, au lendemain du sanglant attenta de Kirkouk, la traduction d'une interview donnée au journal Esquire, dajns laquelle il interpelle principalement le public américain, à l'heure où les pressions conjointes du Congrès et de l'opinion publique poussent à un retrait total des troupes américaines d'Irak.

photo. Qubad Talabani.


A la lumière des attaques de ce matin, voyez-vous Kirkouk comme un obstacle dans vos efforts pour présenter le Kurdistan comme une zone de paix ?

Kirkouk devient de plus en plus tendue au fur et à mesure que le temps s'écoule. Un crime a été commis ; ce crime s'est perpétré durant plus d'une décennie. Des centaines de milliers de gens ont été expropriés uniquement en raison de leur identité. A présent, ceux qui ont commis ce crime doivent faire face à la justice. Les habitants originaires de Kirkouk doivent décider par référendum -- comme cela est stipulé dans la Constitution-- de voter pour le statut futur de Kirkouk, par un processus démocratique. Le Kurdistan est sûr de façon flagrante et nous disons aux résidents et aux cotoyens de Kirkouk qu'eux aussi pourraient vivre dans la sécurité et la stabilité. Le Kurdistan n'a pas toujours été ainsi. Mais par un gouvernement efficace et une collaboration réelle, nous avons été capable de débarrasser notre région des terroristes et des gens qui veulent lui nuire. Et nous sommes sûrs de pouvoir apporter la stabilité et la sécurité dont nous jouissons à la population de Kirkouk, pour cette population favorable au rattachement de Kirkouk à la région.

Quand pensez-vous que pourra se tenir le référendum? Cette question est sur le feu depuis des années.

La constitution de l'Irak--un document voté par plus de 11 millions de gens--stipule que le référendum qui définira le statut de Kirkouk doit être tenu au plus tard en décembre 2007. Nous ne pouvons décider quels articles seront appliqués et c'est pourquoi nous ne pouvons en dire plus. La décision qui prévaudra à l'avenir de Kirkouk n'est pas du ressort des Kurdes.

Que dites-vous de ces députés qui souhaitent le retrait (américain) d'Irak ?

Le retrait des troupes américaines d'Irak serait une catastrophe. Nous comprenons l'impatience du peuple américain. Nous comprenons que les sacrifices des Américains ne peuvent se poursuivre indéfiniment sans résultat. Mais nous leur demandons de réaliser que l'Amérique a une obligation morale de défendre au moins les Kurdes. Après tout ce que nous avons souffert pour construire ce que nous avons et être si près d'une réussite durable, remettre cette réussite en question par un retrait complet des forces en Irak ? Ce serait une injustice.

Et qu'en est-il de ces Américains qui ont perdu des proches en Irak ?

Les familles américaines ont souffert. Les familles irakiennes ont souffert. Et il y avait des familles qui souffraient avant la guerre. Les irakiens étaient tués pour leurs croyances, pour leur ethnie, pour leur opinions politiques, et cette souffrance a cessé depuis. A présent, c'est une bataille contre le terrorisme. C'est une guerre longue et qui impliquera beaucoup de pays et beaucoup de forces. Cela va nécessiter beaucoup de gestes politiques, beaucoup d'argent. Ce n'est pas une guerre qui peut être menée uniquement par des moyens militaires.

Plusieurs politiciens pensent que nous n'aurions jamais dû envahir l'Irak. Pensez-vous que c'était une mauvaise idée ?

Ce n'était pas une mauvaise idée -- C'était une grande idée ! La guerre n'était pas la meilleure solution mais c'était la seule solution. Les Irakiens souffraient tous les jours sous le régime de Saddam. Maintenant, les souffrances sont d'une autre sorte. Il y a un espoir de les faire cesser, tandis que sous le régime de Saddam il n'y en avait aucun. Il n'y avait que cette douleur continuelle et sans écho au dehors.

Quelle est la question que tout le monde vous pose ?

Mon opinion sur le terrain irakien.

Et quelle est votre réponse ?

Une réponse longue, compliquée, sinueuse qui ne répond pas vraiment. de toute évidence, on est loin d'une situation idéale. Si vous regardez la région kurde, elle est est florissante, prospère, elle se développe, elle est pacifique, elle est stable, c'est le modèle de ce que nous aviosn espéré pour tout le reste du pays. Bien sûr tout est loin d'être parfait, mais les résultats sont encourageants, en progrès, et tout ira de mieux en mieux avec le temps. Il est important que les Américains comprennent que c'est une partie de l'Irak qui marche bien, et qu'ils doivent être fiers de cela, car l'Amérique a sacrifié beaucoup de soldats pour ce succès. Elle nous protégeait depuis plus d'une décennie avec ses zones de non-survol qui nous ont permis de créer des institutions gouvernementales. C'est pourquoi vous pourrez constater que beaucoup de Kurdes sont reconnaissants aux Américains, en dépit du fait qu'au cours de l'Histoire, l'Amérique a souvent laissé tomber les Kurdes. Il y a eut des trahisons et ce qui se produit en ce moment, ce débat sur le retrait, alimente l'instabilité, et fait s'interroger les Kurdes si une autre trahison ne pointerait pas à l'horizon.

L'Irak est au bord d'une guerre civile et religieuse. Où vous placez-vous là-dedans ?

Ma religion est l'islam mais je la vis sur un mode laïque. Je suis déçu par le fait que les leaders de ma foi ne condamnent pas les atrocités commises par des lâches se réclamant de ma religion.

En tant que Kurde, vous-considérez-vous comme Irakien ?

Oui, je suis un Kurde. Je suis un Kurde d'Irak.

Vouez-vous le Kurdistan se séparer de l'Irak ?

Le gouverment kurde s'est prononcé pour une démocratie fédérale en Irak : nous ne nous séparerons pas de l'Irak. Si l'Irak se sépare de nous, nous ne pourrons rien faire contre cela. Si l'Irak échoue en tant qu'Etat, alors nous n'aurons d'autre choix que de poursuivre notre route de notre côté.

Envisagez-vous cela dans le calme ou prévoyez-vous un conflit ?

Je ne sais pas. Malheureusement, nous devons nous préparer à tous les scénarios. Nous avons des forces de sécurité capables et compétentes qui peuvent protéger la région du Kurdistan de toute agression, extérieure et intérieure.

Quel aspect de la politique américaine aimeriez-vous transplanter au Kurdistan?

J'envie les institutions que vous avez aux Etats-Unis. Nous désirons ardemment des instituions et des officiels resposnables. Les gens ici sont resposnables. Vous avez un président qui, s'il enfreint certaines limites, peut être promptement remis à sa place par le Congrès. Un président qui peut être contenu est une rareté au Moyen-Orient. Vous avez des parlementaires élus. Tous les membres du Congrès ne sont pas blancs comme neige mais ils perdent leur fonction quand ce n'est pas le cas. Cela arrive rarement au Moyen-Orient, cet équilibre, ce contre-pouvoir entre les branches différentes du gouvernement. Nous n'avons pas - et nous n'aurons probablement jamais - une démocratie de type américaine en Irak ou au Kurdistan. Et la démocratie que nous instaurons dans notre partie d'Irak portera la marque de ce qui est acceptable dans notre société. Mais l'important ici est de bâtir une société civile et d'amener nos citoyens à participer à la formation de ce gouvernement et de sa politique. Votre démocratie est vieille de deux siècles et est toujours en évolution : Attendre de l'Irak qu'il passe en un clin d'oeil d'une dictature à une véritable démocratie est peut-être beaucoup demander."

source esquire.com

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