Cinéma : Mon Marlon et mon Brando par Huseyin Karabey
Présenté au festival international de Rotterdam, "Gitmek" ou "My Marlon and my Brando" est le dernier film du Kurde Hüseyin Karabey, qui depuis Boran, un docu-fiction sur les "Mères du Samedi" et les disparus de Turquie, en passant par un reportage sur les Kurdes "déplacés" de Mardin et un docu-pamphlet contre l'isolement et les prisons de type F (La Mort silencieuse), n'a cessé de produire un cinéma à la fois engagé et lyrique, c'est-à-dire sensible, pas assommant et qui vibre.
Déjà salué en Turquie, notamment par Zaman, son nouveau film rencontre un accueil enthousiaste aux Pays-Bas.
Ayca et Hama Ali, deux acteurs, l'une de nationalité turque et l'autre irakienne se rencontrent sur un tournage et tombent amoureux l'un de l'autre. Puis chacun retourne chez soi et la relation se poursuit se poursuit par lettre, vidéo, téléphone. Bref une version contemporaine d'une histoire d'amour épistolaire, sur fond de violence, en attendant l'invasion américaine de l'Irak. Quand la guerre commence, Ayca décide de rejoindre Hama Ali à Suleymanieh, et l'histoire devient un road-movie entre frontière turque, iranienne, irakienne...
Point au premier abord intrigant, comme c'est la seule langue qu'ils partagent, tous leurs échanges téléphoniques ou vidéo se déroulent en anglais... C'est aussi une touche autobiographique, puisque Hüseyin, dont les grands-parents sont originaires de Malatya, et qui a grandi à Istanbul, n'a jamais pu apprendre le kurde. Et je me souviens de son amusement un brin désolé quand en nous promenant dans les rues de Beyoglu, j'échangeais quelques mots en kurde avec un petit blondinet cireur de chaussures, dont le village près de Mush avait été brûlé et qui avait échoué ici : "Dire que c'est toi qui parle kurde avec lui !" De fait, dans le Behdinan comme à Suleymanieh, certains Kurdes de Turquie ne peuvent communiquer qu'en anglais...
"Dans le passé, raconte Hüseyin, nous les Kurdes avions l'habitude d'enregistrer nos "lettres" sur des magnétophones, parce que nous n'aimons pas écrire. Maintenant les Kurdes tournent des vidéos."
"Je savais que le film mènerait Ayca sur la frontière turco irakienne parce que ... nous voulons rappeler aux gens ce qui s'est passé au Kurdistan et ce qui se passe maintenant."
"Je crois que ce documentaire est plus "fictionnel" qu'un pur film de fiction. Des gens pensent que si vous tournez 24 images par secondes, cela semblera plus réel. Avec les vidéos-lettres de ce film, nous avons essayé de montrer une nouvelle forme de réalité."
"Nous ne voulions pas statuer sur la réalité des événements mais susciter des questions sur cette réalité. C'est actuellement la question majeure en Turquie. La politique de l'Etat a toujours été d'ignorer notre identité, de nous appeler "Turcs des montagnes". Il est plus important de susciter des interrogations sur de telles déclarations que de leur opposer notre propre didactisme."
"Il y a plusieurs cercles de narration dans le film. Le premier cercle, le plus extérieur, est celui d'une simple histoire d'amour, que tout le monde peut comprendre. Il y a aussi un deuxième cercle, que ceux qui ont quelques connaissances de la Turquie et du Kurdistan peuvent saisir. Et puis vient le cercle le plus interne, pour ceux qui connaissent très bien la région."
"Les premières images, par exemples, montrent des scènes de rue dans Istanbul, mais la musique de la bande son est kurde. Filmer l'ancienne capitale des Turcs avec une musique kurde est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant."
"Plus tard, quand Ayca roule vers la frontière irakienne, elle discute avec le chauffeur de taxi, un Kurde, de la question de l'identité. Ils s'arrêtent dans un village en ruines, afin qu'il puisse nettoyer une vieille tombe. Cela ne veut rien dire pour des étrangers mais tous les Turcs savent que ce village est un de ceux qui furent détruits par l'armée turque il y a 17 ans, en raison de sa situation hautement stratégique. Il n'y a même pas besoin de le nommer."
Sur les vieilles dames qui habitent le même immeuble qu'Ayca et guettant ses allées et venues, attendant toujours son retour pour lui recommander de bien fermer la porte :
"Le public turc reconnaitra que les voisines de l'étage au dessous d'Ayca sont des Arméniennes. Elles nous amusent, mais leur peur envoie aussi un signal sur la situation des Arméniens de Turquie dans le pays."
" D'un côté, je ne me soucie pas des frontières. Je ne dis pas qu'il faut forcément un Etat kurde unifié. Mais les frontières sont une réalité. J'ai vu des villages coupés en deux par la frontière turco-iranienne. Beaucoup de gens essaient d'attiser la haine entre les peuples. Il vaut mieux traiter ces questions avec humour, compassion et humanité."
"Je ne veux pas ignorer mon identité ni l'utiliser pour faire un film à succès. J'essaie de ne pas oublier d'où je viens, juste pour combattre cette politique de négation sur ce que nous sommes. Mon père parle quatre langues : le kurde, le turc, le persan et l'arabe. Aujourd'hui, les gens tournent le dos à ce cosmopolitisme. Mais c'était une bonne chose, non ?"
(source : Daily Star).
Déjà salué en Turquie, notamment par Zaman, son nouveau film rencontre un accueil enthousiaste aux Pays-Bas.
Ayca et Hama Ali, deux acteurs, l'une de nationalité turque et l'autre irakienne se rencontrent sur un tournage et tombent amoureux l'un de l'autre. Puis chacun retourne chez soi et la relation se poursuit se poursuit par lettre, vidéo, téléphone. Bref une version contemporaine d'une histoire d'amour épistolaire, sur fond de violence, en attendant l'invasion américaine de l'Irak. Quand la guerre commence, Ayca décide de rejoindre Hama Ali à Suleymanieh, et l'histoire devient un road-movie entre frontière turque, iranienne, irakienne...
Point au premier abord intrigant, comme c'est la seule langue qu'ils partagent, tous leurs échanges téléphoniques ou vidéo se déroulent en anglais... C'est aussi une touche autobiographique, puisque Hüseyin, dont les grands-parents sont originaires de Malatya, et qui a grandi à Istanbul, n'a jamais pu apprendre le kurde. Et je me souviens de son amusement un brin désolé quand en nous promenant dans les rues de Beyoglu, j'échangeais quelques mots en kurde avec un petit blondinet cireur de chaussures, dont le village près de Mush avait été brûlé et qui avait échoué ici : "Dire que c'est toi qui parle kurde avec lui !" De fait, dans le Behdinan comme à Suleymanieh, certains Kurdes de Turquie ne peuvent communiquer qu'en anglais...
"Dans le passé, raconte Hüseyin, nous les Kurdes avions l'habitude d'enregistrer nos "lettres" sur des magnétophones, parce que nous n'aimons pas écrire. Maintenant les Kurdes tournent des vidéos."
"Je savais que le film mènerait Ayca sur la frontière turco irakienne parce que ... nous voulons rappeler aux gens ce qui s'est passé au Kurdistan et ce qui se passe maintenant."
"Je crois que ce documentaire est plus "fictionnel" qu'un pur film de fiction. Des gens pensent que si vous tournez 24 images par secondes, cela semblera plus réel. Avec les vidéos-lettres de ce film, nous avons essayé de montrer une nouvelle forme de réalité."
"Nous ne voulions pas statuer sur la réalité des événements mais susciter des questions sur cette réalité. C'est actuellement la question majeure en Turquie. La politique de l'Etat a toujours été d'ignorer notre identité, de nous appeler "Turcs des montagnes". Il est plus important de susciter des interrogations sur de telles déclarations que de leur opposer notre propre didactisme."
"Il y a plusieurs cercles de narration dans le film. Le premier cercle, le plus extérieur, est celui d'une simple histoire d'amour, que tout le monde peut comprendre. Il y a aussi un deuxième cercle, que ceux qui ont quelques connaissances de la Turquie et du Kurdistan peuvent saisir. Et puis vient le cercle le plus interne, pour ceux qui connaissent très bien la région."
"Les premières images, par exemples, montrent des scènes de rue dans Istanbul, mais la musique de la bande son est kurde. Filmer l'ancienne capitale des Turcs avec une musique kurde est quelque chose qui n'a jamais été fait auparavant."
"Plus tard, quand Ayca roule vers la frontière irakienne, elle discute avec le chauffeur de taxi, un Kurde, de la question de l'identité. Ils s'arrêtent dans un village en ruines, afin qu'il puisse nettoyer une vieille tombe. Cela ne veut rien dire pour des étrangers mais tous les Turcs savent que ce village est un de ceux qui furent détruits par l'armée turque il y a 17 ans, en raison de sa situation hautement stratégique. Il n'y a même pas besoin de le nommer."
Sur les vieilles dames qui habitent le même immeuble qu'Ayca et guettant ses allées et venues, attendant toujours son retour pour lui recommander de bien fermer la porte :
"Le public turc reconnaitra que les voisines de l'étage au dessous d'Ayca sont des Arméniennes. Elles nous amusent, mais leur peur envoie aussi un signal sur la situation des Arméniens de Turquie dans le pays."
" D'un côté, je ne me soucie pas des frontières. Je ne dis pas qu'il faut forcément un Etat kurde unifié. Mais les frontières sont une réalité. J'ai vu des villages coupés en deux par la frontière turco-iranienne. Beaucoup de gens essaient d'attiser la haine entre les peuples. Il vaut mieux traiter ces questions avec humour, compassion et humanité."
"Je ne veux pas ignorer mon identité ni l'utiliser pour faire un film à succès. J'essaie de ne pas oublier d'où je viens, juste pour combattre cette politique de négation sur ce que nous sommes. Mon père parle quatre langues : le kurde, le turc, le persan et l'arabe. Aujourd'hui, les gens tournent le dos à ce cosmopolitisme. Mais c'était une bonne chose, non ?"
(source : Daily Star).
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