KURDISTAN D’IRAK : AFFLUX ATTENDU DE RÉFUGIÉS CHRÉTIENS APRÈS LE MASSACRE DE BAGDAD
Après l’attaque sanglante par al-Qaeda de l’église Notre-Dame de la Délivrance à Bagdad, qui a fait 70 morts et 75 blessés, une « fatwa » des terroristes islamistes a été lancée contre tous les chrétiens d’Irak, déclenchant une vague de terreur parmi cette communauté religieuse, et un certain émoi de la communauté internationale, même si les violences sont aussi nombreuses contre l’ensemble des populations irakiennes.
Le président de la Région du Kurdistan, Massoud Barzani, a une fois de plus déclaré que le Kurdistan était prêt à accueillir et protéger les chrétiens qui voudraient s’y installer. « Je veux qu’ils sachent que la Région du Kurdistan leur est ouverte. S’ils veulent venir, nous les protégerons et leur fourniront toute l’aide nécessaire. Nous sommes profondément navrés des crimes dont ils sont les victimes et nous condamnons ces actes criminels. Ce sont des gens innocents et une part précieuse de notre nation. » D’autres attaques depuis le 31 octobre ont visé des maisons chrétiennes dans l’ouest de Bagdad, tandis qu’à Mossoul, plusieurs chrétiens ont été assassinés, soit dans leur voiture soit à leur domicile.
Le président d’Irak, Jalal Talabani, a de même indiqué que les chrétiens pouvaient trouver un refuge temporaire dans la Région du Kurdistan en s’épargnant une émigration définitive, offre que plusieurs familles chrétiennes ont accueilli avec soulagement. « En ce moment, pour nous, la vie n’est plus possible à Bagdad » a ainsi expliqué Milad Butros, qui vit au sud de la capitale, au National, au journal anglophone d’Abu Dhabi. « Le gouvernement ne semble pas se préoccuper sérieusement de nous protéger ici, et donc, si plus personne ne veut de nous à Bagdad, nous partirons. Les Kurdes nous ont offert leur protection et nous irons (là-bas). Je ne pourrais rester davantage à Bagdad même si elle était bâtie en or. » Âgé de 52 ans, Milad Butros a vu deux de ses filles enlevées par des combattants d’Al-Qaeda en 2006. Il n’a plus jamais entendu parler d’elles, en dépit de ses efforts intenses, aidé par de puissantes tribus d’Irak.
Des milliers de chrétiens d’Irak ont déjà trouvé refuge dans les provinces gouvernées par les Kurdes. Ainsi à Ankawa, dans la banlieue d’Erbil, tout le quartier connaît une expansion florissante avec une population majoritairement chrétienne, la plupart du temps arrivée après 2003. De plus, dans la province de Ninive, non comprise dans la Région du Kurdistan mais avec des zones protégées par les Peshmergas kurdes, des villages chrétiens ont été construits par le gouvernement d’Erbil, au nord et à l’est de Mossoul, pour accueillir les réfugiés de cette ville.
« Nous espérons que beaucoup de chrétiens viendront au nord (de l’Irak), a déclaré un député chrétien du parlement kurde, Romeo Higari. « Au moins ils resteront en Irak. Je refuse d’accepter que les chrétiens doivent absolument partir pour l’Europe s’ils veulent un avenir. Nous vivons ici depuis des milliers d’années, c’est notre pays et nous devons rester. »
Même Yunadam Kanna, le leader du Mouvement démocratique assyrien, qui s’était fait un temps le relais des accusations arabes au sujet de la « mainmise kurde sur les terres de Ninive », ne voit plus de solution qu’en un exode des chrétiens au nord, sous protection kurde : « Je suis en contact avec des chrétiens actuellement à Bagdad, des médecins, ingénieurs, professeurs, et ils sont prêts à partir pour le Kurdistan. Ils sont tristes de quitter leur ville, mais au moins ils pourront rester en vie. » Yunadam Kanna a admis que l’offre kurde était préférable à un exil de tous les chrétiens hors d’Irak. Auparavant, le Mouvement démocratique assyrien avait sommé le gouvernement de Bagdad d’améliorer la sécurité dans la capitale, par exemple en formant des unités de gardes chrétiens pour défendre les églises et les quartiers résidentiels, s’inspirant en cela du système des gardes kurdes ou chrétiens formés et entretenus par le gouvernement kurde, tant pour Ankawa que pour les villages chrétiens ou shabak de Ninive ou les villages yézidis de Sindjar, système que son parti avait pourtant décrié.
Du point de vue irakien, l’exode des chrétiens, une population plus éduquée que la moyenne nationale, serait un désastre économique comme l’explique Muthana Al-Jafani, un sociologue bagdadi : « Les chrétiens forment une large part de l’élite éduquée, et sans eux, les services médicaux, l’éducation ou les projets d’ingénieur souffriront à Bagdad. Si les chrétiens partent, cela déchirera tout le tissu social de Bagdad. C’est une menace sérieuse. »
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