GRK : l'après-élections

Pas le temps de respirer : à peine réélu Massoud Barzani doit remonter sur le ring et négocier tenir tête aux Américains comme à Bagdad à propos de Kirkouk. Il a ainsi annoncé, après la venue du Secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, que le Premier ministre d'Irak Nouri al-Maliki avait été invité au Kurdistan "pour discuter et régler tous les problèmes entre nous et Bagdad. Nous avons dit aux Américains qu'il fallait régler les problèmes en suspens avec Bagdad selon la Constitution."

En effet, toujours - hélas - infatigable en solutions impossibles à appliquer, l'ONU a essuyé dun refus de la part du président kurde qui qualifie les solutions onusiennes "d'irréalistes", bien qu'appuyées par les Etats-Unis.

"Nous n'accepterons aucune alternative à l'article 140, que cela vienne des Nations Unies ou de quiconque", a répété le président Barzani, qui confirme ainsi que l'entêtement kurde est une valeur qui perdure.

Au sujet du report dans le temps du référendum kurde sur la nouvelle constitution, Massoud Barzani a expliqué qu'il l'a accepté à la requête du vice-président des USA Joseph R. Biden Jr. "et d'autres responsables américains", pour cause de "calendrier inapproprié".

Le bon score électoral de la liste Gorran semble perturber quelque peu leur bon sens politique puisque Shaho Saïd, une des têtes de liste de ce mouvement a indiqué qu'ils avaient porté plainte auprès de la Cour fédérale de Bagdad en contestant l'approbation par vote de la constitution kurde, vote qui avait eu lieu au Parlement en juin dernier, après le 4, date à laquelle officiellement la validité du parlement aurait dû expirer, car les élections avaient été initialement prévues le 19 mai. Sept députés avaient alors protesté, estimant que ce vote aurait dû avoir lieu après les élections. Argument invoqué par Shaho Saïd, "le pouvoir trop important de la présidence par rapport à ceux du Parlement", et il demande la réécriture de la constitution kurde. Massoud Barzani a rejeté cette proposition, indiquant qu'il fallait une majorité des deux-tiers du Parlement pour réécrire cette constitution.

Que Gorran soit contre un pouvoir présidentiel fort et prône un fort régime parlementaire est dans ses droits, mais vu le bras de fer à venir entre Erbil et Bagdad, ça ne me paraît pas très pertinent de contester maintenant l'actuelle constitution qui fâche si fort les Arabes. En faire un texte avorté apparaîtrait comme un recul, ou bien indiquerait une influence de Bagdad sur les partis d'opposition. Le président Barzani ne s'y est pas trompé. Tout en saluant l'émergence d'une force d'opposition dans la Région, il a ainsi mis en garde d'éventuelles "tentations" du gouvernement central d'interférer dans les affaires internes kurdes : "Si un quelconque pays de la région, voire même Bagdad ou tout autre élément à l'intérieur de la Région conspire contre la sécurité de la Région et son bien-être, des actions seront prises en accord avec la loi contre ceux qui veulent miner l'unité de la maison kurde." (source NY).

Mise en garde qui vise plus particulièrement Gorran puisque les islamistes sont en recul par rapport aux dernières élections, n'obtenant que 12 sièges tout en étant allié avec des partis d'extrême-gauche (Liste du Service et de la réforme). En 2005, l'Union islamique du Kurdistan avait obtenu 9 sièges et la Ligue islamique 6. S'étant allié avec deux partis de gauche, ils n'obtiennent que 12 sièges, alors que si l'on additionne tous les sièges que détenaient les 4 parties (qui n'étaient pas alliés alors) en 2005, on arrivait à un total de 18. Par ailleurs, étant donné l'hétéréoclité de cette coalition, il n'est pas du tout sûr que ces députés aient un vote unanime par la suite sur les questions sociales, juridiques et civiles.

La liste Kurdistani garde 63 sièges et Goran 23 sièges. Les sièges restant (sur 111) sont réservés aux minorités chrétiennes et turkmènes, comme prévu.

Si l'on regarde les scores locaux, on voit que Gorran fait une grosse percée dans la province de Suleymanieh avec 42% des votes, contre 36% pour la Liste Kurdistani (c'est-à-dire l'UPK dans cette ville où le PDK a très peu d'influence) et le Service et la Réforme 15%. Le parti de Jalal Talabani essuie donc une grosse claque dans son fief. A Erbil (Hewlêr) province mixte PDK-UPK, les Kurdistani font 65%, Gorran 17 %, le Service et la Réforme 10%. Par contre, dans la province de Duhok, traditionnellement et à fond PDK, la Liste Kurdistani rafle 78% des votes et Gorran arrive derrière le Service et la Réforme avec respectivement 3% et 9%. Ce qui confirme bien que la montée de Gorran est essentiellement une opposition interne à l'UPK qui ne touche pas, pour le moment, les votes PDK.

Pour les présidentielles, Massoud Barzani est réélu à 93% à Duhok, à 68% à Erbil (Hewlêr) un chiffre très proche, à 3% près, des résultats de sa liste législative dans cette province, ce qui indique que les électeurs d'Erbil qui ont voté Gorran ou le Service et la Réforme ont dû reporter leur voix, probablement sur le candidat alternatif Kamal Mirawdeli qui reçoit pour la totalité de la Région 27% des voix).

Curieusement, à Suleymanieh, Massoud Barzani fait 46%, alors que c'est dans cette province que l'opposition à la liste Kurdistani a été la plus forte. Cela veut dire que 10% d'électeurs qui n'ont pas voté Kurdistani ont cependant voté pour Massoud Barzani.


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