Corruption au GRK : Price Waterhouse vient en renfort
Ça devient une habitude de faire appel à des organisations internationales pour un audit des problèmes structurels au sein de la Région du Kurdistan. Human Right Watch et Amesty International ont ainsi été accueillis à bras ouvert par le GRK pour leurs rapports sur les droits de l'homme et la liberté d'opinion. Cette fois-ci, comme toute la campagne électorale porte principalement sur la dénonciation de la corruption (il n'y a pas un parti qui ne la dénonce pas, à commencer par les partis au pouvoir), peut-être parce que Nawshirwan Mustafa et sa liste Goran opposée surtout à l'UPK ont donné le ton, le futur ex-Premier ministre, Nêçirvan Barzanî, qui avait régulièrement abordé ce problème tout au long de son mandat, a annoncé que la question serait analysée et observée sur le terrain par une organisation américaine, Price Waterhouse, spécialisée dans ce genre de problèmes. Cette ONG proposera aussi un plan de réforme dans l'administration, comme l'a expliqué fort modestement Nêrçirvan, toujours sur le ton : 'Nous, on sait pas, venez nous aider" : "Nous essayons d'oeuvrer sérieusement et selon une stratégie bien établie pour réformer l'administration. Notre expérience dans ce domaine est limitée et c'est pour cela que nous faisons appel à une compagnie internationale pour nous aider à préparer un plan d'action." (source AFP)
Nêçirvan Barzanî a donc "indiqué qu'un organe de lutte contre la corruption serait formé. Nous ne pouvons pas lutter contre ce phénomène en créant uniquement un organe de lutte ou en poursuivant en justice une ou deux personnes. Nous avons besoin d'une stratégie générale".
Ca, c'est sûr que pour l'organisation, la méthode et des mots aussi terribles que "stratégie générale", il vaut mieux faire appel aux autres. Mais ce que j'aime dans ce gouvernement bien kurde à 100%, c'est toujours le mélange de bonne volonté touchante, toujours prête à reconnaître ses erreurs, comme dans le cas des droits de l'homme : on sent toujours un certain ébahissement chez les directeurs des départements Moyen-Orient d'Amnesty et de HRW, quand leurs rapports critiques sont loués par les principaux leaders incriminés qui en plus les reçoivent personnellement et en les félicitant... Mais c'est aussi une façon habile et assez traditionnelle chez les Kurdes de faire arbitrer leurs litiges par des étrangers. Imbriqués comme ils sont entre liens tribaux, de partis, de fidélité de guerre, etc., si les Kurdes se mêlent entre eux de s'épurer, ça se terminerait probablement en pugilat : "Non mais qui c'est ce Djamshid qui vient me faire la morale, là ? Le Premier Ministre ? Et alors, il en est fier ? Tu sais combien elle a coûté sa villa ?" Bref...
Avant, les aghas kurdes faisaient appel à des personnalités moralement irréprochables, de préférence issus des rangs juifs et chrétiens, pour débrouiller leurs sombres histoires de vendetta, de crimes d'honneur, de moutons volés et de rayas indûment rançonnés. Aujourd'hui, il y a les ONG américaines pour faire le boulot, avec un double avantage : prestige des super-occidentaux venant sauver le Kurdistan de son fonctionnement archaïque – Tu veux quand même pas rester au temps des bakchich ottomans, kurdo ? ; l'autre avantage est que le plan de réformes qui va fâcher tout le monde, le gouvernement n'en aura pas la responsabilité directe : "Que voulez-vous, c'est Price Waterhouse qui veut ça, vous n'allez quand même pas vexer ces braves gens venus de si loin pour nous aider. Les invités, c'est sacré chez nous, où sont tes bonnes manières, toi ?"
Ce qui a aussi un autre avantage : toujours attentifs à soigner leur image publique, et conscients que se faire régulièrement alignés pour corruption les rapproche plus d'un Etat post-ottoman que d'un "Other Iraq" de rêve, les Kurdes apparaissent ainsi comme plein de bonne volonté, décidés à jouer la transparence jusqu'au bout en laissant travailler les experts : "Vous voyez, c'est pas qu'on veut pas apprendre, c'est juste qu'on sait pas..."
Enfin, comme Nêçirvan Barzanî est censé terminer bientôt son mandat, c'est de toute façon un cadeau qui risque d'atterrir sur le bureau de son successeur, Barham Salih, son alter-ego UPK. Et là, question corruption, c'est vrai que l'UPK en connaît aussi un bout...
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