ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES ET LÉGISLATIVES AU KURDISTAN D'IRAK
Le 25 juillet, des élections législatives et présidentielles se sont tenues dans les trois gouvernorats formant la Région fédérée du Kurdistan d'Irak. La campagne électorale qui s’est déroulée sur plus d’un mois a été très festive, avec de grandes réunions publiques, des concerts ainsi que des débats à la télévision. Toutes les sensibilités politiques, ethniques, religieuses et linguistiques ont pu, à travers les partis les représentant, s’exprimer librement, et mener campagne pour convaincre les électeurs de voter en leur faveur.
Dans l’ensemble, on n’a noté aucun incident pendant la campagne, malgré le climat passionnel dans lequel les supporters du parti de Jalal Talabani et ceux de Nawshirwan Mustafa avaient fait campagne pour leur candidat respectif, surtout à Suleïmanieh. Les élections, suivies par environ 17 000 observateurs dont ceux de l’Union européenne et de la Ligue arabe, se sont déroulées pacifiquement et, de l’avis général des observateurs, elles ont été transparentes et sincères, même si ça et là, il y a pu avoir quelques suspicions d’irrégularités. Mais la Haute Commission électorale irakienne, qui a diligenté des enquêtes sur 300 bureaux de vote (sur un total de 5300) a déclaré que le nombre de ces infractions, à un niveau très local, s'est finalement avéré minime et ne peut en aucun cas avoir influé sur les résultats finaux. Le représentant de la Ligue arabe, sur place a loué lui aussi le bon déroulement des élections, en les présentant comme "les plus transparentes d'Irak".
Les résultats officiels, tels qu’ils ont été rendus publiques, par la Haute Commission électoale, sont comme suit :
La participation a été de 78.5 %. Aux législatives, la liste Kurdistanî (PDK de Barzani + UPK de Talabani) remporte la majorité à 57.34% des voix. La liste du Changement (Gorran) de Nawshirwan Mustafa obtient 23.75%. La Liste du Service et de la Réforme (une coalition de 2 petits partis de gauche et d'islamistes) : 12.8%. La Liste turkmène : 0.99 % Le Parti communiste du Kurdistan : 0.82%. Le Mouvement islamique : 1.45%.
Le président sortant, Massoud Barzani, est réélu avec 69.57%. Le Dr. Kamal Mirawdali, un candidat indépendant résidant à Londres, et soutenu par la liste Gorran, obtient 25.32%. Halo Ibrahim Ahmed (beau-frère de Talabani, dissident de l'UPK) : 1.4% et HuseinGarmiyani, un homme d’affaires : 0.59 %.
Les islamistes sont en recul par rapport aux dernières élections, n'obtenant que 12 sièges tout en étant alliés avec des partis d'extrême-gauche (Liste du Service et de la réforme). En 2005, l'Union islamique du Kurdistan avait obtenu 9 sièges et la Ligue islamique 6. S'étant coalisés avec deux partis de gauche, ils n'obtiennent que 12 sièges, alors que si l'on additionne tous les sièges que détenaient les 4 partis (qui n'étaient pas alliés alors) en 2005, on arrivait à un total de 18. Par ailleurs, étant donné le caractère hétéroclite de cette coalition, il n'est pas du tout sûr que ces députés aient un vote unanime par la suite sur les questions sociales, juridiques et civiles.
La liste Kurdistani garde 63 sièges et Goran 23 sièges. Les sièges restant (sur 111) sont réservés aux minorités chrétiennes et turkmènes, comme prévu. Si l'on regarde les scores locaux, on voit que Gorran fait une grosse percée dans la province de Suleymanieh avec 42% des votes, contre 36% pour la Liste Kurdistani (c'est-à-dire l'UPK dans cette ville où le PDK a très peu d'influence) et le Service et la Réforme 15%. Le parti de Jalal Talabani essuie donc une sérieuse défaite dans son fief.
A Erbil (Hewlêr) province mixte PDK-UPK, les Kurdistani font 65%, Gorran 17 %, le Service et la Réforme 10%. Par contre, dans la province de Duhok, traditionnellement PDK, la Liste Kurdistani rafle 78% des votes et Gorran arrive derrière le Service et la Réforme avec respectivement 3% et 9%, ce qui confirme bien que la montée de Gorran est essentiellement une opposition interne à l'UPK qui ne touche pas, pour le moment, les votes du PDK.
Pour les présidentielles, Massoud Barzani est réélu à 93% à Duhok, à 68% à Erbil (Hewlêr) un chiffre très proche, à 3% près, des résultats de sa liste législative dans cette province, ce qui indique que les électeurs d'Erbil qui ont voté Gorran ou le Service et la Réforme ont dû reporter leur voix, probablement sur le candidat alternatif Kamal Mirawdeli qui reçoit pour la totalité de la Région 27% des voix).
À Suleymanieh, il est à noter que Massoud Barzani fait 46%, alors que c'est dans cette province que l'opposition à la liste Kurdistani a été la plus forte. Cela signifie que 10% d'électeurs qui n'ont pas voté Kurdistani pour les législatives ont cependant voté pour Massoud Barzani, sans doute les électeurs des petits partis religieux ou de gauche.
À peine réélu, Massoud Barzani a annoncé, après la venue du Secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, que le Premier ministre d'Irak Nouri al-Maliki avait été invité au Kurdistan "pour discuter et régler tous les problèmes entre nous et Bagdad. Nous avons dit aux Américains qu'il fallait régler les problèmes en suspens avec Bagdad selon la Constitution." En effet, les dernières propositions de l'ONU sur un partage du pouvoir à Kirkouk, sans tenir compte des futures élections du conseil provincial, a essuyé un refus de la part du président kurde qui a qualifié les solutions onusiennes "d'irréalistes", bien qu'appuyées par les Etats-Unis :"Nous n'accepterons aucune alternative à l'article 140, que cela vienne des Nations Unies ou de quiconque", a répété le président Barzani. Au sujet du report dans le temps du référendum kurde sur la nouvelle constitution, initialement prévu le 25 juillet, le même jour que les élections, Massoud Barzani a indiqué l'avoir accepté à la requête du vice-président des USA Joseph R. Biden Jr. "et d'autres responsables américains", pour cause de "calendrier inapproprié".
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