Le retour
Finalement après intervention en haut lieu et je dirais rien que pour m'embêter, une place se débloque pour le 19. C'est-à-dire qu'ils ont dû éjecter quelqu'un sans lui demander son avis. Après échange de SMS entre ministères pour donner les noms des VIP et leurs numéros de passeport (oui, le ministère n'ayant pas encore de fax, on fait tout par sms, comme des skybloggers), je suis censée être attendue au VIP Room avec d'autres congressistes plus tardifs dans leur départ.
Lever à 3h30, temps doux, on sent venir l'automne, même dans la journée la chaleur est agréable, 36-38°. Quelques chauves-souris volètent près des fenêtres de la chambre. Trajet compliqué et sécurisé pour l'aéroport, dont je ne me souvenais pas à l'aller. Gimkhana de blocs de béton en zigzag pour couper la route vers l'aéroport, un contrôle, changement de taxi, encore des contrôles.
Arrivée à l'aéroport, à 5h. Je demande le VIP Room. Un des types préposés au contrôle des bagages part se renseigner. Et revient en me disant qu'ils n'ont pas mon nom dans la liste. Ben tiens, même pas étonnée, allez savoir pourquoi. Je lui donne mon passeport au cas où ils auraient mal écrit mal épelé, entre le nom et le prénom ils mêlent souvent tout. Mais non, définitivement, ils ont d'autres noms mais pas le mien. Comme j'ai envoyé les listes en deux morceaux, un pour moi un pour les autres, ça ne m'étonne guère. En fait rien ne m'étonne à 5h30. J'explique gentiment au type qui n'y est pour rien que le VIP Room je m'en fous, mais que ça pose problème pour ma place usurpée dans l'avion. Il tilte. Repart et revient en me disant que le responsable du VIP Room sera là à 6h. Naturellement il n'a pas mis en doute mon appartenance à un congrès de kurdologie, une Française qui lui parle en kurde, ça court pas les rues.
Est-ce que j'étais contente de repousser mon départ ? Ben non en fait, parce que les adieux, le départ déchirant, plus ça se fait vite mieux c'est, alors tout recommencer dans deux jours, non, très peu pour moi. Mais en Orient devant l'aléatoire et les embûches de la fortune incertaine, une seule attitude possible quand plus rien ne dépend de soi : s'assoir, attendre, et dire "kismet". Parce qu'en général tout se résoud tout seul.
A 6 heures, un jeune homme se pointe et me montre le SMS que je lui ai envoyé la veille avec la liste des 4 VIP, que je verrai d'ailleurs passer plus tard au contrôle, mais ne m'apercevant pas car je me planquais prudemment, pas envie à cette heure de me les fader. L'une d'elle aura d'ailleurs réveillée à 6h30 l'assistante du ministre pour s'inquiéter ENFIN du déroulement des opérations, et se confondant en excuses plates en apprenant que si elle avait eu la présence d'esprit d'appeler, ne serait-ce que la veille, elle aurait su qu'elle était attendue avec son cher époux, depuis 5 heures au VIP Room. "Faden, faden faden.".. J'adore les gens qui n'arrêtent pas de se dire désolés de vous déranger avec la dernière muflerie, mais qui n'arrêtent pas de vous déranger pour autant.
Enfin, le responsable du VIP Room me dit que le directeur va faire son possible pour trouver une place dans un avion plein à craquer (cad : réejecter quelqu'un qui se sera levé pour rien à 3h). Et puis au bout d'une heure il vient en m'annonçant qu'il était maintenant sûr que j'aurais une place, ce qui est logique, il y a toujours des annulations, et il suffit d'être mise en tête de liste. Bref, on bavarde et c'est alors qu'il me remontre une 3° fois le SMS avec les noms et qu'en bon Kurde, il capte au bout de la 3° fois que c'est MOI qui lui ait envoyé ça la veille.
- AHHHHH!!!! C'est toi que j'ai eu au téléphone!!!!!
- Sans doute.
- Ahhhhh!!!!! Tu es Sandrine.
- Aussi. (ça faisait seulement une heure que je lui expliquais).
- AHHHH! Mais alors tout va bien, tu es aussi dans la liste ! Enfin presque.... enfin oui, c'est Fawzî hier qui me dit par tel. ton nom mais j'ai pas bien épelé et au VIP Room quand je leur ai demandé, tu sais quoi ? J'ai vu qu'ils avaient mis mon nom à la place. C'est drôle hein ?
Oui ça peut paraître space mais c'est ce que j'ai compris de ses explications embrouillées dans son anglais heurté (à cette heure j'avais pas assez de neurones pour capter le soranî). Le mec envoie un nom à l'aéroport et les gens de l'aéroport inscrivent en VIP le nom de l'émetteur qui bosse avec eux pourtant... Rien ne m'étonne ici.
Bon finalement il m'escortera à l'enregistrement, au contrôle des passeports où un jeune Kurde très beau mais débordé tamponne à tour de bras et se fait engueuler parce que l'embarquement aurait dû se terminer 10 minutes avant. Il proteste : "C'est ça, je suis un ordinateur, peut-être !"
Et d'ailleurs en tamponnant mon passeport il a dû se planter le computer-man car il a tamponné un visa d'entrée. Ce qui fait que sur mon passeport je suis entrée deux fois au Kurdistan, et jamais sortie. Heureusement qu'en Allemagne le contrôle n'a pas capté.
Je prends place dans l'avion, 1B la place pas mal, en fait tellement de double billets que tout le monde se place tant bien que mal, je cède mon siège à une mère et ses deux gosses afin que les marmots hurlants ne mécorchent pas davantage les oreilles parce que séparés de leur mère. Mais bon, on finit par décoller. Et imprudemment, après quelques minutes, je jette un oeil sur les collines fauves de Hewlêr et sent la boule de larmes qui monte et brûle les yeux... Allez pleurniche pas pétasse, ou tu auras ta baffe. D'ailleurs il n'est pas vrai que c'est fini, et c'est peut-être maintenant que tout commence.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
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