Pourquoi j'aime le Moyen-Orient


Pour ses défauts. Comme on aime une personne profondément, plus pour ce qui devrait énerver que pour ses bons côtés. J'aime la poussière, la pollution, le brouhaha perpétuel des villes, les klaxons des voitures dès le matin, même un jour gris à Hewlêr n'est pas un jour gris à Paris. J'aime tout, même leurs télévisions avec les téléfilms kitsch syriens historico-sentimentales. Le matin, même devant la télévision de la cafétéria, devant la chaine al-Baghdadi qui psalmodie les sourates avec une image fixe et bien chromo, je suis aux anges. Même l'appel à la prière de 4 ou 5 heures à Hewlêr ne m'énerve pas, alors qu'à Van j'enrage... Pourtant les muezzins kurdes chantent aussi mal que les Turcs, il faut admettre. Bref, le Moyen-Orient, c'est chez moi et donc je suis à cet égard d'une injustice totale.
A Hewlêr les taxis ont mauvaise réputation, celle d'être aussi arnaqueurs qu'à Istanbul, mais je suis quand même tombée sur un paquet qui au lieu de me dire ce que je leur devais, ont répondu, la main sur le coeur avec le sourire (j'aime cette gestuelle théâtrale et gracieuses des bonnes manières de la rue) quelque chose comme : "bi kêfa te" (je traduis en kirmancî). Devant la Citadelle, mon dernier taxi était d'ailleurs en train de se faire sérieusement engueuler parce qu'il s'obstinait à se garer dans un périmètre interdit parla police histoire que je n'ai pas trop à marcher. Je descends vite fait et plaide pour le chauffeur auprès des forces de l'ordre, en disant que je vais marcher, pas de problème. Le temps que ça percute, le chef policier, un type bien ventru et chenu me demande, avec déjà un sourire irrepressible aux lèvres (signe d'un attendrissement fatal à son autorité) : "Ingilizî ?" Je réponds en kurde que je suis française mais que je parle kurde. Alors là.... il fond complètement, me demande où j'e l'ai appris : "A l'université ? Ah là là, t'es intelligente.... Comment tu t'appelles ?" Et voilà, mon taxi échappe aux foudres, et je pourrais sans doute faire sauter mes contraventions ici.
Dans les grandes villes du Kurdustan, le problème crucial est récurrent est la crise du logement. Les réfugiés chrétiens et arabes, qui se précipitent au Kurdistan pour échapper à la violence ont fait monter terriblment les prix, d'où une hostilité assez générale des Kurdes à ce flot de nouveaux arrivants, et aussi par crainte d'une nouvelle "arabisation" du Kurdistan. Il va falloir pourtant qu'ils acceptent des migrants car il y a dans la population kurde irakienne un refus du travail préoccupant pour les employeurs : les entrepreneurs, les restaurateurs, tous ceux qui ont besoin de main d'oeuvre et d'emploi de service s'arrachant les cheveux pour trouver à embaucher. Les Kurdes d'ici en général ne veulent pas travailler, car ils jugent cela dégradant (et c'est cent fois pire pour les femmes). Le buiseness, le commerce, les taxis, l'administration, les peshmergas, OK, mais servir non. Et de fait, dans les hôtels et les restaurants, les serveurs sont Turkmènes, Chrétiens, Arabes (beaucoup de Mossoul) et Yézidis. Marrant que la société kurde contemporaine reprenne le vieux schéma des tribaux kurdes faisant travailler les rayas pour eux.
Pour cette même raison, tous se plaignent du manque de perspective sociale (il faut beaucoup raquer, quand on est un garçon pour se marier, à Amadiya, la dot des filles est de 15.000 dollars), car les jeunes ne trouvent pas de logement ni ne gagnent assez. Alors l'Europe, les US, c'est le paradis facile... Cela dit, si ici ils répugnent à travailler, se retrouver à faire la plonge ou les chantiers en clandestins dans les villes européennes doit leur faire un sacré choc.
Aussi, la masse énorme des travailleurs "étrangers" vient du Kurdistan de Turquie. Après tout, si cela peut les rekurdifier et les "dépkkiser"...
Concernant mon billet, merci pour les avis, mais par Amman c'est possible aussi et l'agence du Sheraton prend les cartes VISA donc tout va bien.


PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT

Commentaires

  1. Anonyme9:44 PM

    Bonjour, je suis Esther, étudiante québecoise. Je suis tombée sur votre blogue en faisant une courte recherche sur les kurdes. J'ai travaillé pendant deux ans dans un restaurant tenu par des kurdes. Je suis tombée amoureuse de ces kurdes, de leur peuples, de leur pays..du moyen-orient. non pas que j'aprécie tout d'eux..mais vous me comprenez. J'aimerais écrire un article sur eux pour un travail, je dois remettre ce travail à mon prof avant dimanche. J'en connais quand meme assez pour écrire un article sur eux.. mais dans votre blog ce qui m'a un peu embêté , c'est que vous parler du Kurdistan..comme ci il existait. Pouvez-vous m'éclaircir sur ce point? qu'est-ce que cela signifie quand vous parlez du kurdistant? et tout.. et de plus, si vous avez quelques informations d'actualité..un évenement qui s'est passé dernièrement dans la population kurdes!
    merci, j'espere avoir une reponse :)
    E.T XXX

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  2. Le Kurdistan d'Irak est devenue officiellement une région fédérale à l'intérieur des frontières irakiennes, dont la Cosntitution s'est inspirée unpeu du Quebec, avec aussi les exemples du Parlement basque.

    Plus de détails ici :
    http://perso.orange.fr/kurdistannameh/politique/saywan.htm

    Quant à l'actualité kurde, elle tombe tous les jours, il suffit de se reporter aux brèves sur la gauche de ce blog, ou bien si vous êtes anglophones sur www.kurdishmedia.com

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