Le massacre des chrétiens de la citadelle d'Arbil (4) : Le siège
Les envoyés du roi, c'est-à-dire les représentants du Campement, porteurs du décret royal, sont, en effet, fort bien reçus à Erbil par l'émir Nasr et les musulmans, qui les couvrent de cadeaux, et très froidement et chichement par les chrétiens de la citadelle. Or, cette insulte au Khan est d'une bêtise politique confondante, les faisant passer une fois de plus pour yâgîs (ennemis du Khan) ; de nouveau, les chrétiens vont payer l'aveuglement des qayadjiyé :
Une fois de plus, c'est donc le catholicos qui déguste pour les autres, mais on va voir que son attitude manque, là aussi, de discernement, trop assuré qu'il semble être de l'appui du roi, peut-être ignorant de l'accueil déplorable que la citadelle a réservé à ses ambassadeurs. En tous cas, le catholicos essaie, une fois de plus de faire descendre les chrétiens. Mais il apparaît que Nasr les menace une fois de plus avec ses hommes d'armes, et finalement, comme tout le monde se défie de tout le monde (avec raison), la médiation échoue une fois de plus dans le sang.
Pour ce qui est de Yahballaha, le chroniqueur le dépeint, une fois de plus, crédule et indécis, ballotté entre les musulmans, les Mongols, les qayadjiyé, dans une situation des plus confuses... Une chose est sûre, comme à chaque fois qu'ayant tenté de sortir, les chrétiens se sont fait massacrer pour une raison ou une autre, ils sont de moins en moins enclins à se rendre. Mais, du coup, ils se mettent dans une posture de plus en plus fâcheuse vis-à-vis du roi mongol, et le crédit du catholicos à Bagdad baisse inexorablement, comme en témoigne la tuerie ordonnée par l'émir Sutaï, excédé de ces chrétiens qui font toujours semblant de descendre. Décidément écoeuré et bien mal disposé envers son ancien ami, il laisse attirer le catholicos dans un piège qui va l'amener à être assiégé, avec les qayadjiyé, dans la citadelle, en le persuadant de monter lui-même dans le haut de la citadelle, avec les chefs chrétiens, afin de contenir ses habitants, en attendant que le roi rende son jugement. Or, rejoignant les qayadjiyé, le catholicos se coupait de tout contact avec le Camp du roi et laissait les musulmans faire les rapports qu'ils voulaient au Khan, par exemple qu'il avait bel et bien rejoint les ennemis du roi, et même les dirigeait.
La ruse vient-elle directement de l'émir Sutaï ? C'est difficile de trancher car l'historien nous informe aussi qu'il était gravement malade. Il est donc plus probable qu'il avait hâte d'en finir et la conciliation lui devait être plus aisée qu'un long siège. Si c'est donc aux musulmans qui ont toujours voulu sa perte que se fie le catholicos, sa naïveté est plus qu'impardonnable. Car depuis le début les chrétiens de la citadelle n'ont guère écouté ses avis, ce n'est donc pas maintenant qu'ils vont le faire, très échaudés qu'ils sont après la tuerie ordonnée par Sutaï, à l'idée de se fier encore aux promesses des troupes d'en bas.
C'est alors qu'un messager vient avertir Sutaï que le Diyar Bakr, qu'il avait en charge, était envahi par "les troupes de Palestine" (les Mamelouks) et que s'il tient à sauver son gouvernorat, sa demeure et sa famille, il vaut mieux qu'il retourne illico d'où il vient, ce qu'il se dépêche de faire, malgré son état de santé très mauvais. Vient ainsi le moment où plus aucune troupe du roi n'est là pour s'interposer entre les musulmans, les Kurdes, et les chrétiens, dans une ville ravagée parce qu'il faut bien appeler une guerre civile... Alors commence le siège proprement dit, qu'avaient tant voulu éviter les Mongols.
Or, dans le même temps, les envoyés du Khan qui avaient été si mal reçus par les chrétiens de la citadelle, ont regagné Bagdad, en compagnie de Hadjidji Dilqandi, qui n'a pas dû digérer sa première déconvenue au Camp et le rapport qu'ils vont faire au roi ne va pas arranger les choses...
On voit, dans le terme des décrets, que le catholicos faisant figure de chef des rebelles, ce qui était au départ une querelle locale entre les troupes chrétiennes de la citadelle et l'émir Nasr tourne au Djihad, à l'appel de tous les musulmans contre des ennemis intérieurs chrétiens, rebelles déclarés à présent. Cela commence donc à être très très mauvais pour tous les chrétiens de la région.
C'est alors que le métropolite, qui était resté au Camp après son ambassade auprès du roi, et est donc toujours libre, lui, essaie de sauver les chrétiens d'Arbil et d'infléchir le cours des événements...
(à suivre)
Mais nous avons dit déjà que les musulmans avaient fourni à Nasr, ainsi qu'à son frère, (Hadjdji Dilqandi) de l'or à volonté pour offrir des cadeaux. Ils en donnèrent à satiété aux messagers qui avaient apporté le décret, puis ils leur suggérèrent de monter à la citadelle. Ils s'y rendirent et là, personne ne leur offrit un tapis pour s'asseoir, ni un quignon de pain, ni même le moindre sou.
Alors les envoyés regrettèrent d'avoir conclu la réconciliation et adoptèrent de nouveau une attitude méprisante et cruelle, au point de vouloir faire du mal aux jeunes gens qui les avaient accompagnés. L'un de ceux-ci s'enfuit secrètement par la porte de la citadelle et se réfugia au village de Bet Sayyade ; ils se lancèrent à sa poursuite mais ne le trouvèrent pas. Ils prirent son compagnon et le mirent aux arrêts. Les envoyés se précipitèrent au village de Bet Sayyade ; ils firent venir le catholicos et lui répétèrent : "Ceux-ci ne descendront pas si ce n'est par ton ordre. Par conséquent, viens, obéis au décret !"
Une fois de plus, c'est donc le catholicos qui déguste pour les autres, mais on va voir que son attitude manque, là aussi, de discernement, trop assuré qu'il semble être de l'appui du roi, peut-être ignorant de l'accueil déplorable que la citadelle a réservé à ses ambassadeurs. En tous cas, le catholicos essaie, une fois de plus de faire descendre les chrétiens. Mais il apparaît que Nasr les menace une fois de plus avec ses hommes d'armes, et finalement, comme tout le monde se défie de tout le monde (avec raison), la médiation échoue une fois de plus dans le sang.
Lorsque le catholicos parvint à Arbil, toute la population musulmane se rassembla autour de Sutaï et tous commencèrent à l'invectiver. Et lui, parce qu'il avait confiance dans le gouvernement, répliquait avec autant de dureté. [Enfin] le catholicos, en accord avec l'émir Sutaï, envoya une seconde fois aux habitants de la citadelle un message les exhortant à descendre et à jurer sur l'Evangile qu'ils ne feraient aucun mal à Nasr ; ce dernier aussi jurerait et ils se réconcilieraient. [Les habitants] descendirent en nombre et jurèrent qu'ils ne lui causeraient aucun mal et se soumettraient à sa volonté. Toutefois, lorsqu'il fut avéré qu'il montait avec trois cents hommes, la porte fut refermée parce que les coeurs étaient pleins de duperie.
A cette vue, Sutaï s'empara de ceux qui étaient descendus et les tua. Le disciple de la résidence, compagnon de celui qui s'était enfui, fut violemment battu lorsqu'ils l'interrogèrent sur son compagnon et le catholicos lui-même ne réussit qu'à grand-peine à le sauver. Ils s'emparèrent des juments et des mulets, propriété de la résidence, ainsi que de tout ce qui appartenait aux disciples et aux évêques qui avaient accompagné le catholicos, jusqu'à leurs vêtements.
Pour ce qui est de Yahballaha, le chroniqueur le dépeint, une fois de plus, crédule et indécis, ballotté entre les musulmans, les Mongols, les qayadjiyé, dans une situation des plus confuses... Une chose est sûre, comme à chaque fois qu'ayant tenté de sortir, les chrétiens se sont fait massacrer pour une raison ou une autre, ils sont de moins en moins enclins à se rendre. Mais, du coup, ils se mettent dans une posture de plus en plus fâcheuse vis-à-vis du roi mongol, et le crédit du catholicos à Bagdad baisse inexorablement, comme en témoigne la tuerie ordonnée par l'émir Sutaï, excédé de ces chrétiens qui font toujours semblant de descendre. Décidément écoeuré et bien mal disposé envers son ancien ami, il laisse attirer le catholicos dans un piège qui va l'amener à être assiégé, avec les qayadjiyé, dans la citadelle, en le persuadant de monter lui-même dans le haut de la citadelle, avec les chefs chrétiens, afin de contenir ses habitants, en attendant que le roi rende son jugement. Or, rejoignant les qayadjiyé, le catholicos se coupait de tout contact avec le Camp du roi et laissait les musulmans faire les rapports qu'ils voulaient au Khan, par exemple qu'il avait bel et bien rejoint les ennemis du roi, et même les dirigeait.
La ruse vient-elle directement de l'émir Sutaï ? C'est difficile de trancher car l'historien nous informe aussi qu'il était gravement malade. Il est donc plus probable qu'il avait hâte d'en finir et la conciliation lui devait être plus aisée qu'un long siège. Si c'est donc aux musulmans qui ont toujours voulu sa perte que se fie le catholicos, sa naïveté est plus qu'impardonnable. Car depuis le début les chrétiens de la citadelle n'ont guère écouté ses avis, ce n'est donc pas maintenant qu'ils vont le faire, très échaudés qu'ils sont après la tuerie ordonnée par Sutaï, à l'idée de se fier encore aux promesses des troupes d'en bas.
C'est alors qu'un messager vient avertir Sutaï que le Diyar Bakr, qu'il avait en charge, était envahi par "les troupes de Palestine" (les Mamelouks) et que s'il tient à sauver son gouvernorat, sa demeure et sa famille, il vaut mieux qu'il retourne illico d'où il vient, ce qu'il se dépêche de faire, malgré son état de santé très mauvais. Vient ainsi le moment où plus aucune troupe du roi n'est là pour s'interposer entre les musulmans, les Kurdes, et les chrétiens, dans une ville ravagée parce qu'il faut bien appeler une guerre civile... Alors commence le siège proprement dit, qu'avaient tant voulu éviter les Mongols.
Seuls demeurèrent sous la citadelle les Kurdes et les habitants de la ville basse.
Le lendemain, la guerre recommença ainsi que le carnage entre les deux parties. Les communications furent interrompues ; la faim se faisait sentir dans la citadelle ; quiconque en sortait, pour fuir ou pour procurer des provisions aux siens, était tué sans pitié. Le catholicos, avec les trois évêques qui l'accompagnaient, ainsi que les disciples qui étaient restés auprès de lui, furent enfermés dans la citadelle sans vêtements, ni provisions ni vivres. Le châtiment se faisait plus sévère, les désordres faisaient rage, la terreur sévissait ; il ne restait plus âme qui vive pour les défendre, plus aucun lieu pour se réfugier, ni même personne pour les réconforter par des paroles.
Or, dans le même temps, les envoyés du Khan qui avaient été si mal reçus par les chrétiens de la citadelle, ont regagné Bagdad, en compagnie de Hadjidji Dilqandi, qui n'a pas dû digérer sa première déconvenue au Camp et le rapport qu'ils vont faire au roi ne va pas arranger les choses...
Entre-temps, les messagers, revenus au camp avec Hadjidji Dilqandi, avaient rapporté au roi que ces gens étaient yâgî et que le catholicos les avait poussé à se rebeller ; qu'il avait réussi à monter à la citadelle par la corruption et là, qu'il avait ouvert pour eux ses trésors et distribués de l'or ; qu'il avait mis à leur disposition les dépôts de grain, des armes de guerre, des cordes, des machines et qu'il les encourageait à poursuivre la guerre.
Dans le coeur du roi et de ses grands, l'irritation était à son comble. De nouveau des décrets furent promulgués, treize, directement et nominalement adressés à chacun des émirs des Kurdes et aux quatre émirs du roi des mongols, et un autre à tout le territoire d'Arbil, stipulant [que] quiconque ferait entrer des vivres dans la citadelle, ou la ravitaillerait verrait son village dévasté et massacré ; [que] s'il possédait des propriétés terriennes dans la zone, elles seraient confisquées et deviendraient propriété du roi ; [qu'] avec un armement adéquat, les émirs devraient mener la guerre jusqu'au triomphe pour la cause de la religion ismaélienne (musulmane). Au catholicos, en particulier, un décret fut adressé, qui lui intimait : "Nous et nos pères t'avons honoré afin que tu pries pour nous et pour que tu nous bénisses ; mais maintenant que tu te comportes autrement, c'est toi qui es responsable des conséquences et nonpas nous,s ache-le !" On remit les décrets à l'un de ceux qui se tenaient à la porte du royaume, du nom de Togan, et à Hadjidji Dilaqandi - tous deux ennemis déclarés de la chrétienté - afin qu'ils se rendissent à Arbil et fissent exécuter les instructions données sur les décrets.
On voit, dans le terme des décrets, que le catholicos faisant figure de chef des rebelles, ce qui était au départ une querelle locale entre les troupes chrétiennes de la citadelle et l'émir Nasr tourne au Djihad, à l'appel de tous les musulmans contre des ennemis intérieurs chrétiens, rebelles déclarés à présent. Cela commence donc à être très très mauvais pour tous les chrétiens de la région.
C'est alors que le métropolite, qui était resté au Camp après son ambassade auprès du roi, et est donc toujours libre, lui, essaie de sauver les chrétiens d'Arbil et d'infléchir le cours des événements...
(à suivre)
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