samedi, novembre 28, 2009

IRAK : LA PRÉPARATION D’UNE NOUVELLE LOI ÉLECTORALE DIVISE LE PAYS


Les débats autour de la loi électorale pour les législatives de 2010 en Irak ont suscité de telles controverses qu’il est apparu impossible de garder la date de janvier, initialement prévue et tout le long du mois, de sérieux doutes sont apparus sur la possibilité de tenir un scrutin en février. Plusieurs groupes religieux ou ethniques en Irak ont en effet protesté contre le nombre de sièges, jugés insuffisants, réservés aux minorités.

C’est le président irakien lui-même, Jalal Talabani, qui a demandé au Parlement d’accroitre le nombre de députés pour représenter les chrétiens, ainsi que les Irakiens vivant à l’étranger. Lors de sa visite en France, il avait même indiqué souhaiter que les 5% réservés à ces groupes passent à 15%. Mais cette fois-ci, la menace de veto apposé au projet de loi présenté au conseil de présidence n’est pas venu de Jalal Talabani mais du vice-président sunnite, Tariq Al-Hashemi, qui a publiquement déclaré à la télévision qu’il ne ratifierait pas cette loi si les sièges réservées aux Irakiens en exil ne triplaient pas en nombre. Actuellement, 8 sièges sont réservées aux minorités (chrétiens, mandéens, yézidis) et 8 autres aux Irakiens, très nombreux, vivant en exil. Lors des élections législatives de 2005, ce pourcentage était de 15% et a été par la suite réduit à 5%. Le président Talabani et son vice-président réclament donc un retour aux dispositions antérieures, afin, officiellement, de promouvoir « la réconciliation nationale », même Jalal Talabani n’a pas approuvé le veto de son vice-président, semblant en tout cas s’en désolidariser dans ses déclarations sur la chaîne française France 24 : « Je crains un nouveau report des élections, c’est pourquoi j’ai décidé de ne pas m’opposer à la loi électorale. »

Les Kurdes ne sont pas davantage satisfaits de la répartition et le président du parlement du Kurdistan, Kamal Kirkouki, a appelé le président Talabani á ne pas ratifier cette loi, estimant estimant que le pourcentage des sièges réservés aux provinces kurdes n’était « pas normal ». Le président de la Région du Kurdistan a même menacé de boycotter ces élections si la répartition des sièges n’était pas modifiée de façon « équitable ». En effet, sur les 48 sièges supplémentaires prévus dans la nouvelle loi, seuls trois reviennent aux trois provinces de la Région du Kurdistan. S’opposant donc aux sunnites et aux Kurdes, des Irakiens des provinces chiites du sud ont manifesté devant les bâtiments gouvernementaux de Basra, pour protester contre le veto du vice-président Al-Hashemi. Ils ont reçu l’appui indirect des États-Unis, qui souhaitent que ces élections se déroulent au plus tôt, en raison de leur propre calendrier de retrait des troupes. Jalal Talabani n’a ainsi pas caché dans ses propos à la presse que Christopher Hill, l’envoyé américain en Irak insistait personnellement auprès des députés irakiens pour qu’ils approuvent la loi.

Joe Biden, le vice-président des États-Unis, a, quant à lui, téléphoné aux moins à trois reprises aux leaders kurdes, en leur demandant de ne pas bloquer le processus électoral. Le 21 novembre, la Cour suprême de Bagdad rejetait le veto du vice-président Al-Hashemi, arguant que la répartition des sièges ne dépendait pas de la loi électorale mais des organisateurs du scrutin. Le veto du conseil de présidence ne pouvant porter que sur des litiges constitutionnels, la Cour suprême a donc statué qu’il ne pouvait s’appliquer dans ce cas précis. La nouvelle répartition des sièges entre les différences provinces irakiennes a été faite par la Commission électorale en se basant sur les cartes de ration alimentaires renouvelées chaque année.

Les chiffres donnés par le ministère du Commerce indiquaient que la population irakienne était de 32 millions en 2009 contre 27 millions en 2005. Se fondant sur ces chiffres, la Commission a estimé le nombre des électeurs irakiens à 19 millions ; chaque siège au Parlement représente 100 000 électeurs. Un quart d’entre eux est réservé aux femmes, 5% aux 2 millions de réfugiés irakiens en exil, 5 sièges sont alloués aux chrétiens des trois provinces kurdes et de Ninive, et un siège chacun aux yézidis, mandéens et shabaks. Mais ces chiffres sont contestés, notamment par les Kurdes, qui mettent en avant le fait que la province de Ninive reçoit 13 sièges supplémentaire avec seulement un peu plus de 2 millions d’habitants, alors que la Région du Kurdistan qui en compterait au total 5 millions n’en reçoit que 5.

Dr. Mahmoud Othman, député de l’Alliance kurde au parlement de Bagdad a, lui aussi, contesté fortement les chiffres du ministre du Commerce irakien, affirmant que le nombre des cartes de rations n’était pas du tout fiable dans certaines régions, comme Ninive, où il avait été artificiellement gonflé. Au total, la répartition des nouveaux sièges a été annoncée comme suit : 68 pour Bagdad, 31 pour Ninive, 24 pour Basra, 18 pour Dhiqar, 16 pour Babil, 14 pour Anbar, 13 pour Diyala, 12 pour Salahaddin et Nadjaf, 11 pour Wasit et Diwaniyah, 10 pour Karbala et Misan, 7 pour Muthana. Pour la Région du Kurdistan : 15 pour Sulaymaniyeh, 14 pour Erbil, 9 pour Duhok. Kirkouk reçoit 12 sièges. 8 sièges de plus sont alloués par quota aux minorités. Ainsi, sur les 323 sièges, les Kurdes n’en auraient que 38, soit 12%, contre 57 en 2005. Comme le dernier recensement date de 1957, il est impossible d’avoir les chiffres exacts de la population irakienne.

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