Le mihrab à figures humaines de Mossoul : une curiosité

cliché pourri du musée archéologique de Bagdad, désolé c'est tout ce que j'ai pu scanner...

L'art mésopotamien du nord nous est plutôt mieux connu que celui du sud, car il disposait d'une pierre de qualité, et, même en l'absence de fouilles ou d'importants vestiges d'architecture, on trouve, à fleur de sol, bon nombre de sculptures sur pierre d'un style autonome et personnalisé, témoin une série de mihrabs fort intéressants : certains ont été transportés dans l'ancien palais abbasside de Bagdad devenu musée, d'autres sont encore in situ à Mossoul et dans ses alentours. L'un des plus remarquables de ces mihrabs (XIIe siècle) offre un décor composé en grande partie de personnages.
David Talbot Rice, L'Art de l'Islam, V, La Mésopotamie du Xe au XIIIe siècle.

David Talbot Rice affirme dans la légende à ce cliché de mihrab que "les sculptures sur pierre à personnages étaient fréquentes dans les églises de Mossoul, mais il est exceptionnel de voir des personnages figurer dans la décoration d'un mihrab." Ce qui est tout à fait vrai, la représentation humaine n'est pas du tout un tabou dans l'art musulman médiéval profane, mais le mihrab étant tout de même la direction de la prière, ça pouvait frôler l'accusation d'idolâtrie...

Concernant les églises, si l'art religieux architecturale des Nestoriens de Mésopotamie, en tous cas dans l'actuel Kurdistan, a aussi évité la représentation figurée humaine, à la fois par fidélité à l'Ancien Testament et, plus tard, pour ne pas donner prise aux critiques musulmanes (et sans doute juives) les taxant d'idolâtrie ce n'est pas le cas des autres églises d'Orient, il n'y a qu'à voir les merveilles des églises syriaques du Tour Abdin.

En tous cas, ce mihrab du XIIe siècle, conservé au musée archéologique de Bagdad est une rareté, qui fait regretter de ne pouvoir envisager de plus près ces personnages, dont certains, à vue de nez (enfin de loupe) semblent porter bottes et shalwar, des tenues de cavalier prisées par les Turcs et qui, par leur commodité se sont largement répandues dans le monde politico-militaires ...




C'est peut-être le seul mihrab connu du Moyen-Orient et peut-être de tout l'art de l'islam qui offre ainsi des personnages humains. Il serait intéressant de savoir s'il est signé (ça arrive, et parfois ça peut donner une indication, même maigre, sur l'origine de l'artiste ), de quelle mosquée il vient, qui en a été le commanditaire et si les sculptures sont inspirées de l'art chrétien mossouliot.

Faudrait peut-être envisager de faire un saut à Bagdad, tiens...

Commentaires

  1. "Faudrait peut-être envisager de faire un saut à Bagdad, tiens..."

    Depuis le temps que j'ai envie d'y aller, un mirab c'est peut-être un meilleur prétexte qu'Eiffel !

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  2. Absolument étonnant. C'est la première fois que je vois cela. Je me demande pourquoi les livres sur l'art islamique ne mentionnent jamais ce mihrab et pourquoi n'a t-il pas fait l'objet d'une étude détaillée.

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  3. Peut-être à cause de son caractère singulier, les historiens d'art n'aiment pas les trucs qui rentrent pas dans les cases... L'art de la Djezireh n'est pas non plus le plus étudié car ça n'a pas été souvent une région très accessible. Je ne me souviens plus si Julian Raby le mentionne dans son étude sur la Jazirah.

    On peut espérer que dans ce musée il n'a pas disparu dans un pillage ou un trafic quelconque.

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  4. Merci pour nous avoir fait découvrir cela

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