Kurdes d'Iran, réfugiés au Kurdistan d'Irak (extrait du rapport de HRW)






La révolution verte en Iran de 2009 a eu de lourdes conséquences sur la société civile, comme le souligne le dernier rapport de Human Rights Watch, Why they left : Stories of Iranian activists in Exile, paru en décembre dernier. Le rapport publie des dizaines de témoignages émanant de défenseurs des droits de l’homme, de journalistes, de blogueurs, d’avocats, menacés et pris pour cible par les forces de sécurité et les Renseignements, en raison de leur prises de position contre le gouvernement.

Cette pression gouvernementale a eu pour conséquence un afflux de demandeurs d’asile en Turquie et au Kurdistan d’Irak. La Turquie a vu ainsi le nombre des réfugiés iraniens augmenter de 72% entre 2009 et 2011. Le Kurdistan d’Irak est aussi un choix privilégié, surtout pour les Kurdes d’Iran. 

En effet, parmi les acteurs de la société civile, ceux qui militent pour les droits des minorités sont les plus visés en Iran, accusés d’être instrumentalisés par l’étranger. Les minorités ethniques les plus opprimées sont les Kurdes, les Azéris, les Arabes de l’Ahwaz. Les ONG défendant leurs droits sont en butte aux persécutions, aux arrestations et à de sévères condamnations.

HRW note qu’en raison de cette politique répressive de l’Iran envers ses minorités, et de ce qu’ils appellent joliment et pudiquement « une parenté culturelle transfrontalière », c’est-à-dire l’état de fait d’un pays-nation coupé arbitrairement en 4, la majorité des militants appartenant à des minorités ethniques qui fuient vers la Turquie et le Kurdistan d’Irak sont, depuis 2005, surtout des Kurdes.

HWR cite ainsi en exemple l’Organisation des droits de l’homme du Kurdistan (HROK), fondée en 2005 par Sadigh Kaboudvand, qui a compris jusqu’à 200 reporters qui sillonnaient toutes les régions kurdes d’Iran et publiaient leurs articles dans le journal Payam-e Mardom (Message du peuple), aujourd’hui interdit. Sadigh Kaboudvand en était le directeur général et le rédacteur en chef. Il a été arrêté par les services de renseignements le 1er juillet 2007 et emmené à la section 209 d ela prison Evin (Téhéran) qui est sous leur contrôle. Il a été mis en isolement près de 6 mois.

En mai 2008, la 15ème chambre du tribunal révolutionnaire a condamné Sadigh Kaboudvand à 10 ans de prison pour avoir agi contre la sécurité nationale en fondant le HROK, et à une autre année d’emprisonnement pour « propagande contre le système en diffusant des nouvelles, opposition au droit islamique en mettant l’accent sur des condamnations telles que la lapidation et les exécutions, et pour avoir plaidé en faveur des prisonniers. »

En octobre 2008, la 54ème chambre de la Cour d’appel de Téhéran a confirmé la sentence. Depuis, HWR ne cesse de réclamer sa libération et de lui permettre de toute urgence d’avoir accès à des soins médicaux.

Shahram Bolouri, âgé de 27 ans, a participé en 2009 aux manifestations contestant la fraude des élections présidentielles. Il a expliqué à HRW avoir couvert les violences exercées par les forces de l’ordre contre les manifestants, avoir diffusé ses photographies et ses vidéos, et avoir témoigné par le biais de différents media. Avant cela, il était déjà membre de l'Association kurde, une ONG basée à Téhéran, et avoir travaillé avec plusieurs organisations de la société civile.

Le 23 juin 2009, des agents de la Sécurité et des Renseignements ont perquisitionné son domicile à Téhéran et l’ont arrêté. Il a été détenu 8 mois à la prison d’Evin, dont 45 jours en isolement, dans les sections 209 et 240, qui relèvent des Renseignements, avant d’être transféré dans la partie commune. Ses gardiens l’ont soumis à de sévères tortures, physiques et mentales.

« Ma cellule d’isolement [dans la section 240] mesurait 2,5 m sur 1 m. Elle avait des toilettes, pas de fenêtre. Les gardiens venaient souvent et m’ordonnaient de me lever, de m’assoir et d’exécuter toutes sortes de tâches bizarres, juste parce qu’ils en avaient le pouvoir. Une fois, l’un d’eux m’a dit : « Tu ressembles à un athlète. Choisis ton sport. Lève-toi et assieds-toi devant moi. Cent fois, et assure-toi de bien compter ! » Il m’a fait faire cela plusieurs fois, bien que j’avais une jambe cassée. Je transpirais abondamment mais ils ne m’ont pas laissé me doucher. Après deux semaines, le même type a ouvert la porte de ma cellule et a dit : « Pourquoi est-ce que ça sent la merde ici ?» Il m’a ordonné de prendre une douche et de laver mes vêtements. »

Le 6 février 2010, plus de 6 mois après son arrestation, les autorités relâchèrent Shahram Bolouri contre une caution d’un montant anormalement élevé de 200 000 $US. HWR mentionne que plusieurs cas ont été rapportés, de cautions énormes demandées aux familles, comme part du harcèlement psychologique exercé contre les détenus et leurs familles. Shahram Bolouri dit que les pressions financières et psychologiques exercées contre sa famille étaient parfois pire, pour lui, que ce qu’il endurait personnellement.

En octobre 2010, un tribunal révolutionnaire à Téhéran l’a condamné à 4 ans de prison pour « rassemblement et collusion contre l’État en ayant participé à des manifestations et en ayant communiqué avec des media étrangers, en diffusant des nouvelles. » Après qu’il a fait appel, sa condamnation s’est vue alourdie de 6 mois en juin 2011. Comme les pressions et le harcèlement s’aggravaient contre sa famille et lui-même, Shahram Bolouri décida de quitter l’Iran. Il a déposé une demande d’asile au bureau du HRC de l’ONU en Irak, le 15 juillet 2011 et cherche maintenant un pays d’accueil où il aurait le statut de réfugié politique.

Media Byezid est un étudiant militant et blogueur, renvoyé de l’université d’Ispahan après avoir participé aux manifestations estudiantines de 2005 et avoir participé à la campagne présidentielle de Mehdi Karroubi en 2008. Le 12 juin 2009 au soir, il était chargé avec d’autres membres ayant fait campagne pour Karroubi de surveiller le dépouillement. Son équipe et des militants ayant fait campagne pour Moussavi ont relevé des irégularités et les ont signalées aux autorités. Des officiels du ministère de l’Intérieur leur a répondu qu’ils seraient tenus pour responsables de toutes « perturbations ».

Ils sont alors partis pour Téhéran afin de participer aux manifestations post-électorales. C’est de retour à Saqqez, le 7 novembre, que les ennuis de Media Byezid commencèrent.

« J’ai reçu un coup de fil de quelqu’un de l’université Payam-Nur, à Saqqez qui disait qu’il voulait me rencontrer. Quand j’y suis allé, j’ai remarqué une voiture verte avec deux personnes, qui sont venues près de moi. L’une d’elles a dit que quelqu’un s’était plaint d’être harcelé au téléphone et que je devais répondre aux questions de la police. Ils m’ont mis dans la voiture, m’ont fait baisser la tête, et ont filé. J’ai appris plus tard qu’il s’agissait d’agents du ministère des Renseignements. 

Nous sommes allé au setad-e khabari [une section des Renseignements chargée de collecter des informations et d’enquêter sur les individus coupables ou suspects d’activités dissidentes] local du ministère des Renseignements. L’interrogateur est entré dans la pièce et a commencé par m’accuser d’avoir des contacts avec des groupes de la guerilla kurde. Mon père était à Koya [Kurdistan d’Irak] et j’avais traversé plusieurs fois la frontière illégalement. Il m’a accusé d’avoir des contacts avec le PJAK [branche iranienne du PKK] et d’autres partis kurdes interdits. Quand j’ai nié avoir eu ces contacts, il m’a giflé en disant : « Ici, ce n’est pas la maison de ta tante ! » Puis ils m’ont dit qu’ils avaient mis mon téléphone sur écoute depuis un moment et m’ont fait entendre les enregistrements de mes conversations. »

Byezid dit que son interrogatoire a duré 7 ou 8 heures. Les autorités l’ont battu et harcelé plusieurs fois, pendant les 13 jours qu’a duré sa détention au Ministère des Renseignements. Ils l’ont finalement libéré mais ont continué de le convoquer pour des interrogatoires, jusqu’à ce qu’il décide de quitter le pays.

Hezha (Ahmad) Mamandi est un militant pour les droits des Kurdes et l’un des membres les plus anciens de l’Organisation des droits de l’homme du Kurdistan (HROK). Il a été initialement condamné à 11 mois de prison pour diverses accusations d’atteintes à la sécurité nationale. Les agents de Renseignements l’ont arrêté de nombreuses fois en 2005, en raison de ses activités au sein du HROK et avec d’autres groupes locaux.

« Je me trouvais à l’université Azad de Mahabad et je collectais des signatures [en 2006] quand plusieurs agents de Renseignement m’ont arrêté, ainsi qu’un autre collègue, nous ont mis dans une voiture et nous ont conduit au centre de détention local. Ils nous ont interrogés durant 2 semaines. Ils posaient beaucoup de questions sur le HROK et ses relations avec l’Amérique. Ils nous ont battus plusieurs fois mais faisaient attention de ne pas nous frapper au visage. Je n’ai pas pu voir un avocat. Après 2 semaines, ils m’ont envoyé, avec mon collègue, au tribunal révolutionnaire de Mahabad. La session du tribunal a duré 2 à 3 minutes. Quand nous avons essayé de parler au juge, ils nous a chassés de la salle d’audience. Ils nous ont transferrés à la prison centrale de Mahabad et j’ai découvert un peu plus tard que j’avais été condamné à 20 mois de prison pour agissements contre la sécurité nationale et pour avoir troublé l’ordre public. »

En appel, sa sentence fut abaissée à 10 mois et il fut relâché en 2006. Il reprit alors ses activités au sein du HROK, mais après que les autorités ont arrêté en 2006 et 2007 Sadigh Kaboudvand et Saman Rasoulpour, deux des leaders de l’organisation, le groupe a réduit ses activités.

En 2010, après l’exécution de Farzad Jamangar et de plusieurs autres militants kurdes, Mamandi et ses collègues du HROK ont aidé à mener une grève dans les régions kurdes d’Iran. La grève fut un succès et irrita les autorités. Il fut identifié, avec d’autres, comme les meneurs. Le 22 mai 2010, il s’enfuit au Kurdistan d’Irak.

Amir Babekri était enseignant et journaliste à Piranshahr, une ville à majorité kurde de la province d’Azerbaïdjan occidental. Amir Babekri a rejoint le HROK en 2005 et a travaillé sur différentes questions concernant les droits des Kurdes. Une unité de Gardiens de la Révolution est venu l’arrêter en décembre 2007, à l’école primaire où il enseignait.

« Trois hommes armés m’ont fourré dans une toyota et m’ont emmené au centre de détention local. Là, ils ont essayé de m’impliquer avec des partis politiques kurdes. J’ai nié. Ils ont menacé de m’envoyer à Urmiah si je refusais de coopérer. Je leur ai dit de le faire. Ils m’ont frappé plusieurs fois la dernière nuit, avant que je sois envoyé à Urmiah, mais je n’ai pas été torturé. »
[Au centre de détention d’Urmiah], nous étions 40 répartis dans deux pièces. Les autorités accusaient certains d’entre nous d’avoir des liens avec le PJAK. Il y avait des interrogatoires tous les jours, et nous entendions beaucoup de hurlements. En tout, j’ai été interrogé 18 jours, mais ils me transferrait pour m’interroger dans un autre lieu de détention qui était à 5-6 minutes en voiture. J’étais aveuglé. Ils m’ont fait subir, ainsi qu’à d’autres, toutes sortes de mauvais traitements. Parfois, ils nous jetaient dans la neige. D’autres fois, ils nous passaient les menottes à un mur et nous forçaient à nous tenir sur la pointe des pieds. Ils nous frappaient aussi sur la tête avec des bâtons. »

Amir Babekri a dû répondre à de nombreuses questions sur ses contacts du HROK. Il fut finalement forcé de reconnaître son appartenance au HROK mais refusa de donner les noms de ceux qui y travaillaient clandestinement. Il fut finalement accusé par les autorités d’être un « ennemi de Dieu » (moharebeh, qui fait encourir la peine de mort), membre d’un groupe illégal et d’être allé clandestinement au Kurdistan d’Irak. La lecture de son acte d’accusation au tribunal d’Urmiah a duré de 2 à 3 minutes. Il n’avait aucun défenseur et se souvient avoir vu plusieurs officiers des Gardiens de la Révolution présents dans la salle.
Il fut jugé 4 mois plus tard et son procès dura 30 minutes. Cette fois, un avocat était présent. L’accusation d’être un moharebeh ne fut pas reprise mais il fut convaincu de «propagande contre l’État» et d’appartenance au HROK. Sa condamnation fut d’un an et 3 mois de prison.
En raison des pressions continuelles exercées contre lui et du fait qu’il ne pouvait plus enseigner à Piranshahr, Amir Babekri décida de quitter l’Iran et de déposer une demande d’asile au bureau du HCR au Kurdistan d’Irak, le 15 juillet 2009.
Militant pour les droits des Kurdes, Rebin Rahmani fut arrêté par les forces de sécurité le 19 novembre 2006, à Kermanshah. Il travaillait alors à un projet de recherche sur la dépendance à la drogue et le virus HIV dans la province de Kermanshah. Après son arrestation, il a passé environ 2 mois en détention, dans les locaux du ministère des Renseignements. Il a été interrogé à la fois par des agents de Kermanshah et de Sanandadj (Sine, prov. du Kurdistan), et soumis à des tortures physiques et psychologiques.
En janvier 2007, un tribunal révolutionnaire l’a condamné à 5 ans de prison pour « agissements contre la sécurité nationale » et « propagande contre l’État ». Le procès dura 15 minutes, sans avocat. En mars, la sentence fut réduite à 2 ans en appel.
Rebin Rahmani qui était détenu dans la prison Dizel Abad de Kermanshah fut alors transféré plusieurs fois dans les locaux du ministère des Renseignements pour y subir des interrogatoires, toujours sous la torture et de longues périodes d’isolement, afin de lui faire avouer des liens avec des groupes armés kurdes séparatistes. On menaça d’arrêter également sa famille et en juin 2008, son frère fut effectivement arrêté afin de faire pression sur Rebin Rahmani. Celui-ci tenta deux fois de se suicider, mais les autorités ne purent jamais ajouter à son dossier d'autres chefs d’accusation.
Relâché fin 2008, il apprit qu’il avait été renvoyé de l’université et ne pouvait plus poursuivre ses études. Il rejoignit alors la section locale des Militants des droits de l’homme en Iran (HRA), mais en utilisant un pseudonyme car il craignait d’être arrêté à nouveau. Avant de fuir au Kurdistan d’Irak, il a pu interviewer des familles et rédiger des rapports pour le HRA, la plupart au sujet des violations des droits de l’homme commises par le gouvernement dans les régions kurdes d’Iran. Il avait aussi en charge la section en kurde du site Web de HRA.
En mars 2010 eut lieu un grand coup de filet contre les militants des droits de l’homme, dont les HRA, à Téhéran et dans d’autres grandes villes. Rebin Rahmani put y échapper car sa couverture ne fut pas dévoilée au sein des HRA. Mais le même mois, il participa à une manifestation contre l’exécution de plusieurs prisonniers politiques kurdes et les autorités locales le mirent sous surveillance. En décembre 2010, les forces de sécurité perquisitionnèrent son domicile, peu de temps après qu’il ait participé à une rassemblement devant la prison de Sanandadj pour protester contre l’exécution imminente de Habibollah Latifi.
Rebin Rahmani sentit alors qu’il devait s’enfuir pour le Kurdistan d’Irak. Il enregistra sa demande d’asile à Erbil le 6 mars 2011.
Fayegh Roorast, militant kurde et étudiant en droit à l’université d’Urmieh a été arrêté en janvier 2009 pour avoir coopéré avec plusieurs organisations comme le HROK, les HRA et la campagne Un million de signatures. Les agents des Renseignements ont commencé de le prendre pour cible quand Farzad Kamangar fut condamné à mort, en mars 2008. Fayegh Roorast mena alors plusieurs entretiens diffusés dans des media étrangers, au sujet de l’arrestation de Farzad Kamangar, Zainab Bayazidi et d’autres militants pour les droits des Kurdes.
Le 15 janvier 2009, des agents des Renseignements attaquèrent la boutique de son père et arrêtèrent ce dernier. Un peu plus tard, ils vinrent au domicile de Fayegh Roorast et saisirent ses affaires personnelles, sans l’arrêter. Mais 2 jours plus tard, il fut convoqué avec son frère, sa sœur et sa tante au bureau des Renseignements de Mahabad. On l’accusa de travailler avec des groupes d’opposition kurdes interdits, dont le PJAK. Toute sa famille fut relâchée, mais lui resta 17 jours en détention.
« Au ministère des Renseignements de Mahabad, ils me menaçaient et me harcelaient tous les jours. Mon interrogateur jouait le rôle du bon flic qui me pressait de coopérer et du mauvais quand je refusais de faire ce qu’il voulait. Il m’a frappé et a menacé de s’en prendre aux membres de ma famille, et même de les violer. Après 5 jours d’interrogation et de coups, il me dit : « À partir de maintenant, tu ne vas plus seulement être interrogé. Maintenant, je suis responsable de ton enseignement. »
Fayegh Roorast fut ensuite transféré au ministère des Renseignements à Urmieh.
« Les autorités m’ont maintenu en isolement plusieurs jours. Il y avait trois chambres interrogatoire, ou de tortures, dans les pièces du bas. J’entendais des bruits horribles venir de là. Ils m’y ont emmené 15 ou 16 fois. L’endroit puait l’urine et les excréments. Ils m’ont soumis à toutes sortes de tortures, ils m’ont suspendu par les poignets au mur de sorte que je sois forcé de me tenir sur la pointe des pieds, m’ont appliqué des chocs électriques sur les orteils et les doigts, ils m’ont battu. Ils me demandaient pourquoi j’avais sur moi la liste des noms des prisonniers et pourquoi je collectais des signatures pour la campagne Un million de signatures. »
Fayegh Roorast a dit à HRW qu’il avait refusé de donner des noms. Les autorités l’ont relâché au début de l’année 2010. Il a quitté l’Iran l’été de la même année.
Yaser Goli est un étudiant militant, secrétaire de l’Union démocratique des étudiants du Kurdistan. En 2006, les agents des Renseignements l’ont arrêté. Il a été condamné à 4 mois de prison avec sursis. Les autorités universaitaires l’ont empêché de poursuivre ses éudes pour sanctionner ses activités politiques. En plus de ses activités au sein de l’Union démocratique des étudiants du Kurdistan, Yaser Goli était impliqué dans plusieurs organisations de la société civile, comme la campagne Un million de signatures,  Azarmehr, l'association des femmes kurdes, qui organise des ateliers et des activités sportives pour les femmes, et le comité des droits de l’homme de l’Union démocratique des étudiants du Kurdistan.
Fin 2007, alors qu’il poursuivait ses activités et protestait contre la décision de l’université de le renvoyer, les forces de sécurité l’ont arrêté et transféré dans un lieu de détention à Sanandadj, géré par les Renseignements. Il a été interrogé 3 mois durant, soumis à des tortures physiques et psychologiques, et maintenu en isolement. En novembre 2008, un tribunal révolutionnaire l’a condamné à 15 ans dr prison en exil (hors de sa province, à Kerman, à 1000 km de Sanandadj) pour être un « ennemi de Dieu ». Il a été autorisé à sortir temporairement afin de recevoir un traitement pour un sérieux problème cardiaque, sous caution. Sa famille et lui ont fui au Kurdistan d’Irak en mars 2010.
Amin Khawala est journaliste. Il travaillait comme correspondant du Saqqez News Center (SNC) et informait Human Rights Watch sur les pressions et les menaces que rencontrent les reporters dans la province du Kurdistan.
Depuis que le SNC a commencé ses activités en 2006, il a eu à subir des pressions de la part des autorités, en raison des sujets sensibles, portant autour des Kurdes, que le centre abordait, par exemple en publiant la liste de dizaines de noms de contrebandiers abattus par la sécurité iranienne et les gardes frontaliers, ou bien les noms des responsables gouvernementaux impliqués dans des affaires de corruption, ou ceux des militants de l’opposition ou des droits de l’homme arrêtés par les forces de sécurité. Le SNC a couvert aussi, dans la province du Kurdistan, les événements politiques qui ont suivi les élections frauduleuses de 2009. La Sécurité a perquisitionné le domicile du rédacteur en chef, Atta Hamedi, le 4 janvier 2011, avec confiscation de ses affaires personnelles, et en avril 2011, le site web du centre a été filtré.
«J’ai été convoqué et averti plusieurs fois par le ministère des Renseignements. Ils m’ont menacé et dit que j’avais blasphémé. Ils m’accusaient aussi d’être impliqué dans des activités criminelles et terroristes. J’avais déjà été condamné à 2 ans avec sursis par un tribunal révolutionnaire en 2011. Ils ont menacé de rouvrir mon dossier et de me renvoyer en prison, aussi je me suis enfui au Kurdistan irakien.»
 Depuis qu’Amin Khawala a fui, le 3 mars 2011, les forces de sécurité iraniennes harcèlenent et persécutent sa famille afin de le faire rentrer en Iran.
Fatemeh Goftari était membre d’Azarmehr, co-fondatrice des Mères du Kurdistan pour la paix et militait dans la campagne Un million de signatures. Les Renseignements l’ont arrêté en 2002 à Sanandadj (Sine) et accusée de propagande contre l’État. Un tribunal révolutionnaire l’a condamnée à 5 ans de prison, mais sa sentence fut finalement commuée et elle ne fit que 6 mois.
Le 14 janvier 2008, elle fut de nouveau arrêtée par les Renseignements de Sanandadj. Un tribunal révolutionnaire la condamna pour agissements contre la sécurité nationale à 25 mois de prison. Elle en passa une partie en isolement, dans la ville de Birjand, dans la province du Khorassan sud, à 1000 km de chez elle. Après sa libération, elle et son mari étaient constamment surveillés et convoqués par les Renseignements de Sanandadj. Fatemeh Goftari a finalement quitté l’Iran en mars 2010 après avoir refusé de se rendre à une convocation et avoir échappé à un tenttive d’arrestation durant laquelle elle a été frappée.


La situation des réfugiés au Kurdistan d’Irak est soumise en partie à la dépendance politique du GRK au reste de l’Irak. L’Irak, en effet, n’est pas signataire de la Convention de 1951 sur les réfugiés et c’est donc le HCR qui est responsable avant tout du traitement et de l’enregistrement des demandes d’asile au Kurdistan d’Irak. Mais la majorité des Iraniens enregistrés en Irak comme réfugiés auprès du HCR l’ont fait de la Région kurde. En octobre 2012, ils étaient environ 9636. La plupart d’entre eux sont kurdes, beaucoup sont là depuis les années 1980.
Un responsable du HCR à Erbil a expliqué aux enquêteurs de HRW que les pays susceptibles d’accueillir ces Iraniens menacés, surtout les pays européens, montraient peu de zèle à le faire, par crainte de problèmes d’intégration dans les pays d’accueil, la conviction que ces Kurdes d’Iran étaient au Kurdistan d’Irak depuis des années et donc bien intégrés, et enfin l’idée largement admise que la Région du Kurdistan d’Irak est sûre et que les demandeurs d’asile ont un accès correct aux services de base. Les Kurdes d’Iran, venus dans les années 1980 qui n’ont jamais été relogés dans des pays tiers, ne sont pas naturalisés citoyens irakiens.
À l’encontre du HCR, les griefs des Kurdes d’Iran portent sur ce même sentiment d’indifférence et le sentiment que les bureaux font peu d’efforts pour leur trouver un pays d’accueil, du fait que le GRK est une zone « sûre ». Beaucoup d’entre eux ont émigré clandestinement en Europe sans attendre que le HCR leur trouve un pays d’asile.
Dans les cinq dernières années, seuls 36 Kurdes d’Iran ont trouvé un pays d’accueil via le HCR, alors que leur nombre ne cesse d’augmenter. 500 se sont enregistrés pour l’année 2007, en octobre 2012, c’est une moyenne de 9 à 10 réfugiés d’Iran qui venaient s’inscrire par semaine.
Le HCR a déclaré à HRW travaillé en bonne tentente avec le GRK et avoir une opinion positive de la façon dont la Région kurde traite les réfugiés et demandeurs d’asile iraniens. Un responsable a indiqué n’avoir pas entendu parler de menaces ou d’expulsions dans la Région, un autre a mentionné certaines fois où des réfugiés étaient menacés d’expulsion en Iran s’ils étaient la cause de « problèmes de sécurité » mais que le HCR est intervenu dans ces affaires et que, ces cinq dernières années, personne n’a été expulsé en Iran pour de tels motifs.
Cependant, des Kurdes d’Iran se sont plaints à HRW d’avoir été « avertis » par des agents de la sécurité kurde ou des Renseignements de s'abstenir d'activités politiques ou de critiquer moins ouvertement l’Iran.
Un demandeur d’asile iranien a, sous couvert d’anonymat, raconté qu’il avait été plusieurs fois « averti » au bureau des résidents et par les Asayish de s’abstenir de dénoncer les manquements aux droits de l’homme en Iran, et qu’un responsable lui avait clairement dit que le GRK « ne sacrifierait pas ses relations avec les Iraniens » même si la sûreté d’un réfugié iranien était en cause. D’autres témoignages confirment cette politique qui visent par des menaces de restrictions dans le droit de circuler ou le statut de résidents, à décourager les demandeurs d’asile de poursuivre leurs activités militantes.
La procédure pour obtenir le droit de résider au GRK est simple : si un réfugié entre au Kurdistan d’Irak, il doit se faire enregistrer d’abord au HCR qui lui délivre une attestation écrite de sa demande. Ensuite il doit se présenter à la police locale pour obtenir un permis de résidence de 10 jours. Puis il doit se rendre à la Direction des Résidents du GRL pour un entretien. S’il obtient une habilitation de sécurité, il aura alors un permis de résider renouvelable tous les 6 mois. S’il y a des problèmes pour obtenir cette habilitation, il reçoit un permis renouvelable tous les mois.
Pour obtenir cette accréditation des autorités, les Kurdes d’Irak demanderaient aux réfugiés des lettres de soutien ou des recommandations de la part de l’opposition iranienne en exil au Kurdistan, ou de partis politiques kurdes irakiens, comme le PDK ou l’UPK. Plusieurs militants répugnent à cette démarche, ne voulant pas être affiliés à un parti.
Sans ce « parrainage » il semble difficile aux réfugiés d’acquérir un permis de résident permanent ou bien il sera considéré comme un simple « travailleur migrant » et ne devra pas s’engager dans une activité politique. Un autre réfugié iranien s’est plaint que son permis de résidence n’ait pas été renouvelé après qu’il a manifesté plusieurs fois contre l’Iran et contre les autorités du GRK et qu’on l’a menacé d’expulsion.
Enfin les réfugiés font état de pressions exercées en Iran contre leur famille une fois que les services iraniens découvrent qu’ils sont au Kurdistan d’Irak. Certains ont même reçu des menaces par téléphone et beaucoup craignent que les services iraniens s’en prennent à eux directement en territoire irakien, mais HRW n’a pas été en mesure de vérifier si ces craintes sont fondées.
HRW a demandé au GRK de lever ces restrictions concernant les militants qui agiraient de façon politique et non violente. Il demande aussi de mettre fin à l’exigence de « garantie » et de « protection  de la part de partis kurdes iraniens en exil ou des partis politiques kurdes en Irak pour accorder aux réfugiés un permis de résidence ou le renouveler. HWR demande à que les restrictions de mouvements et de résidence soient du « cas par cas » et n’aient pour motif que la « santé publique » et la « sécurité nationale ».

Dans ses recommandations aux autres pays susceptible d’accueillir les demandeurs d’asile, à savoir l’UE, le Canada, l’Australie et les USA, il leur est fait savoir que certains réfugiés kurdes d’Iran ne sont pas en mesure de « s’intégrer localement dans le nord de l’Irak » et qu’il faudrait réenvisager leur installation.

Concernant la situation des réfugiés en Turquie, HRW indique que ce pays a refusé la venue, sur son sol, du Dr. Ahmed Shaheem, rapporteur des Nations Unies sur les droits de l’homme en Iran, afin qu’il puisse rencontrer ces demandeurs d’asile. HWR appelle Ankara à lever cette interdiction et à enregistrer et accueillir de façon satisfaisante les réfugiés iraniens.


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