Trois chevaux et le" yes" abîmé des yeux...


Ce qu'il y a de drôle avec les Kurdes c'est qu'ils ne vous lâchent jamais longtemps, on les retrouve toujours aux endroits les plus inattendus, et même dans des livres où, a priori, on ne s'attend pas à les rencontrer. Ainsi, chez Erri de Luca, qui pose l'énigme du mois dans ce beau passage des yeux qui deviennent des "yes abîmés" : Que signifiait au juste le geste du Kurde ?

Avant de prendre congé, je lui raconte une histoire : "Je suis sur un chantier, avec un manœuvre de mon âge, pas encore cinquante ans. C'est un Kurde, autrefois écrivain, il parle anglais. Sur les chantiers, on trouve des hommes intéressants, ballottés, de passage, des marins échoués pour toujours. Il est blessé à un œil.
"Comment est-ce arrivé ? Sa réponse est un geste de la main par dessus son épaule. Ce qui signifie chez nous que c'est du passé, en kurde je ne sais pas.
"À table, je lui demande s'il veut du café, il dit non, je lui en donne tout de même de mon thermos.
"Un jour, il sort une feuille écrite en anglais. La police d'un peuple que je ne veux pas nommer le jette en prison où il est roué de coups. Ses yeux s'abîment, l'un guérit, l'autre non.
"Yeux en anglais se dit 'eyes'. Une erreur de frappe sur le papier les transforme en 'yes'. Pour le coup il a les 'yes' abîmés. Et l'erreur est juste, tous ses oui sont détériorés, il est bien rare de lui en soutirer un, meurtri, en échange de la proposition d'un café ou d'un coup de main pour gâcher de la chaux.
"Les coups abîment les oui plus que les yeux. Il y a des erreurs qui contiennent une autre vérité."
Connaissant la vie d'Erri de Luca, c'est une anecdote certainement réelle. La question reste en suspens : le geste du Kurde voulait-il dire la même chose que pour l'Italien ? Ou y avait-il une autre signification ?

Autre énigme, presque une enquête à lancer : qui pouvait être cet écrivain kurde ?


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