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"Apo est au Karabakh"
En livrant le discours de guerre aux socio-démocrates et celui de la paix aux nationalistes, la Turquie créa, à cette époque, une situation paradoxale pour le moins compliquée à gérer ; elle se servait, en somme, des sentiments et de la logique comme de boucliers, dirigés l'un contre l'autre. Cette politique, initiée par Turgut Özal, fut certes poursuivie par les gouvernements de Demirel et de Çiller, mais il convient d'ajouter qu'en dépit de cette vigilance, des déclarations délibérées et imprudentes créèrent un grave sentiment d'insécurité en Arménie.
Ces déclarations, qui induisaient par avance de la tension dans des relations encore inexistantes entre la Turquie et l'Arménie, tournaient en général autour de deux sujets : le problème kurde et celui du Haut-Karabakh. Le fait que la Turquie s'attelait manifestement à mélanger les deux questions méritait la plus grande attention. C'est le Conseil de sécurité nationale (MGK) qui laissa entendre que les Arméniens se trouvaient derrière le problème et préconisa que l'on s'en serve comme manœuvre psychologique ; l'affirmation fut portée à son comble par la fameuse déclaration du président de la République Turgut Özal : "Si seulement deux bombes pouvaient tomber, par erreur, sur Erevan", avait-il dit, au détour d'un discours sur les soldats qui pourchassaient les militants du PKK. Ce sont ces mots qui ont créé, à juste titre, l'inquiétude en Arménie et qui l'ont amenée à confier la sécurité de ses frontières à l'armée russe. Oui, la Turquie avait brandi une fois de plus son image de grand méchant loup ; la peur ressentie n'était pas sans fondement.
Pendant ce temps, la politique qui consistait à impliquer l'Arménie dans le problème kurde se poursuivait obstinément. Les manchettes de la presse turque diffusaient la thèse selon laquelle le leader du PKK – Öcalan – qui avait gagné l'Italie après avoir été chassé de Syrie, aurait été, pour finir, transporté, par des pilotes arméniens, dans la région du Haut-Karabakh, en passant par Moscou. Sans prendre la peine de vérifier la teneur de ces informations, Ecevit fit aussitôt une déclaration qui entérinait la situation, la rendait officielle. Il mettait, notamment, l'Arménie en garde, sans la nommer. De leur côté, les professeurs "officiels" des universités turques apportaient leur soutien aux allégations d'Ecevit, évoquant la remise sur le tapis, du "Kurdistan rouge" créé en 1923 à Lachin, par Lénine. L'effort consistant à liter l'Arménie au problème kurde était mené, dans un climat de surenchère, tant par le gouvernement que par l'opposition. Ainsi, la présidente du parti DYP, Tansu Çiller, voulant montrer qu'elle en savait plus que tout le monde sur le sujet, était-elle montée au créneau en déclarant à la télé : "Apo" est au Karabakh. L'Arménie, qui ne se souciait que de son pain quotidien, avait beau répéter : "Ne nous mêlez pas à cette histoire, Apo n'est pas chez nous et nous n'avons aucune intention de nous immiscer dans cette affaire", rien ne freinait l'hystérie de la presse nationaliste qui laissait entendre ceci : "ah, si seulement – Apo étant au Karabakh – nous pouvions faire d'une pierre deux coups."
Hrant Dink, Deux peuples, proches, deux voisins lointains, I, "L'histoire récente d'une absence de relation"
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Bonjour Sandrine,
RépondreSupprimerPourrier vous m'expliquer qu'est-ce que le Kurdistan rouge? son histoire. Ou alors si c'est trop long, pourriez vous m'envoyer des références. Merci beaucoup.
Merci pour votre travail qui nous éclaire tel un phare planté au milieu de l'océan, recouvert d'un voile noir, permettant aux navigateurs d'avancer.
Thomas l'avait évoqué, dans son blog, une fois :
RépondreSupprimerhttp://istanbuldakitom.blogspot.com/2007/11/kurdistan-sor_30.html
Il y a peu de publications (autres qu'en russe ou en arménien) sur cette histoire assez brève du Kurdistan rouge. L'article de wikipedia en français en donne un bon aperçu cependant :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Kurdistan_rouge
C'est une des petites entités "autonomes" du Caucase mises au point par Lénine, dans sa politique des minorités. En 1929, Staline la supprime et appliquera, lui, une autre politique, qui est la déportation de ces Kurdes dans le Kazakhstan (lire les papiers du professeur Nadir Nadirov là dessus, mais je ne sais si beaucoup ont été traduits du russe).
"votre travail qui nous éclaire tel un phare planté au milieu de l'océan" Ah ben merde, et les économies d'énergie alors ??? :D
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