Les pratiques de sauvetage durant le génocide des Arméniens
"Selim agha, chef kurde d'un petit village de la province de Sassoun, acheta un officier turc pour pouvoir sauver plusieurs familles arméniennes du massacre. Selim agha prétendit que ces arméniens travaillaient pour lui. Quelques jours plus tard, il fut décapité pour assistance aux arméniens et sa tête fut envoyée dans la ville de Mouch en guise d'avertissement à l'adresse d'autres kurdes qui auraient pu envisager de donner asile à des familles et à des enfants arméniens.
Si l'on veut établir dans quelle mesure la population musulmane locale était prête à risquer sa sécurité et sa vie pour sauver ses voisins arméniens, il faut se rappeler que les arméniens et les grecs, minorités chrétiennes de l'Empire ottoman, faisaient l'objet de discriminations. Les responsables jeunes-turcs exploitèrent efficacement cette fracture religieuse pour poursuivre ses objectifs géopolitiques laïques et mener à bien son plan génocidaire minutieusement préparé. Ils étaient eux-mêmes athées et défendaient des idées "progressistes", ce qui ne les empêcha pas de faire appel aux différences religieuses pour justifier leurs agissements criminels contre les arméniens et dresser la population musulmane contre les victimes chrétiennes. Plusieurs centaines de récits et de témoignages de survivants montrent comment les arméniens, comparés à du bétail, étaient déshumanisés. La population et les tribus musulmanes locales les traitaient communément de gyavours (infidèles, non croyants).
Il n'est pas étonnant alors que peu de turcs et de kurdes locaux aient été prêts à sacrifier leur vie pour sauver celle d'un infidèle. Il n'en est pas moins nécessaire de recueillir, d'étayer à l'aide d'autres documents et de continuer à étudier les récits de sauveteurs musulmans altruistes qui ont agi avec courage et désintéressement. Ces Justes ont su garder leur indépendance d'esprit et agir conformément à leur valeurs personnelles malgré la propagande officielle et la justification collective des mauvais traitements et des massacres des arméniens."
"Les interviewés de la province de Sassoun, en Arménie historique, font fréquemment allusion à des kurdes qui cherchèrent à sauver des familles et des enfants arméniens. Selon Taron Khachatryan, une femme kurde promit à ses voisins arméniens de sauver leur fils de 7 ans de la déportation. Après le départ des arméniens de la ville, des kurdes et des turcs locaux se mirent à la recherche d'arméniens qui auraient pu rester cachés. Ils arrivèrent chez la kurde et réclamèrent le garçon : "Donne-nous ce garçon ; nos baïonnettes sont ensanglantées et chaudes." La femme répondit qu'elle aurait tué ce gyavour de ses propres mains si elle l'avait trouvé.En fait, elle l'abrita chez elle pendant près d'un an. Les récits de sauvetage kurde de ce genre sont courants dans les régions comme Sassoun, où les kurdes étaient plus nombreux que les turcs. Cette histoire offre également un exemple typique des récits de sauvetage, mettant en scène des femmes kurdes et turques qui, mues par leur instinct maternel, tentèrent de sauver des enfants arméniens."
Si l'on veut établir dans quelle mesure la population musulmane locale était prête à risquer sa sécurité et sa vie pour sauver ses voisins arméniens, il faut se rappeler que les arméniens et les grecs, minorités chrétiennes de l'Empire ottoman, faisaient l'objet de discriminations. Les responsables jeunes-turcs exploitèrent efficacement cette fracture religieuse pour poursuivre ses objectifs géopolitiques laïques et mener à bien son plan génocidaire minutieusement préparé. Ils étaient eux-mêmes athées et défendaient des idées "progressistes", ce qui ne les empêcha pas de faire appel aux différences religieuses pour justifier leurs agissements criminels contre les arméniens et dresser la population musulmane contre les victimes chrétiennes. Plusieurs centaines de récits et de témoignages de survivants montrent comment les arméniens, comparés à du bétail, étaient déshumanisés. La population et les tribus musulmanes locales les traitaient communément de gyavours (infidèles, non croyants).
Il n'est pas étonnant alors que peu de turcs et de kurdes locaux aient été prêts à sacrifier leur vie pour sauver celle d'un infidèle. Il n'en est pas moins nécessaire de recueillir, d'étayer à l'aide d'autres documents et de continuer à étudier les récits de sauveteurs musulmans altruistes qui ont agi avec courage et désintéressement. Ces Justes ont su garder leur indépendance d'esprit et agir conformément à leur valeurs personnelles malgré la propagande officielle et la justification collective des mauvais traitements et des massacres des arméniens."
"Les interviewés de la province de Sassoun, en Arménie historique, font fréquemment allusion à des kurdes qui cherchèrent à sauver des familles et des enfants arméniens. Selon Taron Khachatryan, une femme kurde promit à ses voisins arméniens de sauver leur fils de 7 ans de la déportation. Après le départ des arméniens de la ville, des kurdes et des turcs locaux se mirent à la recherche d'arméniens qui auraient pu rester cachés. Ils arrivèrent chez la kurde et réclamèrent le garçon : "Donne-nous ce garçon ; nos baïonnettes sont ensanglantées et chaudes." La femme répondit qu'elle aurait tué ce gyavour de ses propres mains si elle l'avait trouvé.En fait, elle l'abrita chez elle pendant près d'un an. Les récits de sauvetage kurde de ce genre sont courants dans les régions comme Sassoun, où les kurdes étaient plus nombreux que les turcs. Cette histoire offre également un exemple typique des récits de sauvetage, mettant en scène des femmes kurdes et turques qui, mues par leur instinct maternel, tentèrent de sauver des enfants arméniens."
Hasmik Tevosyan, "Les pratiques de sauvetage durant le génocide des arméniens" ; in La Résistance aux génocides. De la pluralité des actes de sauvetage ; dir. Jacques Sémelin, Claire Andrieu, Sarah Gensburger.
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