IRAN : LA REPRESSION CONTRE LES KURDES NE FAIBLIT PAS


Les pendaisons et les condamnations à mort de mineurs se poursuivent en Iran. Hamid Zarei a ainsi été exécuté à Sanandadj (Sine) pour un crime qu’il avait commis alors qu’ilétait âgé de 17 ans. Quant à Zeinab Djalalian, 27 ans, vivant à Maku, au Kurdistan d'Iran, elle a été condamnée à mort pour appartenance supposée à un parti politique. Selon la famille de Zeinab, les services de sécurité iraniens l'ont arrêtée à Kermanshan et transférée à la section de renseignements de l'Armée des gardiens de la Révolution, dans la même ville, il y a huit mois. Mise au secret, aucune information sur elle n'a été alors divulguée, ni aucune visite permise. Au cours d'un procès qui n'a duré que quelques minutes, la Cour révolutionnaire l'a accusée d'être une "ennemie de Dieu" (muharib), crime passible de la peine de mort, pour allégeance à un parti politique kurde (souvent le PJAk dans ces cas-là). L'accusée, qui a toujours nié les faits, a donc été condamnée à la peine capitale. Ces deux dernières années, 12 autres militants kurdes, accusés à tort ou à raison d'appartenance à des partis interdits, ont été condamnés à mort et attendent leur exécution. Par ailleurs, un autre activiste kurde, cette fois à Mahabad, est mort en détention, dans des conditions suspectes, quelques jours après son arrestation par les autorités. Hashim Ramazani, originaire d'un village de la région de Bokan, qui vivait à Mahabad, avait été arrêté pour des "raisons sécuritaires" et transféré dans un bureau des services secrets (Itlaat) d'Urmia. Quatre jours plus tard, sa famille a été convoquée par ce bureau afin qu'elle vienne reprendre le corps. Les autorités ont affirmé que Hashim s'était suicidé, mais ont refusé que le corps soit envoyé à Téhéran pour subir une autopsie. Ils ont aussi obligé sa famille à signer une promesse de garder le secret sur toute cette affaire. Même son enterrement s'est fait de nuit, en présence de policiers en civil, à Mahabad. Un autre militant kurde, Jebraïl Khosravi, a été condamné à 20 ans de prison par le tribunal de Sanandadj pour appartenance à un parti politique illégal, sans autre précision. Quant à Kamal Sharifi, militant politique et journaliste à Saqiz, il a été condamné à 30 ans de prison pour appartenance à une organisation kurde dissidente. Il animait aussi un site Internet qui couvrait l’actualité des Kurdes en Iran. Le 18 janvier, deux étudiants, Rahim Mohammadi et Mohamamd Sadeghi, ainsi qu’un autre jeune de 18 ans, ont été arrêté à Ravansar (province de Kermanshah) et leurs proches sont depuis sans nouvelles. On ignore ce qui leur est reproché. A Mahabad, un autre étudiant kurde, Amir Masbah Ghazi a été arrêté à la fin de l’année 2008 par les forces de sécurité et est toujours emprisonné au centre de détention des services secrets d’Ourmia. Etudiant à l’université privée de Mahabad, il est connu pour ses activités de militant social et d’intellectuel. Il est aussi membre de l’association littéraire de Mahabad, dont les activités ne concernent que la culture kurde et la littérature. Amir Masbah Ghazi avait déjà été arrêté et inquiété par les autorités iraniennes trois ans auparavant. Enfin, un étudiant de Hamadan a été condamné à 6 mois de prison par la Troisième Chambre du Tribunal révolutionnaire de la ville. Il était accusé d’avoir insulté le régime en place et d’avoir fondé plusieurs associations illégales.

Les exactions des autorités peuvent parfois concerner tout un village. Ainsi, les habitants du village azéri-kurde de Khorkhora, dans le district de Salmas, ont porté plainte collectivement contre l’Armée des gardiens de la Révolution (Pasdaran) pour tortures et actes de violence. Le 17 janvier, à huit heures du matin, des officiers du Pasdaran ont en effet attaqué le domicile de Sayyid Taher Mohamamdi, 38 ans, et l’ont arrêté après l’avoir sévèrement battu. Il a été emmené dans un lieu inconnu et depuis l’on est sans nouvelle de lui. La semaine précédente, 6 autres résidents du village, dont les âges s’échelonnent entre 47 et 24 ans, ont été arrêtés de la même façon. Toujours détenus par les Pasdaran, ils ne sont pas autorisés à recevoir des visites. Selon les habitants de Khorkhora, ce n’est pas la première fois qu’ils ont à subir les attaques de Pasdaran. En juin 2008, les Gardiens de la Révolution avaient mené un raid identique et arrêté les deux fils d’un conseiller municipal. Vali Hamidi a rapporté avoir été battu et torturé avant de pouvoir s’échapper et de se cacher dans le village. En représailles, les Pasdaran s’en sont pris à d’autres foyers dont ils ont menacés et frappés les habitants. Finalement, ils emmenèrent le père de Vali Hamidi avec son autre fils Amir. Vali Hamidi vit toujours dans la clandestinité. Malgré la plainte déposée par les villageois, les autorités ont refusé de réagir, en niant que les Pasdaran soient derrière ces actions.

Enfin le journal Rojhelat, qui paraissait toutes les deux semaines à Sanandadj, en kurde et en persan, a ainsi vu confirmer en appel son interdiction, prononcée en novembre 2008. Dirigé par Mohammad Ali Tofighi, le journal prônait des opinions réformatrices et une approche pacifiste de la question kurde dans le pays. Selon son directeur, « les officiels iraniens continuent de faire taire de force la presse, au lieu de privilégier le dialogue et la négociation et cette approche politique ne pourra amener rien d’autre que la propagation de la violence. » Un autre journaliste kurde, Mohammad Sadegh Kabodvand, qui purge actuellement une peine de 10 ans de prison, a été récompensé par Human Rights Watch du prix Hellman/Hammett, destiné aux écrivains emprisonnés pour leurs opinions, leur opposition aux régimes en place ou pour s’être exprimés sur des questions interdites. Un prix spécial « d’urgence » est aussi décerné aux auteurs qui ont été obligés de s’enfuir pour leur sûreté et nécessitent un traitement médical rapide, en raison des tortures ou violences qu’ils ont subis alors qu’ils sont en prison. C’est le cas de Mohammad Sadegh Kabovand, dont l’état de santé nécessite une prise médicale urgente, comme l’indique Sarah Leah Witson, du département Moyen-Orient et Afrique du nord de HRW. « Son expérience est le témoignage douloureux de la situation difficile que connaissent aujourd’hui les journalistes, les dissidents ou les opposants pacifiques de toutes sortes » M. Kaboudvand est un éminent défenseur des droits de l’homme en Iran, en plus d’être journaliste. Il a fondé en 2005 un mouvement pour défendre les droits des Kurdes dans son pays, l’Organisation pour les droits de l’homme au Kurdistan (HROK). Ce groupe comprend 200 reporters locaux dans toute la région du Kurdistan, qui se llivrent à des enquêtes et des témoignages quotidiens sur les événements quis ‘y déroulent. Ces articles et nouvelles étaient publiées dans le journal Payam-e Mardom (Message du Peuple) à présent interdit, dont M. Kaboudvand était le directeur et le rédacteur. Par le biais de ses activités militantes et journalistiques, Mohamamd Sadigh Kaboudvand a souhaité promouvoir un réseau qui, dans la société civile, aiderait la jeunsse kurde et les militants. Il est l’auteur de trois livres, Nimeh-ye Digar ou L’autre moitié, qui traite des droits des femmes, Barzakh-e Democrasy ou Le Combat pour la démocratie et Jonbesh-e Ejtemaii, Les Mouvements sociaux. Les services iraniens ont arrêté M. Kaboudvand le 1er juillet 2007 et ont perquisitionné son domicile. Il a été emmené à la prison 209 d’Evin, contrôlée par les services secrets et destinée aux prisonniers politiques. Sans qu’aucune accusation ait été portée officiellement contre lui, le journaliste est resté six mois en isolement. Il a été condamné en mai 2008 par le Tribunal révolutionnaire à 10 ans de prison pour « agissement contre la sécurité nationale en fondant l’Organisation des droits de l’homme du Kurdistan, et propagande contre le système en diffusant des informations, en s’opposant aux lois islamiques, notamment les lapidations et les exécutions publiques, et en s’exprimant au nom des prisonniers politiques. » En octobre 2008, la 54ème Chambre de la Cour d’appel de Téhéran a confirmé la sentence. Le 17 décembre dernier, M. Kabodvand a subi une attaque cardiaque, selon ses avocats. Il souffre également de tension artérielle, d’infection rénale et de problèmes à la prostate. Mais les autorités refusent de le faire sortir du centre de soins de sa prison afin qu’il soit vu par des spécialistes. Human Rights Watch appelle donc le gouvernement iranien à permettre au détenu de suivre un traitement médical approprié et de mettre fin à son isolement carcéral.

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