Femmes kurdes dans la guerre : Rafûl la noyée et la vieille de Mâsurra
"Il se trouvait, dans l'armée du Pont, un Kurde du nom d'Abû l-Jaych. Il avait une fille appelée Rafûl. Les Francs s'emparèrent d'elle et le père, obnubilé par sa disparition, dit un jour, à tous ceux qu'il rencontrait : "Rafûl est prisonnière !" Le lendemain matin, nous partîmes cheminer le long du fleuve. Nous aperçûmes alors, vers la rive, quelque chose de sombre. Nous dîmes à l'un de nos serviteurs d'aller à la nage voir ce que c'était. Il s'en approcha : cette chose sombre était Rafûl, vêtue de bleu. Elle s'était jetée du cheval de son ravisseur franc, et noyée. Ses habits s'étaient pris dans un saule. L'angoisse de son père s'apaisa."
Suicide ou évasion manquée ? Qui peut savoir ? Le père, bien sûr, préfère de toute façon cette issue au "déshonneur" ou à la captivité de sa fille.
Autre figure sans peur, anonyme cette fois, cette vieille femme en deuil apostrophant le cruel Al-Ghisyânî après la prise de la forteresse de Mâsurra, tenue par l'émir Qafjâq, dans le Kûhistan (actuellement dans l'Azerbaïdjan iranien, au sud d'Urmiah) :
"L'intendant convoqua devant çalah' ad-Dîn les femmes et les enfants, chrétiens et juifs. Une vieille femme, une Kurde, se présenta et demanda à l'intendant : "As-tu vu mon fils, un tel ? - Une flèche l'a frappé, dit-il ; il est mort. - Et mon fils, un tel ? - L'émir l'a fait trancher par le milieu." Elle poussa des cris et se découvrit la tête : ses cheveux ressemblaient à du coton cardé. "Tiens-toi tranquille, dit l'intendant ; l'émir est là ! - Et que peut encore me faire l'émir ? répliqua-t-elle. J'avais deux fils, et il les a tués !" On la mit dehors."
Des Enseignements de la vie. Souvenirs d'un gentilhomme syrien du temps des Croisades, Usâma Ibn Munqidh, trad. André Miquel.
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