La truite, le kurucu et le jandarma
L'incursion turque dans les montagnes kurdes du sud était assez prévisible depuis que Massoud Barzanî l'avait annoncée et tolérée par avance; de façon aussi prévisible, elle n'a servi à rien si ce n'est à la Turquie de ne pas trop perdre la face. Le PKK après avoir nié toute incursion, annonce qu'elle a fait 0 victimes, ce qui, pour le coup, est bien possible.
La nouvelle la plus drôle de la fin novembre reste quand même l'utilisation du fameux et, depuis l'assassinat de Hrant Dink, sanglant article 301, cette fois-ci pour défendre autant l'honneur de la Turquie que celui des Gardiens de village, on ne sait plus trop bien.
En effet, parce que des journalistes de l'agence Dicle ont osé révéler que les Gardiens de village, ces milices kurdes, armées et enrôlée par la Turquie bon gré mal gré pour combattre le PKK, utilisaient - ô scandale !- les bombinettes fournies par le gouvernement pour taquiner le goujon au lieu de réserver leur utilisation à la défense de la République, Rojda Kizgin de l'agence Dicle, Ridvan Kizgin, ancien président de la branche IHD de Bingöl (on voit déjà le CV louche) et Dogan Adibelli, qui semble être à l'origine de l'affaire, doivent comparaître devant la Cour criminelle de première instance de Bingöl, en vertu de l'article 301-2, pour "dénigrement de la République turque, de l'armée et des forces de police." Ils risquent entre 6 mois à 2 ans de prison. (source bianet.org)
Le "délit" remonte quand même à janvier 2005, quand Dogan Adibelli, un villageois, est venu se plaindre à l'IHD de Bingöl, plainte rapportée par Rojda Kizgin, sur la dangerosité des armes laissées entre les mains des kurucu kurdes, lesquels s'en servaient sans discernement pour leur propre usage, notamment la pêche. Oui, il faut savoir que la "pêche à la dynamite" est une spécialité kurde, et que, bon, si en plus l'Etat leur fournit des armes de choc, il n'y a pas de quoi se gêner. En août dernier, un avion suédois qui volait au dessus de Suleymanieh a cru voir une rocket le frôler, ce qui a eu pour effet d'interrompre les liaisons aériennes avec la Suède. Une des premières excuses avancées étaient que c'était peut-être des chasseurs qui s'amusaient à tirer à la rocket dans les montagnes. Et le pire est que cette version est peut-être la bonne. Les mesures de non-prolifération nucléaires ont du bon, imaginons l'arme atomique dans les mains d'un Tartarin kurde...
Mais au sujet de l'institution des Gardiens de village, ces milices armées par l'Etat et chargées de tuer d'autres Kurdes, soit tous ceux soupçonnés de collusion avec le PKK, en plus des membres actifs réels de la guerilla, il y a quelque chose d'assez sidérant dans l'absence d'esprit critique, tant de la part de la presse turque (mais ça, on a l'habitude) que dans le reste des dépêches étrangères qui ont rapporté l'affaire de l'assassinat des miliciens de Beytussebab, par ailleurs démenti par le PKK. Présenté comme un massacre de civils, ce qui est le cas d'une certaine façon, puisque ce sont des milices villageoises, je n'ai lu nulle part que le premier responsable de telles exactions entre Kurdes (la liste en est longue depuis les années 90) est un gouvernement qui arme des citoyens contre d'autres, avec ordre de faire l'ordre eux-mêmes. Imaginons qu'aux prochaines émeutes de banlieue, l'Intérieur distribue un armement paramilitaire à des habitants excédés de voir brûler leurs boutiques et leur voitures... D'autant que cet enrôlement, s'il est, pour une partie, le fait d'une alliance tribale de certains aghas kurdes avec l'Etat, n'est pas toujours vécu dans la joie. Combien de fois ai-je entendu que certains étaient partis pour la montagne afin de n'avoir pas à servir comme miliciens ? Certains villages ont aussi accepté pour éviter la destruction et la déportation. Quant aux paysans récalcitrants, les méthodes d'intimidation des forces de sécurité (ces mêmes forces qu'il ne faut pas dénigrer dans l'article 301-2) leur laissaient peu de choix, entre l'assassinat, la torture et l'émigration forcée. J'avais même entendu que des villageois avaient été envoyé dans des zones minées servir de détecteurs humains avant le passage des soldats. Vraie ou fausse, cette anecdote en dit long, de toute façon, sur le fondement de ce qu'est cette milice kurde : un moyen comme un autre de faire tuer les Kurdes par des Kurdes, vieille tactique éprouvée depuis le début de la Question kurde, dans quelque partie que ce soit.
C'est pourquoi affirmer qu'une partie de l'armement des Gardiens sert contre les truites (kurdes, certes) plutôt que contre leurs compatriotes est effectivement scandaleux ; après tout, leur arsenal n'est censé servir que contre d'autres Kurdes.
La nouvelle la plus drôle de la fin novembre reste quand même l'utilisation du fameux et, depuis l'assassinat de Hrant Dink, sanglant article 301, cette fois-ci pour défendre autant l'honneur de la Turquie que celui des Gardiens de village, on ne sait plus trop bien.
En effet, parce que des journalistes de l'agence Dicle ont osé révéler que les Gardiens de village, ces milices kurdes, armées et enrôlée par la Turquie bon gré mal gré pour combattre le PKK, utilisaient - ô scandale !- les bombinettes fournies par le gouvernement pour taquiner le goujon au lieu de réserver leur utilisation à la défense de la République, Rojda Kizgin de l'agence Dicle, Ridvan Kizgin, ancien président de la branche IHD de Bingöl (on voit déjà le CV louche) et Dogan Adibelli, qui semble être à l'origine de l'affaire, doivent comparaître devant la Cour criminelle de première instance de Bingöl, en vertu de l'article 301-2, pour "dénigrement de la République turque, de l'armée et des forces de police." Ils risquent entre 6 mois à 2 ans de prison. (source bianet.org)
Le "délit" remonte quand même à janvier 2005, quand Dogan Adibelli, un villageois, est venu se plaindre à l'IHD de Bingöl, plainte rapportée par Rojda Kizgin, sur la dangerosité des armes laissées entre les mains des kurucu kurdes, lesquels s'en servaient sans discernement pour leur propre usage, notamment la pêche. Oui, il faut savoir que la "pêche à la dynamite" est une spécialité kurde, et que, bon, si en plus l'Etat leur fournit des armes de choc, il n'y a pas de quoi se gêner. En août dernier, un avion suédois qui volait au dessus de Suleymanieh a cru voir une rocket le frôler, ce qui a eu pour effet d'interrompre les liaisons aériennes avec la Suède. Une des premières excuses avancées étaient que c'était peut-être des chasseurs qui s'amusaient à tirer à la rocket dans les montagnes. Et le pire est que cette version est peut-être la bonne. Les mesures de non-prolifération nucléaires ont du bon, imaginons l'arme atomique dans les mains d'un Tartarin kurde...
Mais au sujet de l'institution des Gardiens de village, ces milices armées par l'Etat et chargées de tuer d'autres Kurdes, soit tous ceux soupçonnés de collusion avec le PKK, en plus des membres actifs réels de la guerilla, il y a quelque chose d'assez sidérant dans l'absence d'esprit critique, tant de la part de la presse turque (mais ça, on a l'habitude) que dans le reste des dépêches étrangères qui ont rapporté l'affaire de l'assassinat des miliciens de Beytussebab, par ailleurs démenti par le PKK. Présenté comme un massacre de civils, ce qui est le cas d'une certaine façon, puisque ce sont des milices villageoises, je n'ai lu nulle part que le premier responsable de telles exactions entre Kurdes (la liste en est longue depuis les années 90) est un gouvernement qui arme des citoyens contre d'autres, avec ordre de faire l'ordre eux-mêmes. Imaginons qu'aux prochaines émeutes de banlieue, l'Intérieur distribue un armement paramilitaire à des habitants excédés de voir brûler leurs boutiques et leur voitures... D'autant que cet enrôlement, s'il est, pour une partie, le fait d'une alliance tribale de certains aghas kurdes avec l'Etat, n'est pas toujours vécu dans la joie. Combien de fois ai-je entendu que certains étaient partis pour la montagne afin de n'avoir pas à servir comme miliciens ? Certains villages ont aussi accepté pour éviter la destruction et la déportation. Quant aux paysans récalcitrants, les méthodes d'intimidation des forces de sécurité (ces mêmes forces qu'il ne faut pas dénigrer dans l'article 301-2) leur laissaient peu de choix, entre l'assassinat, la torture et l'émigration forcée. J'avais même entendu que des villageois avaient été envoyé dans des zones minées servir de détecteurs humains avant le passage des soldats. Vraie ou fausse, cette anecdote en dit long, de toute façon, sur le fondement de ce qu'est cette milice kurde : un moyen comme un autre de faire tuer les Kurdes par des Kurdes, vieille tactique éprouvée depuis le début de la Question kurde, dans quelque partie que ce soit.
C'est pourquoi affirmer qu'une partie de l'armement des Gardiens sert contre les truites (kurdes, certes) plutôt que contre leurs compatriotes est effectivement scandaleux ; après tout, leur arsenal n'est censé servir que contre d'autres Kurdes.
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