Hewler-Salahaddin
au bazar de Hewler toujours les sourires ils doivent se demander ce qu on trouve en France vu qu ici on photographie meme les fromages comme si on en avait pas chez nous.
Dîner au bureau d’Ahmet Zeki. Lui, avec les années, il ne change pas, toujours marrant et adorable ? Comment juger à l’aune commune ce fou magnifique ? Avec la vie qu’il a eu, garder cette énergie et ce rire secret, sous ses bougonneries et ses indignations foudroyantes. Et cet enthousiasme pour les écrivains, la pensée, les philosophes, son rêve de tout traduire en kurde… Attablés sur la terrasse, bière en main, dans l’air doux du soir, dans Hewlêr paisible, on s’est remémoré nos souvenirs.
- Depuis quand on se connaît, demande Ahmet, 2000 ?
- Tsss… 1999. Mars 1999.
Il hoche la tête épaté par la précision et avec Roxane on affine.
- On peut trouver le jour. Attends, le 19 mars on est arrivé à Van. Le 20 on s’est fait expulser, le 21 on était au Newroz avorté d’Istanbul.
- Le 23. C’était le 23 mars.
- A quelle heure ?
- A 15 heures. Le matin on était au HADEP. On a vu Ahmet le 23 mars 1999 à 15 heures.
Et voilà, je me tourne vers lui et lui annonce triomphalement la date.
- 23 mars 1999 à 15 heures on te voyait pour la prmeière fois. A 18 heures on était au resto, à 21 heures on était torchés.
Il est étonné mais se souvient.
Et nous donc… Mars 1999 Newroz agité dans la boue la pluie et la neige à Van. Ocalan venait juste d’être arrêté on a même vu des chars à Istanbul, sur Istiklal caddesi. Et nous avec une délégation d’avocats qui passons à son bureau. A l’époque, c’était le premier avocat d’Öcalan, que ce dernier avait désigné, bien qu’Ahmet figurât sur la liste noire du PKK. Ahmet qui par patriotisme accepte, espérant faire ainsi tout le procès de la Turquie dans la question kurde. Du coup, il était devenu l’homme le plus hai en Turquie après Öcalan, agressé, ses enfnats obligé de cacher leur parenté. Quand il entrait dans ses restaurants habituels de Beyoglu les serveurs tremblaient. Et au milieu d’une énième délégation inutile et ennuyeuse d’avocats qui ne tarderaient d’ailleurs pas à se faire chier avec nous, il nous remarque on se remarque, clin d’œil. Les avocats toujours pompeux, invite cérémonieusement Ahmet Zeki au restaurant. Ahmet refuse d’abord, alléguant beaucoup de travail et un emploi du temps débordé, ce qui était vrai. Puis, à la réflexion, l’interprète revient vers nous : « il demande si vous viendriez aussi ? » « Euh, oui. » « Ah bon, alors d’accord, il accepte. » La tronche des autres… A table tous les Kurdes ont manœuvré pour qu’on soit ensemble, au bout, à côté d’Ahmet quoi. On est resté 4 ou 5 heures à table. Ça, Ahmet s’en souvient, et je me souviens de l’ennui irrité des avocats à côté, qui commençait à trouver le temps long, surtout que l’une était venu avec le guide Gallimard d’Istanbul sous le bras, avec surtout dans l’idée de visiter la Mosquée Bleue et le Grand Bazar, plus que TOHAV et l’IHD. Et nous voilà dans un restaurant de Beyoglu à trinquer longuement et de nombreuses fois avec Ahmet Zeki à voix haute : « Bijî Kurdistan ! » Je dis que comme c’est grâce à lui qu’on s’est connu, Öcalan aura fait au moins une chose de bien dans sa vie, ce qui fait rire Ahmet.
Par la suite, quand il a claqué la porte de l’équipe d’avocats, écoeuré par la défense piteuse et lâche d’Öcalan, il a été beaucoup moins embêté par les délégations, il faut dire, tandis que le PKK se déchainait contre lui. Nous on s’en fichait, dès juillet on retournait le voir à DOZ, sa maison d’édition, dans une ruelle d’Istiklal, un endroit terrible, un grand appart Art Déco, comme il y a là bas, plein de poussière, de livres, de revues qu’il nous donnait par kilos (pratique pour rentrer en avion), avec plein d’écrivains ou d’intello qui discutaient gravement pendant des heures de chaque tournure kurde et d’étymologie. Arrivant avec mon kurde du Bohtan, je fournissais matière à réflexion, correction, suggestion. Je me souviens d’un après-midi où pour refuser un thé j’avais dit « Bes e », et Ahmet qui ne connaissait que le sens de « seulement » et non « assez » avait questionné là-dessus, et un autre de répondre que effectivement du côté de Mardin on disait aussi… bref pendant une heure ils avaient débattu là-dessus et j’avais finalement eu le temps de reboire trois thés malgré mon « bes e ». Je me souviens aussi qu’Ahmet avait juste laissé tomber le barreau, ravi de se consacrer enfin à ce qu’il aime vraiment, l’édition, et en plus à l’époque il avait lui-même tellement de procès sur le dos, qu’à ses rendez-vous au tribunal, il lui arrivait de ne plus se souvenir s’il était là en tant qu’avocat ou en tant qu’accusé.
Quand il est arrivé ici, le PKK et ses hyènes ont d’ailleurs eu des velléités de montrer les dents, heureusement Hewlêr n’est pas Istanbul ni même l’Allemagne et c’est fantastique de se retrouver maintenant, tous les trois, sur sa terrasse, à siroter une bière en souriant de nos souvenirs, après toutes ces années, parfois de distance, de silence ou de rares nouvelles. Les vrais amis ne se quittent jamais.
PHOTOS SANDRINE ALEXIE NON LIBRES DE DROIT
Au moins quand il y avait Ocalan les européens fermaient singulièrement leurs clapés d'hypocrite, et se foutés moins de notre gueule.
RépondreSupprimerT’exagères un peu avec ton humour sur Ocalan, mais on te pardonne pour ton attrait pour l’aventure kurde…
Un ami kurde, ;-)
C est a dire qu avant l arrestation d Ocalan les brillantes elucubration du Soleil de l Humanite passaient inapercues dans la presse etrangere. Maintenant qu il discourt de son ile a l adresse du monde entier tout le monde peut rigoler...
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RépondreSupprimerBen tu vois qu'il t'a apporté quelque chose de bien ocalan :)
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