Les Balus du Kerman


A Ride to India Across Persia & Baluchistan" by Harry De Windt (1891)


"Les monts des Qufs sont longés au sud par la mer et finissent au nord dans les alentours de Djiruft, Rudhbar et Quhistan d'Abu Ghanim ; à l'est ce sont Akhwash et le désert qui sépare les Qufs du Mekran ; à l'ouest ce sont les Balus, aux alentours de Manudjan et d'Hormuz. Ces derniers sont répartis en sept groupes, chacun d'eux dirigés par un chef. Les Balus sont de la race des Kurdes et constituent une de leurs tribus. Ils comptent, au témoignage de leurs propres déclarations, environ dix mille hommes, a nimé d'un esprit indépendant et résolu : l'Etat leur imposait un tribut pour les neutraliser ; néanmoins ils se livraient au brigandage sur les routes et représentaient une menace permanente pour les moyens de communication dans l'ensemble du Kerman, les steppes du Séïstan et la frontière du Fars. Le prince réussit à annihiler leur puissance et à briser leur cohésion, en saccageant leurs demeures, en détruisant leurs campements et en dispersant ces Balus. Puis il les mobilisa à son service et les répartit en diverses parties de son territoire et de sa principauté. Ce sont des piétons, qui ne possèdent pas de bêtes de somme. La plupart d'entre eux sont maigres, de teint brun, mais d'une constitution physique parfaite. Ils se prétendent de descendance arabe. Ils s'étaient voués à la propagande en faveur du seigneur du Maghreb dans l'ensemble de la province du Khorassan. Un groupe, se basant sur des traditions ayant cours parmi eux, prétend que des richesses ont été rassemblées dans leurs pays, ainsi que de précieux trésors, et assure qu'ils sont destinés à l'Imam et au Maître de l'Epoque.
Les Balus forment une peuplade résidant sur les pentes du mont des Qufs. Ces derniers, qui n'ont peur de personne, craignent les Balus. Ces Balus sont des pasteurs, vivant sous des tentes de poil comme les nomades : ce sont des gens pacifiques, qui ne font de mal à personne et qui, loin de nuire aux voyageurs, leur viennent en aide. C'est grâce à leur appoint que le prince put venir à bout des Qufs."

Ibn Hawqal, Configuration de la Terre, t. II, Le Kerman, trad. Kramers & Wiet.

Ces Balus, plus communément aujourd'hui appelé Baloutches, sont donc mentionnés comme étant sans doute de "race kurde" selon Ibn Hawqal. Or selon quelques travaux (P. Tedesco), le baloutche de provient ni du persan moderne ni du moyen-persan, et "cette langue peut avoir été une variété de parler mède, puisque les dialectes kurdes, qui ont de notables affinités avec le baloutche, remonteraient, selon l'opinion de Minorsky, au mède ancien."(EI, Balûcîstan). Bien sûr, ces nomades s'inventaient des généalogies arabes comme nos hoberaux roturiers de l'Ancien Empire s'affublaient de particules... Aujourd'hui le Kurdistan et le Baloutchistan sont les deux provinces les plus rebelles de l'Iran. Par contre les Baloutches présentés comme chiites pro-fatimides (le Seigneur du Maghreb) sont aujourd'hui sunnites, comme les Kurdes d'Iran, ce qui est une cause de leur indocilité. Chiites sous les Abbassides, sunnites sous la république des Mullahs, comme on le voit, il y a des peuples de tradition contrariants.

Que le kurde soit ou non issu du mède ancien, et donc que l'on suive ou non la théorie de Vladimir Minorsky, la ressemblance observée entre le baloutche et le kurde semble donc corroborer Ibn Hawqal quand il les apparente aux Kurdes. Pour ma part n'étant pas linguiste, j'ignore sur quoi se fonde ce lien. Un tableau comparatif du vocabulaire baloutche avec toutes les autres langues iraniennes est visible ici, sachant que le vocabulaire ne suffit pas à fonde une parenté ou non, la structure et la syntaxe de la langue étant plus importante. En tous cas, le baloutche, comme le kurde et tant d'autres, appartient au groupe iranien du Nord-Ouest.

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