Jours tranquilles à Shêxan
Il y a quelques jours une attaque des Kurdes sunnites contre Kurdes yézidis a défrayé les chroniques du Kurdistan.
Tout a commencé au village de Shêxan, au nord de Mossoul, quand une Kurde sunnite, après une engueulade familiale, s'est tirée en voiture avec deux Yézidis. En fait, voulant échapper semble-t-il à un mariage forcé, elle a eu l'imprudence de faire du stop et les deux Yézidis la mauvaise idée d'accepter de la conduire à Duhok. La famille a hurlé au rapt, zigouillé la fille et s'est mis en chasse des deux Yézidis, qui se sont carapatés vite fait. Les Sunnis se sont alors rabattus sur ce qui leur tombait sous la main et ont brûlé plusieurs maisons yézidies et quelques voitures. Un groupe armé a même cerné la demeure du prince Tahsin Sayid Beg, le chef spirituel de la communauté yézidie. Ils ont tiré, mais mal semble-t-il, puisque heureusement personne n'est mort et que le prince s'en tire avec quelques impact de balles sur ses murs.
Alerté, le Gouvernement kurde a envoyé dare-dare des soldats pour rétablir le calme et convoquer les chefs spirituels et tribaux des belligérants afin qu'ils fassent la paix. Il faut d'ailleurs mettre au crédit des différents chefs qu'ils ont tout fait pour arrêter les conneries des uns et des autres. Tahsin Sayyig beg, le chef yézidi, a ordonné à ses disciples de ne pas chercher à se venger et leur a interdit de tirer sur qui que ce soit et de rester sagement chez eux. Avec un certain sens de la dramatisation, il répète à la ronde que sans cet ordre, "200 à 300 personnes auraient été tuées." Lundi, le Yézidi a reçu chez lui (dans sa maison dont la déco a été refaite par les balles sunnites) Gelan Mizuri, le chef du clan sunnite des Mizuri, dont certains des membres ont participé à l'attaque, ce que Gelan reconnaît volontiers, mais se défendant d'une attaque préméditée. Il a appelé pareillement au calme, et assure que la bagarre est finie, ajoutant dans le plus pur style kurde "c'est pas ma faute, c'est les autres", qu'il fallait imputer tout ça au rôle néfaste que des groupes extrémistes sunnites, arabes ou kurdes, jouent pour attiser les querelles inter-religieuses ou ethniques dans la région. En gros, c'est pas à cause de notre manie des crimes d'honneur que ça chauffe, mais c'est juste les voisins d'en bas (Mossoul) qui ont une mauvaise influence sur nous. Le prince Tahsin renchérit habilement là-dessus, en accusant des mullahs de Mossoul et du Kurdistan d'encourager la chasse aux Yézidis.
Les réactions kurdes à l'événement ont été prévisibles : la diaspora a hurlé (comme toujours) sur la supposée lenteur du Gouvernement kurde à intervenir, a demandé à ce que la plus "vieille religion du monde" *soupir* soit protégée du fanatisme musulman, etc. Au sein du GRK, un Yézidi, Mamo Osman, a déclaré que l'attaque contre le prince était une attaque contre les 500.000 Yézidis, et qu'il avait bon espoir que cet incident serve de déclencheur à un durcissement de la loi contre ce genre d'agissements.
A part ça, il ne faut pas croire que les crimes d'honneur sont une spécialité sunnite, car ils existent tout autant chez les Yézidis, dont les alliances sont encore plus compliquées du fait que non seulement ils ne peuvent se marier avec des membres des autres religions, mais qu'ayant un système de castes, certains castes ont interdiction de se marier aussi entre elles. Il y a eu ainsi, ces dernières années, des cas de crimes d'honneur yézidis, à cause de fugue de jeunes gens apaprtenant à des castes incompatibles mais désireux de se marier. On peut donc supposer que le cas inverse aurait pu se produire.
Hier, devant les télévisions kurdes, Massoud Barzanî lui-même a reçu les dignitaires yézidis, en présence de certains cadres du PDK, afin de remercier les Sheikhs, en son nom et celui de Talabanî, de leur attitude durant le début d'émeute et a réitéré avec force au nom des deux présidents la liberté de croyances et d'opinions. Pour ma part, j'aime beaucoup l'air pédagogique et patient avec lequel Massoud sermonne les uns et les autres. Les sheikhs et prince yézidis ont remercié les deux présidents, le Premier Ministre kurde et tout est rentré dans l'ordre, les chefs se sont réconciliés, le corps assassiné et mutilé de la fille est censé avoir lavé l'honneur de la famille. Quant aux deux Yézidis fautifs, je suppose qu'ils hésiteront la prochaine fois à prendre des auto-stoppeuses.
Tout a commencé au village de Shêxan, au nord de Mossoul, quand une Kurde sunnite, après une engueulade familiale, s'est tirée en voiture avec deux Yézidis. En fait, voulant échapper semble-t-il à un mariage forcé, elle a eu l'imprudence de faire du stop et les deux Yézidis la mauvaise idée d'accepter de la conduire à Duhok. La famille a hurlé au rapt, zigouillé la fille et s'est mis en chasse des deux Yézidis, qui se sont carapatés vite fait. Les Sunnis se sont alors rabattus sur ce qui leur tombait sous la main et ont brûlé plusieurs maisons yézidies et quelques voitures. Un groupe armé a même cerné la demeure du prince Tahsin Sayid Beg, le chef spirituel de la communauté yézidie. Ils ont tiré, mais mal semble-t-il, puisque heureusement personne n'est mort et que le prince s'en tire avec quelques impact de balles sur ses murs.
Alerté, le Gouvernement kurde a envoyé dare-dare des soldats pour rétablir le calme et convoquer les chefs spirituels et tribaux des belligérants afin qu'ils fassent la paix. Il faut d'ailleurs mettre au crédit des différents chefs qu'ils ont tout fait pour arrêter les conneries des uns et des autres. Tahsin Sayyig beg, le chef yézidi, a ordonné à ses disciples de ne pas chercher à se venger et leur a interdit de tirer sur qui que ce soit et de rester sagement chez eux. Avec un certain sens de la dramatisation, il répète à la ronde que sans cet ordre, "200 à 300 personnes auraient été tuées." Lundi, le Yézidi a reçu chez lui (dans sa maison dont la déco a été refaite par les balles sunnites) Gelan Mizuri, le chef du clan sunnite des Mizuri, dont certains des membres ont participé à l'attaque, ce que Gelan reconnaît volontiers, mais se défendant d'une attaque préméditée. Il a appelé pareillement au calme, et assure que la bagarre est finie, ajoutant dans le plus pur style kurde "c'est pas ma faute, c'est les autres", qu'il fallait imputer tout ça au rôle néfaste que des groupes extrémistes sunnites, arabes ou kurdes, jouent pour attiser les querelles inter-religieuses ou ethniques dans la région. En gros, c'est pas à cause de notre manie des crimes d'honneur que ça chauffe, mais c'est juste les voisins d'en bas (Mossoul) qui ont une mauvaise influence sur nous. Le prince Tahsin renchérit habilement là-dessus, en accusant des mullahs de Mossoul et du Kurdistan d'encourager la chasse aux Yézidis.
Les réactions kurdes à l'événement ont été prévisibles : la diaspora a hurlé (comme toujours) sur la supposée lenteur du Gouvernement kurde à intervenir, a demandé à ce que la plus "vieille religion du monde" *soupir* soit protégée du fanatisme musulman, etc. Au sein du GRK, un Yézidi, Mamo Osman, a déclaré que l'attaque contre le prince était une attaque contre les 500.000 Yézidis, et qu'il avait bon espoir que cet incident serve de déclencheur à un durcissement de la loi contre ce genre d'agissements.
A part ça, il ne faut pas croire que les crimes d'honneur sont une spécialité sunnite, car ils existent tout autant chez les Yézidis, dont les alliances sont encore plus compliquées du fait que non seulement ils ne peuvent se marier avec des membres des autres religions, mais qu'ayant un système de castes, certains castes ont interdiction de se marier aussi entre elles. Il y a eu ainsi, ces dernières années, des cas de crimes d'honneur yézidis, à cause de fugue de jeunes gens apaprtenant à des castes incompatibles mais désireux de se marier. On peut donc supposer que le cas inverse aurait pu se produire.
Hier, devant les télévisions kurdes, Massoud Barzanî lui-même a reçu les dignitaires yézidis, en présence de certains cadres du PDK, afin de remercier les Sheikhs, en son nom et celui de Talabanî, de leur attitude durant le début d'émeute et a réitéré avec force au nom des deux présidents la liberté de croyances et d'opinions. Pour ma part, j'aime beaucoup l'air pédagogique et patient avec lequel Massoud sermonne les uns et les autres. Les sheikhs et prince yézidis ont remercié les deux présidents, le Premier Ministre kurde et tout est rentré dans l'ordre, les chefs se sont réconciliés, le corps assassiné et mutilé de la fille est censé avoir lavé l'honneur de la famille. Quant aux deux Yézidis fautifs, je suppose qu'ils hésiteront la prochaine fois à prendre des auto-stoppeuses.
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