Négationnisme et sanction
"La conséquence de l'annulation de la conférence à l'université de Bogaziçi sur la Question arménienne fait que la Turquie ressemble maintenant à la France, la Suisse et l'Arménie par son attitude intolérante dans les débats. Si vous vous rendez dans ces pays et dites "Il n'y a pas eu génocide", vous recevez une volée de bois vert ou bien devez faire face à de sérieuses poursuites. Il est devenu clair maintenant que certaines questions ne peuvent être débattues en Turquie."
La façon subtile avec laquelle Mehmet Ali Birand renvoie dos à dos une intolérance commune qui sanctionnerait tout débat contradictoire, "la Turquie menace ses opposants de poursuite et vous, de votre côté, faites taire et intimidez les vôtres" pose une fois de plus la question de savoir si une loi interdisant les négations de génocide est une bonne idée. L'interdiction de propagation d'une idée lui donne toujours un poids qu'elle n'aurait pas eu sans cela et fournit à ses zélotes l'argument, quasi-automatique dans ces cas-là, de la théorie du complot : "la preuve que nous avons raison, c'est que l'on veut nous faire taire, or il n'y a que la vérité qui dérange." Est-ce efficace ? Pas vraiment, il est difficile d'imaginer que la simple mention "la loi vous interdit de le croire" puisse convaincre celui qui y croit. S'il s'agit d'interdire que de telles thèses polluent les écoles et les universités, le simple bon sens historique peut démolir ce genre de travaux. Après tout, aucune loi interdit d'affirmer que Napoléon n'a jamais existé ou que la terre est plate, et ce n'est pas pour autant que les universités sont encombrées de ces docteurs ès fantasiae.
L'argument des pro-loi Gayssot ou équivalent est que "la négation d’un génocide n’est pas une opinion mais la continuation du crime de génocide" (voir plus bas dans l'appel au Sénat belge). Ce qui est vrai, la négation d'un génocide est effectivement une partie du processus subtil d'anéantissement d'un groupe, dans une graduation qui va de "ce groupe doit être éliminé" à "nous ne l'avons pas éliminé" jusqu'à "la preuve que nous ne l'avons pas éliminé, c'est que ce groupe n'a jamais existé." La tactique de la négation du crime par la mise en cause de l'existence de la victime, quoi. Donc il est certainement louable de vouloir protéger la parole ou la mémoire des victimes, mais je me demande si cet excès de zèle ne leur est finalement pas préjudiciable, car rien ne décrédibilise plus une parole qu'être forcé de l'approuver par avance, sans doute possible, sans remise en question. C'est faire de l'Histoire, ou du témoignage, un dogme qu'on ne saurait remettre en cause sous peine de blasphème. Or on n'écoute pas les dogmes, on n'y réfléchit pas, on les avale ou on fait semblant, on les pose dans un coin et on n'y touche plus. Pas sûre que c'est vraiment cela qu'attend une victime d'actes génocidaires.
Le génocide arménien n'a pas été reconnu par l'ONU. C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer (mais l'ONU bon, on sait ce que ça vaut), après un jugement semblable à celui qui fut fait par le Tribunal permanent des peuples, ou bien, mieux encore, que la Cour International de La Haye s'en charge, les historiens y venant comme témoins, à charge ou à décharge, et les juristes tranchant sur la nature du crime. Un jugement rendu par une instance internationale, au dessus des Etats-nations aurait tout de même plus de poids que ces gains au coup par coup, dans un pays ou un autre, qui fait que certains débats peuvent avoir lieu ici et là-bas non, de sorte que les deux partis peuvent s'envoyer dans le nez leurs anathèmes mutuels.
La façon subtile avec laquelle Mehmet Ali Birand renvoie dos à dos une intolérance commune qui sanctionnerait tout débat contradictoire, "la Turquie menace ses opposants de poursuite et vous, de votre côté, faites taire et intimidez les vôtres" pose une fois de plus la question de savoir si une loi interdisant les négations de génocide est une bonne idée. L'interdiction de propagation d'une idée lui donne toujours un poids qu'elle n'aurait pas eu sans cela et fournit à ses zélotes l'argument, quasi-automatique dans ces cas-là, de la théorie du complot : "la preuve que nous avons raison, c'est que l'on veut nous faire taire, or il n'y a que la vérité qui dérange." Est-ce efficace ? Pas vraiment, il est difficile d'imaginer que la simple mention "la loi vous interdit de le croire" puisse convaincre celui qui y croit. S'il s'agit d'interdire que de telles thèses polluent les écoles et les universités, le simple bon sens historique peut démolir ce genre de travaux. Après tout, aucune loi interdit d'affirmer que Napoléon n'a jamais existé ou que la terre est plate, et ce n'est pas pour autant que les universités sont encombrées de ces docteurs ès fantasiae.
L'argument des pro-loi Gayssot ou équivalent est que "la négation d’un génocide n’est pas une opinion mais la continuation du crime de génocide" (voir plus bas dans l'appel au Sénat belge). Ce qui est vrai, la négation d'un génocide est effectivement une partie du processus subtil d'anéantissement d'un groupe, dans une graduation qui va de "ce groupe doit être éliminé" à "nous ne l'avons pas éliminé" jusqu'à "la preuve que nous ne l'avons pas éliminé, c'est que ce groupe n'a jamais existé." La tactique de la négation du crime par la mise en cause de l'existence de la victime, quoi. Donc il est certainement louable de vouloir protéger la parole ou la mémoire des victimes, mais je me demande si cet excès de zèle ne leur est finalement pas préjudiciable, car rien ne décrédibilise plus une parole qu'être forcé de l'approuver par avance, sans doute possible, sans remise en question. C'est faire de l'Histoire, ou du témoignage, un dogme qu'on ne saurait remettre en cause sous peine de blasphème. Or on n'écoute pas les dogmes, on n'y réfléchit pas, on les avale ou on fait semblant, on les pose dans un coin et on n'y touche plus. Pas sûre que c'est vraiment cela qu'attend une victime d'actes génocidaires.
Le génocide arménien n'a pas été reconnu par l'ONU. C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer (mais l'ONU bon, on sait ce que ça vaut), après un jugement semblable à celui qui fut fait par le Tribunal permanent des peuples, ou bien, mieux encore, que la Cour International de La Haye s'en charge, les historiens y venant comme témoins, à charge ou à décharge, et les juristes tranchant sur la nature du crime. Un jugement rendu par une instance internationale, au dessus des Etats-nations aurait tout de même plus de poids que ces gains au coup par coup, dans un pays ou un autre, qui fait que certains débats peuvent avoir lieu ici et là-bas non, de sorte que les deux partis peuvent s'envoyer dans le nez leurs anathèmes mutuels.
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