Les trois fronts d'Al-Dawla al-Islamiyya ou "Victoire islamique" : I. L'Irak



Au matin du 7 juin les premières attaques de l’État islamique en Irak et au Levant contre les forces irakiennes à Mossoul entraînèrent une débandade aussi surprenante que spectaculaire des militaires, et les milices djihadistes, en deux jours, purent occuper la totalité de la ville, dont les bâtiments du gouvernorat, l’aéroport international et toutes les bases de la police et de l’armée. Cinq cent mille habitants se jetèrent alors sur les routes, dans un exode peut-être autant dû à la panique de possibles bombardements de l’aviation irakienne  qu’aux combats qui faisaient déjà rage dans la ville.

Malgré ses appels télévisés où il avait appelé au préalable toutes les forces combattantes de Mossoul à faire face, le gouverneur de la province, Osama An-Nudjayfi,  encerclé par une centaine de militants d’EIIL, a fini par s’échapper lui aussi, et à être évacué sur Erbil, avec l’aide des Peshmergas, ainsi que la majorité des étrangers, hormis le personnel du consulat turc qui, pour des raisons inconnues, refusa d’évacuer les lieux et est actuellement otage de l’organisation. De même une trentaine de chauffeurs routiers venus de Turquie ont été faits prisonniers et (relâchés).

Les peshmergas ont aussi réussi, sans aucune perte, à libérer et évacuer environ 600 étudiantes, originaires de diverses provinces irakiennes, et prises au piège parmi les combats, trois jours durant dans les dortoirs de leur université, qui ont ensuite été convoyées au nord de Mossoul, dans les régions sécurisées par les Kurdes.

Enfin, le 10 juin, la fuite désordonnée des soldats irakiens et la perte de la province de Ninive ne faisait plus de doute. Les images de soldats ayant laissé sur place toutes leurs armes et chars (au profits d'EIIL), et s’étant débarrassés de leurs uniformes pour se camoufler en civils, ont stupéfié les Irakiens comme le reste du monde, en raison de la disproportion numérique des combattants (3000 pour EIIL, environ 73 000 pour les Irakiens en plus des forces de police) et de l’armement incontestablement supérieurs des Irakiens, armement fourni par les USA.

Dans une allocution cette fois donnée d’Erbil, Osama Al Judayfi a accusé les généraux de « déloyauté » et d’avoir fui en laissant la ville seule face à l’avancée des djihadistes.

Les réfugiés, de Mossoul même ou de ses environs, craignant tout autant les bombardements de représailles de l’armée que la terreur d’EIIL, pris sous le feu et voyant s'enfuir toute l'armée, se ruèrent en direction du Kurdistan, alors que les Peshmergas se dépêchaient de prendre position dans presque tous les territoires à majorité kurde, et assuraient ainsi la protection de régions dont la population non musulmane pouvait apparaître comme des cibles de choix, comme Shingal  et ses yézidis, al Qosh et Qarqosh, peuplées de chrétiens et/ou de shabaks et de yézidis, qui elles-mêmes, accueillaient le flot de fuyards en provenance de Mossoul. Le poste-frontière de Rabia, attenant à la province kurde de Hassaké en Syrie a vu même une certaine coordination des forces YPG passant peut-être de l’autre côté (au dire des YPG mais sans confirmation des Peshmergas), le temps que les troupes kurdes arrivent d’Erbil, afin d’en chasser EIIL et de boucler ainsi la région de Shingal. 

Mais c’est surtout la ville de Kirkouk et d’autres localités kurdes plus au sud, comme Djalawla, qui ont vu un grand renfort de Peshmergas, comblant le vide laissé par les troupes irakiennes, lesquelles ont fui comme à Mossoul.

Au soir du 10 juin, Osama Al Nudjayfi pouvait annoncer que toute la province de Ninive était occupée par les Djihadistes, hormis les régions gardées par les Kurdes. La province de Salahaddin est tombée rapidement aux mains de l’EIIL et malgré les fanfaronnades de Nouri Maliki assurant que ses troupes allaient réoccuper Mossoul dans les 24 heures, il est apparu très vite que l’Irak était à présent coupé, militairement et politiquement en 3 zones : kurde, sunnite et chiite.

Les explications données par les premiers témoins de la défaite irakienne ont été contradictoires et confuses. Les soldats, réfugiés au Kurdistan en attendant d’être évacué chez eux via l’aéroport d’Erbil, ou bien soignés dans les hôpitaux de la capitale ou de Duhok, faisaient état de groupes trop bien entraînés (le manque de formation et de bonne forme physique de l'armée irakienne étaient relevés depuis des années), aguerries au combat de rue (ce que ne sont pas les soldats, hormis les Peshmergas). Mais de nombreuses voix indiquaient aussi une fuite subite et dédordonnée des officiers, dont les généraux eux-mêmes, soit après avoir lancé un mot d’ordre de retraite à leurs troupes, soient en les ayant laissées à elles-mêmes sans aucune instruction. 

Pour finir, il apparaît surtout que la politique de débaathisation de l'armée initiée par les Américains en 2003, qui a fini par être une désunnisation, a fait des troupes de Mossoul une armée d'occupation détestée, composée d'hommes qui n'avaient aucune envie de mourir pour cette ville et sa province, et peut-être pas non plus pour Nouri Maliki. 

Les relations très conflictuelles du gouvernement central avec la population sunnite d’Irak ont, en tout cas, induit une certaine passivité de cette population à l’approche des djihadistes, qui, selon certains, ne pouvant pas être pires que les chiites. 

Le 11 juin, les Djihadistes avaient pris Tikrit (et la raffinerie de Baiji, ce qui a plongé tout le pays et le Kurdistan dans une pénurie générale d’essence) à moins de 200 km de Bagdad. Le porte-parole de’EIIL, ABu Muhammad Al Shami Al Adnani, annonçait sans aucune équivoque, que leur ambition était de marcher sur Bagdad et des témoins locaux ont mentionné des tentatives de prendre Samarra d'où ils auraient été repoussés. 

Il est cependant exclu que Bagdad et les provinces chiites puissent tomber aussi facilement que les régions sunnites, dont le sentiment anti-Maliki les pousse, au mieux à l’indifférence, au pire à cillaborer ouvertement avec EIIL, notamment avec ses mouvances post-Baathistes. Les chiites, par contre, comme les Kurdes, ne livreront jamais leurs villes (et encore moins les lieux saints de Nadjaf et Kerbelah, directement menacées par l'EIIL dont le programme de destruction des tombeaux, lieux de culte et de pèlerinage rejoint celui des Wahabites, mais en plus radical). 

La réponse de Nouri Maliki et de son entourage politique à l’avancée des milices et à ce qui est aussi une insurrection sunnite irakienne, a été à la fois incohérente et dangereuse, appelant ainsi l’armée à combattre l’ennemi jusqu’au bout, tout en menaçant ses officiers déserteurs de tribunal militaire et de mort ; appelant la population (surtout les chiites) à former des milices volontaires, ce qui redonne du poids à son vieil ennemi Moqtada as Sadr et fait courir le risque d’exactions ou de règlements de compte sommaires entre groupes armées ainsi que des menaces sur les populations non chiites (notamment les Kurdes et les sunnites vivant à Bagdad, ouvertement désignés comme traitres et complices d’EIIL) ; refus de quitter ses fonctions de Premier Ministre, de chef des armées et de police, refus d'un gouvernement national d'urgence, comme le suggéraient les USA et l'UE, mais appel à une intervention militaire américaine ; réunion du Parlement le 12 juin, lequel n’a pu voter faute d’avoir atteint son quorum (seulement 128 députés présents sur 328) et donc annulation de la session, puis nouvelle réunion du Parlement aujourd'hui, afin d'élire d'abord un nouveau président d'assemblée et le président irakien (qui a charge de désigner son Premier Ministre), départ des députés sunnites et kurdes invectivés par des chiites, la liste de Maliki, État de droit affirmant disposer d'assez de votes pour élire un président au parlement et pourquoi pas irakien, etc.

L’action des milices d’auto-défense a aussi ses limites en fonction du terrain. Ainsi la ville des chiites turkmènes de Tell Affar avait refusé la proposition des Peshmergas d’entrer dans la ville pour en assurer la défense. Quelques jours plus tard, ayant attendu en vain l’arrivée des troupes irakiennes, ils ont dû fuir à leur tour en masse vers le Kurdistan, pris entre le feu des Djihadistes et les bomardements aériens des Irakiens demandant les secours des Peshmergas et certains réclamant même l’intégration dans la nouvelle Région kurde. De même à Qaraqosh, les Peshmergas ont dû intervenir pour sauver la ville d'une tentative de prise d'EIIL, ce qui a entraîné un nouvel exode éclair de chrétiens.

Quant aux États-Unis, rendus « responsables » de la situation de l’Irak post-Saddam, notamment en raison du soutien politique et militaire qu’ils n'ont cessé d’accorder à Maliki, sans écouter les mises en garde des Kurdes sur le danger que courait l’Irak, ils ont annoncé, via la bouche de son président, Barack Obama, qu’il n’y aurait aucun retour de troupes américaines sur place ni frappes aériennes, malgré la demande ouverte de plusieurs responsables politiques au sein du parti de Maliki. Le « soutien » pourrait se résumer à des vols de drones, en plus de l’envoi de 300 conseillers militaires ainsi que celui de 200 membres de forces de sécurité dans Bagdad, notamment pour protéger l’ambassade. Barack Obama a clairement reconnu que le problème  (et sa solution) résidaient plus dans la gestion politique du gouvernement actuel que dans un déficit de force de frappe. Des experts militaires, comme le Lt Colonel Ralph Peters, s'exprimant sur Fox News n'a pas hésité à qualifier l’Irak de « fini » et la réconciliation impossible entre toutes ses composantes ethniques et religieuses, tant les haines semblent « trop profondes ».

Le 23 juin, le secrétaire d’État John Kerry partait pour Bagdad, pour y rencontrer les principales forces politiques du pays, hormis les Kurdes qui ont décliné l’invitation à se rendre dans la capitale irakienne, obligeant John Kerry à faire le voyage à Erbil le lendemain.

Pour le moment, le front se stabilise autour de Tikrit où l’armée irakienne piétine, sans pouvoir reprendre la ville en attendant des renforts, notamment l’arrivé de cinq bombardiers venus de Russie. 

Si à Bagdad semble régner un certain immobilisme, les troupes d’EIIL ne bougeant guère en direction des zones chiites, l’organisation a assuré la jonction avec ses bases syriennes, en s’emparant de tous les postes-frontières irakiens bordant la Syrie, hormis celui de Rabia tenu par les Kurdes Peshmergas (le côté syrien, Yaroubia, est tenu par les YPG). Ainsi se forme, en arc, la continuité territoriale de l’État islamique, qui court le long de provinces sunnites arabes, de Deir ez Zor à Tikrit. En parallèle, au nord, longeant presque cet État, les Kurdes forment aussi un arc, à cheval sur les deux frontières, allant de Hassake à Kirkouk.

Au-delà de l'Irak et de la Syrie, le but d'extension à tout le Proche-Orient d'EIIL était affiché dès le départ dans son nom même (Levant traduit 'Sham', qui n'est pas l'actuelle Syrie). Hier, 30 juin, EIIL a élevé encore son ambition territoriale en revendiquant tout le Dar al Islam, puisque son leader, qui se faisait appeler ‘Abu Bakr Al Baghdadi », s’est auto-proclamé calife de tout l'Islam, sous son vrai nom, Ibrahim, lors de la première nuit de Ramadan. Les sites affiliés ou synpthisants d’EIIL publient à cet effet des cartes où les limites de ce qui s’appelle désormais État islamique tout court, vont d'Espagne jusqu'en Asie centrale et au Pakistan (limites du califat omeyyade), et englobent parfois même les Balkans et toute l"Europe centrale jusqu'à l'Autriche (en repoussant encore les limites d'extension maximale de l'empire ottoman), mais en tenant toujours Bagdad, la capitale des califes abbassides, pour centre de ce nouveau califat. 

En même temps que la proclamation  califale, le porte-parole d’EI vient de révéler la généalogie qui « prouverait » son lignage de Qurayshite et de descendant du prophèteCar si, en principe, le califat des sunnites était, au contraire des chiites,électif, comme l’aurait recommandé sur son lit de mort Muhammad, depuis la mort d’Ali, le titre de commandeur des croyants est devenu dynastique et les Abbassides qui renversèrent les Omeyaades étaient aussi des parents du Prophète (le titre de calife décerné aux sultans ottomans le fut surtout par les Européens qui ne comprenaient pas trop ces subtilités et ne fut jamais vraiment arboré par les Turcs, sauf au moment de l’abolition du Califat en 1923). 

Enfin le terme Dawla, que l'on traduit par État, signifiait à l'origine « victoire, succès, bonne fortune au sens cosmique » et fut surtout utilisé en ce sens au début des Abbassides, peut-être pour indiquer que leur accession au califat était dans l’ordre des choses, conforme au cycle de la roue politique. Il finit par être tellement attaché au pouvoir en place qu’il en vint à être synonyme de dynastie, puis signifier État.

Ainsi al-Dawla al-Islamiyya peut être traduit comme État islamique, mais aussi comme nouveau cycle, au sens de révolution/renversement islamique, avènement, victoire de l'Islam face au monde entier, séparé dans cette acception en territoire de la guerre (celui des infidèles donc l'ennemi) et territoire de l'Islam (celui soumis au calife). Ibrahim appelle logiquement à une allégeance immédiate de tous les musulmans sous peine d'apostasie de leur part et de se voir basculer dans le Dar al Harb (territoire de la guerre). C'est pour cela qu'il destitue de toute légitimité les dirigeants religieux et séculiers des États musulmans. 

Le nouveau « calife » Ibrahim avait annoncé ce programme restauratif dans ses noms de guerre antérieurs : Abu Bakr est le premier calife de l'Islam, peu apprécié des chiites, car ayant été le premier « usurpateur », selon eux, à prendre ce titre en lieu et place d’Ali. C’est aussi le père d’Aïsha, l'épouse remuante du Prophète, qui affronta le même Ali à la bataille dite du Chameau. C’est aussi le seul des quatre premiers califes – Omar, Othman et Ali – à ne pas avoir été assassiné, ce qui indique un certain optimisme de la part du leader d'EI. Ces 4 califes sont dit les « rashidun », les droits, les bien-guidés, parce que considérés par les sunnites comme ayant dirigé l’Islam selon la pure voie de la religion, à l’exemple du Prophète (le statut d’Ali peut être cependant ambigu pour les ultra sunnites très anti chiites). Après eux, le califat ommeyyade puis abbasside se déchira dans des successions non plus électives mais dynastiques, avec des califes à la stature de moins en moins spirituelle et de plus en plus impériale. 

Mais si le règne des califes 'rashidun' apparaît comme l'âge d'or du gouvernement religieux, le prestige de l'empire abbasside et de la civilisation musulmane florissante et avancée – totalement incompatible par ailleurs avec le programme politique d'EI– exerce encore son influence en donnant à Bagdad (ville nouvelle fondée par les Abbassides) une aura qui a largement éclipsé celle de la ville antique de Damas. C’est en tout cas de Bagdad qu’a choisi de se réclamer, dans sa nisbah Al Baghdadi, le prétendant au califat.

L'État islamique arbore d’ailleurs, dans ses étendards et la tenue de ses combattants, la couleur noire qui fut celle de la dynastie abbasside, par opposition au vert des Omeyyades. Et si ces derniers furent les acteurs du drame de Kerbelah (où le deuxième imam chiite fut tué), c’est sous le règne, réel ou symbolique, des Abbassides que se déroulèrent les grandes luttes intestines entre sunnites et chiites (par exemple avec les Ismaéliens d'Alamut ou du Caire, ou les Qarmates de Bahreïn), ainsi que quelques persécutions contre les « hérétiques » manichéens de Perse.

En prenant Mossoul et les régions sunnites, l"EIIL a appelé à s’unir contre « l’armée safavide ». Ce terme, fait référence à la dynastie originaire d’Azerbaïdjan, d’abord alévie et puis chiite, qui fit basculer l’Iran dans le chiisme à partir du 16e siècle. Saddam Hussein s’en était déjà servi dans la guerre Iran Irak des années 1980, dans un mot d’ordre qui mêlait nationalisme arabe contre la Perse, mais aussi lui permettait de brandir l'étendard du sunnisme et de s’assurer le soutien des États voisins contre la République islamique qui inquiétait nombre de pays du Golfe. C’est aussi en tant que « safavides » que furent massacrés ou déportés des milliers de Kurdes chiites (faylis)  puis des centaines de milliers de chiites arabes, après 1991. L'ennemi immédiat, la cible principale de ces djihadistes semble bien être le chiisme arabe,  mais aussi iranien (c'est en tout cas ainsi que l'Iran l'a compris).

 Il faut cependant noter que ses méthodes de coercition et de mort punitive à l'encontre des musulmans déviants, taxés de kafir (indifèles) c’est-à-dire déchus de la qualité de musulmans dès qu’ils se retrouvent en état de « faute », méthodes déjà pratiquées par les Takfiri (d'où leur nom) du temps de Zarqawi, est un trait de l'ancien mouvement dissident kharidjite, qui prônait un califat non seulement purement électif mais aussi le droit de renverser et même de tuer le remplaçant du prophète dès qu’il s’avérait indigne de sa charge. C’est ce qui arriva à Ali, qui fut assassiné par ces zélés puristes (encore un point qui renchérit sur le programme anti-chiite).

Ce programme totalitaire ne va évidemment pas leur rallier tous les musulmans ni ne leur faire que des amis, même au sein des autres groupes djihadistes. La restauration du califat était aussi un des points envisagés par Al-Qaïda, mais si tous les djihadistes ou presque rêvent du califat, c’est un peu comme l'unité nationale arabe (ou kurde) : tout le monde la souhaite mais sous sa propre bannière. Les Baathistes ou ex-Baathistes d'Irak ayant collaboré avec EIIL, ne vont peut-être pas apprécier longtemps un tel programme. 

Cependant, les succès stupéfiants d’EI en Irak (les victoires militaires sont, depuis le début de l’islam, vues comme un signe de l’assentiment divin aux entreprises) galvanisent les nostalgiques d’un âge d’or de l’Islam, en décadence depuis l’époque moderne, de par la division des croyants et leur sujétion à l'Occident. Des petits groupes peuvent ainsi être séduits (sans parler des jeunes combattants  exaltés et désireux de participer à la grande aventure) ; d’autres groupes vont bien sûr regimber contre cette prétention de domination universelle. Après tout, il faut se souvenir que le début de l’ère abbasside fut aussi celui du morcellement du califat, avec le dernier Omeyyade s’enfuyant de Syrie pour fonder le califat d’Espagne, la sécession politique des provinces d’Iran oriental (Samanides, Saffarides) ou du sud-Irak (les Zandj) ou l’émergence du califat chiite fatimide s'imposant en Afrique du nord et puis en Égypte et en Syrie
Ainsi, en Irak et en Syrie, plus que les minorités chrétiennes, les cibles principales d'EI sont d'abord les chiites, qualifiés d’apostats ou d’hérétiques, ce qui est puni de mort, et puis les religions non comprises dans la protection recommandée par la sharia, c’est-à-dire les Yézidis, les Shabaks, les Mandéens, tour à tour vus comme des apostats ou des polythéistes, voués aussi à une mort immédiate à moins de conversion. Les chrétiens, eux, peuvent espérer s'en sortir avec le statut de soumis-dhimmis, qui peut leur permettre de survivre tant bien que mal (à peu près comme des juifs russes ou polonais dans les anciens ghettos du temps des tsars).

Il est peu probable que la « capitale » de l’État islamique soit un jour Bagdad, en raison des féroces résistances locales (on voit mal EI s’emparer des méandres de Sadr City) et la province de Deir ez Zor en Syrie offre une base plus sûre. Mais en Syrie, EI va continuer de se battre contre l’Armée Syrienne de Libération et d’autres milices djihadistes. Cela peut contaminer le Liban, directement menacé de par ses  camps de réfugiés et la porosité de la frontière avec la Syrie qui ont fait de ce pays la base-arrière de tous les belligérants syriens ; la Jordanie commence à être vue comme une autre cible. Si cette dernière assure ne pas craindre de finir comme l’Irak, Israël appelle déjà l’OTAN à se soucier de la protection de son voisin, d'autant que le désespoir palestinien, déçu par le Hamas et par l’OLP peut leur fournir aussi des recrues. 

En même temps qu'Israël s'inquiète pour la Jordanie, il appelle de ses vœux, en la personne même de Benjamin Netanyahou, l'indépendance du Kurdistan, vu peut-être comme un futur allié, au grand dam de l’iran. 

Ce qui va nous amener à porter notre regard sur le deuxième front d’EI, celui de Ninive et de Kirkouk, où il fait face aux Kurdes, qui ont récupérés 95% des territoires dont ils réclamaient la restitution.


(prochain épisode II Le Kurdistan).

Commentaires

  1. Bel éclairage.
    2 petites précisions : le (bunker) consulat turc était le seul consulat étranger de Mossoul. Quant aux 31 routiers ils n'ont toujours pas été relâchés. Leurs ravisseurs réclameraient une rançon de 50 000 $ par camion (28 en tout )rançon revue à la baisse depuis que les autorités turques ont pris en main les négociations. A l'origine elle était de 5 M $. Cette annonce par le gouvernement augure peut-être une libération imminente. Je me demande si leurs ravisseurs ne voulaient aussi pas aussi mettre la main sur leur chargement (pour peu qu'ils étaient chargés en pétrole raffiné). Les employés des entreprises de construction turques qui travaillaient à Mossoul ont pu quitter la ville par contre.

    Sinon l'épisode de la session parlementaire interrompue au bout de 20 mn de ce matin est atterrant alors que le pays au bord de la guerre civile. Certes la responsabilité de Maliki est écrasante, mais c'est aussi toute une classe politique qui paraît au dessous de tout.

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  2. Autres remarques : On sait depuis longtemps qu'Israël est favorable à un Kurdistan indépendant. Mais pourquoi s'est-il ainsi précipité pour l'afficher publiquement ? Cela ne peut qu'alimenter les thèses de complotisme (USA/Israël) qui se déchainent chez les nationalistes turcs, en Iran et dans l'opinion arabe. Était-ce bien utile ? Et en quoi cela peut-il servir les Kurdes ?

    Dernière chose : les extrêmes inégalités sociales qui caractérisent l'Irak post 2003 fournissent aussi un terreau de recrutement formidable pour ISIS dans les villes conquises (comme pour les milices shiites d'ailleurs)

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  3. Et pourquoi les Kurdes n'auraient pas de relations diplomatiques et économiques avec Israël ? Alors qu'ils en ont bien avec la Turquie (qui, que je sache n'a pas rompu tout lien avec Tel-Aviv). Ce n'est pas comme si c'était Israël qui les avaient massacrés, gazés et interdits d'existence… L'opinion arabe ferait mieux de se pencher sur la situation des droits de l'homme (et de ses minorités) dans ses États avant de hurler au scandale.

    En tout cas, il est amusant de lire que le PKK et les nationalistes turcs parlent d'une seule bouche.

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  4. Effectivement, les chauffeurs routiers viennent d'être relachés. Ils seraient conduits au...camp de réfugiés pro PKK de.Mahmur, à 30 km d'où ils avaient été enlevés.
    Visiblement AKP profite de l'occasion pour faire un appel du pied à l'électorat kurde BDP/ HDP

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