Amêdî en 1850




Percy George Badger (1815-1888), missionnaire anglican et orientaliste, versé particulièrement dans l’étude des églises d’Orient. Il fut ainsi nommé par l’archevêque de Cantorbery comme mandataire auprès des églises de Mésopotamie et du Kurdistan. 

Son livre est en 2 volumes, le second est une étude poussée et descriptive des rituels et de la liturgie nestorienne. Mais le premier narre ses expéditions de reconnaissance pour voir où en est, démographiquement et économiquement, la communauté nestorienne. Autant le dire : il ne semble guère apprécié l’entreprise de conversion des Nestoriens à l’église chaldéenne dont parlait Layard 4 ans plus tôt en 1846. Normal, il est Anglican et en tant que missionnaire, il doit peu aimer que Rome prenne la main. De plus, en tant qu’Anglais, il y voit aussi l’entreprise des Français… 


En 1850, c’est Mar Yousef qui est patriarche chaldéen de Mossoul qui est aussi évêque du siège épiscopal d’Amadiyya. À cette époque, Amedia est en effet chaldéenne et il n’y a plus d’évêque nestorien. 

 Donc il part de Mossoul le 21 février 1850 et c’est là qu’il rencontre la délégation de juifs d’Amadiyya venus se plaindre au pacha des exactions du gouverneur d’Amadia, dont parlait Mordechai Zaken

 « During the day we met a party of 15 Jews on their way to Mosul, whither they were going to petition the Pasha against the exactions of the Mutsellim of Amedia. The poor people seem driven by desperation and replied in answer to my question wehter they were not afraid of the governor’s vengeance : « He can do no more than take away our lives and death will deliver ur from the sufferings which we are now made to endure. » 

 Leur guide et contact auprès des Nestoriens d’Amedia est le prêtre nestorien de la ville, Kasha Mendu. Le 22 février, ils arrivent dans la plaine de Supna : 

 « There are many Christian villages still remaining in the Supna, but a great number have been deserted within the last few years. Half of a century ago all these villages were inhabited by Nestorians, but the greater part of those which remain have within that time joined the Chaldean community and are at present under the juridiction of Mutran Yoosef of Alkôsh, who is sometime styled Bishop of Amedia. At 6 pm we reached the Coordish village of Badi Resh where we put up for the night. » 

 À noter que Bede Resh, à l’époque, semble être un village kurde, c’est-à-dire musulman. Il ne parle pas de chrétiens (ou c'est un oubli). Le 23 février, ils arrivent dans un village au bas d’Amadiyya, Bêbadi (je retranscris l’orthographe qu’il donne). 

 « We were 3 hours in reaching Bebâdi, situated at the foot of Amedia. This village, which until very lately was inhabited by Nestorians, is now in ruins, but the church is still in good repair. The town of Amedia is built upon an isolated rock close under the Tcah Meteenah range, from which it is divided by a deep ravine. The ascent from all sides is steep and rugged, and it took us more than half an hour to reach the summit. A perpendicular scarp, varying from thirty to forty feet high, rises above the sloping sides of the hill, and forms a natural rampart round the whole circumference of the platform upon which the town is built. The town itself, which occupies the northern extremity of the area, is little better than a heap of ruins, and the rest is chiefly occupied by graves and a square castle built by the Coordish Pasha of Rawandooz, when he took possession of the place in 1832. This fortress is now garrisoned by 300 irregular troops. » 

Lui aussi impute au terrible déclin de la ville l’invasion du Mîr aveugle de Rawendouz, et puis l’occupation de la garnison ottomane d’Albanais que Layard a décrit en détail en 1846

Il décrit de même une hémorragie démographique, qui touche autant les chrétiens que les juifs, en raison de l’oppression sévère qu’ils subissent du gouvernement local, avec l’assentiment ou l’inertie du pouvoir ottoman. Selon Kasha Mendu, il y a 6 ans (donc autour de 1844), il y avait encore 14 villages nestoriens florissants dans la vallée de Supna,, maintenant quasi déserte et désolée. Il n’y a en 1850 pas plus de 100 familles nestoriennes. Tout Amadiyya souffre de son gouvernement et en quelques années elle serait passée de 2000 à 300 habitants. 

 Badger visite les ruines et la ville et indique l’absence d’église, ce qu’ils appellent église est un petit oratoire dans la maison de Kasha Mendu. Il affirme même : 

 ‘The Christians never having as yet permitted to build a church within the town of Amedia.’

À côté de la maison de prière nestorienne, il y une petite chapelle arménienne : il y a 2 familles arméniennes dont le prêtre dépendait du diocèse de Van (il a été rappelé au moment où Badger y est). En tout, il y 22 familles nestoriennes dans la ville, et 10 personnes chaldéennes (« 10 Chaldean souls) ». 

Il y a un passage intéressant où il est fait mention d’un ancien nom de la ville, qui n’est pas non plus Ashib : Badger acquiert un lectionnaire qu’il date de 600 ans, donc du 13e siècle, bien calligraphié, ‘in a large and beautiful hand’. Il y est mentionné ce qui serait un nom ancien d’Amadia : ‘This book was written at Kalaat Bibâka, which is Amedia. » La citadelle de Bibâka, donc. À voir si cela a une origine araméenne, kurde ou arabe, et qui lui donnait ce nom ?

 Des Nestoriens viennent leur rendre visite, ainsi que des Juifs, et Badger note que les 2 communautés semblent être en bons termes, puisqu’ils sont pareillement opprimés. Il visite la synagogue principale dans le quartier de la ville qui est réservé aux juifs : « a large apartment enclosed within a spacious court, round which on the inside runs a wide portico. » 

 Tout est détruit et pillé et les juifs ont peur de s’y réunir pour la prière, en raison des vexations et persécutions. Il y a 10 ans (en 1840), il y avait 500 familles juives et maintenant 50. Il y a une synagogue plus petite dans la ville et une maison de prières. Dans la plaine, Sindôr, un grand village près d’Amedî est entièrement habité par les juifs (env. 300 familles), 50 maisons. A Badi (Resh ?) l y a aussi quelques juifs et dans plusieurs villages une ou deux familles juives vivent au milieu des Kurdes. Bagder note bien sûr que les juifs parlent la même langue que les Nestoriens. 

 Il visite la citerne d’Amêdî que lui ne voit pas du tout comme un bâtiment cultuel, fût-il chrétien ou zoroastrien (je lui donne entièrement raison), d’autant qu’il a relevé plusieurs autres citernes semblables dans la ville, plus petites : 

 « a mere oblong ditch or trench, measuring 80 feet by 46, cut out of the solid rock, in which ten rough and misshapen masses of the parent stone were left as if to serve for the basement of as many pillars. This ditch, which is from 6 oto 8 feet, lies in a deep hollow, and I have no doubt was intented to be a cistern, of which there are many more of much smaller dimensions about the town. »





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